Pépite du moment n°129 : L’homme à tête de chou in Uruguay (2022) de Daniel Zimmermann

c_3521383476383-3521383476383_1Comme cela nous arrive parfois sur Five-Minutes, petite incursion dans le jazz pour découvrir un album sorti voici déjà quelques semaines. L’homme à tête de chou in Uruguay : variations sur la musique de Serge Gainsbourg est une bien belle galette proposée par Daniel Zimmermann. Tromboniste talentueux, le garçon s’est construit un petit parcours/CV dans le monde musical. A 49 ans, il peut se targuer d’avoir accompagné les plus grands (Claude Nougaro ou encore Manu Dibango), mais aussi d’avoir participé à plusieurs projets divers et variés, entre jazz et rock. On peut aussi citer ses collaborations avec le Sacre du Tympan de Fred Pallem, ou encore l’Orchestre National de Jazz. C’est à la tête d’un quartet jazz que Daniel Zimmermann a signé en novembre 2022 L’homme à tête de chou in Uruguay : 9 titres de Serge Gainsbourg revisités jazz. Non pas arrangés en version jazz, mais plutôt servant de support à une réinterprétation/réécriture et à de bien beaux chorus. Pour mener à bien ce projet, Daniel Zimmermann s’est entouré de Pierre Durand (guitare), Jérôme Regard (basse) et Julien Charlet (batterie). Un groupe déjà entendu sur Montagnes russes (2016).

Le quartet revisite en 51 minutes des titres plus ou moins connus de Serge Gainsbourg, dans un style très cool jazz qui n’oublie pas de groover. Si vous aimez les petites formations jazz qui déroulent du son pour chiller, cet album est fait pour vous. De la première à la dernière note, on se laisse porter par les thèmes musicaux qu’il ne faut surtout pas chercher à reconnaître. L’intelligence de ces revisites, c’est justement de nous ramener petit à petit sur l’original, pour toujours mieux s’en éloigner. Le parfait hommage. A commencer par le titre de l’album, qui est une contraction de deux chansons de Serge Gainsbourg : L’homme à tête de chou et S.S. in Uruguay. Une contraction que l’on retrouve d’ailleurs musicalement, puisque l’album s’ouvre sur S.S. in Uruguay, relecture décrite par Daniel Zimmermann comme « une espèce de mashup considérablement retravaillé de deux chansons de Gainsbourg, L’Homme à la tête de chou pour les harmonies et S.S. in Uruguay pour la mélodie. » (propos issus d’une interview donnée à France Info, lien en fin d’article).

Viennent ensuite 8 autres re-créations. Toutes sont de haute qualité, mais j’ai envie de retenir New-York U.S.A. pour son groove, Comic Strip pour son ambiance et ses cassures rythmiques, et Bonnie and Clyde pour sa tension tout en finesse. Une tension accrue par un cinquième musicien invité, et que l’on retrouve aussi sur Ballade de Melody Nelson et La noyée. Daniel Zimmermann a convié Eric Truffaz à venir éclairer de son jeu de trompette ses relectures de Gainsbourg. Si le quartet assure grandement et largement la performance, Eric Truffaz apporte une touche assez incomparable, qui enrichit considérablement l’ensemble.

Vous l’aurez compris : L’homme à tête de chou in Uruguay est une pépite qui vous baladera au pays de Gainsbourg, mais plus largement dans un jazz intelligent, accessible, savoureux et efficace. Daniel Zimmermann signe là un bien bel album, à côté duquel j’avoue être passé à sa sortie. Il était largement temps de le découvrir et de vous le partager, pour rendre honneur à cette virée musicale de haute volée. Un album que, a posteriori, j’intègre sans hésitation dans ma rétrospective 2022. Mieux vaut tard que jamais.

