Top de fin d’année 2020

Voilà une catégorie que l’on alimente bien peu souvent sur Five-Minutes. Et pour cause. Il est néanmoins venu le jour de la dépoussiérer pour regarder une dernière fois dans le rétro. Oui, 2020 s’achève et on ne la regrettera pas. On l’a dit et redit : rarement année aura été aussi minable et à chier, sur à peu près tous les plans. Réussissant même à faire jeu égal avec ma 2015 à titre perso, et la surpassant de très loin si je regarde la globalité des faits, en faisant preuve d’altruisme. Donc 2020 casse-toi, on a hâte de passer à la suivante, même si, à bien y regarder, 2021 pourrait être assez grandiose également, puisque rien ne laisse espérer un twist encourageant dont le destin aurait le secret. Quoiqu’il en soit, s’il y a tout de même quelques bricoles à tirer de 2020, certaines se situent dans nos oreilles. Ça tombe bien, on est sur Five-Minutes et voici donc venu le moment de mettre en avant ce qui m’a accompagné (et bien souvent permis de tenir) dans cette misérable année.

Précision : la plupart des albums/titres évoqués ont fait l’objet d’un article sur le blog, lisible en cliquant dessus lorsqu’ils sont mentionnés. Et après chaque paragraphe, pour respirer, des pépites à écouter. Une rétrospective à parcourir/lire/écouter à votre rythme, comme bon vous semble.

2020 et son podium à 5 marches

De façon classique, je pourrais faire un Top 10 des albums de l’année, mais je préfère que l’on réécoute quelques bouts de galettes qui ont réussi à me toucher au-delà du raisonnable. Une sorte de Top 2020 totalement subjectif, où l’on n’écoutera pas que du 2020 d’ailleurs. En premier lieu (ou sur la première marche si vous préférez), il y a sans grande surprise Woodkid et son deuxième LP S16. Album sublime autant qu’il est sombre et pénétrant, voilà bien un disque qui a secoué ma fin d’année 2020. Quelques mois plus tôt, Woodkid avait déjà marqué l’été, avec Woodkid for Nicolas Ghesquière – Louis Vuitton Works One, soit plusieurs de ses compositions pour les défilés de mode Louis Vuitton. Deux moments musicaux incontournables pour moi, et qui placent cet artiste tout en haut. Woodkid succède donc à Thomas Méreur qui nous avait gratifié en octobre 2019 de son Dyrhólaey. Un album instantanément propulsé « Mon disque de l’année 2019 », mais qui, pour tout dire, a également beaucoup tourné en 2020. Parce qu’il est arrivé fin 2019. Et aussi parce qu’il est exceptionnel.

Juste derrière ces deux artistes, et sorti dans les mêmes moments que le EP Louis Vuitton de Woodkid, le EP Air de Jeanne Added, accompagné de son long et magnifique court métrage, a également bouleversé ma fin de printemps. En 8 titres, dont l’exceptionnel et imparable If you could let me be, voilà un opus de très haute volée qui concentre tout le talent de Jeanne Added, tout en allant un peu plus loin dans l’idée de concept EP. Comme un long morceau d’une trentaine de minutes, construit en plusieurs mouvements. Toujours sur le podium, sans place précise, le retour gagnant de Ben Harper le mois dernier avec Winter is for lovers : un album total instrumental et minimaliste, interprété uniquement sur une lap-steel guitare. Le résultat est inattendu et bluffant, de la part d’un grand musicos qui s’était, à mon goût, montré moins créatif ces dernières années. Autre opus sur le podium, tout aussi inattendu et bluffant : Trésors cachés & Perles rares, proposé par CharlElie Couture. Relecture et réinterprétation de titres anciens un peu oubliés ou restés dans des tiroirs, ce LP arrivé finalement assez vite après Même pas sommeil (2019) confirme, si besoin était, le talent et la créativité du bonhomme. Ainsi que sa capacité à se réinventer sans cesse. Ce qui est bien, finalement, en grande partie ce qu’on attend des artistes.

Ouvre les yeux et écoute

Cette année 2020 a aussi été marquée par des BO de très haute volée, dans des genres différents, qui ont tourné en boucle par chez moi. Blood Machines de Carpenter Brut accompagne le film éponyme de Seth Ickerman. Ce nouvel opus confirme toute la maîtrise synthwave de l’artiste, pour un travail collaboratif qui rend hommage au ciné SF des années 80 et à ses BO tout autant qu’à l’univers cyberpunk. Dans un tout autre style, mais pour rester dans la SF, 2020 aura vu la réédition dans un magnifique coffret 4 LP de l’OST du jeu vidéo NieR: Automata, et de ses préquels NieR Gestalt/Replicant. Sortis respectivement en 2017 et 2010, et donc accompagnés de leurs BO, on ne peut pas dire que ce soit du très neuf. Cependant, la réédition vinyle a été l’occasion pour moi de découvrir toutes ces compositions hallucinantes de Keiichi Okabe, tout comme le confinement du printemps m’a permis de plonger dans Nier: Automata pour découvrir, 3 ans après sa sortie, un jeu qui se place direct dans mon Hall of Fame du JV. Plaisir à venir : le printemps 2021 verra la sortie du remake PS4 de NieR Replicant, histoire de compléter la saga. Côté JV toujours, difficile de ne pas mentionner l’OST de Persona 5, sorti en 2016 au Japon et en 2017 ailleurs, et bénéficiant d’une version Royal depuis 2019 (Japon) et mars 2020 chez nous. Un jeu d’exception qui dégueule la classe à chaque instant, et sa BO n’y est pas pour rien. Enfin, sans m’attarder car j’en ai parlé pas plus tard que la semaine dernière, la BO de l’anime Cowboy Bebop, elle aussi excellente dans son genre, a bien accompagné ces derniers jours de 2020, à la faveur là aussi d’une chouette réédition.

