Pépite du moment n°69 : Keep it movin (2020) de Wax Tailor & D Smoke

Après The light (2019), Wax Tailor poursuit son teaser au long cours autour d’un prochain album, avec un deuxième single disponible depuis quelques jours. Keep it movin est l’exact opposé de ce que pouvait proposer The light. Nous avions parlé ici (à relire d’un clic) de ce magnifique titre sombre et tendu, reflet sonore d’un monde froid, déshumanisé et apocalyptique à la croisée de Blade Runner, 1984, Black Mirror et Brazil. Bref, un univers qui ne fait pas rêver mais dans lequel, à bien y réfléchir, on vit déjà en partie.

Keep it movin prend le total contrepied de son prédécesseur, avec un son groovy et hybride comme sait si bien le faire Wax Tailor. Ici, ça sonne hip-hop, beats puissants, ligne de basse bien ronde et omniprésente. Tout ceci porté par le flow de D Smoke. Ce dernier, né Daniel Anthony Farris en 1985 à Inglewood, Californie, s’est distingué en 2019 en remportant la première saison de Rythm & Flow sur Netflix. Pas très étonnant, puisqu’on retrouve précisément chez D Smoke rythme et flow qui envoient de la bonne vibration. En résulte un titre qui pétille et ronfle, plein de soleil et de chaleur, et qui tombe à point nommé puisque l’été arrive.

Le parcours musical de Wax Tailor est ponctué de collaborations avec des pointures rap. On pense au collectif A State of Mind (ASM) sur les albums Hope & Sorrow (2007) et In the mood for life (2009), à Mattic sur Dusty rainbow from the dark (2012), ou encore à Ghostface Killah du Wu Tang Clan sur By any beats necessary (2017). A chaque fois, c’est une coloration rap différente, chacun des artistes précités apportant sa touche au panorama sonore de Wax Tailor. Ce Keep it movin et l’association avec D Smoke rappellent l’énergie d’un Say yes (feat. ASM), d’un The sound (feat. Mattic) ou d’un Worlwide (feat. Ghostface Killah), tout en introduisant une nouvelle facette du hip-hop proposé par Wax Tailor.

Titre après titre, album après album, Wax Tailor ne cesse de développer ses horizons musicaux et de nous les proposer. Ce n’est pas ce Keep it movin qui me fera mentir : un bonbon estival bourré d’énergie et de patate qui fait du bien à la tête et au corps. Et qui porte bien son titre : lancez moi ce morceau, montez bien le son et je vous défie de rester de marbre, immobile les mains dans les poches. Une énergie communicative qui fait du bien, et qui donne envie de retrouver très vite le chemin des salles de concerts pour s’inonder la tête du son Wax Tailor.

Raf Against The Machine

 

Five Titles n°12: Sixteen Oceans de Four Tet (2020)

Voilà ce dimanche un orfèvre de la folktronica qui me tient tout particulièrement àFour Tet coeur, en la personne de Kieran Hebden, alias Four Tet. Sixteen Oceans est déjà le onzième opus de l’Anglais, auquel il faut rajouter six EP et une multitude de remixes de haut vol. Son dernier opus New Energy que je n’ai écouté que d’une oreille dilettante date de  3 ans et je reste éternellement sur les impressions ressenties face au sommet musical There Is Love in You en 2010 (chroniqué dans une autre vie par ici ). Four Tet, c’est une véritable signature musicale, un son reconnaissable entre tous qui mixe les rythmes de la house avec les sonorités faussement angéliques de l’électronica. Le résultat est une subtile alliance de pouvoir cinétique, d’ambient contemplatif et de folk rêveur mais c’est avant tout une bouffée d’air frais dans notre air confiné…

