Reprise du jour n°10 : Louie Louie (1957/1993) de Richard Berry par Iggy Pop

415SV1ETGDLVoilà un moment que nous n’avons pas exploré le champ des reprises en tout genre. On se rattrape sans plus tarder en se penchant sur Louie Louie, classique du rock qui connut moult versions depuis sa naissance en 1957. Nous n’allons pas toutes les égrener : pour cela, il faudrait presque un blog complet consacré à ce seul morceau. Néanmoins, attardons nous sur 3 versions et demi de la chanson. Pourquoi demi ? Nous l’allons voir sous peu. Pour resituer l’action, Louie Louie a été écrite et interprétée originellement par Richard Berry et son groupe d’alors The Pharaohs. Richard Berry le musicien américain né en 1935 et décédé en 1997, et non pas le comédien français qui mange des yaourts Sveltesse face caméra. Louie Louie paraît initialement en face B du 45 tours You are my sunshine, et raconte l’histoire d’un marin qui explique à un barman nommé Louie qu’il doit partir en Jamaïque retrouver sa fiancée. Le titre est très marqué par un rythme calypso. Face B et rythm and blues aux sonorités des caraïbes : autant dire que rien ne prédestinait Louie Louie à devenir le classique rock que l’on connaît. C’est cette première version disponible ci-dessous à l’écoute.

Il faudra attendre 1963 et une reprise par The Kingsmen pour voir Louie Louie glisser tranquillement mais sûrement sur le terrain rock. Le groupe, originaire de Portland et considéré comme précurseur du garage rock, revisite le titre en y injectant de la guitare électrique, de la basse, une batterie et un chant bien plus rugueux que celui de Richard Berry. Un chant parfois marmonné par Jack Ely, chanteur de la formation. Ce dernier, n’ayant pas saisi toutes les paroles, fait parfois du yaourt (finalement, on y revient), et laisse penser aux autorités qu’il chante en réalité des obscénités. La chanson fera même l’objet d’une enquête du FBI en 1964. Autres temps, autres mœurs. Si le FBI avait su, à l’époque, que Louie Louie serait plus tard revisité par un des groupes et son chanteur des plus provocants, il aurait rangé son enquête fissa.

Au cœur des années 1970, Iggy Pop & The Stooges vont s’approprier Louie Louie sur l’album Metallic KO (1976). C’est la demi version dont je parlais plus haut. Non pas qu’elle soit minime ou faite à moitié. Le son est bien celui des 70’s rock. Radicalement plus sec et électrique que celui de The Kingsmen, il fait entrer le titre dans ce qu’il y a de plus punk avant l’heure et de plus sauvage. Surtout, cette interprétation préfigure celle qu’en donnera Iggy Pop en 1993 sur son album American Cæsar. Dans un joyeux bordel rock fait de guitares saturées surplombées par une voix inimitable, le chanteur américain défenestre littéralement la douce et chaloupée version originelle de Richard Berry. Si on vous demande un jour ce que c’est le rock, voilà possiblement un début de réponse : un titre initialement paru en face B d’un 45 tours qui vit sa vie depuis maintenant 66 ans au gré des reprises et revisites en tout genre. Dans le respect de l’original, en ajoutant à chaque fois une énergie brute et vitale que les anciens n’avaient pas envisagé ou osé. La rock attitude, c’est maintenant et c’est ici.

Pépite du moment n°132 : A Child’s Question, August (2023) de PJ Harvey

hqdefaultCe mercredi 26 avril est marqué par le retour (et quel retour) de PJ Harvey. Celle qui domine du haut de ses désormais 53 ans le rock indépendant/alternatif parfois teinté de folk depuis maintenant 31 ans nous revient au travers d’un single disponible depuis quelques heures, A Child’s Question, August. La grande question était de savoir vers quel terrain musical PJ Harvey allait nous emmener. Depuis Dry (1992) qui reste à mes yeux un des plus grands albums de rock qui existe, elle n’a eu de cesse d’explorer différentes facettes du rock, puis de la musique en général. Souvenons nous du premier virage Is this desire ? (1998), qui amenait tout autant des sons électros que des balades folks mélancoliques, ou encore du choc White Chalk (2007) qui ouvrit la porte à Let England Shake (2011) et The Hope Six Demolition Project (2016). Ces deux dernières galettes sortent du terrain rock pour aller visiter des compositions plus expérimentales, introduisant des instruments assez rares voire inédits dans le milieu rock. Sept années déjà que nous étions sans nouvelles compositions de PJ Harvey, sept années d’une forme de manque malgré le gargantuesque coffret B-Sides, Demos & Rarities sorti l’an dernier et qui n’a toujours pas fini de me fasciner.