(Cette chronique a été rédigée en puisant des informations dans l’interview donnée par Daniel Zimmermann à France Info le 17 février 2023, passionnante et à retoruver en intégralité ici : https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/jazz/daniel-zimmermann-tromboniste-de-jazz-revisite-serge-gainsbourg-dans-un-album-instrumental-j-ai-tout-fait-pour-me-demarquer-de-gainsbourg-en-le-respectant_5647502.html)

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°122 : Leiji Matsumoto (1938-2023)

On ne sait pas vraiment dans quelle rubrique mettre la chronique du jour. Nous avons choisi les Pépites intemporelles mais elle aurait tout aussi bien pu passer en Ciné – Musique, ou encore en Five Reasons. Qu’importe la case : nous posons aujourd’hui quelques lignes pour rendre hommage à Leiji Matsumoto. Décédé le 13 février dernier à l’âge de 85 ans, le dessinateur japonais occupe une place toute particulière dans nos souvenirs d’enfance. Mais pas que. Leiji Matsumoto est un mangaka (auteur/dessinateur de manga) à l’œuvre prolifique. Il réalise ses premières planches dès l’âge de 9 ans, et remporte à 15 ans un concours du magazine Manga Shônen. Il est alors repéré par Osamu Tezuka, dont il deviendra l’assistant. Pour resituer, Osamu Tezuka est un autre mangaka, peut-être même le mangaka originel. Créateur d’Astro le petit robot, mais aussi auteur de nombreuses merveilles comme L’histoire des 3 Adolf, Osamu Tezuka est une référence absolue, parfois considéré comme le Walt Disney japonais. Retour de digression… C’est donc aux côtés de ce grand personnage que Leiji Matsumoto fait ses premières armes.

Leiji Matsumoto entre dans une période faste à partir des années 1970. Il produit de plus en plus, autour de trois thématiques récurrentes : la guerre, le western et la science-fiction. A la croisée de ces trois mondes, il publie entre janvier 1977 et janvier 1979 Capitaine Albator, peut-être son manga le plus connu. Manga qui sera adapté en série animée dès 1978, et qui arrivera sur nos écrans de télévision française en janvier 1980. Le voilà notre souvenir d’enfance. Souvenir d’un capitaine courage qui est quasiment le seul à mesurer le danger constitué par l’arrivée des Sylvidres. La société n’a plus aucune ambition, l’humanité est repue et oisive de sa propre suffisance. Personne ne mesure le péril grandissant, à l’exception d’Albator et de son équipage. On est loin des bluettes guimauves et des dessins animés sans profondeur. L’œuvre est brillante, humaniste, philosophique, existentielle. Quarante ans plus tard, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les risques du dérèglement climatique et le trop peu de prise de conscience par les puissants qui pourraient réagir. La thématique sera d’ailleurs au cœur de l’excellent film Albator, Corsaire de l’espace (2013), tout aussi pessimiste et badass que l’est Albator 78. Oui, il y a aussi Albator 84, préquelle à Albator 78 bien que réalisée après, mais mon cœur bat définitivement pour la série 1978.

Vous avez remarqué ? Nous n’avons pas encore parlé musique, alors que nous sommes sur Five-Minutes, le blog qui garantit cinq minutes de bon son par article. Réparons cela, avec un autre souvenir d’enfance : le générique d’Albator 78. Avant de dire encore un mot sur Leiji Matsumoto, double pause musicale, avec le générique français qui éveillera vos souvenirs de goûter devant Récré A2, mais aussi le magnifique générique japonais, dont le texte plus sombre laisse entrevoir la réelle tonalité de la série.

Nous venons de parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… pas directement du moins. Leiji Matsumoto ne se limite pourtant pas aux années 1950-1980. Si l’artiste se fait plus rare à partir des années 1990, il continue à créer, et reviendra sur le devant de la scène grâce notamment à sa collaboration avec Daft Punk. En 2003, le duo français sort son excellent album Discovery (le meilleur à mon goût), qui s’accompagne d’un film animé en forme de clip géant, couvrant l’intégralité de l’album. Intitulé Interstella 5555 : the 5story of the 5ecret 5tar 5ystem, l’animé est conçu par Leiji Matsumoto. La combinaison des deux mondes et le résultat sont incroyables. Est-on en train d’écouter un album de Daft Punk illustré par Leiji Matsumoto, ou bien de regarder un animé de Leiji Matsumoto dont la BO serait faite par Daft Punk ? Peu importe la réponse, le plaisir est là, et bien là. Pas moins de 68 minutes d’ultra-maitrise visuelle et sonore, de références à tout va, de souvenirs et d’émotions à retrouver encore tant de talent chez le mangaka.

