Pépite intemporelle n°7: It’s Love de Get Well Soon (2016)

Quand le temps nous malmène en nous fuyant inlassablement entre les doigts, quand les It's Lovedernières sorties musicales nous laissent de marbre, il est toujours rassurant de se tourner vers ces artistes avec lesquels nous entretenons une relation aussi durable qu’intime. J’ai ainsi une admiration sans bornes pour l’allemand Konstantin Gropper qui illumine de son génie le groupe Get Well Soon depuis son tout premier coup de maître en 2008 Rest Now! Weary Head, You Will Get Well Soon. Cet album trône désormais fièrement dans mon panthéon musical et je vous invite à découvrir la richesse de cette pop baroque et symphonique si vous n’avez pas la chance de connaître cet opus. Je ne vais pas vous résumer la discographie brillante de Get Well Soon car ce n’est pas véritablement l’objectif de cette chronique même si je garde dans un coin de la tête cette idée… Aujourd’hui, je nous emmène en 2016 avec la parution du septième opus LOVE (je fais le choix de comptabiliser les 3 EP de 2014) qui s’impose peut-être comme le plus pop des albums de l’allemand et tiens à vous présenter le single It’s Love.

On retrouve dans ce titre tous les éléments qui me touchent chez Get Well Soon, cette voix noire comme l’encre de Konstantin Gropper et la précision métronomique de l’orchestration (#lescuivresitslove). Le refrain entêtant porté par les choeurs vient distiller une touche d’originalité plus pop qui contraste merveilleusement avec la voix principale. De contraste il en est aussi question dans ce très beau clip qui illustre parfaitement le morceau. On est partis sur un reportage digne du 13h de Pernaut nous montrant le rapport qu’entretiennent nos retraités avec la gastronomie du quotidien et on aboutit, dans une sorte de logique imparable, au glauque de la séquestration de Natascha Kampusch… C’est brillant, c’est Get Well Soon.

Sylphe

Clip du jour n°7 : Smell like teen spirit (2018) de Shaka Ponk

Les plus pertinents et réactifs d’entre vous me diront : « Smell like teen spirit de Shaka Ponk ? N’importe quoi, c’est le méga tube de Nirvana ! » C’est pas faux et c’est même très vrai, mais le clip du jour est une bonne occasion de prolonger le sujet de la semaine dernière (faut-il préférer l’original à la copie ?), en une déclinaison : faut-il préférer l’original à une reprise ? Nous en avons d’ailleurs déjà parlé avec Paco Ibañez et Brassens sur El testamento/Le testament. Nouvelle exploration de la question donc, avec Shaka Ponk qui largue ici une véritable reprise tueuse de Smell like teen spirit (1991) de Nirvana.

Autant le dire tout de suite : je n’ai pas choisi entre les deux versions. Tout comme je ne choisirai jamais entre Leonard Cohen et Sixteen Horsepower sur The Partisan, ou entre Alizé et Julien Doré sur Moi Lolita. En fait si, dans ce dernier cas je tranche nettement. Bref. Nirvana, c’est du gros son grunge que l’on connaît, la voix d’écorché vif de Kurt Cobain et une énergie que l’on n’attendait pas vraiment à l’époque. Smell like teen spirit en est l’exemple parfait, bien qu’on l’ait sur-entendu et qu’on nous l’ait sur-diffusé jusqu’à l’overdose (#sansmauvaisjeudemots #moiaussijesaism’amuseravecleshashtagcommemoncopainSylphe), tel un single de Jul.

Presque 30 ans après ce boulet de canon sonore, Shaka Ponk choisit de le revisiter dans une reprise absolument renversante d’énergie. Energie mélancolique et contenue pendant la première partie, avant de se libérer totalement pour une explosion de saveurs qui fait frétiller les papilles. Une reprise maîtrisée de bout en bout qui me fait dire que, si j’ai laissé Shaka Ponk un peu de côté depuis The black pixel ape (2014) et The white pixel ape (2014), il est grand temps de les retrouver. Surtout quand la formation est capable, comme à son habitude, d’exceller à la fois sur le plan musical et sur le plan visuel et vidéo.