L’annonce d’un nouveau single a donc forcément attisé ma curiosité. A Child’s Question, August est disponible à l’écoute depuis ce matin. Et c’est une petite merveille. Un titre très posé, avec une dose de mélancolie, mais incroyablement envoûtant. Il me rappelle des titres comme The River (sur l’album Is this desire ?) par son côté traînant, magnétique, enveloppant. La trame musicale est d’une sobriété à toute épreuve mais diablement efficace, notamment pour servir de support à la voix de PJ Harvey. Et, une nouvelle fois, quelle voix. En un titre d’à peine 3 minutes, la chanteuse en exploite toute l’étendue, passant des notes les plus hautes pour les couplets aux graves les plus posés pour le refrain. Cerise sur le gâteau : le clip qui accompagne cette nouvelle pépite est d’une beauté incroyable. Réalisé par Steve Gullick en quasi noir et blanc du début à la fin, les images s’enchaînent au son de A Child’s Question, August comme si musique et visuels avaient toujours été là et s’étaient enfin trouvés pour notre plus grand plaisir.

PJ Harvey est de retour avec ce single, en prélude à un futur album intitulé I Inside The Old Year Dying, à paraître le 7 juillet prochain. D’ici là, je vous laisse découvrir ce magnifique A Child’s Question, August.

(Visuel tiré du clip by Steve Gullick)

Raf Against The Machine

Review n°118: JUNGLE de The Blaze (2023)

Un EP percutant TERRITORY en 2017 sublimé par deux titres, TERRITORY et VIRILE, dont les clips sont de vrais petits bijoux d’émotion qui dépassent à eux deux les 120 millions de vue sur Youtube et un premier album DANCEHALL en 2018 qui confirme pleinement tous les espoirs placés en eux (revoir par ici le clip brillant du titre Queens), qui aurait pu prévoir un tel succès instantané de The Blaze, duo français constitué de deux cousins Guillaume et Jonathan Alric ? Après 4 ans de tournée et cette confirmation du pouvoir à faire danser les foules, The Blaze propose un deuxième album JUNGLE davantage taillé pour les dance-floors qui réussit le tour de force de garder une émotion à fleur de peau sous-jacente et de flirter avec les limites d’une trance un peu trop simpliste sans jamais les dépasser.

Le morceau d’ouverture LULLABY joue d’emblée la carte de l’émotion, la voix -toujours travaillée électroniquement – se mariant à merveille avec les synthés et cette petite ritournelle au piano en fond. L’impression que l’électro inventive de Les Gordon hésiterait à aller sur les terres plus dansantes de Jungle (le groupe, sans mauvais jeu de mots par rapport au titre de l’album). CLASH, quant à lui, ne résiste pas et saute le pas vers une électro-pop plus frontale. Sans forcément une grande originalité, il faut reconnaître que la montée uptempo fonctionne à merveille et me rappelle les grandes heures d’un groupe que j’aime à réécouter régulièrement, The Shoes. DREAMER nous rassure ensuite en misant davantage sur l’émotion, la douceur downtempo et la voix moins travaillée nous emportent facilement avant un intermède instrumental de haut vol qui nous emmène vers des terres plus dansantes. L’ensemble, brillamment illustré par le clip ci-dessous, laisse poindre cette émotion masquée sous les machines. Une bien belle pépite qui referme un tryptique initial plein de belles promesses.

MADLY propose ensuite un son plus sombre qui semble happé par les influences trance et techno du groupe, « My Love for you is on fire today » est martelé mais l’âpreté du morceau, si elle a le mérite de briser l’homogénéité de l’album, me séduit moins. HAZE joue ensuite une carte plus originale, entre douceur contemplative à la Boards of Canada au début et intermède volontiers bruitiste pour un résultat séduisant par ses contrastes. Cependant, je dois reconnaître que je suis une âme faible et je ne sais pas résister aux hymnes électro-pop, LONELY séduit par ses sonorités enjouées qui retranscrivent de manière surprenante le désir de solitude de l’être humain, par peur de souffrir.

