Five Titles n°30 : Radiohead

Capture d’écran 2023-02-15 à 16.20.35Un Five Titles pour le moins original cette semaine : alors que nous réservons généralement cette rubrique à l’extraction de cinq titres d’un même album pour vous donner envie d’en écouter le reste, nous allons plutôt partir sur un top 5. Étrange idée ? Pas tout à fait. Voici quelques semaines, j’ai vu passer et répondu sur Twitter à un petit jeu consistant à donner son top 5 des titres de Radiohead, tout album confondu (Twitter où, je le rappelle, vous pouvez nous suivre dans nos pérégrinations bloguesques et culturelles en rejoignant nos deux comptes @sylphe45 et @BatRafATM). Ce top 5 Radiohead fut une sacrée difficulté : comment extraire de la discographie du groupe seulement cinq titres au beau milieu de cette avalanche de pépites depuis le premier album Pablo Honey en 1993 ? Trente ans que la bande de Thom Yorke nous accompagne, avec à ce jour une carrière parfaite. Pas un mauvais album, pas un titre à jeter. Après les plutôt rock Pablo Honey et The Bends (1995) que j’aime beaucoup, OK Computer (1997) fut la claque absolue dont je ne suis toujours pas remis. En 2000 et 2001, le diptyque Kid A / Amnesiac (aujourd’hui réuni dans le triple vinyle Kid A Mnesia sorti en 2021) fait entrer le groupe dans une nouvelle dimension artistique, en venant prolonger OK Computer tout en éclatant tous les repères.

Les quatre albums suivants, respectivement Hail to the thief (2003), In Rainbows (2007), The King of limbs (2011) et A Moon Shaped Pool (2016), installent définitivement Radiohead au panthéon du rock et de la musique des 20 et 21e siècles. Dès lors, comment ne retenir que cinq titres ? Tout simplement en les laissant venir, spontanément. Quels sont les morceaux qui me viennent et qui vibrent le plus en moi lorsqu’on me parle de Radiohead ? Réponse immédiatement, ici-bas, ici même.

  1. Paranoid Android (sur OK Computer) : titre rock, étiré, déconstruit, hors de toute norme single et radiophonique, Paranoid Android est un bijou de création qui alterne moments intimistes, dépressifs, planants, et explosions rock. Tout Radiohead est là, et si un jour il ne fallait en garder qu’un, le voilà.
  2. Like Spinning Plates (sur Amnesiac) : je peine à trouver les mots justes pour décrire l’effet que me fait cette chanson. Notamment dans sa version ‘Why us ?’, entendue sur le live I might be wrong en 2001, et disponible sur Kid A Mnesia. A écouter, tout simplement. Une des merveilles musicales de notre temps.
  3. Fake Plastic Trees (sur The Bends) : balade rock quasi acoustique qui empile les émotions comme les couches musicales, portée par la voix déchirée et déchirante de Thom Yorke. Là encore, une musicalité presque hors du temps.
  4. Motion Picture Soundtrack (sur Kid A) : quasi titre de clôture du chef-d’œuvre Kid A, un titre sans aucune guitare ni aucun attribut rock pour une mélodie aérienne qui monte très très haut à la faveur de chœurs quasi mystiques. En découvrant Kid A pour la première fois, et en le refermant avec ce morceau, des vagues d’émotions encore intactes aujourd’hui.
  5. Climbing up the walls (sur OK computer) : pour son travail sur le son, les dizaines d’artefacts et de glitches sonores (écoutez moi ça au casque je vous en prie), ce titre est une pépite d’écriture. Trois minutes contenues et posées en tension, pour finir sur un mur de guitares et de cordes déchirant, avant de s’échouer dans trente secondes de retombées. La transition avec No Surprises sur ce même OK Computer.

Vous aurez donc aujourd’hui non pas cinq minutes mais cinq titres de bon son fournis par une des plus grands groupes que la musique nous ait offert. On ne fait que relayer et vous partager ça, en attendant la review de fin de semaine qui concernera un autre grand musicien dont le dernier et bouleversant album est sorti vendredi dernier (spoiler/indice : on peut émouvoir avec des platines).

