Reprise du jour n°11 : The Passenger (1977/1993) de Iggy Pop par Rodolphe Burger

612eSe5gfcL._UXNaN_FMjpg_QL85_Tel est (re)pris qui croyait (re)prendre : au petit jeu des reprises, nous avons parlé la dernière fois de l’incendiaire version de Louie Louie par Iggy Pop (à relire par ici si vous êtes passés à côté). Renversement de situation aujourd’hui, avec Iggy Pop à son tour repris. The Passenger voit le jour en 1977, à la fois sur l’album Lust for Life et en face B du single Success. Nous avions déjà donné voici quelques temps cinq bonnes raisons d’aimer follement ce titre (et c’est à retrouver par là pour les retardataires). L’album Lust for Life se situe en pleine période berlinoise de l’artiste, aux côtés de Bowie. Bourré de rock et de bonne énergie, il contient donc notamment ce rugueux et déjà punky The Passenger. Invitation et incitation au road trip, à l’errance et au moment présent sans autre forme de cogitation, le titre se laisse dérouler avec une fluidité jouissive. Suffisamment coulant pour se laisser emporter, et suffisamment bordélique pour s’emporter, The Passenger est un morceau qui figure en bonne place dans les classiques incontournables que j’aime retrouver au détour de mes playlists et de mes propres errances.

Maintes fois repris, The Passenger s’offre en 1993 une version des plus touchantes et mélancoliques. Rodolphe Burger, chanteur/leader du groupe Kat Onoma, publie en cette année Cheval-Mouvement, son premier album solo. Si ces deux noms ne vous disent rien, courez donc écouter autant Kat Onoma que Rodolphe Burger. D’un côté, un groupe actif de 1980 à 2004 qui n’a aucun équivalent. Mélangeant rock et jazz pour des expérimentations toujours plus captivantes, la formation a fait les beaux jours de bien des amateurs de musique. De l’autre, son leader Rodolphe Burger, musicien et chanteur classé dans le rock indépendant, qui passe pourtant son temps à explorer diverses créations musicales. En témoigne son Cheval-Mouvement, un bien bel et assez intimiste album que j’ai écouté en boucle jadis, jusqu’à en bousiller la cassette (la quoi ?), avant de le retrouver plus tard en CD. Au beau milieu de l’album figure la version de The Passenger de Rodolphe Burger. Presque pas rock, plus lancinante et sereine, quasiment une balade légèrement électrisée : la relecture est sublime, à la limite d’être une autre chanson. C’est le titre idéal à écouter sur la route, au soleil couchant ou levant, les yeux perdus dans la vie et le moment qui passe. En somme, la même essence de liberté et de plaisir que celle qui coule dans les veines de l’original d’Iggy Pop.

Deux versions d’une même idée d’évasion autant que de passage furtif. A l’image de notre propre passage, ici-bas ici même. Simples passagers temporaires en ce monde… voilà peut-être aussi pourquoi The Passenger fonctionne aussi bien. Parce qu’il vient toucher l’idée que le temps à passer ici doit être à la fois le plus rock, le plus jouissif, le plus libre, sans chercher à donner un sens à tout. Profiter du moment qui est là. Pour ce qu’il est et ce qu’il nous apporte. Tout comme il s’agit de profiter de ce double son, doublement parfait. Tellement parfait que je le retiens dans sa version Rodolphe Burger pour le jour où mon propre passage s’arrêtera. Si toutefois j’ai des obsèques et quelques proches et amis pour m’y accompagner, je leur fais entière confiance pour choisir de belles musiques. Mais, s’il vous plaît, pensez à glisser celle-là.

Raf Against The Machine