Le clip du jour est tout simplement fou comme Shaka Ponk peut l’être, et les images se déroulent à un rythme qui colle à la note près à ce putain de morceau qui n’a jamais cessé de me hanter. Tantôt j’ai l’impression de regarder un générique de James Bond by Maurice Binder, tantôt on bascule dans l’univers onirique geek du groupe. C’est bien simple : j’adore cette reprise, et j’adore ce clip, qui me fait adorer encore plus la reprise. Let’s bang, en plongeant dans 5 minutes (Five minutes… vous l’avez ? #j’aimangéduclown) de bon son et d’images ouf de dingue.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°10: Minus de Daniel Blumberg (2018)

Comme beaucoup, je suis relativement déçu par l’évolution du traitement de la musique des Inrocks mais leurs compilations restent pour moi des mines d’or. Au printemps dernier, une de ces précieuses compilations m’a permis de faire connaissance avec Daniel Blumberg. Ex-membre du groupe d’indie-rock Yuck, ce dernier a commencé une carrière solo sous son nom en 2015 et a sorti début mai son premier opus intitulé Minus.

C’est justement le single et titre éponyme Minus que je souhaite vous faire découvrir aujourd’hui, histoire d’apporter un peu de douceur en cette journée mouvementée… Ce morceau brille littéralement par l’émotion à fleur de peau du chanteur qui nous distille pudiquement une mélancolie obsédante. L’ambiance downtempo se marie parfaitement à cette mélancolie paralysante, le piano et surtout ce violon me touchent en plein coeur par leur grâce désarmante. Le dénuement de ce titre m’obsède depuis quelques mois et je partage en toute modestie cette obsession qui, je l’espère, deviendra la vôtre…

Sylphe

Five reasons n°4 : Anthem of the peaceful army (2018) de Greta Van Fleet

Faut-il préférer la copie à l’original ? Voilà bien une éternelle question, qui ne trouvera sans doute jamais une réponse unique, tant elle dépend d’un facteur absolument pas évoqué dans cette formulation : tout dépend de la qualité de la copie et du plaisir qu’on y prend par rapport à l’original. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, ma réponse est claire : le son de Greta Van Fleet, s’il ne m’est pas aussi jouissif que celui de Led Zeppelin, me file tout de même quelques sacrées bonnes vibrations dans le soubassement. Pourquoi écouter Greta Van Fleet alors qu’on peut s’enfiler du Led Zeppelin ? Réponse en 5 actes.

  1. Greta Van Fleet, contrairement à ce qu’on pourrait penser, n’est pas une chanteuse mais un quatuor de loustics rocks sortis tout droit du Michigan : les trois frangins Kiszka, accompagnés de Danny Wagner. Quatre garçons dans le vent qui s’organisent exactement comme le quatuor Led Zep, à savoir chant/guitare/basse/batterie. Outre le fait de retrouver la composition exacte de son modèle, Greta Van Fleet a pigé que, pour faire du bon son rock-blues, c’est une des formations idéales, avec une section rythmique de bucheron pour porter une six cordes en avant. Et une putain de voix.
  2. La voix justement : celle de Josh Kiszka. Haut perchée, puissante, légèrement rocailleuse, qui, sans égaler celle d’un certain Robert Plant, ferait tout de même bander un Whole lotta love sur Lover, Leaver, ou nous baladerait un Your time is gonna come sur You’re the one. Cerise sur le gâteau, le garçon reprend parfois le phrasé exact de son modèle, à tel point que j’ai pu avoir l’impression d’écouter des inédits du Zeppelin.
  3. D’aucuns me diront que le guitariste n’atteint en revanche pas le génie de Jimmy Page. C’est pas faux mon cher Perceval, mais Jake Kiszka gère quand même pas trop mal son manche, entre bonnes rythmiques qui groovent et quelques solos bien lâchés. Côté batterie, le Danny Wagner tabasse ses fûts comme un sourd furieux. Que cela soit réellement dû à ses petits bras musclés ou aux facilités d’un mixage avantageux, j’avoue que je m’en moque un peu : ça bûcheronne à l’arrière, comme ça bûcheronnait du temps de John Bonham.
  4. On pourra faire toutes les analyses techniques possibles et imaginables, la musique est avant tout une affaire de sensations. Le son de Greta Van Fleet me file cent fois plus de frissons que d’innombrables daubes. Ça ne s’explique pas : on y est ou on y est pas. Ici, pas de vocodeur ou de boucles sans âme. Le quatuor a certainement beaucoup écouté Led Zep, mais aussi tout ce qui s’est fait de meilleur en rock et folk entre 1965 et 1975. Beaucoup écouté mais surtout assimilé et digéré, pour pondre un son qui finalement leur est propre, alors qu’on pourrait penser qu’ils n’ont rien inventé.
  5. Le dernier argument, et peut-être le plus imparable, vient directement de Robert Plant (excusez du peu) qui déclarait voici quelques mois : « Il y a un groupe à Detroit qui s’appelle Greta Van Fleet : ils sont les Led Zeppelin I ». C’est pas la classe ça, d’être adoubé par son inspirateur direct ? Et en effet, l’écoute de Anthem of the Peaceful Army revient à parcourir la diversité que la bande à Plant/Page exposait dès son Led Zeppelin I (1969).