Des rééditions et du plaisir renouvelé

Transition toute trouvée pour revenir, justement, sur quelques rééditions importantes en 2020, notamment sur le support vinyle. Certains diront que ce dernier retrouve ses lettres de noblesse, alors qu’en vrai il ne les a jamais perdues. Number one : PJ Harvey et l’entame de la réédition de sa complète discographie. Les festivités ont débuté mi-2020 avec Dry, et se poursuivent toujours à l’heure actuelle. On attend pour fin janvier Is this desire ? et sa galette de démos. Oui, c’est l’originalité et la beauté de cette campagne de réédition : chaque album solo est accompagné du pressage parallèle des démos de chaque titre. En bref, des ressorties de haute qualité, sur le fond comme sur la forme. Même combat chez Pink Floyd, avec le retour en version augmentée et remixée/remasterisée du live Delicate Sound of Thunder. Une prestation de très haute volée qui se voit magnifiée d’un packaging du plus bel effet, mais surtout d’un son nettoyé et retravaillé pour rééquilibrer l’ensemble et ressusciter les claviers de Rick Wright sans qui Pink Floyd ne serait pas Pink Floyd. Fascinant et indispensable. Tout comme Gainsbourg en public au Palace, republié en septembre dernier en double LP 40 ans après sa première sortie. Un nouveau mixage là encore, qui fait la part belle à l’essence même du son reggae adopté à l’époque par Gainsbourg : basse bien ronde et percussions détachées bien mises en avant, pour accompagner la voix de Gainsbourg qu’on n’a jamais aussi bien entendue pour cette captation.

Les incontournables, hors du temps

Voilà ce qui ressort de mon année musicale 2020, ce qui fait déjà de quoi occuper une bonne poignée d’heures. Toutefois, ce top de l’année serait bien incomplet si je n’évoquais pas des hors temps/hors catégories qui m’ont largement accompagné pendant ces 12 mois. A commencer par Archive, encore et toujours. Le groupe n’en finit pas de me coller à la peau, et ce n’est certainement pas le duo 2019-2020 qui va changer les choses. Pour rappel, les londoniens ont entamé en 2019 la célébration de leurs 25 années d’existence, avec dans l’ordre la sortie d’un méga coffret sobrement intitulé 25, puis une tournée dantesque et toujours sobrement intitulée 25 Tour qui a donné lieu à un album 25 Live offert en ligne. Clôture des festivités en cette fin 2020 avec Versions (août 2020), un album d’auto-relecture de 10 titres, puis Versions: Remixed (novembre 2020), ou 11 titres revisités presque du sol au plafond. Archive toujours donc, tout comme Hubert-Félix Thiéfaine et la totalité de sa discographie. J’avais fait de Petit matin 4.10 heure d’été (2011) un son estival, mais au-delà ce sont tous les titres de HFT qui reviennent régulièrement m’emporter, me porter ou me supporter (au choix du mood).

Et pour quelques pépites de plus…

Question mood justement, la plongée dans les archives de Five-Minutes m’a permis de voir que j’avais chroniqué deux fois, sans m’en apercevoir, Where is my mind ? (1988) de Pixies : une fois en Five Reasons, une autre en Reprise Ça ne trompe pas, puisque c’est un titre qui me hante depuis des années, dans sa version originale comme dans ses multiples reprises, et qui a bien trouvé sa place en 2020. Et puisqu’on en est à des titres récurrents et persistants, je pourrais terminer en citant en vrac Bright lies (2017) de Giant Rooks, Cornerstone (2016) de Benjamin Clementine, Assassine de la nuit (2018) d’Arthur H, Indigo Night (2018) de Tamino ou encore Sprawl II (Moutains beyond moutains) (2010) d’Arcade Fire.

Nous arrivons au bout de cette virée dans mon 2020 musical, en même temps que nous atteignons le bout de l’année. Un peu plus tôt dans la journée, Sylphe a livré un gargantuesque double top 2020 fait de 20 albums et 60 titres. Je vous invite évidemment à y plonger, histoire de passer en 2021 avec du bon son. Avant de laisser 2020, un grand merci à vous tous qui nous lisez régulièrement ou plus épisodiquement, puisque comme l’a expliqué Sylphe, nous avons doublé la fréquentation du blog cette année. Voilà qui fait très chaud au cœur et qui nous incite à poursuivre l’aventure ! Une aventure dans laquelle j’ai plongé voici quelques années à l’invitation de Sylphe, et que je peux bien remercier lui aussi très chaleureusement : si ce monde, qu’il soit de 2020 ou pas, reste supportable et vivable, c’est grâce à quelques potos comme lui et à la musique. Five-Minutes réunit les deux. On vous retrouve en 2021 ?

Pour le plaisir, un dernier son culte tiré d’un album total culte (et ce n’est pas Sylphe qui me contredira) : Christmas in Adventure Parks by Get Well Soon. Ou le nom d’un artiste qu’on aimerait être un bon présage pour la suite.

Raf Against The Machine

Top de fin d’année 2020 Titres et albums

Voilà une nouvelle année écoulée et quelle année… Si je peux me permettre une litote osée, cette année n’était vraiment pas folichonne… Clairement le monde de la musique subit les conséquences désastreuses de cette foutue COVID et le ralentissement des sorties a bien eu lieu ce printemps surtout, compensé par un automne gargantuesque. Paradoxalement, les confinements auraient dû me permettre d’écouter encore plus de musique mais ce ne fut pas le cas, tout du moins j’ai délaissé les nouveautés et préféré écouter des albums refuges qui m’ont bercé de leur douce nostalgie (le sacrosaint « monde d’avant » utilisé à tout bout de champ par les médias). Heureusement que mon pote Raf Against The Machine a gardé la foi et son rythme pour faire vivre ce blog et compenser ma réelle baisse de régime, grâce à lui surtout nous avons doublé la fréquentation de Five-Minutes par rapport à 2019! J’en profite pour remercier nos lecteurs anonymes, réguliers ou ponctuels, qui, je l’espère, ont pu piocher de bons sons ici. Je ne peux que souhaiter que nous continuions à faire progresser la fréquentation du blog car il faut reconnaître que c’est toujours gratifiant de se savoir lus à une époque où les blogzines peinent de plus en plus à attirer et fidéliser. Pour ce faire, même si 2021 ne paraît pas placée sous les meilleurs auspices, je retrouverai avec enthousiasme mon rythme de 2019 avec deux articles par semaine car la musique, même si certains la considérent au même titre que l’art en général comme non-essentielle, est un refuge savoureux et jouissif. Un refuge face à un monde complexe mais aussi quelquefois une manière de fuir le bonheur comme l’affirmait avec une pointe d’ironie Cioran « La musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur. » A Five-Minutes, nous ne doutons pas du caractère essentiel de la musique!