(Visuel by Stanley Donwood pour Radiohead)

Raf Against The Machine

Five Titles n°29: EBM d’Editors (2022)

Des nouvelles aujourd’hui des Anglais d’Editors qui nous ont offert de superbes albums rockEditors - EBM dans les années 2000 – The Back Room en 2005 et An End Has a Start en 2007 en tête qui méritent d’être régulièrement réécoutés – portés par un souffle rock subtil et la charismatique voix de Tom Smith. Je les ai clairement perdus de vue depuis plusieurs années, étant juste tombé par hasard sur la version électronique de leur dernier opus Violence (2018), The Blank Mass Sessions ( petit article en passant par ici). Depuis Blank Mass (un des deux Fuck Buttons) est devenu un membre à part entière du groupe comme le titre de ce septième opus l’explicite (EBM = Editors + Blank Mass…Je sais, vous êtes bluffés par cette équation subtile…) et le virage électronique est pleinement assumé. J’ai longtemps hésité à parler de cet album car mes sentiments sont très partagés, autant il possède quelques titres percutants autant l’enchaînement des 9 titres et ses 52 minutes s’avère assez épuisant… Les doigts sont littéralement restés dans la prise et les rythmiques uptempo nous martèlent, la voix de Tom Smith passant malheureusement quelquefois au second plan… Néanmoins, certains titres surnagent et méritent amplement qu’on en parle.

  1. Le morceau d’ouverture Heart Attack qui traite de la puissance intemporelle du sentiment amoureux d’une manière quelque peu inquiétante -« No one will love you more than I do/I can promise you that/ And when your love breaks I’m inside you/ Like a heart attack  » propose un son rock bien lourd. Des drums assourdissants et un refrain puissant donnent une tonalité épique au titre.
  2. Picturesque est ensuite à la limite de la faute de goût avec un gimmick électronique de fond un brin entêtant. Néanmoins la rythmique uptempo, les riffs acérés et ce sentiment d’urgence palpable nous embarquent, comme si on écoutait une version sous acide de Bloc Party.
  3. Kiss me plaît ensuite car ce titre rappelle l’amplitude de malade de la voix de Tom Smith, capable d’aller chercher des notes très hautes. Dommage que la rythmique électro de fond assez monolithique ne la mette pas vraiment en valeur.
  4. Silence rappelle enfin ce que fut Editors sur ses premiers albums. Rythmique downtempo, voix caverneuse, émotion à fleur de peau, une ode au passé déchu.
  5. Educate propose de son côté un son électro-rock plein d’énergie qui résiste à la tentation de tomber dans les excès.

Quelques beaux moments, une sensation globale plus mitigée, la collaboration avec Blank Mass manque quelque peu de légèreté. A vous de vous faire votre propre avis désormais, enjoy !

 

   

Sylphe

Five-Titles n°28: Source de Canine (2022)

Il est écrit là-haut qu’en septembre il est de bon ton de chroniquer le dernier album de CanineCanine Source sorti au printemps. Le premier opus Dune (chroniqué par ici) s’était imposé comme une franche réussite de 2019 au point de figurer dans mon top de fin d’année en sixième position. La voix androgyne de Magali Cotta, les influences trip-hop, le souffle épique à la Woodkid, les textes jonglant avec fluidité entre l’anglais et le français étaient de véritables forces pour un premier LP. Trois ans plus tard, Source est sorti le 13 mai dernier riche de 16 titres (dont 3 interludes) qui confirment le talent certain de Canine. Nous retrouvons ce perpétuel jeu de va-et-vient entre l’anglais et le français mais la voix (qui me paraît moins androgyne dans les arrangements) est davantage au centre des morceaux. Du coup, nous avons l’impression d’un album plus intimiste tourné vers l’introspection et la célébration de la nature -le soleil et la mer très présente, ce qui n’a rien de surprenant pour une Niçoise d’origine – qui propose moins d’envolées épiques à la Woodkid. A l’écoute de cet album, c’est finalement la référence de Mesparrow qui est revenue le plus souvent, confirmant la mue vers un son plus posé et moins aventurier. Je vous propose 5 tableaux impressionnistes qui vous donneront un aperçu de ce Source séduisant :