Sixteen Oceans offre 16 pistes et 54 minutes de plaisir, avec néanmoins 5 intermèdes (Hi Hello, ISTM, 1993 Band Practice, Bubbles at Overlook 25th March 2019 et This Is for You) de moins de 2 minutes qui n’apportent pas véritablement grand chose. En même temps, si vous êtes lecteurs assidus dans ces contrées, vous commencez à connaître mon peu d’intérêt pour les intermèdes… Vous savourerez peut-être le piano d’ISTM ou les bulles aquatiques de Bubbles… mais mon plaisir personnel se porte ailleurs. Pour une perception globale de l’album, ce dernier part très fort sur des rythmiques house et le premiers tiers est brillant. Les deux tiers suivants jouent davantage la carte de l’ambient et demeurent savoureux, même s’il faut reconnaître une certaine forme de lassitude polie. Je reste persuadé de mon côté que l’album aurait mérité d’être plus court car il reste exigeant. Ce Sixteen Oceans mérite en tout cas d’être amplement savouré et je vous propose cinq titres qui ne devraient pas vous laisser de marbre…

1. Le morceau d’ouverture School qui sonne comme une résurgence des productions de Pantha du Prince nous invite à prendre place sur le dance-floor. Des beats house viennent rythmer le morceau et une petite ritournelle addictive vient se greffer dans le cerveau pour démontrer tout le pouvoir mélodique de Four Tet. C’est bien le contraste entre les influences house et folk qui me séduit autant chez l’Anglais…

2. Baby ne nous laisse pas reprendre notre souffle dans une atmosphère plus electronica et plus aérienne. Une voix féminine en boucle (Ellie Goulding au passage), des beats qui rythment l’ensemble dans la droite lignée d’un dubstep à la Burial et ces sons plus feutrés et plus ambient. Le résultat est brillant, à l’image du superbe clip ci-dessous qui met parfaitement en valeur la pause centrale avec le bruit des oiseaux.

3. Harpsichord nous offre ensuite une plage contemplative digne de Boards of Canada pour un résultat éthéré et poétique qui nous coupe de tout.

4. Teenage Birdsong clot ce quatuor brillant (je vous avais prévenu que l’album démarrait fort!) dans la droite lignée de School. Une ritournelle addictive s’appuyant sur la flûte de pan vient magnifier une instrumentation extrêmement riche.

5. La sensualité de Romantics ou les billes de sons qui explosent de Love Salad auraient mérité leur place mais je vais choisir le bijou Insect Near Piha Beach pour finir. Pour illustrer cette plage de Nouvelle-Zélande, on retrouve du gros beat house dans une rythmique uptempo peu habituelle mais aussi des cordes qui nous rappellent les origines indiennes de Kieran Hebden. Le résultat est assez inclassable, comme si Animal Collective avait découvert les rythmiques house…

Finalement tout est dit dans cette dernière phrase, j’aime avant tout Four Tet car il est d’une inventivité sans bornes et s’avère inclassable…Bonne écoute à tous, enjoy!

Sylphe

Five Reasons n°20 : Lucky Peterson

Le 18 mai dernier, nous avons appris, émus, la mort de Michel Piccoli. Ce géant du cinéma français, du cinéma tout court, s’est éteint quelques jours plus tôt, après une carrière jalonnée de grands films mais aussi d’engagements politiques et humains. Les hommages pleuvent depuis, comme pour compenser l’absence de toute distinction officielle des professionnelles de la profession. Ce grand monsieur fera peut-être l’objet d’une séquence souvenirs/émotions posthume lors des prochains César. On n’y sera pas. La dernière fois, on s’est levés et on s’est cassés.

Le même jour, ce même 18 mai, nous avons aussi appris la soudaine disparition de Lucky Peterson. Ce même lundi 18 mai 2020 où nous nous sommes souvenus que 40 ans plus tôt, Ian Curtis mettait fin à ses jours, et par la même occasion à Joy Division. Sale date pour les talents et les grands artistes. Oui, parce que Lucky Peterson faisait partie de ceux-là. Il en fait partie : écrivons ça au présent, et égrenons quelques bonnes raisons d’écouter ce grand musicos qui, l’an dernier encore, parcourait les scènes pour une tournée anniversaire d’un demi-siècle de carrière.