Pour en revenir au sujet de cet article, même si j’ai moins écouté/chroniqué de nouveautés qu’en 2019, 2020 reste tout de même un très beau cru. Un numéro 1 incontestable en la personne de Terrenoire et sa poésie pleine d’émotions, des retours inattendus (The Strokes, The Avalanches, The Killers), des albums solos pour des artistes issus de groupes adorés (Will Butler, NZCA Lines, EOB), des valeurs sûres (Caribou, Sufjan Stevens), le retour en force de la langue française (Gaël Faye, Octave Noire, Biolay, Grand Corps Malade), de belles nouveautés (Milo Gore, JB Soulard, Georgia, Arandel) et ma tendance à aimer la musique électronique sous toutes ses formes (Les Gordon, Thylacine) donnent une fière allure à ce top 20. Le top 60 des titres devrait vous permettre de découvrir des titres marquants de cette année 2020 qu’on va gentiment mettre de côté afin d’aborder 2021 pleins d’ondes positives.

Top albums 2020:

1. Les forces contraires de TERRENOIRE

2. Generations de Will Butler

3. Lundi méchant de Gaël Faye

4. The New Abnormal de The Strokes

5. Monolithe d’Octave Noire

6. Suddenly de Caribou

7. ALTURA de Les Gordon

8. We Will Always Love You de The Avalanches (chronique à venir)

9. The Ascension de Sufjan Stevens

10. Imploding The Mirage de The Killers

11. Grand Prix de Benjamin Biolay

12. Pure Luxury de NZCA Lines

13. ROADS Vol.2 de Thylacine

14. How Do You Cope While Grieving For The Living de Milo Gore

15. Mesdames de Grand Corps Malade

16. Le Silence et l’eau de Jean-Baptiste Soulard

17. Earth d’EOB

18. There Is No Year d’Algiers

19. Seeking Thrills de Georgia

20. InBach d’Arandel

 

Top titres 2020:

  1. Derrière le soleil de Terrenoire
  2. Seuls et vaincus de Gaël Faye et Mélissa Laveaux
  3. You and I de Caribou
  4. Monolithe humain d’Octave Noire et ARM
  5. L.E.D. de Les Gordon
  6. At The Door de The Strokes
  7. Ca va aller de Terrenoire
  8. The Divine Chord de The Avalanches, MGMT et Johnny Marr
  9. Run Away With Me de Sufjan Stevens
  10. Bethlehem de Will Butler
  11. Mon âme sera vraiment belle pour toi de Terrenoire
  12. We Can’t Be Found d’Algiers
  13. I’m Not Your Dog de Baxter Dury
  14. Jusqu’à mon dernier souffle de Terrenoire
  15. Altura de Les Gordon
  16. Allegri de Thylacine et Gregorio Allegri
  17. Oh The Sunn! de The Avalanches et Perry Farrell
  18. My Own Soul’s Warning de The Killers
  19. Comment est ta peine? de Benjamin Biolay
  20. Sous blister d’Octave Noire
  21. Make Me An Offer I Cannot Refuse de Sufjan Stevens
  22. Pure Luxury de NZCA Lines
  23. Never Come Back de Caribou
  24. ЧЕРНОЕ ЛЕТО de Toxic Avenger
  25. J’ai choisi d’Octave Noire et Dominique A
  26. There Is No Year d’Algiers
  27. Green Eyes de Milo Gore
  28. Lueurs de Gaël Faye
  29. The Adults Are Talking de The Strokes
  30. 24 Hours de Georgia
  31. On de Kelly Lee Owens
  32. Respire de Gaël Faye
  33. We Go On de The Avalanches, Cola Boyy et Mick Jones
  34. Not Gonna Die de Will Butler
  35. Shangri-La d’EOB
  36. Mais je t’aime de Grand Corps Malade et Camille Lellouche
  37. Alda de Thylacine
  38. Honey Dripping Sky de Georgia
  39. Parade de Les Gordon
  40. Interstellar Love de The Avalanches et Leon Bridges
  41. Los Angeles d’Octave Noire
  42. Comme une voiture volée de Benjamin Biolay
  43. My God de The Killers, Weyes Blood et Lucius
  44. Prisoner of Love de NZCA Lines
  45. Never Let You Go de Georgia
  46. Fall Please de Tricky et Marta
  47. La fin du monde de Terrenoire et Barbara Pravi
  48. Le désert de Sonora de Chapelier Fou
  49. Brasil d’EOB
  50. Chemins de traverse de Grand Corps Malade, Julie et Camille Berthollet
  51. Isba de Jean-Baptiste Soulard et Blick Bassy
  52. Ces mains-là d’Arandel et Areski
  53. Fine de Will Butler
  54. Rent Boy de Toxic Avenger et Jay-Jay Johanson
  55. C’est cool de Gaël Faye
  56. Une soeur de Grand Corps Malade et Véronique Sanson
  57. Jade de Milo Gore
  58. Truth Nugget d’Helena Deland
  59. New Jade de Caribou
  60. On Your Side de The Innocence Mission

Bon réveillon à toutes et à tous, on se retrouve en 2021, enjoy!

Sylphe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Five Titles n°17 : Cowboy Bebop (1998/2020) de Seatbelts

CBA l’heure où à peu près tout le monde récapitule 2020 et son flot de tops et de flops (y compris le poto Sylphe qui bosse dur sur la question), arrêtons nous sur un album en particulier avant de sacrifier à cette grande tradition rétrospective. Notre galette du jour est une double, comme dans les bonnes crêperies, avec dedans tous les ingrédients nécessaires à un excellent moment pour vos oreilles. La bande originale de Cowboy Bebop fait partie de ces soundtracks dont je pense le plus grand bien. Si vous traînez par ici régulièrement, vous connaissez ma position sur la question : lorsqu’une BO peut s’écouter et s’apprécier isolément de l’œuvre qu’elle accompagne, c’est qu’elle a gagné la partie et qu’elle devient alors une œuvre à part entière. Plus encore : lorsque cette même BO réussit à elle seule à convoquer des images mentales et des souvenirs du film, de la série ou du jeu vidéo qu’elle renforce, on touche alors au sublime. C’est le cas de bon nombre de BO, et celle de Cowboy Bebop en fait assurément partie.