La trance plus sombre de SIREN est ensuite un véritable bijou instrumental qui réussit le tour de force de me toucher alors qu’on est loin de ma zone de confort musicale. Du coup, BLOOM souffre de la comparaison et paraît un brin trop lisse même si cette ode atmosphérique à l’amitié a tout pour plaire… EYES et DUST vont finir brillamment l’album, le premier rappelle l’EP initial dans le traitement de la voix et touche les fibres les plus profondes alors que le deuxième offre une douceur tellement réconfortante, sublimée par la montée finale juste imparable. Voici en tout cas un JUNGLE qui brisera avec délices la morosité de ce temps et pour reprendre les paroles de LULLABY « You’re such a fucking mess », enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 6. LONELY – 10. DUST – 1. DREAMER – 7. SIREN

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°130 : New soul (2007) de Yael Naim

51XzCuVbkAL._SX355_Envie d’une petite pépite feelgood en ce dimanche ? On a ça en stock. On en a même un bon paquet, duquel nous allons sortir aujourd’hui New soul de Yael Naim. Premier single et succès immédiat de l’artiste franco-israélienne, cette chanson contient déjà tout le talent d’une auteure-compositrice qui nous ravit à chaque création. Si New soul est très connoté pop-folk, Yael Naim commence par étudier la musique classique durant une dizaine d’années, avant de se tourner vers un savant mélange de pop/folk/jazz. A partir de 2000 (soit à peine âgée de 22 ans), elle participe à des projets divers comme la comédie musicale Les Dix Commandements ou encore la BO du film Harrison’s Flowers, tout en sortant un premier album dès 2001, In a Man’s Womb. L’année 2004 sera déterminante pour elle : elle commence à travailler avec David Donatien, pour aboutir en 2007 à l’album Yael Naim porté par le single New soul.

N’y allons pas par quatre chemins : New soul est une pépite de douceurs et de couleurs. L’ouverture se fait sur des accords de piano, vite rejoints par la jolie voix de Yael Naim. Viennent ensuite se greffer d’autres instruments et musiciens pour une ritournelle collective pop/folk qui me fait immanquablement penser à l’esprit qui régnait lors de la tournée 1975 de Bob Dylan. Celle-là même qui est retracée dans le très chouette documentaire Rolling Thunder Revue de Martin Scorsese (dont nous avions parlé voici quelques temps, à relire ici). Ce n’est pas le clip de New soul qui me fera changer d’avis, notamment dans sa deuxième moitié avec l’arrivée desdits musiciens. Ces images se confondent dans ma tête avec quelques-unes du film de Scorsese.

Le texte apporte lui aussi son lot de douceurs. Yael Naim y alterne paroles réalistes sur un monde étrange où l’apprentissage de donner et recevoir est parfois délicat, et mots rassurants qui contrebalancent ce constat par petites touches : de la sérénité, une note d’espérance, une main. Autant dire de la lumière. Quant au clip (déjà évoqué), c’est lui aussi une petite merveille que je vous laisse revoir ci-dessous. Lorsque les images collent et répondent ainsi à la musique, on peut parler de multi-pépite.

Ceci est New soul de Yael Naim, dont vous pouvez écouter les autres compositions. Il n’y a vraiment pas grand-chose à jeter dans la carrière de cette artiste, qui sait aussi nous toucher au travers de reprises assez magnifiques. On se souvient notamment de son Quand on a que l’amour de Brel en 2015 (suite aux attentats du 13 novembre), ou plus récemment de sa version du Chant des partisans. Mais c’est une autre histoire, dont nous reparlerons peut-être. Pour l’heure, écoutons New soul dans la plus grande des douceurs.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°131 : GBLTM (Studio outtakes) (2013/2023) de Daft Punk

512oeUxsIzL._SY355_Le 12 mai prochain, vous aurez (au moins) deux bonnes raisons de faire chauffer la CB. Sortira d’une part le nouveau et très attendu Zelda – Tears of the Kingdom pour les afficionados du gaming et de la Switch. D’autre part, vous pourrez aussi vous procurer Random Access Memories (10th Anniversary Edition), à savoir la réédition du désormais dernier album de feu Daft Punk. Faut-il voir là un appel des sirènes capitalistes et mercantiles, ou une possibilité de profiter plus largement d’un des grands albums et grands groupes de notre temps ? Nous en jugerons plus tard, lorsque la totalité de la galette rééditée sera disponible : à savoir l’album originel augmenté de 35 minutes de musique inédite, soit 9 morceaux (et d’un poster avec l’édition vinyle, le goodie collector qui sait faire la différence pour les bons ienclis). Annoncé à tout de même 40 euros la triple galette vinyle, on y réfléchira à deux fois tant l’objet incarne la flambée des prix pour ce support musical déclaré moribond voici une bonne vingtaine d’années. Je m’égare : nous sommes avant tout là pour écouter de la musique.