  1. Lucky Peterson est parti trop tôt. 55 ans au compteur, dont 50 de carrière, pour ce sacré personnage né Judge Kenneth Peterson. Oui, vous avez bien lu, tout a commencé à l’âge de 5 ans pour lui, et tout à même commencé dès la naissance. Son daron James Peterson, chanteur et guitariste, tenait un club de blues dans lequel le futur Lucky a croisé des pointures comme Buddy Guy ou Muddy Waters. L’opportunité de tâter du blues dès le berceau, et de commencer l’orgue à l’âge de 5 ans, avant d’être repéré par Willie Dixon himself.
  2. Lucky Peterson était avant tout organiste. Il a fait des merveilles derrière le mythique orgue Hammond, dont il a exploité toutes les légendaires possibilités sonores pour explorer toutes les émotions du blues. C’est en écoutant Lucky Peterson que j’ai découvert cet orgue, c’est en faisant tourner en boucle ses enregistrements que j’ai appris à l’aimer. Et si, de votre côté, l’orgue Hammond vous emmerde, prenez quand même le temps d’écouter Lucky en jouer, en plongeant par exemple dans ses Organ soul sessions sorties en 2009. Le bonhomme semble aller chercher au fond de la bête tout ce qu’elle peut cracher de sensualité groovy.
  3. Lucky Peterson était aussi guitariste. Bien qu’il n’ait approché la six cordes que plusieurs années après le Hammond, il maîtrisait aussi de ce côté-là. Si j’ai (re)découvert l’orgue en l’écoutant, je l’ai lui en revanche découvert à la guitare, à un âge où précisément je me fantasmais guitariste rock, en mode ado le manche à la main. Lucky Peterson rappelle à beaucoup un certain B.B. King par son style et son toucher. C’est pas faux comme dirait l’autre, mais il avait aussi son propre style qui faisait la synthèse de nombreux artistes et courants du blues.
  4. Le blues de Lucky Peterson, c’est quoi ? C’est une musique qui n’oublie jamais d’où elle vient, tout en évitant la tristesse. Evidemment, parfois, il y a soudainement, au détour de quelques accords ou d’un chorus, une sorte d’émotion qui te fait dresser les poils et te colle le frisson ou une poussière dans l’œil. Mais ce que je retiens moi du Lucky blues, c’est précisément ce que je viens d’écrire : un blues heureux, apaisé, accessible et terriblement groovy. Que le tempo soit lent ou plus boosté, bonnes ondes et bien-être déferlent de la tête aux pieds.
  5. Le blues de Lucky Peterson, c’est aussi un savant mix fait de compositions originales et de reprises innombrables. Sur ce dernier point, les Organ Soul Sessions en sont un bon exemple avec des relectures de I walk the line (Johnny Cash), Rehab (Amy Winehouse) ou encore Me and Bobby McGee (Janis Joplin). Oui, vous avez remarqué vous aussi : le hasard m’a fait prendre en exemples 3 autres musicos qui ont, toute leur carrière durant, entretenu un étroit rapport avec le blues. Le blues de Lucky Peterson, c’est donc l’essence même du blues et du jazz : apporter sa pierre à l’édifice avec des compos personnelles, tout en revisitant un répertoire commun et partagé toujours plus grand et inépuisable.

Une fois que tout ça est dit, que reste-t-il à faire ? Continuer à écouter Lucky Peterson qui a su, au long de ces 50 années de carrière et au cours de prestations inoubliables, nous raconter à sa façon les choses de la vie.

Raf Against The Machine

Interview n°6: Sandy Lavallart (Kwoon)

Il y a quelques jours  je vous faisais part de ma très belle découverte de Kwoon et d’un nouveau titre au pouvoir cinétique incontestable Life que je vous invite à réécouter par ici. Chose promise, chose dûe, je vous propose de faire connaissance avec Sandy Lavallart, le coeur de Kwoon...