Avant de plonger dans ladite BO, resituons : Cowboy Bebop, kézako ? Une série TV animée japonaise sortie en 1998, pilotée par Schin’ichiro Watanabe (réalisation) et Keiko Nobumoto (scénario). Au long des 26 épisodes, on suit les aventures de plusieurs chasseurs de primes, appelés les cowboys, dans un futur plutôt proche puisque l’histoire se place en 2071. L’intelligence de la série consiste en un savant mélange de quêtes isolées et d’arcs narratifs plus larges qui permettent de suivre le parcours des personnages principaux. Spike Spiegel est le premier d’entre eux : un ancien membre d’une organisation criminelle qui fuit son passé tout en recherchant la femme qu’il y a aimé. Il y a à la fois du Edgar (le détective cambrioleur) et du Cobra dans ce personnage plus profond qu’il n’en a l’air au départ. Spike voyage à bord du Bebop, le vaisseau de Jet Black, autre chasseur de primes de l’équipe. Cette dernière est complétée de Faye Valentine et Edward, respectivement une joueuse endettée et amnésique et une jeune hacker surdouée. Autant dire que la galerie est déjà très cool, et ce ne sont pas les personnages secondaires qui me feront mentir.

Au-delà de ses protagonistes hauts en couleurs et en sentiments, Cowboy Bebop est une grande série. Les situations tour à tour comiques, émouvantes, inquiétantes s’enchainent pour donner finalement une longue histoire qui sait mélanger divertissement et réflexions, autant sur le monde actuel que sur nos parcours de vie. La série nous balade dans un mix de futur et de monde actuel. Si les environnements urbains ressemblent à ceux que l’on connait de nos jours, ils prennent place sur Mars ou Venus. La Terre, en comparaison, n’est que peu évoquée. On en retient surtout que les Terriens se sont installés ailleurs et y reproduisent leurs erreurs, comme dans les meilleurs récits de SF.

Autre force de Cowboy Bebop : ses références à n’en plus pouvoir au cinéma de SF, mais pas que. Rien que le générique est une perle avec ses ombres et son écran splitté. En quelque sorte, un savant mélange de James Bond et de L’affaire Thomas Crown, soit la garantie d’une classe immédiate. Ce sont ensuite plusieurs gros morceaux du ciné qui sont référencés plus ou moins explicitement. Citons simplement Akira, Blade Runner (avec un personnage nommé Deckard), 2001 : L’odyssée de l’espace, Alien (épisode à hurler… de rire) ou encore Django avec ce perso de passage en ville qui traîne sa camelote dans son cercueil. Ce ne sont là que quelques exemples, mais pour qui aime le ciné, il y a de quoi se régaler à chaque épisode.

Enfin, et c’est bien l’objet premier du jour, la BO tout simplement démentielle. Composée par Yoko Kanno et son groupe Seatbelts, elle mélange jazz, blues, rock et quelques autres petites surprises, que nous allons tenter de balayer en cinq titres représentatifs.

  1. Impossible de ne pas commencer par Tank!, le son du générique, qui envoie un bon gros jazz swing Big Band. Le morceau fait la part belle aux cuivres et saxos, avec au milieu un bon chorus de saxophone justement. Ce titre là balancé avec le générique visuel dont on a parlé plus haut, c’est de la pure énergie et ça donne le ton de l’univers à la fois groovy et rock dont la série est imbibée. Cette même énergie revient fréquemment dans d’autres titres comme Bad dog no biscuits, qui s’ouvre sur un free jazz puissant pour se poursuivre sur un ska total foutraque. Ou encore Rush qui sonne plutôt comme un morceau perdu de Bullitt que Lalo Schifrin aurait ressorti d’un tiroir.
  2. La BO sait aussi se faire plus intimiste, avec par exemple un Spokey Dokey qui regroupe uniquement une guitare folk et un harmonica pour un blues lent. Ce genre d’ambiance reviendra plusieurs fois, sous des formes différentes. Cosmos est une petite pépite avec sa trompette bouchée qui pose direct une ambiance de film noir à détectives des années 30/40. Quant à la Waltz for Zizi, c’est juste une merveille de composition avec une valse (sans surprise) interprétée à la guitare folk. Enfin, en dernier exemple, citons Diamonds, un des rare titre chanté, qui pose une ambiance de James Bond romantique. Diamonds are forever.
  3. La série sait aussi se faire plus légère et très décalée par certains moments. En témoigne The Egg and I, constitué de percussions, de guitare slide et d’un gimmick mélodique joué haut perché à la flûte. Le genre de titre qui transporte immédiatement dans un autre univers et qui, surtout, devrait bien vous rester en tête pendant des heures, même en ne l’ayant écouté que quelques minutes. Bon courage pour vous en défaire (mais puisque le son est bon, on ne va pas se plaindre).
  4. Autre parenthèse un peu inattendue, avec Pot city, qui est très marqué années 80 et crée un climat sans réelle mélodie. La basse et la guitare dialoguent dans des sonorités étranges et psychédéliques, soutenues par une batterie arythmique qui contribue à l’étrangeté du moment. Tout ceci ponctué de mini-phrases de trompette. C’est possiblement le morceau le moins facilement abordable de cette BO, mais qui a néanmoins toute sa place dans ce qu’elle apporte de palette de couleurs musicales indispensables à la série.
  5. Enfin, les sept minutes de Space lion apportent la touche émotion à cet ensemble. Ouverture par un long solo de saxophone, auquel viennent s’ajouter des nappes de synthés, des percussions douces et des chœurs de toute beauté : voilà un morceau qui dénote dans cet ensemble jazz mais qui s’intègre naturellement à ce que Cowboy Bebop nous raconte, visuellement comme musicalement.

Cette géniale BO de Cowboy Bebop ne m’a pas attendue pour se révéler. Dès 2006, IGN a élu la série comme l’anime ayant la meilleure bande son de tous les temps. Je ne peux que souscrire, et vous invite (si ce n’est déjà fait) à binge-watcher les 26 épisodes (20 minutes chacun, ça passe crème) avec le son bien réglé pour profiter de chaque pépite musicale. Dernier point : si vous n’avez pas la série sous la main, la BO, vous l’aurez compris, se suffit à elle-même. Coup de bol, elle est disponible sur les plateformes de streaming mais aussi en réédition double vinyle couleurs de toute beauté. La pochette est splendide et invite, bien entendu, à sortir la galette et à la poser sur votre platine. Le temps pour moi de replonger dans les chroniques 2020 pour en sortir l’album de l’année. Cependant, si vous Five-minutez régulièrement, vous pouvez déjà deviner le podium qui s’annonce. Vérification très bientôt !