C’est précisément ce que nous allons faire avec GBLTM (Studio outtakes), un des 9 titres inédits disponibles sur cette réédition de Random Access Memories. Inédit ? Pas tant que ça. Derrière ce titre énigmatique et quelque peu imprononçable se cache une version alternative de Give Life Back To Music, morceau d’ouverture de l’album. Version alternative et entièrement instrumentale. Les voix ont disparu, de même que la guitare de Nile Rodgers qui donnait un sel incomparable à ce titre groovy à souhait. On y gagne en revanche une version bien plus orchestrale qui fait la part belle aux violons et piano solo. Une chose n’a pas bougé : la basse. Toujours omniprésente, très en avant et gonflée aux vitamines disco-funky. Il en résulte une version diablement efficace, qui rappellera (autour de la 3e minute notamment) certains accents du Don’t let me be misunderstood revisité par Santa Esmeralda en 1977. Un carton disco à l’époque, remis en avant en 2004 par Quentin Tarantino dans la BO de Kill Bill.

Tout cela ne nous aide pas à savoir si nous flamberons 40 euros le 12 mai prochain. Néanmoins, une chose est sûre : laissez vous aller et démarrez ce weekend gris et maussade avec du soleil dans les oreilles : GBLTM (Studio outtakes), suivi de sa version album 2013 Give Back Life To Music, et pour finir en bonus le Santa Esmeralda, histoire de comparer tout ça et prolonger le plaisir.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°129 : Ryūichi Sakamoto (1952-2023)

1200x1200bf-60Après Leiji Mastumoto, décédé en février dernier, le Japon a perdu ces derniers jours un autre grand artiste. Ryūichi Sakamoto s’en est allé le 28 mars dernier. Si ce nom ne vous dit rien, nous allons resituer un peu le personnage, en nous focalisant sur deux temps musicaux majeurs de la carrière de ce grand monsieur. A la fois musicien, compositeur, producteur, chef d’orchestre et acteur, Ryūichi Sakamoto voit le jour en 1952 à Tokyo. Très inspiré par la musique impressionniste de Debussy et Ravel, mais aussi la pop rock des Beatles et des Stones, Sakamoto suit des cours à l’Université des beaux-arts et de la musique de Tokyo. Il y étudie tout à la fois la composition, la musique ethnique et la musique électronique. Musique électronique qui, dans le courant des années 1970, prend précisément son essor via le développement des synthétiseurs comme les incontournables Moog. Ryūichi Sakamoto sort dès 1975 de premiers enregistrements, sur lesquels il travaille comme claviériste ou arrangeur.

Il faut se transporter en 1978 pour voir naître le groupe fondamental et fondateur de la carrière de Sakamoto. Le Yellow Magic Orchestra publiera 8 albums studios entre 1978 et 1983, auxquels il faut ajouter un neuvième en 1993. L’essentiel des pépites du Yellow Magic Orchestra se situe donc à la charnière des années 1970 et 1980, avec des morceaux comme Tong Poo (1978), Technopolis (1979) ou encore Nice Age (1980). Si vous n’avez jamais entendu parler de ce trio, dites vous qu’il a été porteur de l’essor de l’électro sous différentes formes : électropop, synthpop, ambient house et electronica. Influencé par la musique de Kraftwerk, le Yellow Magic Orchestra est précisément à l’Orient ce que le groupe allemand fut à l’Occident dans le développement de l’électro. Le Yellow Magic Orchestra mis en sommeil, Ryūichi Sakamoto poursuivra dès les années 1980, et jusqu’aux années 2010, une foisonnante carrière au cours de laquelle il n’aura de cesse de repousser les explorations électro en allant jusqu’au rap et la house music dans les années 1990, tout en travaillant aussi autour des musiques du monde avec, par exemple, deux albums de bossa nova au début des années 2000.