1/ Bonjour Sandy, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi et ta carrière ?Kwoon

 Guitariste depuis l’âge de 17ans où j’écoutais tantôt NIRVANA, RHSCP, RATM ou Jean Michel Jarre et la B.O du Grand Bleu d’Eric Serra. Quelques groupes punk rock / pop rock et mini tournées dans les cafés concert de ma région picarde. Puis j’ai travaillé, j’ai donné naissance à KWOON en 2005. Premiers concerts plus sérieux entre Paris, puis dans toute l’Europe, U.K, Russie avec des jauges de 50 à 300 personnes, voire 2.000 quand on faisait la première partie de MOGWAÏ en Grèce.

Quelques années plus tard, je quitte mon boulot pour me consacrer à la composition musicale à 100%. J’ai écrit pas mal de musique plus orientées T.V, pub, documentaires, courts et moyen métrages, séries…

Puis 6 ans plus tard, j’ai eu envie de faire ce qui sort du ventre sans passer par des D.A de la pub qui veulent une musique « bleue », ou « sucrée » 🙂 J’ai une looooongue liste de mots loufoques qui m’ont fait à la fois beaucoup rire et rendu fou tellement ça n’avait aucun sens.

2/ Pourquoi avoir choisi Kwoon comme nom d’artiste ?

Kwoon, c’est la planète d où je viens. La planète que j ai probablement inventée pour pouvoir m’y réfugier. 

Le nom m’est venu comme ça. Il ne veut rien dire…

 

3/ Comment définirais-tu ta musique ?

Atmospheric & poetic music for dreamers

 

4/ Peux-tu me dire quelles sont tes influences et quels artistes/groupes tu aimes?

Pink Floyd chez les Anglais

RATM, TOOL, Marilyn Manson côté U.S

THE DO pour la french touch 

Hans Zimmer pour les B.O de film

 

5/ Quel titre représente le mieux ta musique et pourquoi?

 WARK. Ambiance générale et montée en puissance. Et parce que c’est ma préférée à jouer en live même si ce n’est pas la plus connue 🙂

 

6/ Quel est en ce moment ton groupe/artiste préféré?

 Bon Iver

 

7/ Si nous devions détruire tous les albums musicaux sur Terre lequel sauverais-tu?

 Meddle de Pink Floyd

 

8/ Et si tu devais ne sauver qu’un titre lequel serait-ce?

 Echoes

 

9/ Une question qui ne t’a jamais été posée et que tu aimerais que l’on te pose?

 Quelle est ton adresse postale pour que je te fasse livrer une caisse de champagne ?

 

10/ Et maintenant un peu de place pour dire quelques mots à propos de Life, le nouveau titre que tu viens de sortir, si cela te tente !

En 2006, lorsque j’avais écrit I lived on the Moon, je parlais à un enfant imaginaire qui pouvait être celui de tout le monde et j’évoquais le pouvoir extraordinaire du rêve qu’il avait entre ses mains. Le rêve, nous l’avons tous, peut être immense et un magnifique refuge.

Aujourd’hui, je suis papa et j’avais envie d’écrire une chanson pour ma fille, en résumant ce que je lui apprends chaque jour à travers une rêverie musicale. Il y a des éléments de notre vie dans la pochette que j’ai voulu imprimer. Nous avions un magnifique chaton Maynecoon que nous avions appelé Lion qui est parti rejoindre les étoiles après un malheureux épisode, il est représenté tel le roi des animaux sur la couv. C’est un petit clin d’oeil personnel…Pour plus de chaleur et pour que les souvenirs soient imprimés à vie, j’ai fait chanter ma fille Margot sur le refrain final, ce sera son titre.

 

Sylphe

Pépite du moment n°68 : Nothing Else (1996/2020) de Archive

Voilà un moment que je ne vous ai pas parlé d’Archive, et je sens que ça vous manque ! Bien que ce soit un (le ?) groupe vers lequel je reviens le plus fréquemment, c’est à la faveur de l’actualité que l’on va évoquer la bande de Darius Keeler et Danny Griffiths.