Impossible pour moi de clore ce papier BO sans un clin d’œil vers la rédaction de Gamekult, qui voit partir aujourd’hui 24 décembre un de ses plus brillants membres : Gauthier Andres aka Gautoz quitte la boutique après 6 années à nous régaler de ses talents et d’innombrables découvertes BO de jeux vidéo. L’homme qui écoute les JV au moins autant qu’il y joue m’aura baladé dans des univers insoupçonnés et incroyables. Rien que pour ça (mais aussi pour le reste du boulot accompli), merci et bonne continuation.

Raf Against The Machine

Five Titles n°16: Inner Song de Kelly Lee Owens (2020)

Deuxième belle découverte féminine en cette fin d’année avant la dernière ligne droite, les tops deKelly Lee Owens fin d’année et le plaisir de réécouter tout ce qu’on a savouré, en vérifiant si la patine du temps a embelli ou atténué l’éclat des pépites. L’artiste du jour, Kelly Lee Owens, est galloise et a sorti son deuxième opus Inner Song fin août. Après un premier opus éponyme sorti en 2017 et passé sous mon radar, cette dernière a décidé d’allier sa belle voix de falsetto et son électro-techno pour un résultat percutant tout en contrastes. La preuve en cinq instantanés menés tambour battant…

  1. Après le morceau d’ouverture Arpeggi, reprise instrumentale aux confins du dubstep du titre de Radiohead, On nous permet de découvrir la voix d’une très grande suavité de Kelly Lee Owens. Le résultat d’une grande luminosité est d’une très belle richesse: une dream-pop aérienne, illuminée par des synthés en arrière-plan m’évoquant le Loops from the bergerie de Swayzak avant que la fin plus techno révèle la puissance plus sombre sous-jacente.
  2. Après un Melt! sans concession par sa techno martiale sur laquelle des paroles chuchotées tournent en boucle, je choisis le trip-hop moderne de Re-Wild. On sent rapidement le potentiel illimité du chant, une voix qu’on aimerait voir illuminer les productions d’un James Blake
  3. Jeanette s’impose ensuite comme le sommet lumineux de l’album. Les synthés primesautiers évoquent Pantha du Prince ou les dernières productions de Four Tet, le pouvoir cinétique du titre est incontestable et le paysage sonore du morceau se dessine avec minutie. Le résultat démontre bien la double volonté de l’album: parler au corps avec cette tentation du dance-floor et satisfaire l’esprit par la capacité à mettre en place des atmosphères suggestives.
  4. L.I.N.E s’impose ensuite comme le morceau le plus accessible de l’album. Une voix et une mélodie d’une grande innocence font de ce titre un superbe condensé de dream-pop sucrée et gourmande.
  5. Même si Night ou Wake-Up auraient mérité de figurer ici, je ne résiste pas à la tentation de partager Corner Of My Sky, titre plus oppressant et sombre qui met à l’honneur un autre Gallois en featuring, John Cale en toute simplicité. Le résultat évoque les bouges enfumés de Bristol et le ton rocailleux de Tricky.

Sur ce, je vous laisse savourer ce Inner Song à sa juste mesure et me mets désormais en mode Top de fin d’année, enjoy!

Sylphe

Pépite intemporelle n°64 : Calm like a bomb (1999) de Rage Against The Machine

RAtM-BattleofLosAngelesNous aurions pu, en ce jeudi, nous faire un petit Five titles qui va bien, pour parcourir un album qui va bien aussi. Toutefois, la semaine ayant été ce qu’elle a été, cette virée en cinq titres sera pour plus tard. Le mood du moment m’amène plutôt à réécouter du son qui déboîte, à l’image de notre pépite intemporelle du jour. Nous sommes en 2020 (peu de chance qu’on l’oublie, et qu’on oublie cette année semblable à une gigantesque bouse), mais nous sommes aussi en 1999 tant Calm like a bomb est un titre intemporelle. Et donc pépite, puisque sorti de la tête et de l’énergie de Rage Against The Machine, autour d’un Zach de la Rocha super vénère.

Calm like a bomb, c’est le troisième titre du troisième album du groupe. The Battle of Los Angeles fait suite à Evil Empire (1996), qui contenait certes de pures pépites là aussi (je pense à Bulls on parade, Vietnow ou encore Year of the boomerang), mais qui reste, à mon goût, en deçà de l’incendiaire et parfait premier album Rage Against The Machine (1992). En 1999 débarque donc la troisième galette des rageux, qui renoue avec une cohérence et une puissance imparable. Pensez donc : alors que sonnent les premières notes de Calm like a bomb, on a traversé seulement deux titres sur douze, et on s’est déjà pris en pleine face Testify et Guerilla Radio.

Calm like a bomb porte bien son nom, et est construit comme tel. Démarrant sur une douce et ronde ligne de basse, tempo plutôt lent et murmures de Zach de la Rocha, on se dirait presque qu’on s’est fait avoir. Quoi ? Comment ça ? C’est ça le son 1999 de Rage Against The Machine ? Oui, c’est ça, et il faut laisser au titre le temps de se dérouler, pour en saisir toute l’énergie contenue. Jamais le tempo ne va s’accélérer, jamais non plus ça va partir dans tous les sens. En revanche, par un savant empilement de la rythmique de plus en plus lourde, d’une guitare de folie sous les doigts de Tom Morello et du flow furieux de Zach de la Rocha, on part direct sur cinq minutes incandescentes que rien n’éteindra. Et surtout pas le refrain, qui défonce vraiment tout. La bombe n’explosera jamais, mais on sent que tout est à fleur de peau et qu’il suffirait d’un rien. Au bord de la crise de nerfs.

Un titre donc moins calme qu’il n’y paraît, et finalement encore bien plus explosif qu’il ne l’est déjà par son climax démentiel. Calm like a bomb est un titre énorme. Il vend de l’espoir là où il n’y en a plus. Il donne l’énergie de tout foutre en l’air pour tout changer. Mais tout foutre en l’air avec intelligence car, rappelons-le, le groupe est bien loin d’être un quatuor de cons. Militants, engagés, avec une vraie réflexion sur le monde dans lequel on survit. Ces quatre là ont changé tout autant mes jeunes années que la face d’un rock qui s’avérait à la fois nerveux, de très haute tenue, puissant et intelligent. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce même Calm like a bomb clôt la fin inattendue de Matrix Reloaded et son cliffhanger total barge. Dans le travail des Wachowski et dans l’univers de Matrix, on n’est finalement pas loin de la dinguerie du monde actuel qui m’a fait ressortir mon Calm like a bomb.