  1. Le morceau d’ouverture Sun est un bien bel hymne au… soleil (oui, oui, ce n’était pas évident…) et sa puissance régénératrice. Refrain lumineux et pop, rythmique trip-hop, le morceau ouvre brillamment l’album.
  2. Le titre suivant F.O.R.C.E nage dans les eaux profondes de l’introspection et de la mélancolie. Sublimé par ses arpèges sensibles, il séduira sans hésitation les fans de Mesparrow.
  3. Novembre reste dans la même lignée que F.O.R.C.E en abordant avec subtilité et justesse le deuil de l’amour. Pop soyeuse, ce titre n’est pas sans rappeler Sébastien Schuller dont j’ai parlé il y a peu.
  4. Hunters surprend, quant à lui, avec une rythmique électro-pop plus affirmée qui rappelle davantage le premier album.
  5. Galaxies demeure enfin ma plus belle bulle de douceur, donnant ses lettres de noblesse à une pop intimiste, feutrée et sensible, digne d’Aimée Mann.

 

Sylphe

Five Titles n°27: Never Let Me Go de Placebo (2022)

Certaines critiques musicales sur le dernier album de Placebo sont particulièrement âpres et j’avouePlacebo Never Let Me Go 2 avoir difficilement résisté à la tentation de commenter certains articles les traitant de papys qui mériteraient de prendre leur retraite… Ici à Five-Minutes notre ligne éditoriale (#payetonnompompeux) consiste à aborder essentiellement les artistes et albums qui trouvent grâce à nos oreilles -même si le plaisir n’est pas toujours total ou à la hauteur de nos attentes. L’offre musicale est tellement large que certains critiques feraient mieux de garder leur énergie pour de belles découvertes plutôt que de dézinguer sans argumenter. La nature humaine est particulière et se montre souvent plus habile lorsqu’il faut justifier une déception qu’un coup de coeur, du coup laminer Never Let Me Go, le huitième album de Placebo, ne relèverait-il finalement pas d’une certaine paresse intellectuelle? De mon côté je regrette évidemment le départ du batteur Steve Forrest en 2008 et constate que Battle for the Sun en 2009 et Loud Like Love en 2013 sont des albums mineurs d’une discographie que de nombreux groupes de rock envieraient. 9 ans après, je suis donc avant tout agréablement surpris que Brian Molko et Stefan Olsdal aient retrouvé l’envie d’enregistrer un album studio et je tente de ne pas avoir des espérances trop élevées, Without You I’m Nothing a déjà 30 ans faut-il le rappeler… 13 titres et 57 minutes plus tard, j’ai le sourire et ce Never Let Me Go est pour moi le meilleur album du groupe depuis qu’il est devenu duo. Certes, j’ai tout de même conscience des limites de l’opus : l’album est un peu trop long et la deuxième partie s’essouffle et se montre moins puissante. De plus, les prises de risque sont mesurées mais avais-je envie d’un véritable renouveau…?

Je vous propose 5 jolies pépites qui ne feront pas de vous des has-been parce que vous prenez encore du plaisir à écouter Placebo en 2022…

  1. Le morceau d’ouverture Forever Chemicals avec ses sonorités discordantes, sa batterie puissante et le chant lancinant de Brian Molko – dont la voix reconnaissable entre toutes demeure un argument de poids – fait preuve d’une belle énergie rock et lance l’album de manière solide.
  2. Le single Beautiful James qui inonde les dernières radios qui osent passer du rock fait bien le job avec ses influences plus électroniques. Pas foncièrement original, je suis tout de même happé par la belle intensité.
  3. The Prodigal est peut-être le morceau le plus original, porté par… ses cordes. Le résultat est un joli bijou d’émotions qui met à l’honneur un texte fort.
  4. Surrounded By Spies (dont j’avais déjà parlé par ici) fonctionne à merveille grâce à sa rythmique tout en tension et ses paroles obsédantes répétées deux fois.
  5. Twin Demons est le titre de la deuxième partie de l’album qui me séduit le plus. Du pur rock frontal avec une rythmique addictive.

