Ciné-Musique n°14 : Lost Highway (1997) par Angelo Badalamenti & Others

71xIwcm3CKL._UF1000,1000_QL80_Voilà déjà plus de 25 ans que David Lynch nous a retourné la tête avec son Lost Highway sorti en 1997. On pensait alors avoir tout vu en matière de film qui nous passe le cerveau au mixeur. C’était sans savoir qu’en 2001 on découvrirait Mulholland Drive (une sorte d’odyssée de l’espace mental de son réalisateur), avant qu’on ne se fasse achever les neurones avec Inland Empire en 2006. Ces trois films formant une trilogie Los Angeles, on sera bien inspirés de les revoir presque d’un bloc, histoire de mesurer l’ampleur de l’expérience cinématographique proposée par David Lynch en trois longs métrages : une autoroute perdue qui mène sur Mulholland Drive, pour se finir dans le quartier d’Inland Empire. Revenons à la source du voyage, sur Lost Highway. Loin de moi l’idée de raconter ou décortiquer le film, de l’analyser et de tenter toutes sortes d’explications plus ou moins rationnelles aux pérégrinations de Fred Madison et de sa femme Renée, de Pete Dayton et de son amante Alice, et de tout ce beau monde. Bien d’autres ont fait ce travail avant moi, bien mieux et avec talent. De plus, la meilleure interprétation du film est peut-être la nôtre. Celle que l’on développe en soi en s’immergeant dans Lost Highway.

Tour à tour intrigant, poisseux, inquiétant, sulfureux, dérangeant, sexuel, Lost Highway ne serait pas le même sans sa BO. Aux commandes, Angelo Badalamenti, fidèle compositeur de David Lynch, auquel on doit tous les grand thèmes de la filmographie du réalisateur. Depuis Blue Velvet (1986), personne d’autre n’a aussi bien transcrit en musique les images de Lynch. Avec Twin Peaks (1991) en apogée, ou encore le chef-d’œuvre Mulholland Drive dix ans plus tard, le duo d’artistes invente à chaque création un univers hors normes et immédiatement identifiable. Les images de Lynch, ses cadrages, sa photo, associées aux nappes de synthés et aux sons irréels et parfois perturbants de Badalamenti contribuent à nous plonger dans des expériences à nulle autre pareilles. Sans oublier le Red bats with teeth (en écoute ci-dessous), qui démarre jazzy pour se finir dans un chaos de saxophone similaire au cerveau de Fred Madison… précisément saxophoniste dans le film.

Lost Highway et sa BO constituent un fabuleux exemple de la réussite du duo. Toutefois, la maestria de cette soundtrack va bien plus loin. Non content de s’adjoindre les talents de Badalamenti, Lynch va aussi chercher des titres existants, et des musiciens additionnels. C’est ainsi que le film s’ouvre sur I’m deranged de David Bowie, tiré de son album 1. Outside (1995) : du rock industriel alternatif froid, mécanique, troublant. Le son idéal pour ouvrir Lost Highway. Dans ce film rugueux et perturbé, on entendra aussi des compositions de Trent Reznor de Nine Inch Nails. Le même Trent Reznor qui, depuis 2010, nous a gratifié de BO assez incroyables avec son compère Atticus Ross, notamment dans les films cliniques de David Fincher (Millenium ou Gone Girl), mais aussi pour la série TV Watchmen. Deux chansons originales de Nine Inch Nails sont par ailleurs composées spécialement pour Lost Highway. Le son industriel et torturé du groupe convient là encore à merveille au long métrage.

Outre Badalamenti et Reznor/Nine Inch Nails, on retrouve sur la BO de Lost Highway d’autres grands noms de la noirceur et du trouble. Marylin Manson donne de la voix dans une reprise hantée de I put a spell on you, et dans Apple of sodom, une composition originale. Les Smashing Pumpkins se font entendre avec Eye. On est alors en pleine période Adore. Le son du groupe est dark, tout comme le phrasé de Billy Corgan. En parlant de voix, impossible de passer à côté de celle de Rammstein, groupe de métal industriel allemand. Rien que ça. Et, sans grande surprise, cette grosse machine sonore se greffe à merveille sur les images de Lynch. A moins que ce ne soit ces dernières qui collent à merveille au son de Rammstein. Enfin, comment ne pas citer la parenthèse presque apaisée apportée par Lou Reed et son interprétation de This magic moment. Là où l’ensemble de Lost Highway est noir, sombre, inquiétant, ce titre apporte sa touche de lumière lorsque Patricia Arquette/Alice illumine la vie de Pete Dayton lors de sa première apparition et de leur rencontre. This magic moment est assez étonnant de légèreté, autant au cœur de Lost Highway que dans la discographie de Lou Reed.