Faites ce que vous voulez. Pour ma part, je retourne à mon auto-confinement histoire d’échapper au COVID mais aussi à l’auto-connerie ambiante d’un monde qui, manifestement, a décidé de s’auto-détruire avant même d’atteindre le full high-level Idiocracy (grand film visionnaire). Quoique. Peut-être est on déjà dans la Matrice, et peut-être que le monde réel est déjà à un stade avancé d’Idiocracy. Dans un cas comme dans l’autre, Calm like a bomb s’impose comme le son du moment. A écouter en boucle. Et (très) fort.

Raf Against The Machine

Five Titles n°15: Someone New d’Helena Deland (2020)

Alors que je tente de lutter contre l’appel du top de fin d’année -je préfère taire les tops de finHelena Deland d’année qui sortent depuis 2 semaines et oublient qu’il existe un douzième mois, enfin bref…- je fais actuellement de bien belles découvertes d’artistes féminines. Je n’avais jusqu’à maintenant jamais croisé la route de la Canadienne Helena Deland malgré plusieurs EP, Drawing Room en 2016 et From The Series of Songs « Altogether Unaccompanied » (en quatre volumes pour 9 titres) en 2018. Voilà qui est désormais chose faite avec ce premier opus Someone New sorti le 16 octobre dernier… Un album plein de grâce et de sensibilité dont je sais d’emblée que je vais peiner à en exprimer la quintessence par mes mots maladroits, #meaculpainitial. J’ai malheureusement la fâcheuse tendance à ne pas totalement refuser l’obstacle et je vais choisir le confort du 5 titles pour vous donner l’aperçu le plus juste de cet album. Pour vous donner une idée générale de l’album de celle qui a fait la première partie de Weyes Blood ou encore Connan Mockasin (excusez du peu), imaginez une très belle voix qui tente d’exprimer l’indicible avec humilité et sans aucune trace de démonstration. L’atmosphère instrumentale, quant à elle, est au service de la voix et esquisse des univers feutrés propices à l’introspection et à la rêverie. Le jeu sur une rythmique downtempo quelquefois aux frontières d’un certain dépouillement m’évoque souvent les cendres du trip-hop et Helena Deland, par certains aspects, dessine les traits d’une créature hybride entre la chanteuse de The Dø Olivia Merilahti et Beth Gibbons de Portishead. Voici cinq titres qui, je l’espère, vous inciteront à aller écouter les 13 créatures fragiles qui peuplent ce Someone New.

  1. Someone New, le morceau d’ouverture éponyme, offre d’emblée un univers aride où seule la voix amène sa douceur. Peu à peu, l’univers s’étoffe avec les cordes et la guitare très Portishead, le morceau s’affirme avec la boîte à rythmes à l’image des paroles qui évoquent la renaissance « I’ll stay in this room/ Where again I want to lay/ Kissing someone new/Who tells me/ Something pretty / So that I too/ Can Feel like someone new ».

  2. On retrouve cette notion centrale d’introspection avec le titre suivant Truth Nugget. Helena Deland évoque ce tiraillement entre le besoin de sincérité et la difficulté de se livrer pleinement à l’autre, semblant aboutir à un constat d’échec « I am another solid mystery when it comes to you/ Michael, I’m the puzzle in the other room ». J’aime tout particulièrement la rythmique affirmée de la guitare et la montée finale.
  3. Pour finir le tryptique initial de haut vol, Dog propose des sonorités plus âpres pour souligner l’influence de l’autre qui veut sans cesse dominer et réduire à néant « Who gets to be your mirror/ If I’m the nail on the wall? ». Le titre s’illumine peu à peu avec la guitare pour aboutir à la libération et au refus du reniement de soi-même « I hate to be your dog. »
  4. Après un Pale presque psyché, Comfort, Edge démontre tout le pouvoir de la dream-pop que recèle ce Someone New.
  5. Smoking at the Gas Station et son univers instrumental sur le fil du rasoir évoquant Portishead est tout simplement d’une grande beauté et cette phrase se suffit à elle-même…

Sur ce, je vous laisse en la charmante compagnie d’Helena Deland, enjoy!

 

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°63 : Golden brown (1982/2017) de The Stranglers par Cage the Elephant

5898976-lSi vous êtes des Five Minuteurs réguliers et assidus, vous savez comment on aime, parfois, regarder dans le rétro pour le plaisir de nos oreilles, et accessoirement pour alimenter cette rubrique des pépites intemporelles. Et vous savez également la place de choix qu’occupe dans nos cœurs de mélomanes le groupe américain Cage the Elephant. Mon bon ami Sylphe en a d’ailleurs parlé à plusieurs reprises, notamment lors de la sortie en 2019 du 5e et dernier album studio en date Social Cues. C’est également lui qui m’avait mis dans les oreilles, un beau jour de 2017, le live acoustique du groupe sobrement titré Unpeeled. Claque musicale pour l’un comme pour l’autre, on peut dire que cette galette a tourné en boucle tout l’été, et bien plus car affinités.

Pas un morceau à jeter dans cet enregistrement qui dégueule la classe rock à chaque instant. Les premiers titres sonnent comme du rock seventies, alors que la voix et l’énergie du chanteur Matthew Shultz rappellent parfois Mick Jagger. C’est pourtant un groupe tout à fait de son époque, qui officie depuis 2008 et propose un son à la croisée des classiques rocks et d’une touche années 2000. De plus, ce Unpeeled est savamment construit, en alternant titres rocks et balades sans aucun temps mort. Un live d’anthologie on vous dit.

Golden brown résume plutôt bien l’essence de cet captation live, tout en étant un excellent titre en lui-même. J’aime le son du clavier arythmique qui ouvre le morceau, tout autant que la voix qui démarre tranquillement pour se poser sur une trame musicale qui s’enrichit et s’amplifie mesure après mesure. Plus loin, je craque sur les solos de guitare acoustique. Aux deux tiers, impossible pour moi de résister à l’osmose totale qui se crée entre voix et instruments avec chant et contrechant, dans une classe absolument folle. 

Bref, j’aime beaucoup trop ce morceau pour le gâcher en écrivant trop de mots dessus. La meilleure façon de le valoriser, c’est de l’écouter, tout simplement. Il ne dure qu’à peine 4 minutes, mais soyez rassurés. Si vous aimez, vous pouvez le réécouter en boucle. Mais vous pouvez également élargir votre écoute à tout l’album, que je m’en vais réécouter de ce pas.