Merci à Brian Molko et Stefan Olsdal de continuer à faire vivre leur son rock, sur ce je retourne réécouter la playlist de leurs meilleurs morceaux (à retrouver ici), enjoy!

 

Sylphe

Five Titles n°26: Troie de Malik Djoudi (2021)

Je continue encore aujourd’hui à regarder dans le rétroviseur cette belle année musicale 2021Malik Djoudi Troie avant de me tourner définitivement vers 2022 et ses premières perles qui tombent depuis 2 semaines (Bonobo, Ez3kiel, FKA twigs, Cat Power entre autres). Vous connaissez sûrement la voix fluette et androgyne de Malik Djoudi qui se fait avec humilité et discrétion sa place depuis 2 albums, le dernier album Tempéraments (2019) lui ayant permis d’être nommé aux Victoires de la musique dans la catégorie « Album révélation ». Ce troisième album produit par Renaud Létang (Feist, Emilie Simon, Jarvis Cocker…) ne déroge pas à la règle et révèle toute la sensibilité de Malik Djoudi qui, en 35 petites minutes et 12 titres perçus comme des instantanés de vie intérieure, me touche particulièrement. Je n’arrive pas à me retirer de l’esprit une image obsédante qui résume pour moi parfaitement cet album : ce Troie, c’est la rencontre parfaite entre la sensibilité poétique de Terrenoire et le groove électronique de Parcels. Je vous invite à découvrir 5 titres qui devraient illuminer votre dimanche brumeux…

  1. Le titre d’ouverture Où tu es est mon morceau préféré. Voix feutrée et chant plein d’émotions, instrumentation électronique vaporeuse, surprise finale avec les drums, on croirait ce titre tout droit sorti de Les Forces contraires de Terrenoire, ce qui n’est pas un mince compliment de ma part…
  2. Point sensible démontre, quant à lui, la force pop qui se dégage de la musique de Malik Djoudi. Une pop subtile et léchée où la basse de Parcels semble s’inviter. On notera le flow atypique de Lala &ce en featuring qui donne encore plus de valeur à l’ensemble.
  3. Douleur, morceau plus sombre, brille par la beauté de ses textes – « J’étais ton stand de tirs,/tu m’as laissé couché/T’as posé ton étendard de manière frénétique/J’ai encore le corps qui grésille » – et nous offre une très belle introspection.
  4. Vis la me plaît par son contraste entre des couplets sombres et un refrain plus lumineux qui vise à un hédonisme salvateur.
  5. Je finirai avec le dernier featuring de l’album, Philippe Katerine, sur Eric. Morceau résolument pop, à la rythmique uptempo, je ne vois pas de plus bel hommage à peine déguisé à l’inclassable auteur de La Banane.

Sur ce, je vous laisse, 2022 m’attend, enjoy !

 

Sylphe

Five Titles n°25: Party Like a Human de General Elektriks (2021)

Il y a peu, je prenais plaisir à réécouter le deuxième album Good City for Dreamers de General Elektriks (à voir parGeneral Elektriks Party Like a Human ici), album qui n’a pas pris une ride et dont l’électro-funk fait mouche avec délices. 12 ans et 4 albums plus tard, le septième opus Party Like a Human est sorti le 24 septembre dernier. L’occasion de prendre des nouvelles d’Hervé Salters et de voir si sa folie créatrice est toujours au beau fixe. Sans forcément révolutionner son style, même si les featurings sont plus nombreux que d’habitude et l’ouverture vers le hip-hop plus grande, ces 43 minutes font bien le job et nous plongent dans cet univers si atypique et si reconnaissable. L’ensemble est très homogène et je peux cependant regretter l’absence de véritables bombinettes électro-pop qui donneraient un supplément d’âme à cet album. Maintenant ce Party Like a Human dont la pochette ferait penser à une version moderne d’un tableau de Jérôme Bosch -en réalité, c’est le tableau Off the Wall : Art of Absurd de Laurina Paperina – demeure une très bonne porte d’entrée dans l’oeuvre de General Elektriks. La preuve en cinq titres qui fonctionnent à merveille…

