Ecoute ce jeu n°3 : Mor Ardain – Roaming the Wastes (2017) – Xenoblade Chronicles 2

H2x1_NSwitch_XenobladeChronicles2_image1600wMon ami Sylphe l’a maintes fois répété ici : le temps nous manque parfois. Pas uniquement pour alimenter ce blog, mais aussi et surtout pour faire tenir l’entièreté de nos vies dans des journées de 24 heures. Cela n’empêche pas de s’accorder des moments de détente culturelle. Pour (par exemple) filer au ciné voir la brillante Palme d’Or de Justine Triet. Une récompense fort méritée pour son Anatomie d’une chute, absolument brillante. Là n’est pas le sujet du jour, mais c’était l’occasion toute trouvée pour vous conseiller ce grand film. On peut aussi s’adonner à la lecture, au binge-watching d’une série TV, ou encore ressortir de son backlog un jeu vidéo parmi d’autres, histoire de geeker un moment. Et si l’on peut, tout en jouant, profiter d’un bon son, c’est encore mieux. C’est le cas avec le morceau du jour, tiré de l’OST de Xenoblade Chronicles 2.

Sorti voici déjà 6 ans, ce J-RPG deuxième du nom est une aventure presque sans fin, tant le jeu est riche de lieux à visiter, quêtes en tout genre et statistiques de personnages à faire évoluer pour devenir le patron. On ne fera pas ici un test de Xenoblade Chronicles 2, pas plus que de savoir s’il est meilleur que ses deux frères, sous-estimé ou mal-aimé, techniquement raté ou artistiquement merveilleux. En revanche, arrêtons nos oreilles quelques minutes sur un des titres de l’OST, par ailleurs magnifique dans son ensemble. Composée et supervisée par Yasunori Mitsuda (à qui l’on doit par exemple celle de Chrono Trigger en 1995 avec Nubuo Uematsu ou du plus récent Sea of Stars en duo avec Eric W. Brown), cette bande originale est une vraie pépite de bout en bout. C’était déjà le cas sur l’épisode initial, et ce sera rebelote sur l’opus 3. Dans cette épisode 2, l’aventure finit par nous amener à Mor Ardain, où se déploie un thème rythmé, soutenu et assez explosif. Entre jazz et groove cuivré, Roaming the Wastes soutient les décors et l’action avec une énergie communicative. Et démontre, s’il le fallait encore, qu’on peut jouer à un jeu vidéo autant avec les mains qu’avec les oreilles, quand l’OST fonctionne aussi bien que les pixels à l’écran. Un titre qui n’est pas sans rappeler l’osmose sonore et visuelle vécue dans l’excellent Persona 5.

Si cet extrait vous séduit, offrez vous le plaisir d’en écouter quelques autres, et de plonger, si ce n’est déjà fait, dans le game et dans une des séries les plus palpitantes de J-RPG qui soit. Vous vous amuserez, et vous aurez des heures de musique incroyable à vous glisser dans les oreilles.

Visuels Nintendo/Monolith Soft

Raf Against The Machine

Ecoute ce jeu n°2 : Emil – Sacrifice in NieR Replicant (2013) de Keiichi Okabe

71zdu7peV5L._SL1200_Ecrire une chronique en ce 24 février impose presque nécessairement, à mes yeux, un détour par la musique de jeu vidéo, pour aller gratter une pépite tout autant que pour relancer cette rubrique que je n’ai pas beaucoup alimentée depuis sa création. La faute (peut-être) à trop de bonnes choses à écouter. L’intimidation aussi, à vouloir retranscrire des émotions musicales vidéoludiques et à montrer la cohérence entre sons et images, alors que d’autres le font bien mieux que moi. Ce 24 février est pourtant un moment opportun pour se lancer. Parce que ce jour précis est calé entre le 23 et le 25 février, deux dates majeures dans le monde vidéoludique. D’un côté, le 23 février 2017, qui voit la sortie au Japon de NieR: Automata, le jeu qui, à ce jour, m’aura mis la plus grande tarte de ma vie de gamer et qui me hante depuis que je m’y suis plongé. Un monument d’intelligence, de construction, de tiroirs, de mélancolie poétique, surplombé par une BO à tomber. Un jour, je réussirai à en dire plus, à raconter ce que ce NieR: Automata a fait et changé en moi, et comment son OST m’habite sans discontinuer. Ce jeu fêtait hier ses cinq années, et m’appelle de nouveau pour être parcouru. De l’autre côté, le 25 février 2022 (donc demain), avec la sortie d’un monstre vidéoludique. Non, il ne s’agit pas du prochain GTA, ni même de Horizon Forbidden West (d’ailleurs sorti la semaine dernière et excellent), encore moins du nouveau Final Fantasy. Demain sort Elden Ring, la nouvelle œuvre du studio FromSoftware, pilotée par Hidetaka Miyazaki et George R. R. Martin. Autrement dit, le successeur des Dark Souls, Demon’s Souls et autre Sekiro, des RPG (Role playing Game) bien vénères dans des univers dark fantasy, qui ne laissent que bien peu d’espoir à tout bourrin qui foncera tête baissée. Elden Ring présente la nouveauté d’un open-world (monde ouvert) mais affiche surtout des notes et avis délirants, avec à ce jour un score Metacritic de 97 sur 100. Pour les néophytes, dites vous que c’est un peu comme un film/disque qui raflerait tous les récompenses (moins une) d’une même cérémonie. Du quasi jamais vu.