[Edit/MàJ 26/12] : Le commentaire de Sprecks (ci-dessous) apporte une précision d’importance, en ce que Golden Brown est avant tout un titre de The Stranglers, paru en 1982. Trente-cinq ans plus tard, Cage the Elephant en livre donc une reprise magique, tout comme ils n’ont pas à rougir de la brillante réinterprétation sur ce même album de Instant Crush, initialement dû à Daft Punk. Il était indispensable de rendre aux Stranglers ce qui leur appartient, et merci pour la contribution !

Raf Against The Machine

Review n°65: Mesdames de Grand Corps Malade (2020)

Décidément cette fin d’année est bien riche… Voilà bien 2 mois (l’album date du 11 septembre) queGrand Corps Malade cet album tourne en boucle à la maison, mes filles étant sous le charme de ce Mesdames de Grand Corps Malade. J’ai toujours aimé le flow rocailleux et le slam de Grand Corps Malade depuis ses premiers albums Midi 20 en 2006 et Enfant de la ville en 2008, slam d’autant plus brillant qu’il est porté par des textes finement ciselés… Ce n’est pas un hasard s’il m’est déjà arrivé dans mon travail (#mysteredutravail) d’étudier la richesse de titres comme Saint-Denis.

Malgré tout mon intérêt pour Grand Corps Malade, je dois reconnaître que je n’ai pas écouté avec attention un de ses albums depuis longtemps. J’avoue avoir trouvé quelque peu facile de prime abord de faire un album mettant à l’honneur les femmes en cette période de lutte pour leurs droits  (que je soutiens au passage bien sûr, évitons donc le procès d’intention) et restais circonspect face au principe des duos étendu à tout l’album… et puis j’ai véritablement pris le temps d’écouter ce septième opus. On retrouve la justesse des textes, entre poésie et humour décalé, avec un petit quelque chose en plus d’indéfinissable. Les femmes qui ont collaboré apportent toutes une sensibilité qui donne du caractère à l’ensemble et Quentin Mosimann, entre piano et synthés, sublime le tout par sa production musicale. On se retrouve avec 10 titres d’une grande beauté, 10 tranches de vie, 10 perles à assembler pour créer le plus beau collier à offrir. Je vous invite à me suivre dans cette expédition aux confins de la joaillerie.

Le morceau d’ouverture Mesdames explicite le projet en dressant un véritable éloge des femmes et en saluant leur courage. Les mots sont justes -« Et si j’apprécie des deux yeux quand tu balances ton corps/ J’applaudis aussi des deux mains quand tu balances ton porc » – et le piano de Mosimann accompagne avec pudeur le chant de Grand Corps Malade. Seul titre sans voix féminine, on peut néanmoins savourer sur la fin le chant plein d’émotions de MosimannDerrière le brouillard vient ensuite souligner le besoin viscéral de chanter pour surmonter les épreuves de la vie. Le flow percutant de GCM qui contraste délicieusement avec les qualités d’interprète de Louane (qui se révèle à mes oreilles), l’ambiance plus électro, tout est précis et d’une grande justesse. Chemins de traverse, en featuring avec Julie et Camille Berthollet, creusera plus tard dans l’album le même sillon en montrant que le métier de chanteur s’impose presque plus qu’il ne se choisit. Un de mes morceaux préférés de l’album tant le violon et le violoncelle des deux prodiges illuminent le titre en se mariant parfaitement aux sonorités électros… Le message final comme un clin d’oeil -« Si tu te sens enrôlé par le système/N’oublie pas que c’était juste un chemin de traverse » – rappelle l’humilité qui définit si bien Grand Corps Malade.

Après Louane, c’est la voix sensuelle de Laura Smet qui va illuminer Un verre à la main. Ce titre au pouvoir narratif incontestable, nous raconte avec pudeur un instant fugitif, une rencontre avortée entre deux êtres. Les synthés sont inquiétants, le tempo ralenti avant le riff de la guitare électrique final et l’ensemble n’est pas sans m’évoquer un certain Benjamin Biolay. Le morceau retranscrit brillamment ces ambiances nocturnes entre interdit et frustration, comme le fera le titre final Je ne serai que de trop en featuring avec Amuse Bouche qui magnifie la rencontre d’un soir… Passé Un verre à la main, Une soeur offre un bel instant dédié à la relation frère-soeur. Certes je ne suis pas le premier admirateur du timbre de Véronique Sanson mais je ne peux que m’incliner face à la beauté du texte plein d’humanité, « Dans la famille on parle pas beaucoup mais on s’aime solide l’air de rien » ou encore « Il paraît qu’on choisit pas sa famille, moi je la choisirai elle sans hésitation ».

Pour limiter l’excès d’émotions, Pendant 24h vient enfoncer les stéréotypes hommes-femmes en jonglant entre dénonciation et humour décalé. Je suis séduit par l’ambiance électro et le flow hip-hop de Suzane. Je ne résiste pas à la tentation de vous donner 2-3 extraits: « Je serai romantique avec les meufs/ Sur tinder/Pas de dick pick/Des coeurs de toutes les couleurs », « Je veux découvrir enfin le singulier bonheur/De réussir à faire un créneau en une demi-heure/Comprendre enfin la passion sincère, sans censure/ De regarder sur internet pendant des heures des chaussures. », « J’pisserai sur le trottoir/ Comme le p’tit chien de la voisine/ C’est l’avantage/ De la physiologie masculine ». Voilà un morceau à l’humour décapant qui contraste avec le bijou d’émotion qui suit Mais je t’aime. Ce morceau touchant sobrement accompagné par le piano qui révèle les talents d’interprète de Camille Lellouche montre avec simplicité et retenue à quel point l’amour est un sentiment complexe, puissant et fragile à la fois. Je vous invite à savourer à leur juste mesure les paroles de ce titre…

Il me reste deux perles aux couleurs opposées pour finir ce collier… D’un côté la noirceur d’Enfants du désordre qui s’impose comme un Petit Frère du XXIème siècle, morceau dénonçant les conditions de vie difficiles vécues par les enfants porté par l’âpreté du chant d’Alicia. Ce « Tais-toi et bouffe » acéré que n’aurait pas renié Gaël Faye résonne fort et fait vaciller… A côté de cette perle noire, c’est le blanc cassé de Confinés qui nous rappelle avec humour l’épisode du premier confinement en confrontant l’expérience du père quarantenaire à celle de sa fille adolescente représentée par Manon Roquera, la lauréate 2019 du Trophée Slam à l’école.