Lost Highway est une double expérience cinématographique et musicale. Peut-être plus encore que dans Mulholland Drive ou Inland Empire, les images et la BO ne vont pas les unes sans les autres. Certes, cette dernière peut s’écouter sans voir le film, mais pour qui connaît le long métrage, chaque titre réveille nos souvenirs de telle ou telle scène. Quant à chacune des scènes, elle ne prend sa pleine dimension que soutenue par les notes et voix de ces artistes judicieusement réunis par Lynch. De la part d’un artiste qui pense son art autant dans le visuel que le sonore, il y a là une certaine cohérence. Souvenons nous enfin que, quatre ans plus tard, Lynch sortira Blue Bob (2001), un album de blues industriel dont certains titres auraient aisément eu leur place sur la BO de Lost Highway. Mais ça, c’est une autre histoire.

Raf Against The Machine

Playlist du lundi n°8

Pour ce dernier lundi avant des vacances de la Toussaint particulièrement attendues, voici les 7 titres de la semaine qui auront pour défi de vous faire sourire en cette journée amère…

  1. Comment est ta peine de Benjamin Biolay. Une énième chanson sur une rupture amoureuse me direz-vous. Le talent de parolier de Benjamin Biolay est incontestable et cette voix sombre et mélancolique nous perfore au plus profond de nos entrailles. Des sonorités plus pop et un refrain entêtant viennent contrebalancer la souffrance qui émane des textes. Avec ce Grand Prix, son neuvième opus, Benjamin Biolay s’impose définitivement auprès du grand public comme il l’avait déjà fait en 2009 avec La Superbe.
  2. Eple de Röyksopp. Le premier album Melody A.M. des Norvégiens de Röyksopp date déjà de 2001 mais son électronique aérienne illuminée par ses sonorités faussement naïves reste intemporelle. Ce Eple qui vous évoquera les productions d’Air de l’époque distille un vent nordique particulièrement rafraîchissant.
  3. 8th Wonder de Gossip. On ne devrait jamais oublier l’énergie folle et la rage qui habite le chant de la charismatique Beth Ditto. Ce 8th Wonder présent sur leur quatrième album Music for Men est jouissif et fait feu de tout bois, la batterie martèle et les guitares sont acérées. Les explosions qui animent ce titre donnent envie de dévorer ce lundi !
  4. London de Benjamin Clementine. Le premier album At Least for Now de Benjamin Clementine est une bijou d’émotion pure. Il y a tout sur ce London pour hérisser les poils et faire picoter les yeux : cette voix profonde et magistrale qui nous prend dans les bras et nous berce chaudement, le piano subtil en fond et les cordes qui donnent un aspect grandiloquent au titre.
  5. Small Town Witch de Sneaker Pimps. Le trip-hop vénéneux de Sneaker Pimps sur ce Small Town Witch tiré du troisième opus Bloodsport (2002) inquiète et perturbe. Chris Corner au chant est brillantissime et, si vous êtes lecteurs assidus de ce blog, vous savez que Sneaker Pimps n’a selon moi pas eu le succès qu’ils méritaient. Et vous, vous en pensez quoi?
  6. Ms. Jackson d’Outkast. Superbe morceau en l’honneur des mères, ce Ms. Jackson met en avant les flows complémentaires de Big Boi et André 3000 tout en proposant des sonorités douces. Je suis parti pour une journée entière à fredonner ce refrain obsédant…
  7. Once in a Lifetime de Kazy Lambist. On finit cette playlist du lundi avec l’électro chill d’Arthur Dubreucq alias Kazy Lambist (un alcool du Canada pour les curieux). Ce Once in a Lifetime qui me fait penser à du MGMT qui aurait décidé de se mettre à l’électronica apparaît sur son premier album 33 000 FT. et séduit par sa petite mélodie en fond addictive.