Le 24 février est coincé entre ces deux dates, certes à cinq années d’écart, mais voilà tout de même où il se place, et pourquoi on parle aujourd’hui de pépite musicale vidéoludique. Je suis baigné entre l’anniversaire de NieR: Automata et la sortie imminente d’Elden Ring. La petite histoire veut aussi que j’ai achevé (enfin) NieR Replicant 1.22, prequel de NieR: Automata initialement sortie en 2013, et republiée l’année dernière dans une version remasterisée. Pas tout à fait le chef-d’œuvre NieR: Automata, mais culte et totalement envoûtant. Je choisis volontairement de ne pas spoiler l’histoire et de ne pas trop en dire. Disons simplement que l’on incarne un jeune garçon en l’an 3465, à la recherche d’un remède pour soigner sa jeune sœur Yonah d’une mystérieuse maladie, la nécrose runique. Une maladie qui a d’ailleurs ramené le monde à un univers archaïque hanté par des ombres, d’où toute technologie a disparu. Réalisé par Yoko Taro, NieR Replicant réserve bien des surprises jusqu’à la révélation finale qui calmera tout le monde. Prendre le temps de l’explorer dans ses moindres recoins pour achever toutes les quêtes et toutes les fins (cinq au total tout de même) a aussi été l’occasion de repasser des heures immergé dans la BO de ce jeu. Sur ce plan en revanche, même niveau de perfection et de bouleversitude, puisque la partition est signée Keiichi Okabe dans un jeu comme dans l’autre. Les morceaux épiques et d’autres beaucoup plus intimistes s’enchaînent au gré des scènes de jeu, des combats, des dialogues, des révélations.

N’importe quelle composition de ce jeu pourrait faire figure de pépite, tout comme dans NieR: Automata. Vous pouvez donc aller écouter l’entièreté des morceaux de Keiichi Okabe, mais aujourd’hui j’ai envie de vous partager Emil – Sacrifice. Peut-être parce que ce sont 3 minutes 30 de pure émotion, absolument hors sol et hors du temps, qui prennent encore une autre dimension lorsqu’on connaît le jeu. Peut-être aussi parce que la grande Histoire réclame, en ce 24 février, un moment-bulle et un endroit où s’isoler quelques instants de la violence insupportable de ce monde. Peut-être enfin pour se dire que, malgré tout, des pincées de beauté absolue et totale existent et qu’il faut en profiter tant qu’on le peut.

Raf Against The Machine

Ecoute ce jeu n°1 : To be me / Facettes OST (2021) de Thomas Méreur

Voilà un certain temps que chez Five Minutes nous tournons autour de l’idée d’une nouvelle rubrique « Musique de jeu vidéo ». Quand je dis nous, c’est plutôt moi il faut l’avouer. Non pas pour m’attribuer la paternité de cette catégorie, mais parce que ça fait des mois que j’épuise mon ami Sylphe avec cette idée, sans jamais concrétiser. Deux raisons à ce nouveau terrain d’écriture. D’une part, les BO (ou OST pour Original SoundTrack) de jeux vidéo peuvent être au moins aussi fabuleuses et puissantes que celles des films. L’avenir et les futures chroniques en donneront des exemples, en s’attachant au son, bien plus qu’au jeu en lui-même, tout en montrant les liens entre les deux. D’autre part, je suis très fan de ce qui est fait depuis longtemps sur Gamekult.com dans ce domaine par les très talentueux Gauthier Andres (aka Gautoz ex-Gamekult), Pierre-Alexandre Rouillon (aka Pipomantis) et Valentin Cebo (aka Noddus). Gros clin d’œil et hommage donc à ces pères fondateurs et inspirateurs, qui m’ont appris à jouer autant avec les mains qu’avec les oreilles. Le jour est venu de se lancer sur Five Minutes, avec ce Ecoute ce jeu n°1.

