Après Leiji Mastumoto, décédé en février dernier, le Japon a perdu ces derniers jours un autre grand artiste. Ryūichi Sakamoto s’en est allé le 28 mars dernier. Si ce nom ne vous dit rien, nous allons resituer un peu le personnage, en nous focalisant sur deux temps musicaux majeurs de la carrière de ce grand monsieur. A la fois musicien, compositeur, producteur, chef d’orchestre et acteur, Ryūichi Sakamoto voit le jour en 1952 à Tokyo. Très inspiré par la musique impressionniste de Debussy et Ravel, mais aussi la pop rock des Beatles et des Stones, Sakamoto suit des cours à l’Université des beaux-arts et de la musique de Tokyo. Il y étudie tout à la fois la composition, la musique ethnique et la musique électronique. Musique électronique qui, dans le courant des années 1970, prend précisément son essor via le développement des synthétiseurs comme les incontournables Moog. Ryūichi Sakamoto sort dès 1975 de premiers enregistrements, sur lesquels il travaille comme claviériste ou arrangeur.
Il faut se transporter en 1978 pour voir naître le groupe fondamental et fondateur de la carrière de Sakamoto. Le Yellow Magic Orchestra publiera 8 albums studios entre 1978 et 1983, auxquels il faut ajouter un neuvième en 1993. L’essentiel des pépites du Yellow Magic Orchestra se situe donc à la charnière des années 1970 et 1980, avec des morceaux comme Tong Poo (1978), Technopolis (1979) ou encore Nice Age (1980). Si vous n’avez jamais entendu parler de ce trio, dites vous qu’il a été porteur de l’essor de l’électro sous différentes formes : électropop, synthpop, ambient house et electronica. Influencé par la musique de Kraftwerk, le Yellow Magic Orchestra est précisément à l’Orient ce que le groupe allemand fut à l’Occident dans le développement de l’électro. Le Yellow Magic Orchestra mis en sommeil, Ryūichi Sakamoto poursuivra dès les années 1980, et jusqu’aux années 2010, une foisonnante carrière au cours de laquelle il n’aura de cesse de repousser les explorations électro en allant jusqu’au rap et la house music dans les années 1990, tout en travaillant aussi autour des musiques du monde avec, par exemple, deux albums de bossa nova au début des années 2000.
En Occident, Ryūichi Sakamoto est également connu pour une autre facette de sa carrière : celle de compositeur de musiques de films. A commencer par Furyo (1984), dans lequel Sakamoto tient également un des rôles principaux face à David Bowie. C’est pourtant ses talents de musicien qui seront récompensés, puisque la BO de Furyo décrochera le BAFTA de la meilleure musique de film. On écoutera ci-dessous le magnifique thème Merry Christmas, Mr. Lawrence en version originale (parfaite synthèse du double travail électro/musiques du monde), mais aussi interprété en piano solo par maître Sakamoto himself. Tout simplement magique. Quatre années plus tard, c’est l’Oscar de la meilleure musique de film qui récompense Ryūichi Sakamoto pour la BO du Dernier empereur de Bertolucci. Si l’on retient les BO de ces deux films, on peut aussi se souvenir de celles d’Un thé au Sahara (1990), Talons aiguilles (1992), Snake eyes (1998) ou plus récemment Babel (2006) et The Revenant (2015), cette dernière en collaboration avec Alva Noto. Autant de compositions diverses qui donnent un aperçu du pléthorique travail de Sakamoto au fil de ses années de carrière.
Une œuvre emplie de pépites, que vous pouvez aller découvrir en piochant ce que bon vous semble. Il faut des heures et des heures d’écoute pour faire le tour de la question, et mesurer la perte artistique que représente la disparition de Ryūichi Sakamoto. Comme pour tous les artistes disparus, le plus bel hommage consiste à faire vivre leur travail. Nous y apportons ici une infime et modeste contribution, en vous donnant à écouter deux titres du Yellow Magic Orchestra, puis le magnifique thème de Furyo. Bonne écoute, et merci maître Sakamoto.