 

Sylphe

Pépite du moment n°138: You Can Let Go de Half Moon Run (2023)

La musique est un refuge face à la violence de notre monde moderne. Je suis désolé pour cette assertion qui va paraître d’une grande platitude mais c’est mon ressenti après cette dernière semaine qui ne donne guère foi en l’humanité…

Je ne connais pas ce groupe canadien Half Moon Run et j’ai a priori une belle discographie à aller parcourir car Salt sorti le 2 juin dernier est déjà leur septième opus. A la lecture de leur page Wikipédia -et oui on s’informe par tous les moyens – je vois qu’au début de leur carrière ils ont fait la première partie d’artistes qui me sont chers comme Patrick Watson, Metric ou encore Of Monsters and Men. Montréal et le Québec en force ! #HalfMoonRunvaoccupermesprochainesvacances

Le titre du jour You Can Let Go est le morceau d’ouverture de Salt, je me suis immédiatement fait happer par le souffle pop qui l’anime. Une rythmique uptempo, des voix quasi incantatoires et cette utilisation des guitares qui me fait penser à Phoenix. Le résultat brille par sa spontanéité et me donne le sourire et l’envie de lâcher prise. Aujourd’hui, je n’en demandais guère plus, merci Half Moon Run.

Sylphe

Live n°3 : Call to Arms & Angels Tour (2023) de Archive

381087248_912847143537138_4030693781702740974_nPour qui suit ce blog régulièrement, ce n’est pas une découverte : chez Five-Minutes, le groupe anglais Archive est dans le haut du panier. A titre personnel, c’est plus que le haut du panier. Impossible donc de passer à côté du lancement de la tournée 2023 de la formation. Débutée le 5 octobre dernier à Dijon, le retour d’Archive sur le devant de la scène (sans aucun mauvais jeu de mots) tient toutes ses promesses, et bien plus. Autour de ses deux membres fondateurs Darius Keeler et Danny Griffiths, le collectif est gonflé à bloc de bons sons et d’énergie. Pour ce que l’on a pu voir de ce début de tournée, le show est à la fois sobre et puissant, diablement rock et parfois bouleversant. En deux heures de scène, Archive revisite une bonne moitié de son dernier opus Call to Arms & Angels (2022) en glissant dans la setlist quelques anciennes pépites, et non des moindres.

Sans spoiler la totalité des titres joués, on peut tout de même évoquer l’ouverture du concert par un Mr. Daisy incandescent qui met directement le feu à la salle. Un peu plus tard, c’est Bullets qui résonnera dans une version tendue et proche de celle entendue sur le 25 Tour. Un Bullets issu de Controlling crowds (2009), qui reste à ce jour et à mon goût un des meilleurs albums d’Archive. Encore un peu plus tard, on appréciera un moment d’accalmie avec Surrounded by ghosts, l’envoûtant titre d’ouverture de Call to Arms & Angels interprété par Lisa Mottram et sa voix hors du commun. Les voix hors du commun, Archive connaît puisque les deux voix masculines régulières ne sont pas en reste. D’un côté l’implacable Pollard Berrier, de l’autre le toujours impressionnant Dave Pen. Les deux, accompagnés de Lisa Mottram, seront d’ailleurs à la manœuvre pour une fin de concert absolument imparable. On vous spoile un peu quand même ? Alors que le concert nous laisse déjà comme ivre, Archive enchaîne Enemy (peut-être un des titres les plus ravageurs de la discographie complète), The empty bottle (survolé par un Dave Pen magique), puis Gold (titre de clôture pinkfloydien du dernier opus). Un sacré beau trio de fin. Vous en voulez encore ? Il y aura un rappel, et pas n’importe lequel. Again, autre titre qui fait immanquablement penser au Animals de Pink Floyd, sera déroulé dans une dantesque version portée par un Dave Pen habité comme jamais.

Le reste est à découvrir sur la tournée. Le reste des morceaux choisis, ainsi que la scénographie. D’une sobriété absolue et sans artifices, elle se veut pourtant élégante et raffinée avec, comme toujours, de délicats éclairages et des jeux de lumière qui mettent en valeur le son Archive. Le meilleur groupe du monde a repris la route. Il est en pleine forme et pourrait bien vous en mettre plein la tête, pour peu que vous vous jetiez sur les dernières places restantes. Actuellement en virée dans toute l’Europe, Archive reviendra pour une série de dates en France, avant de finir à Paris le 24 novembre prochain. Petite cerise sur le gâteau : s’il en reste, procurez vous auprès du merchandising de tournée le vinyle Best of rarities vendu certes 40 euros pour une seule galette mais chargée de 10 titres exceptionnels, numéroté à 750 exemplaires (pressage unique) et signé du groupe. Les collectionneurs comme les fans d’Archive ne passeront pas à côté.