  1. Le morceau d’ouverture Seeker nous ramène d’emblée en terrain connu. Basse funk, rythmique toute en ruptures, synthés hypnotisants, la voix d’Hervé Salters qui se plaît à naviguer dans les aigus, tout est parfaitement en place et nous ramène plus de 10 ans en arrière dans un univers hédoniste à souhait.
  2. Party Like a Human, le morceau éponyme, joue la carte d’un groove chaleureux et gourmand. Les synthés ne sont jamais loin et électrisent l’ensemble, en particulier sur une fin surprenante par son minimalisme.
  3. Chambre magique, seul titre chanté en français, ramène quant à lui vers l’univers fantasmagorique d’un Flavien Berger. Le duo de voix fonctionne à merveille et je découvre avec plaisir le timbre de voix de l’actrice Ariane Labed d’une grande sensualité qui se marie parfaitement à cette atmophère jazzy d’une grande douceur. Ce récit d’un rêve devenu cauchemar amène à l’évasion…
  4. Giving Up on You me séduit, quant à lui, par deux aspects : l’habituelle atmosphère électro-funk dans la droite lignée de Seeker mais aussi ces montées symbolisées par des violons bien sentis qui me rappellent, de manière assez surprenante, Poni Hoax.
  5. Le tryptique Cosmic Check clot avec brio l’album. J’apprécie tout particulièrement le featuring du rappeur Quelle Chris sur Cosmic Check Pt. 2 : One Foot in the Grave (plus convaincant que Lateef the Truthspeaker sur Electric Pigeons). Son grain de voix sombre se marie parfaitement à une ambiance plus mystérieuse qui n’est pas sans rappeler l’univers de The Avalanche. Cosmic Check Pt.3 : Humans Unite ! contrastera assez brillamment ensuite dans une version pop jazzy décomplexée où le refrain s’incruste en nous de manière indélébile.

Voilà à coup sûr un album plus riche qu’il n’y paraît à première vue. Moi-même, j’ai l’impression que mon avis n’a cessé d’évoluer au fil de cette chronique. A vous de vous faire votre propre avis désormais, enjoy !

 

 

Sylphe

Five Titles n°24: Squaring The Circle de Sneaker Pimps (2021)

Il aura fallu attendre 19 ans pour avoir la chance d’écouter un quatrième album de SneakerSneaker Pimps Pimps… Depuis Bloodsport en 2002, je m’étais presque fait à l’idée que ce groupe n’aurait définitivement pas la carrière qu’il méritait. Je vous invite à ce sujet à aller écouter par ici  la playlist qui, je l’espère, vous convaincra de la grande valeur de ce groupe biberonné aux saveurs du trip-hop. 19 ans après, Chris Corner est toujours aux commandes et maîtrise avec brio sa voix, n’hésitant pas à davantage utiliser sa voix de tête. La nouvelle voix féminine qui apparaît sur 10 des 16 titres, à savoir Simonne Jones, apporte de son côté une suavité et une douceur assez enchanteresses. Certes, ce Squaring The Circle est un peu trop copieux (1h07 tout de même) et quelques titres dans la deuxième partie sont plus dispensables mais peut-on vraiment reprocher ces excès après un silence si long et si frustrant? Cet album saura, à coup sûr, toucher les fans de la première heure par sa capacité à construire des ambiances instrumentales clair-obscur aux confins du trip-hop et du dubstep. Je trouve que les deux voix se marient à merveille et permettent de beaux moments d’émotion, comme si le spleen de James Blake avait trouvé la puissance extravertie des premiers albums de Muse. L’image est un brin provocante, je vous l’accorde, mais je vous invite à découvrir ce Squaring The Circle à travers 5 bijoux.