Archive a entamé l’année dernière une longue célébration de son quart de siècle. Oui, déjà 25 ans (et même 26, on est déjà en 2020) que les Londoniens jouent et nous impressionnent de maîtrise, de virées musicales et de création de sons tous plus fous les uns que les autres. En 1996 sort Londinium, un premier album aux sonorités très trip-hop de Bristol et rap, rapidement devenu une référence absolue et un objet musical incroyable. Depuis, ce groupe à l’effectif et à la composition changeante a évolué vers du rock électro-progressif, sans jamais perdre son essence : être un véritable creuset à sonorités et ambiances.

Archive a donc entamé 2019 sur le mode célébration des 25 ans, avec la sortie d’un coffret de 4CD ou 6LP + 2EP, sobrement intitulé 25, dans lequel le groupe a compilé 42 titres de son répertoire. Bonne pioche dans la totalité des albums de la discographie, augmentée de quelques inédits dont le brillant Remains of nothing dont on avait parlé par ici (à relire d’un clic). Année 2019 poursuivie par une tournée, sobrement intitulée 25 Tour. J’ai eu la chance de vivre un de ces concerts dantesques et, n’y allons pas par quatre chemins, la prestation 25 Live est sans doute un des meilleurs (sinon le meilleur) concerts que j’ai pu vivre. Prestation que l’on a pu retrouver en ligne, généreusement offerte par le groupe à son public (on en avait fait un papier aussi à relire).

Arrive 2020, les 25 ans sont passés, et on se dit qu’il faudra maintenant attendre les 50 balais de la formation, ou tout du moins les 30 pour une nouvelle fiesta. Et puis non ! A la surprise générale, Archive annonce il y a quelques jours la sortie d’un nouveau disque le 28 août prochain : Versions sera le point de clôture des célébrations 25, et regroupera des réinterprétations des propres titres du groupe. Là, deux écoles s’affrontent. Soit on se dit « C‘est facile, les mecs s’emmerdent pas quand même, en rejouant leurs propres morceaux ». Soit on passe en mode surexcité et impatient hyper, en se disant « Qui de mieux placé pour revisiter un répertoire ? Le créateur de ce même répertoire ». Je vous renvoie pour ça au récent Portrait de Yann Tiersen, il y a vraiment des choses démentes dans ses réinterprétations.

Mais revenons à ce Versions en approche, que l’on va attendre encore quelques semaines. Archive sait prendre soin de son public, tout en faisant monter la tension. Un premier titre est donc disponible à l’écoute, et c’est le grand écart temporel : Nothing Else, tout droit sorti du premier album Londinium précédemment évoqué. Qu’est-ce qui change d’une version à l’autre, à 26 années d’écart ? Beaucoup de choses, et presque rien.

Beaucoup de choses, parce que la voix n’est plus la même : Holly Martin, présente au chant depuis 2012 au sein du groupe, reprend le texte magnifié à l’époque par Roya Arab, la chanteuse qui incendiait Londinium. A l’éternelle question « Alors laquelle chante le mieux ? », je répondrai aucune : l’une et l’autre portent le texte vers une dimension qui n’existe pas. L’une ou l’autre, peu importe. Les deux voix me filent des frissons de dingue. Autre changement non négligeable : si la version de 1996 est portée par les synthés et les rythmes trip-hop, celle de 2020 est plus construite sur les guitares, et sans aucune section rythmique. Relecture de taille donc, mais les deux versions font le taf, et pas qu’un peu. Celle de 1996 pose une mélancolie et une tension propres au trip-hop. Celle de 2020 apporte une balade sur le fil du rasoir, une virée qui peut basculer à chaque instant ponctuée de quelques touches inquiétantes dans une ambiance apparemment plus apaisée.