En conclusion musicale, impossible de vous diffuser un extrait de cette tournée, mais on peut toujours se remettre dans les oreilles deux ou trois titres évoqués plus haut. Dont acte.

Raf Against The Machine

Playlist du lundi n°7

Laissez-moi serrer le garrot correctement, voilà c’est parfait comme ça… On est partis pour la petite intraveineuse du lundi, 30 minutes de son hautement recommandé pour être en bonne santé.

  1. Kaili de Caribou. Daniel V. Snaith alias Caribou a tutoyé les étoiles avec son troisième opus Swim en 2010, improbable rencontre entre un sentiment lancinant de solitude et une musique électro envoûtante. Vous prenez l’électronica inventive de Four Tet et la mêlez à la fausse légèreté de Hot Chip et vous obtenez cet obsédant Kaili.
  2. Ready For The Floor de Hot Chip. L’électropop hédoniste de la bande formée autour de Joe Goddard et Alexis Taylor est pour le moins instantanée, ce Ready For The Floor sublime à merveille toutes les sonorités 80’s.
  3. Song 2 de Blur. La pépite ultime pour transmettre une énergie folle. La débauche de guitares et la batterie, le chant plein d’urgence de Damon Albarn, ce Song 2 est un bijou d’intensité avec ses deux petites minutes. Pour la petite anecdote, le titre est bien placé sous le chiffre 2: sa longueur, sa place dans l’album, le fait qu’il soit le deuxième single de l’album, ses deux couplets et ses deux refrains.
  4. Embers de Just Jack. Tiré de son troisième opus All Night Cinema (2007), ce Embers brille par ses violons omniprésents et les boucles de voix qui se superposent et nous font perdre contact avec la réalité. Du travail d’orfèvre pour un artiste qui mérite d’être réécouté régulièrement.
  5. Physical Element de DJ Pone. Echappé de Birdy Nam Nam, DJ Pone mène sa carrière solo avec justesse. Son Radiant de 2016 brille par son électronica vaporeuse et ce Physical Element nous offre une plage de douceur salutaire en ce lundi matin avec ses synthés languissants.
  6. Atlantis To Interzone de Klaxons. Le premier album des Anglais Myths of the Near Future ravage tout sur son passage en 2007 et ce Atlantis To Interzone ne déroge pas à la règle. Rythmique uptempo, alarme en fond, chants rageux, guitares qui ne sont pas sans faire penser à Franz Ferdinand, le morceau fait feu de tout bois et c’est assez jouissif !
  7. Demain, c’est loin de IAM. Il n’y a pas débat pour moi, le troisième album des Marseillais L’Ecole du micro d’argent est un des meilleurs albums rap de tous les temps. Prise de position qui n’a rien d’étonnant je vous l’accorde, tant cet album a fait l’unanimité. Demain, c’est loin clôt l’album avec ses 9 minutes brillamment écrites, en particulier avec les anadiploses sur la première partie. Les flows de Shurik’n et Akhenaton sont aussi brillants que complémentaires, le texte demeure malheureusement d’actualité et on sort encore sonnés par la triste justesse des textes en 2023…

 

Sylphe

Playlist du lundi n°6

C’est parti pour le juke-box matinal du lundi ! 7 titres qui méritent amplement d’illuminer votre journée…