On pourrait terminer en se disant que le titre de l’album est une 6e raison de plonger dans cette galette. Anthem of the Peaceful Army se traduirait littéralement par Hymne de l’Armée Pacifique. Perso, je trouve que ça fait pas de mal de faire un petit pied de nez à un monde qui pue les envies de violences et de conflits guerriers en tout genre.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°9: For All People With Broken Hearts de Long Arm(2018)

Nous ne sommes plus à l’époque du rideau de fer et mettons toujours en avant la mondialisation de la musique, cependant ce serait vous mentir que prétendre connaître beaucoup de groupes ou artistes russes… Je vois bien Motorama et…. désormais je pourrai briller en société en citant d’un air entendu Long Arm. Derrière Long Arm se cache Georgy Kotunov qui a sorti le 2 novembre dernier un album juste somptueux, intitulé Darkly sur le label Project Mooncircle. Cet album dont je pourrais très bien vous parler plus en détails ultérieurement fait partie de ces objets rares touchés par la grâce, rencontre irréelle entre le piano et une électronica subtile et volontiers aventureuse. Un album au pouvoir cinématographique incontestable qui ne laisse pas indifférent et dont le plaisir ne cesse de croître au fil des écoutes…

Pour démarrer cette nouvelle semaine en votre compagnie sur Five-Minutes, j’ai donc dû prendre sur moi pour ne pas garder égoïstement pour moi le single For All People With Broken Hearts qui devrait logiquement vous donner envie d’écouter Darkly. Après un début bruitiste, une petite mélodie à base de « sonnettes » vient contraster avec l’âpreté de l’atmosphère. Les violons viennent accentuer ce contraste et permettent au titre de gagner en douceur. Toute la deuxième partie du morceau défie les lois de l’attractivité et nous enveloppe de son électronica soyeuse et mélancolique qui me rappelle un album oublié de 2005 qui m’a profondément marqué, Monstrueuse normalité de Fumuj. Quand musique rime avec orfèvrerie… L’esthétique du clip en noir et blanc est, de plus, un superbe écrin pour ce joyau que je vous invite à savourer comme un grand cru.

Sylphe

Five Titles n°2: Dear John de Loney Dear (2009)

Lorsque vient ce besoin de se ressourcer auprès des artistes et albums qui nous ont Loney Dearconstruit humainement et plus humblement musicalement (#excèsdesadverbes) les playlists que nous avons créées minutieusement s’imposent comme de vrais havres de paix. Sur la playlist gargantuesque regroupant mes innombrables coups de coeur il m’arrive régulièrement de retomber sur des titres du Dear John de Loney Dear. Il faut croire que la fonction aléatoire de ma playlist a une attirance incontrôlable pour Emil Svanängen, défiant toutes les lois de la logique. Un signe du destin m’a définitivement donné envie de parler de ce superbe album lorsque j’ai vu que son homonyme Matthew Dear (pour l’anecdote inutile ces deux-là sont nés à 6 jours d’intervalle) venait de sortir un nouvel album, Bunny. Ayant toujours cette fâcheuse tendance à mélanger les Dear, il était devenu évident qu’il fallait régler ce problème et partager dans les plus brefs délais mon amour pour ce Dear John sorti sur le très recommandable label Sub Pop. Voilà donc cinq titres pour vous inciter à aller écouter ou réécouter, pour les plus chanceux le connaissant déjà, ce superbe bijou d’électro-folk qu’est Dear John.

1. L’ouverture de l’album Airport Surroundings qui me désarme à chaque fois. Morceau uptempo, il résume avec brio l’accouplement d’une folk suave avec le sentiment d’urgence d’une électro suggestive. On retrouve ainsi de nombreux éléments qui sauront me séduire dans tout l’album, la douceur de la voix, le sens de la mélodie avec le recours aux choeurs et un goût prononcé pour soigner les ambiances instrumentales, en l’occurrence de légers tintements ici.