Leiji Matsumoto n’était bien entendu pas qu’Albator et Interstella 5555. Ses mangas, ses séries, ses films, riches de préoccupations philosophiques et humanistes, sont autant d’œuvres dans lesquelles replonger pour s’échapper de ce monde, ou parfois tenter de le comprendre. Au-delà des souvenirs d’enfance et du plaisir procuré par son travail, Leiji Matsumoto nous laisse un peu orphelins de son intelligence et de son regard sur nous-mêmes et nos sociétés. C’est avec grande émotion que j’ai appris sa disparition voici quelques jours, et que j’ai relu quelques pages de ce grand monsieur. Avant de ressortir Interstella 5555, pour un énième visionnage. One more time, Monsieur Leiji Matsumoto.

Raf Against The Machine

Review n°116 : Fishing for accidents (2023) de Wax Tailor

Cover-FishingForAccidents-3000_1b83cea1-d504-484d-a22c-2577457be02d_700xDeux ans après l’excellent et percutant The shadow of their suns (2021), Wax Tailor (aka Jean-Christophe Le Saoût) est de retour dans les bacs avec Fishing for accidents. Sorti le 10 février dernier, ce nouvel et septième opus parvient de nouveau à nous étonner. Tout en s’inscrivant dans la continuité des sons de son créateur, il renoue avec l’esprit des premiers albums, et notamment de Tales of the forgotten melodies (2005), pierre fondatrice de la carrière de Wax Tailor. Un disque qui n’a donc rien d’un accident, et qui apporte son lot d’énergie et d’émotions autant qu’il bouleverse. Au fil de ses 12 titres et de ses 38 minutes, le musicien nous embarque dans un voyage dont il a le secret, en mixant allègrement samples musicaux et vocaux, mais aussi en convoquant moult featurings comme pour toujours élargir un peu plus sa famille et ses horizons musicaux. Que trouve-t-on dans Fishing for accidents, et pourquoi faut-il absolument l’écouter ? Décryptage de l’objet et de ses pépites, sans attendre.

Tout commence par des présentations. Craftsman, premier titre de l’album, s’ouvre par un collage de deux samples vocaux : « I forgot to introduce myself / Tailor you remember me ? ». Comme si on avait oublié ce cher Wax Tailor, Craftsman parmi les craftsmen. Le Craftsman, c’est l’artisan, le bricoleur de génie. Celui qui transforme en beauté tout ce qu’il touche. Pas celui qui cloue trois planches en espérant économiser le prix d’un étagère Ikea, pas non plus celui qui sortirait un album tous les 6 mois depuis 9 ans en mode usine à sons. Non, Wax Tailor c’est plutôt l’artiste artisan qui, depuis 2005, habille et décore notre intérieur musical de ses créations. Craftsman nous le rappelle avec style et simplicité, sur un son qui pourrait accompagner une scène de Ghost Dog.

Vont ensuite s’enchainer trois types de morceaux, pour un voyage somme toute assez feutré : les sons très low-tempo hip-hop, les étrangetés freaks et les mélodies capiteuses.

Du côté du low-tempo hip-hop, on relèvera Searchin, Home, Just rock on, Let them know et No more magical. Soit une bonne partie de l’album. Chacun de ces 5 titres recèle sa petite touche individuelle. Home par exemple déroule une grosse et très présente ligne de basse sur laquelle se colle une ambiance distordue, tandis que Just rock on pose un groove plus tranquille pour chiller après plusieurs titres troublants. No more magical, quant à lui, sera le onzième et avant-dernier titre de l’album. Un low-tempo pour porter un flow diablement efficace tout juste interrompu par de langoureux « No more magical ». Wax Tailor fait ce qu’il a toujours su faire. Du hip-hop, qui se fait pourtant plus intimiste sur cet opus. On n’est plus sur les House of Wax (sur Hope & Sorrow en 2007), The sound (sur Dusty rainbow from the dark en 2012) ou même Keep it movin (sur The shadow of their suns en 2021). Ici le low-tempo hip-hop se fait moins groovy, plus déconstruit, mais terriblement captivant et troublant.