  1. Child In The Dark démontre d’emblée l’apport incontestable de Simonne Jones. Sur une instrumentation dubstep, elle apporte une puissance pop savoureuse, magnifiée par des choeurs bien sentis. On savourera le chant de Chris Corner sur la deuxième partie du titre…
  2. Immaculate Hearts propose un morceau plus rock dans son approche pour un résultat qui se place comme un chaînon manquant entre Muse et Radiohead.
  3. Tranquility Trap sonne comme du Elysian Fields et désarme par la beauté du chant de Chris Corner. Sur une instrumentation mélancolique, je suis touché par cette voix montant à des hauteurs insoupçonnées et rappelant le chant d’Hayden Thorpe de Wild Beasts. Pour moi, le sommet de l’album…
  4. Stripes surprend, quant à lui, par sa rythmique techno martiale. Le climat est vénéneux et la voix de Chris Corner tout en tensions pour un résultat très puissant.
  5. Paper Room propose une atmosphère plus aérienne, aux confins de Trentemoller et Radiohead. Un beau moment d’émotion tout simplement….
  6. Parce que certaines règles ne demandent qu’à être transgressées, je finirai en sixième titre avec Black Rain qui magnifie l’association des deux voix. La confrontation est juste sublime…

Voilà un article succinct qui ne rend pas pleinement hommage à la réalité de cet album et je vous invite à dépasser mes modestes mots pour vous confronter à ce Squarring The Circle. Ecoutez, savourez Sneaker Pimps, apportez votre pierre à l’édifice pour éviter que nous n’ayons encore 19 ans à attendre….Enjoy!

Sylphe

Five Titles n°23: Going To Where The Tea Trees Are de Peter von Poehl (2006)

La semaine dernière, le plus français de tous les Suédois Peter von Poehl a sorti son sixième album studioPeter von Poehl (sans compter les différentes BO) Memories from Saint-Forget, un album de qualité et sans véritable surprise où la pop soyeuse et sensible continue de déployer ses ailes avec subtilité. Cela faisait de nombreuses années que je n’avais pas croisé le chemin de Peter von Poehl et j’ai eu l’envie immédiate de me replonger dans les premiers albums et en particulier le tout premier Going To Where The Tea Trees Are, sorti en 2006 sur le label Tôt Ou Tard. Et ma foi bien m’en a pris tant cet opus n’a pas pris une ride et touche par sa fragilité. A l’époque, Peter von Poehl est loin d’être un inconnu et a déjà travaillé avec Bertrand Burgalat, Alain Chamfort ou encore Marie Modiano (sa future femme au passage). Ce Going To Where The Tea Trees Are va ainsi arriver en toute modestie et pudeur pour célébrer les talents de compositeur de Peter Von Poehl. Je vous propose de découvrir ce beau bijou à travers le prisme de cinq titres qui me touchent particulièrement…

  1. Le morceau d’ouverture Going To Where The Tea Trees Are nous offre d’emblée cette pop-folk savoureuse qui s’appuie sur une voix presque irréelle et translucide, une voix à la rythmique lancinante. Je pense souvent en écoutant ce titre à Sébastien Schuller  qui aurait proposé une version pop de la BO de Virgin Suicides d’Air. La fin s’appuyant sur les cuivres est émouvante et ne lève pas le voile sur ces paroles un brin mystérieuses mettant en avant la volonté d’évoluer et de s’oublier davantage, « So I will go to where the tea trees turn to wine/ I’ll be just fine/ It takes a believer sometimes ».
  2. Travelers me touche, quant à lui, par son univers instrumental. La rythmique de la guitare est touchante de simplicité et laisse peu à peu les cordes sublimer l’ensemble. La voix falsetto de Peter von Poehl traite avec subtilité le pouvoir de la musique qui permet d’ancrer l’amour dans la réalité alors que nous cherchons sans cesse à voyager et d’une certaine manière nous fuir.
  3. A Broken Skeleton Key joue sur des sonorités pop plus immédiates, comme une musique de foire jazzy digne de Jay Jay Johanson. Ce titre tranche avec l’ensemble de l’album et prend plaisir à nous surprendre par son univers faussement inquiétant.
  4. Scorpion Grass, morceau dont les paroles restent énigmatiques pour moi, me séduit lui par son combo magique: rythmique de guitare judicieuse et refrain puissant sublimé par les cordes qui donne une vraie intensité à ce morceau d’un peu plus de deux minutes.
  5. The Story of the Impossible s’est vite imposé comme le single incontournable de l’album. Repris dans la BO de L’Arnacoeur ou d’Hippocrate, la mélodie d’une grande douceur est imparable… Si tu as résisté à un début de conjonctivite inopinée avec les paroles, les sifflotements sur la fin devraient te désarmer.