Presque rien, parce que de 1996 à 2020, c’est du Archive et rien d’autre. Aucun doute là-dessus, le groupe est resté le même en se réinventant en permanence. A l’image de The empty bottle version studio/version 25 Live qui donnait à voir deux facettes complémentaires d’un même titre, ce double Nothing Else 1996/2020 montre que le groupe est loin d’avoir révélé tout son potentiel. Il ne revisite pas son morceau, mais en livre une vision augmentée. Archive a encore bien des choses à nous raconter, et ça tombe bien, on est prêts.

Encore un peu de patience, disons deux mois et demi pour pouvoir mettre la main sur Versions. La galette est déjà en précommande pou les plus accros, qui plus est dans différentes versions (#vousl’avez?) : un vinyle blanc en édition limitée à la Fnac, mais aussi une version vinyle augmentée d’un EP 2 titres exclusif sur le site officiel du groupe. Inutile de dire que, pour clore les festivités 25, on a le droit de s’offrir les deux éditions. A moins que, dans un ultime tour de passe-passe, Archive nous gratifie d’une édition vinyle de l’ensemble de sa discographie. Vous savez quoi ? Là aussi, je suis prêt. Turbo chaud même. Hyper.

C’est parti pour la double version de Nothing Else : 2020 (et son mortel clip) puis 1996

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°67: Mars on Earth 2020 d’Emilie Simon (2020)

Au milieu de la multitude de mails que la rédaction de Five-Minutes reçoit quotidiennement, certains de nos lecteurs nous tiennent au courant de sorties en rapport avec des artistes fortement appréciés dans ces contrées. C’est le cas pour moi d’Emilie Simon pour laquelle j’ai un attachement tout particulier depuis son bijou de douceur trip-hop initial en 2003, suivi d’albums très beaux comme Végétal en 2006. Je reconnais volontiers m’être arrêté à un Franky Knight plus inégal en 2011 et il sera temps pour moi d’aller écouter Mue et The Jesus Rolls afin de percevoir si l’inspiration d’Emilie Simon a ravivé sa flamme.

Emilie Simon, comme nombre d’artistes, a eu besoin d’exprimer son ressenti face au confinement -à Los Angeles pour la montpelliéraine de naissance – à travers sa musique et s’est lancée dans un EP Mars on Earth, 2020. L’objectif était, entre autres, de sortir chaque semaine un titre. Après les titres Cette ombre et En attendant l’Aurore, c’est le titre Mars on Earth 2020 que je vous propose de savourer aujourd’hui. Simplicité de l’accompagnement au piano, voix de cristal et émotion sont au rendez-vous et nous donnent envie de vivre notre déconfinement aux côtés d’Emilie Simon, enjoy!

Sylphe

Pépite du moment n°66: Life de Kwoon (2020)

Voilà une nouvelle très belle découverte aujourd’hui qui tourne en boucles depuis Kwoonplusieurs jours chez moi… Je dois reconnaître ma méconnaissance totale du groupe Kwoon (depuis pour expier cette faute je porte une ceinture de cilice…) au moment d’écouter ce Life. Le coup de coeur étant total, j’ai depuis écouté leur discographie composée de deux albums Tales And Dreams en 2006 et When the Flowers Were Singing en 2009 ainsi qu’un EP en 2011 The Guillotine Show, des albums que je vous conseille fortement car ils mettent à l’honneur un genre qui m’est très cher, le post-rock. Pour simplifier, si vous aimez le lyrisme de Sigur Ros et la puissance d’un Mogwai vous devriez être facilement séduits. Ne doutant pas des aptitudes au calcul mental de nos lecteurs, cela fait donc 9 ans que Kwoon fait attendre son public. Le guitariste et chanteur Sandy Lavallart partage depuis le 29 avril un titre sobrement intitulé Life en l’honneur de sa fille qui le rejoint sur la fin du morceau. Le morceau est tout simplement sublime, jouant la carte de la mélancolie par les cordes qui se marient à merveille avec le chant emprunt d’émotions de Sandy Lavallart. La deuxième partie nous offre une montée en intensité imparable, la voix de sa fille apportant un supplément d’âme. Certains sons me touchent particulièrement et m’évoquent la puissance émotionnelle d’Arcade Fire, ils me font espérer une suite rapide et un album servant d’écrin à ce bijou.