En Occident, Ryūichi Sakamoto est également connu pour une autre facette de sa carrière : celle de compositeur de musiques de films. A commencer par Furyo (1984), dans lequel Sakamoto tient également un des rôles principaux face à David Bowie. C’est pourtant ses talents de musicien qui seront récompensés, puisque la BO de Furyo décrochera le BAFTA de la meilleure musique de film. On écoutera ci-dessous le magnifique thème Merry Christmas, Mr. Lawrence en version originale (parfaite synthèse du double travail électro/musiques du monde), mais aussi interprété en piano solo par maître Sakamoto himself. Tout simplement magique. Quatre années plus tard, c’est l’Oscar de la meilleure musique de film qui récompense Ryūichi Sakamoto pour la BO du Dernier empereur de Bertolucci. Si l’on retient les BO de ces deux films, on peut aussi se souvenir de celles d’Un thé au Sahara (1990), Talons aiguilles (1992), Snake eyes (1998) ou plus récemment Babel (2006) et The Revenant (2015), cette dernière en collaboration avec Alva Noto. Autant de compositions diverses qui donnent un aperçu du pléthorique travail de Sakamoto au fil de ses années de carrière.

Une œuvre emplie de pépites, que vous pouvez aller découvrir en piochant ce que bon vous semble. Il faut des heures et des heures d’écoute pour faire le tour de la question, et mesurer la perte artistique que représente la disparition de Ryūichi Sakamoto. Comme pour tous les artistes disparus, le plus bel hommage consiste à faire vivre leur travail. Nous y apportons ici une infime et modeste contribution, en vous donnant à écouter deux titres du Yellow Magic Orchestra, puis le magnifique thème de Furyo. Bonne écoute, et merci maître Sakamoto.

Pépite intemporelle n°128: Secret d’Emilie Simon (2003)

Il y a 3 jours, le premier album éponyme d’Emilie Simon fêtait ses 20 ans… ce qui n’est pas sans nous rajeunir, il vaEmilie Simon - ES sans dire. Un album sublime qui croise à merveille les cendres du trip-hop et une voix angélique qui séduit par sa douceur quasi-enfantine. J’avais déjà parlé du très beau morceau d’ouverture Désert ( à relire par ici) et l’actualité musicale m’amène à y jeter de nouveau une oreille pleinement séduite. Emilie Simon a en effet opté pour un choix très audacieux et sort une version revisitée de cet opus initial avec ES pour surprendre ses fans de la première heure, dont je suis, mais aussi malheureusement confirmer un ralentissement artistique assez incontestable. Tant Emilie Simon a pu me séduire avec la BO de La Marche de l’empereur ou ses albums Végétal et The Big Machine, tant depuis Franky Knight j’ai du mal à me laisser emporter par ses nouveaux albums. Un EP Mars on Earth 2020 (brièvement abordé par ici) composé pendant le confinement avait laissé un espoir mais je dois reconnaître que cet ES propose une ligne directrice assez déprimante qui brise la pureté de l’album initial. Peut-être que de multiples écoutes feront évoluer cette triste première impression et je ne peux que le souhaiter car Emilie Simon mérite mieux. Je vous invite à vous faire votre propre avis, à travers le titre Secret dans ses deux versions, enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°127 : Sunday Morning (1967) de The Velvet Underground

81GsdUCxbaL._SL1500_Alors que le temps de tout caser dans une semaine écoulée m’a encore manqué, voici venu le temps non pas des rires et des chants (#référencedevieux), mais d’un petit son tranquille pour accompagner votre dimanche matin. Je ne vais pas aller chercher bien loin puisque notre pépite du jour s’intitule Sunday Morning. Morceau paru en 1967 sur l’album The Velvet Underground and Nico dudit groupe The Velvet Underground, Sunday Morning est à bien des égards une particularité. Pour qui connaît l’album complet, cette petite balade quasi comptine étonne. Au regard du groupe d’une part. The Velvet Underground, c’est l’ombrageux Lou Reed, le parfois inquiétant John Cale, épaulés par les discrets Sterling Morrison et Moe Tucker. La formation s’augmente ici de Nico, imposée par Andy Warhol au groupe qui accompagne alors sa performance Exploding Plastic Inevitable. La voix grave et sépulcrale de Nico ajoute à la noirceur vénéneuse du Velvet. Dès lors, trouver un Sunday Morning au milieu de tout ça a de quoi étonner.

