Tout juste 50 ans après la sortie de The Dark Side of the Moon de Pink Floyd, est tombé dans les bacs hier vendredi 24 mars 2023 une pépite que l’on désespérait de voir arriver un jour. The Dark Side of the Moon – Live at Wembley Empire Pool, London, 1974 (que nous appellerons Live at Wembley par commodité pour cette chronique) est disponible en CD et vinyle. Inclus dans le méga et hors de prix coffret commémoratif de The Dark Side of the Moon, Live at Wembley est également accessible séparément, pour une quinzaine d’euros en CD et à peine vingt euros en vinyle. Alors que l’on connait déjà par cœur The Dark Side of the Moon et qu’on nous ressort un live vieux de 49 ans, faut-il lâcher ses piécettes dans cette galette ? Assurément oui, et même cinq fois oui. Cinq fois exposées immédiatement et sans tarder.
- The Dark Side of the Moon est le meilleur album de Pink Floyd. Le groupe possède à son actif bien d’autres merveilles, mais pas à l’échelle d’un album complet. A saucerful of secrets (1968), Atom heart mother (1970), Echoes (1971) ou encore Shine on you crazy diamond (1975) sont des pépites totales, mais qui ne font pas toujours corps avec le reste de l’album. On pourrait se tourner vers Animals (1977) qui présente une véritable unité, sans pourtant atteindre le niveau de richesse sonore et d’inventivité de The Dark Side of the Moon. Quant à The Wall (1979), c’est évidemment un chef-d’œuvre, mais est-ce vraiment un album de Pink Floyd ? Avec un Roger Waters omniprésent et omnipotent, mais aussi en comptant l’absence de Rick Wright et de ses claviers, il faut se rendre à l’évidence. The Dark Side of the Moon est bien l’album masterpiece de la discographie de Pink Floyd. Et ce Live at Wembley est une excellente occasion d’y replonger.
- D’y replonger, et de mesurer la maîtrise musicale du quatuor. Enregistré à Londres les 15 et 16 novembre 1974, Live at Wembley est un témoignage édifiant. Nous sommes un an et demi après la sortie de l’album studio. Pink Floyd possède sa création de bout en bout, et comme jamais. D’autant que The Dark Side of the Moon a déjà été testé et rodé avant sa sortie, lors de divers concerts en 1972 aujourd’hui disponibles en ligne sur toutes les bonnes plateformes de streaming. Ces deux soirs à Wembley sont une forme d’aboutissement. Non seulement The Dark Side of the Moon est à maturité, mais également son interprétation par Pink Floyd. Ecouter ce Live at Wembley, c’est redécouvrir The Dark Side of the Moon live avec de subtiles différences, mais une énergie intacte et assez folle.
- Ce Live at Wembley permet également de mettre un point final à un faux débat : Pink Floyd est-il un groupe de studio ou de scène ? Compte-tenu des enregistrements studios, créatifs et tirés au cordeau comme on ne l’imaginerait même plus aujourd’hui (à part peut-être chez Radiohead ou Archive), on est en droit de se dire que sur scène, le groupe perd nécessairement la production et le mixage affinés. Pourtant, toutes celles et ceux qui ont vu, ou ne serait-ce qu’écouté, Pink Floyd sur scène savent que le groupe dégage une puissance live dont bien d’autres artistes pourraient s’inspirer. Live at Wembley met fin à toute interrogation. Pink Floyd livre une interprétation hors sol et hors du temps de The Dark Side of the Moon. Tout est en place. Les quatre musiciens jouent comme un seul et déroulent une somme d’émotions assez dingue.
- Ce plaisir musical est renforcé par la qualité de la captation. Là où les lives de 1972 précédemment évoqués et le matériel du coffret The Early Years (sorti en 2016) étaient parfois un peu brouillons, Live at Wembley offre une propreté d’enregistrement live tout bonnement ahurissante. De la première à la dernière seconde, le son Pink Floyd nous explose à la tronche. Pas un défaut sonore ne vient entacher ce live, qui se double d’un mixage lui aussi ahurissant. N’allons pas jusqu’à dire qu’il est meilleur qu’en studio. Il est légèrement différent, et a l’avantage de faire ressortir encore plus les voix, les collages sonores, les claviers de Rick Wright, la batterie de Nick Mason, la guitare de David Gilmour, mais aussi et surtout la basse de Roger Waters. Dans l’intro de Money bien sûr, mais plus encore sur tout l’album. Comme si, avec ce mixage, Pink Floyd envoyait un message caché à son membre fondateur désormais écarté. Comme pour lui dire « Tout est pardonné, tu as bien ton entière place à nos côtés dans le groupe ».
- Il faut enfin s’arrêter sur l’objet en lui-même. Disponible donc dans un coffret hors de prix dont je ne dirai rien du contenu (ne l’ayant pas eu entre les mains), mais aussi à l’unité, Live at Wembley est un bien bel objet pour tout collectionneur. Le vinyle s’offre une pochette gatefold de grande qualité, et contient les textes des chansons imprimés à l’intérieur, plus deux posters eux aussi de toute beauté signés Ian Emes et Gerald Scarfe (celui-là même qui œuvrera graphiquement sur The Wall). Ainsi que le disque vinyle bien sûr. Je ne parle que du 33 tours : offrez vous cette édition plutôt que le CD si vous pouvez vous le permettre. Vous profiterez ainsi d’un enregistrement de très haute tenue, mais aussi d’une grande pochette conçue à partir d’illustrations dessinées en 1973 par George Hardie. En bref, un objet qualitatif sur tous les plans.
Live at Wembley de Pink Floyd est un incontournable. Pour les fans du groupe, il est indispensable en tant que témoignage musical, pièce de collection et moyen supplémentaire de replonger dans le génie de The Dark Side of the Moon. Pour les amateurs de musique et historiens, il est un témoignage essentiel de ce que fut Pink Floyd et de ce qui se créait au cœur des années 1970. Pour les collectionneurs, il est une captation longtemps souhaitée, et aujourd’hui disponible pour une somme tout à fait correcte. En un mot comme en cent : foncez.
Raf Against The Machine