Le trouble, c’est précisément ce qu’apportent les titres que nous regrouperont sous la bannière étrangetés freaks. Font partie de ceux-là That good old tomorrow, Freaky circus, et Forbidden cabinet. Ces trois morceaux apportent une couleur très nouvelle dans le son Wax Tailor. That good old tomorrow sonne comme un pied de nez au sépia « C’était mieux avant », en étant plutôt un « C’était mieux demain » (le meilleur étant à venir, rappelons-le). Sur un rythme de valse lente, Wax Tailor brouille les époques et les pistes. Et si le meilleur moment, c’était maintenant ? Freaky circus nous emmène dans un cabinet des curiosités sonores, en mixant un flow efficace et des samples qui évoquent une BO de Tim Burton et un film joyeux de David Lynch (oui, j’ai bien dit ça). Quant à Forbidden cabinet, c’est une avalanche de samples vocaux parfaitement mixés sur une trame musicale toujours plus intrigante. Ces trois titres, respectivement en 3e, 6e et 7e position sur la galette, tombent à point nommé pour nous surprendre et nous emmener là où on ne pensait pas aller.

Précisément, là où ne pensait pas aller, c’est dans un troisième univers avec Come with me et Shaman in your arms. Placés tous deux en 4e position des faces A et B, ils se parlent l’un à l’autre. Victoria Bigelow dans le premier, Jennifer Charles (de Elysian Fields) dans le second : deux voix féminines, langoureuses, envoutantes et captivantes. Voilà bien deux titres qui font penser très fort à Twin Peaks et ses scènes capiteuses à souhait. Comme deux bulles respiratoires autant que séduisantes, l’un et l’autre offrent un moment en suspension. Une sorte de Red Room dans laquelle on se poserait et s’abandonnerait, avant de reprendre le voyage.

Un voyage qui, vous l’aurez compris, n’a rien d’un gros son mal dégrossi. Wax Tailor livre ici un album d’une richesse et d’une finesse assez bouleversantes. Une fois de plus, il brouille nos attentes et les frontières musicales en mélangeant avec grand talent du low-tempo hip-hop (sa marque de fabrique) et divers univers qui trouvent pourtant une cohérence évidente. A aucun moment on ne se demande ce qu’est ce melting-pot sonore. En revanche, à chaque seconde et chaque titre, on frissonne d’émotions et de plaisir face à cette intelligence artistique qui, une fois encore, me laisse admiratif et captivé. Comme à son habitude, Wax Tailor convoque une longue liste de featurings parfaitement choisis, selon le climat qu’il veut donner à chacune de ses compositions.

Fishing for accidents est un magnifique album, qui se clôt sur The final note. Une conclusion au voyage, construite sur quelques notes de pianos et une nappe de cordes traînante. Un peu comme s’il était tard dans la nuit, au fin fond d’un bar lynchien, et que nous avions rêvé les 38 minutes qui viennent de passer. L’album est pourtant bien là, avec de plus une pochette absolument somptueuse réalisée par Hanako Saïto, artiste japonaise qui a notamment collaboré avec Tarantino sur Kill Bill. Tourné autant vers ses prédécesseurs (à commencer par Tales of the forgotten melodies) que vers l’avenir et de nouvelles pistes musicales, Fishing for accidents est la très belle surprise de ce début 2023. Après un excellent The shadow of their suns puissant mais assez sombre, Wax Tailor démontre une nouvelle fois ses talents de Craftsman avec ce nouvel opus tout aussi excellent que ses albums précédents. Procurez vous d’urgence cette merveille si ce n’est déjà fait : voilà un sérieux prétendant au podium 2023.

(Visuel pochette par Hanako Saïto)