D’autant que, d’autre part, l’album est plutôt sombre. Si c’est bien Sunday Morning qui ouvre la galette, on assiste ensuite à un enchaînement de titres renfermés et torturés, à l’image de I’m waiting for the man, Venus in furs (un titre que je trouve fascinant) ou Heroin. Le disque n’en reste pas moins une référence rock absolue, et un passionnant voyage dans l’univers du Velvet qui, soyons honnêtes, ne fera jamais mieux. Ne serait-ce que pour cette pochette mythique créée par Warhol, ornée d’une banane que l’on peut peler et qui laisse apparaître un fruit rose et ferme. Rappelons aussi que cet album ne fut pas diffusé en radio, étant considéré comme trop cru (aussi cru que la banane sur la pochette). Et qu’il fut un échec commercial, alors qu’il est aujourd’hui porté aux nues. The Velvet Underground and Nico occupe par exemple la 13e place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi en 2003 par le magazine Rolling Stone.

Vous pouvez donc courir (ré)écouter cette merveille du début à la fin. Pour vous mettre en appétit, et pour se faire du bien, on écoute Sunday Morning, pépite à laquelle j’ajoute mon autre pépite de l’album, à savoir Venus in furs. Deux salles, deux ambiances. Un même plaisir.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°13 : The Last of Us (2023) de Gustavo Santaolalla

ab67616d0000b27370f76c0e9a71f567b690f5e8Quitte à enfoncer des portes ouvertes, autant le faire avec classe et sur un sujet qui vend du rêve. Pour la classe, il serait bien prétentieux de ma part de l’avancer : c’est vous seuls qui en êtes juges à la lecture de ces lignes et de ce blog. Pour le sujet qui vend du rêve, en revanche, j’ai moins de doutes. A peine disponible sur Prime video en janvier dernier, la première saison de la série HBO The Last of Us a déchaîné les commentaires, et des plus élogieux. Les neuf épisodes sont aujourd’hui visibles en totalité sur la plateforme. Il est donc possible de se binge-watcher ce qui restera possiblement comme la première adaptation TV d’un jeu vidéo enfin réussie. De sa photo à son casting, en passant par son scénario et sa réalisation, The Last of Us est une pure réussite. Tout comme dans sa version vidéoludique, on suit Joel et Ellie à travers des Etats-Unis (et un monde) ravagé par le cordyceps, un champignon parasite. Ce dernier divise le monde en deux catégories : ceux qui sont infectés, et ceux qui survivent. Vraie plongée dans le post-apocalyptique qui se loge parfois là où on ne l’attendait pas, The Last of Us mélange habilement la grande histoire du monde ravagé et l’intimisme des relations humaines en temps de crise.

La série a l’intelligence d’adapter le jeu vidéo sans chercher à faire du jeu vidéo filmé. C’est là toute sa force, et c’est sans doute pourquoi elle fonctionne aussi bien. Point de séquences gaming qui s’enchainent les unes aux autres, mais plutôt un long film de plusieurs heures (près de 9 donc), chargé de tensions et d’émotions. Un visionnage qui nous amène à nous questionner : si c’était nous, quels choix ferions-nous ? Voilà un point commun entre la série et son inspiration JV. Autre point commun, et pas des moindres, la bande-son de la série. Si on y entend du a-ha, ou encore la voix sépulcrale d’Eddie Vedder, le score original revient à Gustavo Santaolalla et David Fleming. Le même Gustavo Santaolalla qui composa à l’époque les BO des jeux The Last of Us.

Musicien argentin né en 1951, il n’en est pas à son coup d’essai. The Last of Us le ramène sur le devant de la scène, mais on lui doit bon nombre de BO ciné et séries assez mémorables. A commencer par les films d’Alejandro González Iñárritu comme 21 grammes (2003) ou Babel (2006), ou d’autres longs métrages tels que Le secret de Brokeback Mountain (2005). Pour la série The Last of Us, les pépites s’enchaînent épisodes après épisodes, et contribuent ainsi à l’ambiance si particulière qui plane au cours de la saison. La meilleure façon de découvrir tout cela, c’est de vous plonger dans les neuf épisodes de The Last of Us. En guise de mise en bouche, on s’écoute le générique de la série, qui vaut autant par ses qualités graphiques que sa bande-son hors du temps.

Raf Against The Machine