2. La plongée dans les abysses marines d’Under A Silent Sea et sa schizophrénie faussement évidente. Après presque 2 minutes d’une douceur folk dénuée de toute monotonie à l’image des 3 titres précédents Everything Turns To You – I Was Only Going Out – Harsh Words, le titre prend soudainement une tournure plus organique, plus électronique. Les synthés et les drums prennent brillamment le pouvoir sans pour autant briser la douceur mélancolique qui se dégage du morceau. Un superbe exercice de style qui résume parfaitement les deux aspirations principales de l’opus.

3. La folk de I Got Lost brillamment sublimée par le violon d’un autre génie, en la personne d’Andrew Bird. A peine 3 minutes d’une douceur inouië à nous en faire frémir les paupières…

4. L’autre bijou uptempo de l’album avec l’addictif Distant Lights qui me donne des frissons à chaque écoute. L’univers est plus sombre, à peine éclairé par ces jolis tintements qui essayent de contrecarrer des choeurs angoissants. Je visualise à l’écoute de ces trois petites minutes qu’on voudrait voir se prolonger inlassablement un paysage urbain en pleine nuit (peut-être l’influence de la pochette) et la fuite désespérée d’un personnage pris dans son cauchemar. Un tableau juste sublime…

5. Le morceau final de cet album d’un peu plus de 40 minutes Dear John qui démontre, dans la lignée de Harsh Words, la capacité de Loney Dear à mettre en place des instrumentations plus orchestrées avec ces cuivres qui viennent nous cueillir de manière imparable.

Voilà en tout cas un album raffiné d’électro-folk que je prends toujours autant de plaisir à réécouter 9 ans après sa sortie. Avec cet article je signe un nouveau bail de 9 ans avec Dear John, il ne vous reste plus qu’à signer vous aussi.

Sylphe

Pépite intemporelle n°6 : El testamento (1979) de Georges Brassens/Paco Ibañez

Ces derniers jours nous rappellent, si besoin en était, que tout a une fin en ce bas monde. Pas seulement ces derniers jours d’ailleurs. Disons plutôt que les exemples ne manquent pas : la disparition de Stan Lee, la rentrée scolaire, la sortie de Fallout 76, le claquage de ma cafetière, le silence après les 2h40 de concert de Thiéfaine (soirée de ouf !), ou bien encore le 29 octobre dernier, anniversaire de la disparition de Georges Brassens.

Il est donc de bon ton d’être prévoyant, et de ne pas être pris de court. Une fois entre quatre planches (cette expression m’a toujours étonnée car en fait, il faut bien six planches pour faire un cercueil et non quatre), il sera bien difficile de faire part de ses dernières volontés. D’où l’intérêt de rédiger un testament. Ce qu’avait bien compris l’ami Georges en sortant, en 1955, Le testament. Un titre que je vous invite à découvrir, et puisque sur Five-Minutes nous faisons les choses bien, vous le trouverez juste après ces lignes, ici-bas ici même.

Pourtant, la pépite qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas tant Le testament dans sa version originale que sa reprise en espagnol par Paco Ibañez, publiée en 1979 et sobrement traduite El testamento. Quoi de plus naturel que la rencontre de ces deux monstres sacrés de la chanson, et plus largement de l’humanité et de la vie ? Paco Ibañez, pour celles et ceux qui l’ignoreraient, est un chanteur espagnol catalan, né en 1934, engagé et libertaire, dont la famille a fui l’Espagne en 1937 pendant la guerre civile. Il a construit son œuvre en mettant en musique des textes de poètes espagnols ou latino américains tels que Rafael Alberti, Federico Garcia Lorca ou Pablo Neruda. Farouche opposant à Franco et à toute forme de dictature et d’autoritarisme, il rencontrera la notoriété et le succès en France en 1969, après une double prestation : la célébration des événements de mai 68, en mai 1969 où il chante dans la cour de la Sorbonne, puis un concert à l’Olympia en décembre 1969. Concert devenu mythique à plus d’un titre, puisqu’il y interprètera notamment, pour la première fois, La mala reputaciòn, version en espagnol de La mauvaise réputation de Brassens.