Raf Against The Machine

Five Titles n°30 : Radiohead

Capture d’écran 2023-02-15 à 16.20.35Un Five Titles pour le moins original cette semaine : alors que nous réservons généralement cette rubrique à l’extraction de cinq titres d’un même album pour vous donner envie d’en écouter le reste, nous allons plutôt partir sur un top 5. Étrange idée ? Pas tout à fait. Voici quelques semaines, j’ai vu passer et répondu sur Twitter à un petit jeu consistant à donner son top 5 des titres de Radiohead, tout album confondu (Twitter où, je le rappelle, vous pouvez nous suivre dans nos pérégrinations bloguesques et culturelles en rejoignant nos deux comptes @sylphe45 et @BatRafATM). Ce top 5 Radiohead fut une sacrée difficulté : comment extraire de la discographie du groupe seulement cinq titres au beau milieu de cette avalanche de pépites depuis le premier album Pablo Honey en 1993 ? Trente ans que la bande de Thom Yorke nous accompagne, avec à ce jour une carrière parfaite. Pas un mauvais album, pas un titre à jeter. Après les plutôt rock Pablo Honey et The Bends (1995) que j’aime beaucoup, OK Computer (1997) fut la claque absolue dont je ne suis toujours pas remis. En 2000 et 2001, le diptyque Kid A / Amnesiac (aujourd’hui réuni dans le triple vinyle Kid A Mnesia sorti en 2021) fait entrer le groupe dans une nouvelle dimension artistique, en venant prolonger OK Computer tout en éclatant tous les repères.

Les quatre albums suivants, respectivement Hail to the thief (2003), In Rainbows (2007), The King of limbs (2011) et A Moon Shaped Pool (2016), installent définitivement Radiohead au panthéon du rock et de la musique des 20 et 21e siècles. Dès lors, comment ne retenir que cinq titres ? Tout simplement en les laissant venir, spontanément. Quels sont les morceaux qui me viennent et qui vibrent le plus en moi lorsqu’on me parle de Radiohead ? Réponse immédiatement, ici-bas, ici même.

  1. Paranoid Android (sur OK Computer) : titre rock, étiré, déconstruit, hors de toute norme single et radiophonique, Paranoid Android est un bijou de création qui alterne moments intimistes, dépressifs, planants, et explosions rock. Tout Radiohead est là, et si un jour il ne fallait en garder qu’un, le voilà.
  2. Like Spinning Plates (sur Amnesiac) : je peine à trouver les mots justes pour décrire l’effet que me fait cette chanson. Notamment dans sa version ‘Why us ?’, entendue sur le live I might be wrong en 2001, et disponible sur Kid A Mnesia. A écouter, tout simplement. Une des merveilles musicales de notre temps.
  3. Fake Plastic Trees (sur The Bends) : balade rock quasi acoustique qui empile les émotions comme les couches musicales, portée par la voix déchirée et déchirante de Thom Yorke. Là encore, une musicalité presque hors du temps.
  4. Motion Picture Soundtrack (sur Kid A) : quasi titre de clôture du chef-d’œuvre Kid A, un titre sans aucune guitare ni aucun attribut rock pour une mélodie aérienne qui monte très très haut à la faveur de chœurs quasi mystiques. En découvrant Kid A pour la première fois, et en le refermant avec ce morceau, des vagues d’émotions encore intactes aujourd’hui.
  5. Climbing up the walls (sur OK computer) : pour son travail sur le son, les dizaines d’artefacts et de glitches sonores (écoutez moi ça au casque je vous en prie), ce titre est une pépite d’écriture. Trois minutes contenues et posées en tension, pour finir sur un mur de guitares et de cordes déchirant, avant de s’échouer dans trente secondes de retombées. La transition avec No Surprises sur ce même OK Computer.

Vous aurez donc aujourd’hui non pas cinq minutes mais cinq titres de bon son fournis par une des plus grands groupes que la musique nous ait offert. On ne fait que relayer et vous partager ça, en attendant la review de fin de semaine qui concernera un autre grand musicien dont le dernier et bouleversant album est sorti vendredi dernier (spoiler/indice : on peut émouvoir avec des platines).

(Visuel by Stanley Donwood pour Radiohead)

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°121 : Brimstone rock (1997) de 16 Horsepower

R-389347-1226083178Et si nous finissions ce week-end en écoutant un son un peu crasseux mais diablement bon ? Soyons raccord avec le mood du dimanche soir, qui n’est pas vraiment mon moment préféré de la semaine. C’est l’heure de clore le repos de fin de semaine et de penser déjà à la reprise du boulot le lundi matin. Voilà un double programme qui vend du rêve. Pour lutter contre cette merveilleuse ambiance, j’ai quelques pistes intéressantes, dont certaines que je garde rien que pour moi. Mais il en est une qui fonctionne très bien et que je peux vous partager : plonger dans mes disques et trouver le son qui fait du bien. Ils sont divers et plusieurs pour tout dire. Au hasard de la playlist, c’est un morceau de 25 ans d’âge que je vous propose ce soir. Low estate est le deuxième album studio de 16 Horsepower, sorti en 1997. A l’époque, le groupe, fondé par l’Américain David Eugene Edwards et les Français Pascal Humbert et Jean-Yves Tola (anciens de chez Passion Fodder) existe depuis 5 ans. Il a déjà livré un EP en 1995, sobrement intitulé 16 Horsepower, puis le très bon Sackcloth ‘n’ Ashes en 1996. Cette première galette studio illustre parfaitement le Denver sound dont la formation se fait immédiatement un porte étendard. Le Denver sound ? Un savant mélange de country, American Gothic, folk, garage rock et gospel, qui donne à 16 Horsepower son identité musicale si caractéristique.