Désormais tu as le choix… Ou te visionner une nouvelle fois la purge Suède-Espagne d’hier soir ou réécouter ce très beau Going To Where The Tee Trees Are. Je me doute comme ce choix est cornélien, enjoy!

 

 

Sylphe

Five Titles n°22: Californian Soil de London Grammar (2021)

Des nouvelles aujourd’hui des Anglais de London Grammar, trio composé de Dominic « Dot » Major (clavier,London Grammar percussions), Dan Rothman (guitare) et la chanteuse à la voix de velours Hannah Reid. C’est en 2013 (et oui, ma bonne dame, ça file…) avec leur premier opus If You Wait que l’on a fait connaissance avec ce groupe proposant un trip-hop moderne ayant batifolé avec la dream pop. Je vous invite à aller réécouter des titres comme Wasting My Young Years et Strong qui devraient réveiller en vous des réminiscences d’émotions fortes ou savourer la sublime reprise de Nightcall de Kavinsky. En 2017, je suis littéralement passé à côté de leur deuxième album Truth Is a Beautiful Thing mais ce Californian Soil est arrivé à bon port. Sur la base du hasard (j’ai regardé l’album dans une liste de sorties, cet album m’a regardé, bref j’ai écouté cet album…) j’ai écouté sans aucune attente particulière, si ce n’est une curiosité polie, cet album qui m’a totalement emporté dès la première écoute… Vous me direz que les textes ne sont pas les plus originaux du monde, que l’évolution du son de London Grammar est très prudente et que l’album est un peu trop homogène. Sans nier ces arguments, je vous répondrai juste que la voix d’Hannah Reid me transperce par sa douceur. La recette est donc d’une simplicité imparable: cette voix centrale qui a la capacité de porter à elle seule certains morceaux, des ambiances instrumentales entre le trip-hop de Massive Attack, l’électro d’un Thylacine et le lyrisme des cordes. Je vous invite à découvrir cinq titres qui s’imposent comme une porte d’entrée majestueuse de ce Californian Soil.

1. Le morceau d’ouverture sobrement intitulé Intro et ses deux petites minutes au pouvoir cinétique évident donne une leçon de grâce mystérieuse. Une mélopée irréelle qui vient remplacer ces cloches en fond et des violons/violoncelles qui viennent faire souffler un son épique, voilà la bande-son parfaite pour illustrer l’arrivée d’un héros solitaire au milieu d’une lande nappée de brouillard.

2. Le titre éponyme part lui sur une rythmique trip-hop digne du Teardrop de Massive Attack avec la voix aussi douce que puissante d’Hannah Reid. L’alliance entre la boîte à rythmes et les violons est subtile pour une superbe revisite moderne du trip-hop.

3. Lord It’s a Feeling joue quant à lui davantage la carte de l’électronica. L’instrumentation me fait fortement penser aux premiers albums de Moby pour un résultat qui gagne au fur et à mesure en complexité. Une des vraies prises de risques de l’album.

4. How Does It Feel aborde ensuite le thème de la rupture amoureuse en jouant davantage sur la fibre pop. Le refrain joue sur des sonorités aux frontières du disco pour un résultat plus dansant et particulièrement savoureux.

5. Baby It’s You brille enfin par son électro un brin nostalgique à la Thylacine qui contraste avec la puissance du chant. De la joaillerie musicale…

 

Pour commencer sous les meilleurs auspices ce weekend ensoleillé, si vous savouriez le cocktail doux et intense de ce Californian Soil? Enjoy!