8b9574dc68b939722d130e846523cee7_originalLe hasard (qui, soit dit en passant, n’existe pas) faisant bien les choses, nous inaugurons nos Ecoute ce jeu avec un morceau de Thomas Méreur. Un artiste dont nous avons déjà parlé ici à plusieurs reprises, et notamment pour la sortie de son premier album Dyrhólaey en octobre 2019, qui fut tout simplement mon album de cette année-là. Pourquoi parlais-je de hasard ? Parce que Thomas Méreur, c’est aussi Amaebi, qui nous régale de ses contributions régulières sur Gamekult.com. Tout autant musicien que passionné de jeux vidéo, ce dernier se lance dans un nouveau projet artistique qui combine ces deux domaines. En effet, le studio indépendant OtterWays travaille sur un projet de jeu intitulé Facettes, que l’on pourrait résumer ainsi : « Facettes est un simulateur de création de personnages RPG, une expérience narrative autobiographique fantasmée. Il est inspiré par l’esthétique et la symbolique du tarot. Le jeu raconte ce moment suspendu dans la vie d’une femme qui découvre son identité queer. Elle se retrouve face à une infinité de possibilités, comme autant de facettes de sa personnalité. » Pour plus de détails sur ce développement, le studio et les membres d’OtterWays, je vous invite à consulter le KickStarter du jeu à cette adresse (d’où est d’ailleurs tiré le rapide descriptif précédent) : https://www.kickstarter.com/projects/otterways/facettes-a-queer-story-driven-game-experience?ref=thanks-tweet (pour celles et ceux qui l’ignorent, KickStarter est une plateforme de crowfunding, qui permet un financement participatif). Autrement dit, si ce projet vous parle ou vous séduit, vous pourrez, via ce lien, le découvrir et y contribuer.

Facettes repose donc sur l’idée d’explorer sa propre personne et de la découvrir, au travers de Potentielles, autrement dit différentes facettes de sa personnalité. Voilà qui renvoie par exemple à la série des Persona (où les personnages explorent et révèlent leur vraie personnalité, pour faire très court), ou à l’excellent Disco Elysium : un jeu de rôle narratif dans lequel le personnage principal se réveille post-cuité et amnésique, et va devoir reconstituer qui il est, au travers de différents traits de caractères qui sont en lui et que le joueur fera évoluer au gré de ses choix de jeu.

J’avoue être assez fasciné, au-delà de ce type de jeu, par cette recherche introspective de personnalité. Sans doute parce que c’est un moyen actif de se connaître de mieux en mieux au fil des années. Mais aussi parce que c’est, finalement, la quête d’une vie. Du moins, la recherche qui étaye une existence construite, maîtrisée, et de plus en plus au fur et à mesure que l’on se connaît mieux soi-même. Avoir une fine connaissance de ce que l’on est et de notre fonctionnement, pour aller de plus en plus vers ce qui nous convient et nous fait du bien, en évitant certaines erreurs ou errances passées. La recherche d’une forme de sérénité, pour minimiser les mauvaises claques de la vie et leurs effets, qui ont le chic pour frapper nos fragilités aux pires endroits, et aux pires moments. Rien n’est écrit et rien n’est inéluctable. Être soi, pour être en vie.

Être soi, cela tombe bien puisque c’est précisément le titre du morceau inédit de Thomas Méreur que l’on écoute aujourd’hui. To be me lui a été inspiré par Facettes. Un jeu écrit par la narrative designer Pia Jaqmart. Inspirée elle-même par Apex, titre d’ouverture du Dyrhólaey de Thomas Méreur, en commençant à travailler sur Facettes, elle a proposé à ce dernier de rejoindre le projet pour en travailler la bande son. Le premier résultat disponible est ce To be me, dans lequel on retrouve tout ce qu’on aime dans la musique de Thomas Méreur. Un piano-voix finement arrangé, une introspection poétique et sonore qui transpire de ces 3 minutes. Comme toujours, c’est une composition qui se dévoile avec une grande pudeur, tout en s’installant immédiatement et durablement en nous. Une sorte de son parfait qui sait exactement où venir s’incruster pour émouvoir nos points les plus sensibles. C’est à la fois lumineux, contemplatif et d’une douceur absolue. En écoutant To be me, j’ai eu des sensations similaires à l’exceptionnel If you could let me be de Jeanne Added, entendu sur Air, son dernier EP. If you could let me be… To be me… Non, il n’y a pas de hasard. Une claque émotionnelle directe, qui n’assomme pas, mais invite au contraire à cette démarche instropective que proposera Facettes. Tout en retenue, mais avec conviction, en se donnant le temps.

Si vous avez besoin de calme, d’une bulle, de sérénité, de vous retrouver avec vous-même ou de partager certaines interrogations existentielles mais terriblement humaines, To be me est un des titres de la bande-son idéale pour ces moments. Il accompagne aussi Facettes, un titre vidéoludique qui sera une autre façon de s’auto-explorer. Human after all.

Le visuel en tête d’article est tiré du KickStarter Facettes (c)OtterWays

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