Un an plus tard, Low estate tombe dans les bacs avec une touche plus rock et plus électrique que son prédécesseur. Produit par John Parish, l’album contient de la pépite à ne plus savoir quoi en faire et reste, à ce jour, mon opus préféré. Le groupe déploie une énergie et une musicalité qu’on retrouvera dans les albums ultérieurs, mais c’est sur Low estate qu’il explose de sa classe. Du rock tendu et à fleur de peau qui sent la terre, les grands espaces, la ruée vers l’or, le bourbon et le vent dans les plaines et dans nos cheveux. De quoi s’évader tranquillement un dimanche soir. Et ce n’est pas le titre d’ouverture de Low estate qui me fera mentir. Brimstone rock pose son empreinte sonore comme un cheval foule la terre de ses sabots. Quelques notes de banjo, la voix nasillarde de David Eugene Edwards, puis le déchainement rock-folk pour 4 minutes 20 de pure évasion.

Je vous laisse filer à Brimstone rock, et sur les 15 autres pistes de l’album si le cœur vous en dit. Avec, à l’arrivée et en clôture, une imparable et bouleversante reprise de The Partisan de Leonard Cohen par le groupe, accompagné de Bertrand Cantat, alors chanteur de feu Noir Désir. Listen it and escape.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°120 : Over my head (2015) de Asaf Avidan

81Wh3CgrybL._SY355_Petite virée dans des terres musicales hautement émotionnelles aujourd’hui, avec Asaf Avidan. D’abord connu comme le leader du groupe de folk-rock Asaf Avidan and the Mojos, le garçon s’est fait connaître en 2008 avec The Reckoning, le premier et très chouette album du groupe. La galette contient notamment le méga connu Reckoning song (One day), ensuite remixé de diverses façons plus ou moins heureuses. Dès ces premières compositions, c’est tout à la fois la richesse musicale et la voix hors normes d’Asaf Avidan qui nous saisissent. Un talent à fleur de peau qui ne fera que se confirmer, et particulièrement dans Different Pulses (2013), son premier album solo. C’est pourtant sur le deuxième que l’on va s’arrêter quelques minutes, le temps d’une pépite intemporelle. Gold Shadow (2015) est, lui aussi, une merveille de 13 titres qui ne laissent personne indemne.

A commencer par Over my head, splendide ballade qui sonne un peu comme du Bob Dylan qui aurait enregistré Blonde on Blonde dix ans plus tôt dans les années 1950. Il en résulte deux minutes trente de pure merveille musicale. Tout comme Maybe you are irradiait l’ouverture de The Reckoning, Over my head annonce le grand album qui s’offre à nous. Rien que les quatre premiers titres sont une immense fessée musicale, introduite par ce Over my head qui m’a obsédé des jours durant à la sortie de l’album. Pour son rythme doux et lancinant, pour la tendre plainte vocale d’Asaf Avidan, pour la puissance du voyage en moins de trois minutes. Comment un seul garçon peut-il contenir autant de talent, autant d’émotions, et savoir si bien les exprimer ? Je n’en sais foutrement rien. Seul compte le plaisir que j’ai à chaque écoute de Gold Shadow, à commencer par Over my head. Pour vous avoir fait saliver, vous aurez un deuxième titre en écoute. Et pour prolonger le tout, écoutez Gold Shadow en entier, avant de plonger dans The study on falling (2017), troisième album d’Asaf Avidan, et autre merveille à explorer.