Dix années plus tard, tombera dans les bacs une magnifique galette de onze reprises de Brassens en langue espagnole, interprétée de voix de maître par Paco Ibañez. Tous les titres sont brillants, mais El testamento a une saveur particulière en ce que je trouve la reprise supérieure à l’originale. Est-ce lié à la voix de Paco Ibañez, que je trouve particulièrement chaude et mise en valeur ? Est-ce lié au rythme du texte tel qu’il est chanté, légèrement différent de l’interprétation originale ? Ou bien encore à la magie de la langue espagnole (que je ne parle ni ne comprends) et qui crée une sorte de faux mystère, puisque je connais néanmoins le texte en français ? Impossible à dire. Toujours est-il que je vous convie à écouter tranquillement et au chaud cette magnifique interprétation, et à vous échapper ensuite sur les dix autres titres qui sont autant de merveilles pour les oreilles et le corps.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°8: Fever de Balthazar (2018)

Le plat pays n’est pas avare en groupes de rock de très grande qualité, on pense très souvent aux ouvreurs de piste dEUS ou encore aux brillants Ghinzu dont certains titres (Do You Read Me, Cold Love et son clip incandescent, Take it easy ou encore l’anxyogène This war is silent) me font perdre tout contact avec la réalité. Balthazar trace de son côté son sillon depuis le premier opus Applause en 2010 et ne demande qu’à exploser comme ses compatriotes. Le quatrième album intitulé Fever sortira le 25 janvier 2019 et le titre éponyme vient de sortir. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce titre a pleinement sa place dans les pépites du moment.

Illustré par un clip soigné mettant en scène un road-trip des deux têtes pensantes du groupe Maarten Devoldere et Jinte Deprez au milieu d’un paysage sauvage, le morceau dégage un puissant sentiment de coolitude qui s’exprime à travers cette ligne de basse chaude et lancinante qui imprime brillamment le rythme du titre. Ajoutons la voix caverneuse, un refrain entêtant avec ses choeurs, des violons aussi discrets que séduisants et vous obtenez 6 minutes de très haut vol qui m’obsèdent depuis sa première écoute il y a deux jours.

Toutes mes plus plates excuses, addiction en vue, et ceci n’est pas une blague…

Sylphe

Review n°14: Parcels de Parcels (2018)

Chose promise, chose dûe. Je vous avais laissés avec un avant-goût fort en bouche pour Parcelsvous faire patienter, le clip du morceau Withorwithout, mais je ne résiste pas à la tentation de  partager avec vous le coup de coeur qui s’impose à mes oreilles avec le premier opus de The Parcels. Nos autraliens, originaires de Byron Bay et depuis installés à Berlin, auraient pu très bien émerger du côté du Versailles de la french touch des années 2000. Ils sont lookés subtilement, nous offrent un joli florilège de coupes de cheveux surannées et symbolisent les bobos parisiens qui viennent s’encanailler une fois par an en assistant à Rock en Seine, « Cette année j’ai vu PNL, c’était tellement rafraîchissant! ». Trève de plaisanteries et de stéréotypes, ils pourraient être versaillais car Daft Punk et Phoenix sont clairement dans leurs gênes musicaux (Le duo casqué a produit leur premier single et la bande à Thomas Mars leur a permis de faire leur première partie avant même la sortie de leur premier album.). Pour le coup, des influences de qualité, un talent évident pour s’approprier ces influences, un label dénicheur de talents et reconnu comme Kitsuné, ne peuvent aboutir qu’à une conclusion imparable: claque musicale, chef d’oeuvre, pépite…

Depuis la reprise de ce blog en août, c’est clairement le meilleur album que j’ai eu la chance d’écouter avec le dernier opus de Jeanne Added. Cet album devrait être prescrit pour passer l’hiver car il est plus performant que n’importe quelle recette à base de fruits ou de luminothérapie. De la lumière cet album en revend à foison et 51 minutes de pop solaire friande de synthés et d’influences funk sauront vous redonner foi en l’humanité.

Le morceau d’entrée qui s’étale sur deux titres Comedown et Lightenup met tout de suite l’accent sur des ingrédients incontournables de Parcels, des synthés doux à la Phoenix et des choeurs suaves qui fredonnent avec délectation pour nos oreilles gourmandes. Lightenup gagne encore en consistance avec des influences plus funk et un chant plus affirmé. Vous venez d’arriver sur cette plage gorgée de soleil, un cocktail à la main et de l’autre votre planche de surf pour dompter les vagues. Parcels est d’une coolitude infinie et va vous laisser libre de dompter les vagues de l’océan avec la pop plus rythmée de Tape  ou les remous de votre cocktail avec la rythmique plus lente de l’addictif Withorwithout.