Sous le titre Life, je partage avec vous un live solo issu de son Volcano Tour Sandy Lavallart joue seul au sommet des volcans de par le monde. Une musique envoûtante et des paysages à couper le souffle, on est dans la droite lignée d’un projet artistique à la Thylacine. Comme on ne fait pas les choses à moitié chez Five-Minutes, la semaine prochaine nous vous proposons de faire plus ample connaissance avec Sandy Lavallart dans une interview (#teasingdefolie), enjoy et bon déconfinement en approche!

 

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°56 : Sache (2006) de David Delabrosse

A la suite du copain Rage et de son Hygiaphone d’il y a quelques jours, retour dans mon rétroviseur musical pour déterrer une pépite que je n’ai en fait jamais réellement enterré. Normal, c’est une pépite. Et les pépites, ça se conserve précieusement sous la main pour y revenir dès que l’envie s’en fait sentir.

C’est bien de ça dont il s’agit avec Sache, titre de clôture du premier album de David Delabrosse sobrement intitulé 13m2 (2006). David Delabrosse est musicien. Il écrit des chansons souvent jolies et qui racontent encore plus souvent des choses. J’ai découvert son travail au milieu des années 2000, lorsqu’il assurait la première partie des concerts de Yann Tiersen sur la tournée Les retrouvailles. Avant de plonger dans la magie Tiersen, David Delabrosse m’a baladé dans son univers doux-amer, entre tendresse et ironie, fragilité et humour, réalité et imaginaire. Il n’en fallait pas moins pour que j’investisse ce 13m2, réalisé (et ce n’est pas un hasard) par Yann Tiersen lui-même. Depuis, David Delabrosse a publié un 2e album Le son de l’hallali (2011), avant de s’offrir une longue parenthèse d’albums pour enfants mais pas que : Ego le Cachalot (2013) puis Ego le Cachalot et les Bulots (2016). Puis de revenir cette année avec Le modèle réduit de nos pensées (album déjà dispo en numérique et le 5 juin dans les bacs).

C’est pourtant dans ce 13m2 que je suis toujours resté un peu bloqué. Il contient de bien belles choses, comme ce duo L’étoile du Nord avec Françoiz Breut, ou bien Venus, ou encore Le gyrophare, un titre chargé d’émotions et d’absence. Et c’est précisément ce Gyrophare qui introduit, en toute fin d’album, Sache. Un exemple supplémentaire (s’il en faut) pour préférer l’album à la compilation : un artiste ne place jamais ses chansons dans un ordre aléatoire. Tout est lié et tout a un sens, d’un titre à l’autre. C’est un voyage que l’on fait tout au long d’une galette. Le 13m2 de David Delabrosse n’échappe pas à la règle, et nous amène au titre final.

Sache dure 2 minutes 26. C’est court, trop diront certains. C’est pourtant la durée parfaite pour une chanson qui démarre comme un procès d’intention et de reproches, pour se révéler rapidement être tout autre chose. Sache est un message adressé à l’autre qui n’est plus là. Un message qui dit le manque, le regard sur nous deux, les bons moments et ceux qui ne seront pas, et qui a l’élégance de ne pas aller sur le terrain du retour demandé/espéré/supplié. Une adresse qui emmène vers une des plus belles phrases que je connaisse : « Sache que même quand le ciel s’abat / Il y a encore de l’air au-dessus ».