Sylphe

Five Titles n°21: Rone & Friends de Rone (2021)

Il était temps de réparer une injustice de ce blog avec l’absence d’un article sur Erwan Castex, alias Rone. JeRone & Friends suis admiratif depuis de très nombreuses années de la production artistique du français qui nous offre une électro inventive et hédoniste. Je serais bien présomptueux de vouloir vous résumer la carrière de ce dernier ici mais je ne peux que vous inviter à aller écouter les albums Tohu Bohu (2012) ou Mirapolis (2017) entre autres… L’année dernière, Rone a mené un projet fort autour de son très riche dernier album Room with a View qui aurait amplement mérité de figurer ici: monter un ballet avec le collectif d’une vingtaine de danseurs (La) Horde sur la scène du théâtre du Châtelet. Ce spectacle qui traitait d’urgence climatique a malheureusement dû rapidement se stopper, la faute à vous savez quoi… Afin de lutter face au désoeuvrement et la solitude du confinement, Rone a fait appel à des amis ô combien prestigieux pour créer cet album sobrement nommé Rone & Friends. Peu d’artistes sont capables de réunir un tel panthéon qui va de l’écrivain et compagnon de toujours Alain Damasio au brillant Dominique A, en passant par la nouvelle scène française (Odezenne, Flavien Berger, Camelia Jordana) ou des valeurs sûres au-delà de nos frontières (Yael Naim, Georgia, Casper Clausen, Mélissa Laveaux, Roya Arab). Le résultat, en lien direct avec Room with a View, est d’une grande homogénéité dans la volonté de proposer une électro douce et propice à la rêverie, une électro nappée d’une grande humilité dans son désir de mettre en avant les différents artistes venus mettre leurs mots au service de la musique de Rone. Choisir c’est renoncer mais j’aime ce jeu de dégager 5 titres qui m’ont encore plus touché… Bien sûr, j’aurais pu sélectionner la douceur de Georgia sur Waves of Devotion qui reprend le Gingko Balboa de Room with a View ou la beauté des textes et des voix de Jehnny Beth, Laura Etchegoyhen et Yael Naim sur Et le jour commence, L’orage et Breathe In. Ou encore la savoureuse électro-pop fantasque de Flavien Berger sur Polichinelle. Ou encore m’offrir un instant de nostalgie en savourant le grain de Roya Arab (qui est la voix principale du Londinium d’Archive) sur Twenty 20. Vous voyez bien que je triche alors je m’arrête pour vous proposer ces 5 pépites…

  1. Le morceau d’ouverture Sot-L’y-Laisse, reprise du titre Room with a View, frappe fort, porté par le flow uptempo d’Odezenne. L’urgence du texte et l’explosion électro finale se marient à merveille pour un uppercut sonore qui fait vaciller de plaisir.
  2. A l’errance n’en finit plus de montrer le pouvoir d’interprète de Dominique A… Je pense que je serais capable d’acheter un album où ce dernier se contenterait de lire un dictionnaire… Je vous rassure, on est très loin du dico avec cette ode à la liberté où la grâce poétique de Dominique A fait humblement mouche.
  3. Un qui s’appuie sur un duo de voix inédit Damasio et Mood, associe avec subtilité une électro majestueuse à un texte d’une grande sensualité. Mention spéciale à Mood que je ne connaissais pas et qui m’a rappelé le timbre de Laura Smet sur Un verre à la main de Grand Corps Malade. Un hymne à l’amour imparable.
  4. La Nuit venue confirme de son côté le talent de Camelia Jordana qui est littéralement en train de rentrer dans une autre sphère. Un morceau qui se veut aussi dépouillé que les corps la nuit, sublime de simplicité.
  5. Closer reprend enfin brillamment le Human de Room with a View. Porté par le timbre en or du chanteur d’Efterklang, Casper Clausen, une montée en tension électro inarrêtable et le spoken-word de Melissa Laveaux, ce morceau brilla par sa richesse.

Je crois que vous savez désormais ce que vous allez écouter aujourd’hui, enjoy!

 

Sylphe