En bref, écoutez Asaf Avidan. En commençant par ça.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°128: What They Call Us de Fever Ray (2022)

Karin Dreijer, qui forme avec son frère Olof le duo électronique expérimental The Knife, a entamé en 2009 uneFever Ray - Radical Romantics carrière solo sous le nom de Fever Ray. L’album initial éponyme est assez brillant même s’il nage en eaux troubles et développe un chamanisme assez angoissant. Je dois reconnaître que Plunge en 2017 ne m’a pas particulièrement laissé un souvenir impérissable, ce qui ne m’empêche pas d’attendre avec impatience le troisième opus Radical Romantics qui sortira le 10 mars prochain. Kandy est sorti la semaine dernière mais je préfère parler aujourd’hui d’un des deux autres titres partis en éclaireur, à savoir le morceau d’ouverture du futur album What They Call Us. On retrouve les ingrédients qui séduisent tout autant qu’ils rendent mal à l’aise: cette voix androgyne qui semble sortie d’outre-tombe, des synthés omniprésents couplés avec justesse à des drums oppressants, un personnage de clip anxyogène. Désolé, je n’ai pas forcément choisi le titre le plus lumineux pour un dimanche soir de février… Enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°119 : Pure Morning (1998) de Placebo

71TjTnlLKcL._SL1400_Connaissez-vous l’histoire du garçon qui procrastine toute la semaine, en se disant qu’il a le temps d’écrire sa chronique ? Ne cherchez pas, le monsieur en question est face à vous (enfin, derrière le clavier), et c’est dans une certaine urgence teintée néanmoins d’un grand plaisir que je vous drope un son en ce vendredi soir. Pour faire un pied de nez à la soirée, quoi de plus amusant que d’écouter un titre matinal ? En l’occurrence, celui qui me trotte dans la tête depuis ce matin. Voilà plusieurs jours que je cherche quoi chroniquer, et la vie m’apporte une pépite intemporelle avec Pure Morning de Placebo. Titre d’ouverture de Without you I’m nothing (1998), deuxième album de Placebo, Pure Morning envoie du gros son d’entrée de jeu. Guitares saturées lourdes et sèches surplombées par la voix hors norme de Brian Molko, voilà 4 minutes de son comme on l’aime chez Five-Minutes. Si affinités, je vous invite fortement à écouter le reste de l’album, qui est pour moi le meilleur de toute la discographie du groupe. Treize titres et autant de pépites écoutées et usées jusqu’à l’os il y a 25 ans, et depuis très régulièrement. Without you I’m nothing est une de ces galettes dont je ne me suis jamais vraiment remis. En raison de ce Pure Morning, mais aussi du furieux et tendu Every you every me, que je vous mets en écoute bonus pour me faire pardonner de la livraison tardive de cette chronique. Bon weekend et bon Pure Morning.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°127: La beauté du coeur de Saez (2022)

Saez, voici un artiste qui suscite souvent des réactions épidermiques assez diverses et contradictoires. Brillant parolierSaez - Telegram capable de sublimer son spleen dans son superbe album initial Jours étranges en 1999, qu’on a la fâcheuse tendance à résumer au single d’une génération Jeune et con, capable de provoquer à l’extrême dans le plus controversé J’accuse en 2010, Saez donne l’impression d’écrire le même titre depuis des décennies et de traîner sa nonchalance mélancolique dans des albums qui passent presque inaperçus depuis quelques années. Je l’ai clairement perdu de vue, puis je suis tombé sur son EP Telegram sorti le 9 décembre dernier. 6 titres assez attendus autour de la guerre en Ukraine, mon diable intérieur avait déjà tendance à penser que Saez était de nouveau tombé dans la facilité mais j’ai choisi de dépasser ce premier sentiment. Finalement, la poésie fait son effet et certains titres comme Telegram frappent assez juste, rappelant des évidences qu’il est bon de rappeler…J’ai choisi pour aujourd’hui le dernier titre de l’EP, La beauté du coeur, qui offre un très beau texte sensible pour dénoncer les maux de notre monde et mettre l’accent sur les belles personnes qui tentent de le rendre plus lumineux. La phrase finale répétée plusieurs fois « Il n’est pas de plus grand courage qu’être gentil » fera sourire certains par son apparente naïveté mais elle reste un message qu’il est bon de rappeler, enjoy !

 

Sylphe