Sache est plus que joliment écrit, et encore plus brillamment mis en musique. La Tiersen touch est évidente, en ce qu’on y retrouve tout ce qui a fait le grain de son album Les Retrouvailles, publié en 2005 soit quelques mois avant 13m2. Sans doute un de mes Tiersen préférés. Ceci explique possiblement cela. Et enfin, s’il fallait encore vous convaincre d’écouter Sache, la chanson se termine sur une ultime touche d’intelligence. L’autre, celle dont l’absence démange chaque jour, n’est pas si loin puisque sa voix revient en écho, puis en chœur, pour répéter en boucle la maxime finale. Une étrange et jouissive sensation, le retour que l’on n’attend pas et qui n’est peut-être qu’imaginaire. Ou pas. Dans un certain sens, des retrouvailles. CQFD.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°55: Hygiaphone de Téléphone (1977)

Partout des gens marchent dans la rue avec des masques, font des écarts de deux mètresTéléphone pour t’éviter, passent leur temps à se frictionner les mains avec du gel hydroalcoolique, on entre dans un magasin de première nécessité et là derrière un hygiaphone, on s’adresse à un vendeur. Nous sommes confinés, sans pouvoir aller et sortir, sans remplir la moindre autorisation, sans pouvoir échanger, retrouver des amis dans un bar, drôle d’époque… je suis sûr que cette période sera très créative, fera naître d’autres musiques, d’autres sensations. En attendant on prend son mal en patiente et on écoute de vieux disques.

J’étais à peine né en 1977, quand sort Anna, le premier disque du groupe Téléphone. Téléphone (Les Insus maintenant) ce n’est pas vraiment ma génération. J’ai toujours vu ça comme la musique de mes parents et donc avec une certaine retenue, mais j’avoue que, comme tout le monde, je peux fredonner la plupart des tubes de Téléphone.

Alors voilà, se replonger dans la musique qui agitait l’année 1977 est toujours instructif 43 ans après…Les paroles nous en disent beaucoup sur la torpeur de l’époque, la crise économique, les galères d’argent, les besoins de liberté, « Laisse-moi vivre ma vie ! » crie Jean Louis Aubert sur Dans ton lit. « Metro c’est trop » dans l’un des morceaux les plus connus de l’album.

Enfin, il y a  Hygiaphone . J’ai connu ça à la fin des années 80, début 90. Pour acheter un timbre à la poste, ou un ticket à la Sncf… on s’approchait d’un comptoir et on parlait dans l’hygiaphone. Disons que dans les années 90, on a commencé à retirer les hygiaphones. On a sûrement  considéré l’objet un peu inutile, pas très commercial. Fallait-il une nouvelle relation client ? Vendre plus ? Mettre l’acheteur en proximité avec le vendeur… bref, je ne sais pas, aujourd’hui, après des semaines de confinement, je repense aux paroles de la chanson :

« Comme ça à s’regarder, chacun de chaque côté, on a l’air de mérous coincés dans l’aquarium. Mais faudra qu’entre nous je casse le plexiglas ».

 

Rage

Pépite du moment n°65: Goliath de Woodkid (2020)

Voilà déjà 7 ans que nous attendons fébrilement des nouvelles de Yoann Lemoine, alias Woodkid, qui nous a littéralement soufflés avec son coup de maître The Golden Age… Un album que je vous invite régulièrement à réécouter tant le souffle épique et la puissance lyrique se sont rarement aussi judicieusement entrelacés. Des titres comme Iron, Run Boy Run, I Love You ou encore The Shore touchent au sublime et, pour certains, sont illustrés par de brillants clips, écrins graphiques en noir et blanc. Je me suis permis de vous mettre en lien son concert à Fourvière en 2013 pour ceux qui sont en manque de frissons…

Il y a une petite semaine, Woodkid a lancé son premier éclaireur d’un deuxième album dont le nom n’a pas encore filtré. Ce Goliath illustré pour la première fois par un clip en couleurs est très sombre, les envolées au chant de Woodkid tentant désespérément de trouer ce ciel noir comme la cendre. On retrouve toute la puissance cinétique propre au lyonnais qui amène à s’interroger sur le rôle de l’Homme qui se trouve dépassé par sa volonté de maîtriser les éléments… L’Age d’or est fini, mais pour Woodkid il ne fait que perdurer pour notre plus grand plaisir, enjoy!

Sylphe