Arrive alors une bande de surfeurs paisibles qui viennent partager avec vous ce moment magique car Parcels ça se partage crénom de nom! Everyroad, vaste odyssée de 8 minutes plus expérimentales, s’impose par la richesse de ses propositions. On invoque ici Niles Rodgers, les morceaux plus apaisés du Discovery de Daft Punk (le bijou Night vision en tête), pour aboutir à un morceau qui nous fait voyager loin et démontre la richesse du panel des australiens, des 5 minutes du début qui montent en douceur à la fin plus électro après ce bel intermède porté par les violons. Savoureux… Yourfault est une jolie transition de pop soyeuse avec le bruit des vagues et des oiseaux en fond avant un Closetowhy qui continue de creuser avec délices le sillon de la pop solaire suave et délicate.

Iknowhowlfeel vient alors vous inciter à vous laisser caresser par les vagues et à délaisser momentanément votre cocktail. Des synthés estampillés Daft Punk, une petite mélodie aussi simple qu’évidente, un refrain entêtant, j’ai sincèrement l’impression d’écouter un morceau caché de Discovery. Je me rends compte que les vagues communient avec mon surf et que tout est facile et naturel, ma vision se brouille et je me laisse porter par les éléments au rythme de la pop ingénue d’Exotica. Je me surprends même à oser tenter des vagues plus impressionnantes grâce à la sucrerie pop Tieduprightnow qui s’impose comme un des sommets de l’album.

Les vagues me portent doucement vers le rivage et je m’échoue sur la plage brûlante. Un cocktail semble tomber du ciel pour réconforter mon corps suant, il ne me reste plus qu’à savourer la douceur de Bemyself et le flow funk de Dean Dawson sur le Credits final en me perdant dans le bleu du ciel.

Tenez, voilà un cocktail et un surf, à vous de savourer Parcels désormais…

Sylphe

Pépite intemporelle n°5 : Echoes (1971) de Pink Floyd

Le 31 octobre de chaque année, on peut faire tout un tas de choses pour s’occuper : aller acheter des chrysanthèmes, découper une citrouille, regarder un programme télé confondant de connerie ou un film d’horreur, cuisiner des spaghetti, entasser des kilos de bonbons qu’on finira par s’engloutir puisque finalement aucun enfant n’est venu sonner chez nous, écrire un article sur Five-Minutes (oui, pour les distraits, j’écrivais pile la semaine dernière une pépite du moment)… Bref, les activités ne manquent pas, mais en 1971, les clients de bon son avaient bien autre chose à faire le 31 octobre que de se fringuer en monstre pour fêter l’Hallouine !

Oui, le 31 octobre 1971 est tombé dans les bacs le sixième album studio des Pink Floyd, sobrement intitulé Meddle. Si la galette s’ouvre par l’excellent One of these days et se poursuit par quelques titres sympathiques (dont l’insolite Seamus, co-interprété avec un chien), il faut néanmoins retourner le disque et lancer sa face B pour plonger dans la pépite du jour.

Echoes s’ouvre sur un bip de sonar qui annonce un incroyable chef-d’œuvre. Construit comme une odyssée sonore dans tout ce que les Pink Floyd savent faire à l’époque, le titre est planant à souhait et se déguste la tête entre deux enceintes ou couronnée d’un casque pour en profiter pleinement. Décomposé en quatre temps, Echoes s’ouvre donc sur un sonar des fonds marins tout autant que sur la guitare et les claviers aériens de David Gilmour et Rick Wright, portés par l’incroyable ligne de basse de Roger Waters et les fûts de Nick Mason. Avant de se poursuivre sur un dialogue guitare-claviers dont je ne me remets toujours pas, pour ensuite s’abandonner dans un mouvement psychédélique que n’aurait sans doute pas renié Syd Barrett. Pour s’achever sur un retour au premier thème, bouclant ainsi la boucle.

Echoes dure 23 minutes et une poignée de secondes. Tout autant que la dernière partie de 2001, l’odyssée de l’espace, le film-bijou de Stanley Kubrick. On l’a dit et redit. Il n’empêche que l’expérience est absolument bluffante : lancez votre film et, à l’entrée de la dernière partie, coupez le son côté film pour lancer Echoes et recevoir plein la rétine l’incarnation visuelle du son des Pink Floyd. C’est à la fois d’une évidence flagrante et totalement vertigineux. La quintessence du Pink Floyd.

Là où il s’est posé, Echoes a sans doute marqué à jamais et comme personne ni rien d’autre le 31 octobre. Tout à la fois achèvement d’une époque, moment de jouissance XXL et point de départ d’une nouvelle histoire qui conduira aux quatre albums de folie à venir (Dark side of the moon en 1973, Wish you were here en 1975, Animals en 1977 et The wall en 1979), notre pépite du jour est à écouter sans aucune modération et sans attendre.

Raf Against The Machine