Vous aimez les textes d’une grande humanité et humilité? Mesdames vous attend désormais… Ne les faites pas trop attendre, sous peine de finir seul le verre à la main…Enjoy!

Sylphe

Five reasons n°25 : Delicate sound of thunder (1988/2020) de Pink Floyd

What ?! Encore une réédition estampillée Pink Floyd ? On a pourtant (largement) donné, à tous les sens du terme, il y adsot 4 ans, avec la ressortie de toute la discographie du groupe en vinyle, étalée sur plusieurs mois. Nous avions alors eu droit à de biens beaux objets et de bien belles remasterisations à partir des bandes analogiques. En d’autres termes, des pressages très aboutis et incontournables de par leur qualité et leur son. Au milieu de tout ça se trouvait Delicate sound of thunder, dans une réédition assez magique. Le 20 novembre dernier, soit 32 ans (à 2 jours près) après la sortie originale de 1988, Delicate sound of thunder revient dans tous les formats possibles et imaginables : vinyle, CD, DVD, Blu-Ray. Le jeu en vaut-il la chandelle, et faut-il repasser à la caisse ? Tentative de réponse en five reasons chrono.

  1. Delicate sound of thunder est un album majeur de la discographie de Pink Floyd. A la fois parce qu’il est le premier live officiel du groupe depuis Ummagumma (1969), et parce qu’il témoigne de la tournée qui suit A momentary lapse of reason (1987). Pink Floyd a toujours réussi la prouesse d’être à la fois un groupe de studio (pour toutes les recherches sonores et bidouillages créatifs en tout genre) et un groupe de scène (pour la puissance de ses performances). Peu de groupes peuvent revendiquer ce double titre, et Delicate sound of thunder est un témoignage éclatant de leur savoir-faire scénique. Un show irréprochable côté rythme puisqu’il n’y a pas une basse de régime : on ne s’emmerde jamais. Un concert de très haute tenue avec un savant mélange de titres récents et d’anciens.
  2. Delicate sound of thunder et son pendant studio A momentary lapse of reasons arrivent à un moment particulier de la carrière de Pink Floyd. Plus exactement, il s’agit de la renaissance réelle du groupe. L’album studio précédent The final cut (1983) est surtout un album du bassiste Roger Waters. Composé de titres écrits à l’époque de The Wall (1979), qui était déjà presque un album du seul Roger Waters, The final cut est une très bon opus mais n’a pas le goût du groupe : Waters est aux commandes, David Gilmour et Nick Mason interprètent, mais surtout il manque Rick Wright aux claviers, viré du groupe à l’époque The Wall. Ce dernier réintègre l’équipe pour l’album studio, et surtout pour la tournée qui suit et donnera lieu à Delicate sound of thunder. Autant  dire que, si on a perdu Roger Waters en route, on a gagné les retrouvailles avec la formule groupe et le son de Rick Wright.
  3. Cette version 2020 de Delicate sound of thunder fait justement la part belle au son, en étant à la fois restaurée et remixée. L’intérêt ? L’ensemble sonne nouveau et plus riche. Les titres fourmillent de détails sonores en rééquilibrant les instruments. On profite ainsi bien plus encore de l’ensemble du groupe, avec cette sensation que les claviers de Wright retrouvent leur juste place, tout du moins celle qu’ils méritent. On y gagne également un album qui devient intemporel et beaucoup moins daté années 80 que la précédente édition. A momentary lapse of reason est clairement un son fin des années 80, et sa déclinaison live avait toujours conservé cette petite touche pas désagréable, mais qui pouvait rebuter certaines oreilles sur les titres les plus récents. Tout cela est fini : avec Delicate sound of thunder 2020, on embarque dans une virée de plus de 2h qui est un album de 1988, mais qui pourrait tout aussi bien être un live contemporain.
  4. Autre atout, et pas des moindres : cette réédition est aussi augmentée et remontée. C’est à dire ? On y gagne 9 titres par rapport à l’édition de 1988. La précision est importante car, en réalité, l’exceptionnel One of these days figurait déjà en exclu sur la réédition 2016. Toutefois, le gain est très conséquent, à la fois en nombre de titres et en qualité. D’une part, ces ajouts sont essentiellement constitués de moments instrumentaux qui font le lien entre des titres chantés. L’ensemble devient cohérent et logique en formant un tout unique : une fois cette version 2020 écoutée, on se rend compte qu’il avait toujours manqué du liant dans les anciennes éditions. D’autre part, on y gagne une version démente de Welcome to the machine, dans laquelle Rick Wright s’en donne à cœur joie et fait revivre l’énergie presque oubliée du Pink Floyd des années 70. Enfin, de la première à la dernière minute, on est emporté dans ce qui semble cette fois être la version définitive et complète de ce live, sous sa forme et dans son montage originel.
  5. Ma dernière raison est totalement une raison iencli, autrement dit pour certains une fausse raison car pas directement liée au contenu. En revanche, ceux qui ont la collectionnite aiguë vont vite me comprendre. La réédition 2020 de Delicate sound of thunder, notamment dans sa version vinyle, est magnifique : trois galettes rangées dans des sous-pochettes noires et sobres, elles-mêmes chacune glissées dans des pochettes cartons aux sublimes photos. Le tout est regroupé dans un coffret carton (certes un peu léger) aux côtés d’un livret bourré, là encore, de photos et de visuels qui en jettent. A tel point que, lorsque j’ai ouvert l’objet, j’ai eu cette sensation de déballer un bien précieux, une pièce rare. Certes, il faut accepter de lâcher 60 balles dans l’affaire, mais voilà une édition qui rejoint presque en qualité P.U.L.S.E. (1995), l’autre live mythique du groupe. Autant dire que, pour tout fan absolu de Pink Floyd, il va être bien difficile de passer à côté.

Les fans hardcore de Pink Floyd n’ont donc pas à être convaincus : soit vous avez déjà craqué/écouté et possiblement racheté, soit ce Delicate sound of thunder arrivera prochainement dans votre discothèque. Pour tous ceux qui n’ont jamais mis le nez dans ce live et voudraient découvrir Pink Floyd dans sa dernière période, il va sans dire que cette réédition 2020 est la version à écouter, tant elle écrase par son contenu et sa qualité les galettes précédentes. A défaut de s’envoyer toute la discographie du groupe, c’est le live parfait pour entendre un savant mélange du vieux Pink Floyd et de son virage 80’s. Welcome my son. Welcome to the machine.

Raf Against The Machine