  1. Stork & Owl de TV On The Radio. Dear Science, le quatrième album du groupe formé autour de David Andrew Sitek et le chanteur Tunde Adebimpe, est un pur chef d’oeuvre qui figure en bonne position dans mes 10 albums préférés de tous les temps. Subtile alliance de soul, de trip-hop et de rock il est parcouru d’une intensité folle. Cet échange entre une cigogne et une chouette amène une profonde réflexion autour de la mort, la voix de Tunde Adebimpe est poignante et m’évoque Kele Okereke alors que l’instrumentation lancinante brille par sa douce langueur. Un sommet d’émotions.
  2. Finding Beauty de Craig Armstrong. Craig Armstrong est un compositeur de génie travaillant entre autres sur les BO des films de Baz Luhrmann. En 2002, il sort l’album As If To Nothing qui brille par la richesse de ses arrangements. Ce Finding Beauty met à l’honneur les violons et joue sur quelques ruptures bien senties, le titre est magnifique et s’inscrit parfaitement dans le talent à composer des musiques de films qui n’ont pas besoin du poids des mots pour exister.
  3. Someone Better de Juveniles. La bombinette électro-pop de ce lundi est à mettre à l’actif des Rennais de Juveniles sur leur premier album éponyme sorti en 2013. Une basse que ne renierait pas Metronomy et ce sens inné de la mélodie, le résultat est instantané. Un morceau qui se savoure comme un bonbon acidulé, le plaisir en bouche est immédiat et le glucose donne un coup de fouet salutaire pour émerger.
  4. La pluie de Orelsan feat. Stromae. Le flow d’Orelsan est imparable et l’album La fête est finie sorti en 2017 ne fait que confirmer cette évidence. La pluie représente bien la capacité à mettre sa province natale au centre, le regard est bienveillant tout en étant sans concession et pas dénué d’autodérision. Et oui attendre la pluie pour un Normand, il a osé… Un texte d’une grande justesse et cette mélodie en fond addictive. Après je vous laisse libres d’évaluer l’intérêt de la présence de Stromae sur les refrains…
  5. Little Lady de General Elektriks. Le deuxième opus Good City For Dreamers de Hervé Salters alias General Elektriks sorti en 2009 brille par son originalité à croiser une électro-pop sautillante et le funk. Little Lady brille par son aspect un brin désuet et la qualité de sa production.
  6. Joan Of Arc d’ Arcade Fire. Pour l’Orléanais que je suis, aimer ce titre paraît une évidence… Le quatrième album des Canadiens Reflektor sorti en 2013 et produit par James Murphy (LCD Soundsystem) surprend par son ambiance plus sombre et paradoxalement plus dansante. Ce Joan Of Arc qui rend hommage au personnage de manière originale brille par sa rythmique obsédante et quasi martiale, la voix de Win Butler fait le reste bien épaulée par les choeurs.
  7. Home to You de Cate Le Bon. J’ai réellement découvert la Galloise par le biais de son cinquième album Reward sorti en 2019. Ce Home to You brille par sa douce mélodie et le chant folk qui me donne le sourire pour bien commencer cette semaine.

 

Sylphe

Review n°121: everything is alive de Slowdive (2023)

Il est des carrières musicales tortueuses et brisées qui renaissent de leurs cendres… Les AnglaisSlowdive -everything is alive de Slowdive ont illuminé les années 90 avec trois beaux albums –Just for a Day (1991), Souvlaki (1993) et Pygmalion (1995) – mettant en avant la reverb et les synthés envoûtants. Représentants d’un style musical naissant, le shoegaze (gaze pour la pédale d’effet utilisée et shoe parce que les musiciens regardent toujours leurs pieds pour gérer la dite pédale – voilà de quoi briller en société lors de ton prochain repas avec tes collègues…), les expérimentations de Neil Halstead dans Pygmalion et l’émergence de la britpop ont eu raison du groupe qui s’est séparé en 1995 … pour se reformer plus de 20 ans plus tard et sortir son quatrième opus Slowdive en 2017. Signé désormais sur le label Dead Oceans (Toro Y Moi, Shame, Kevin Morby), Slowdive (nom d’un titre du groupe Siouxsie and the Banshees) revient avec son cinquième album everything is alive au titre résolument optimiste. Constitué de 8 belles pépites, il confirme que le très long break n’a pas réduit à néant les inspirations atmosphériques du groupe.

Le morceau d’ouverture shanty nous confronte d’emblée à cette envie de mettre en place un véritable mur de son entre synthés spatiaux et tendance noisy. La mélodie se met doucement en place, accompagnée par les voix de Rachel Goswell et Neil Halstead en arrière-plan qui distillent une dose supplémentaire d’irréel. Le résultat me fait penser à un tableau impressionniste qui se crée sous nos yeux par touches, tableau d’un clair de lune où la lumière spectrale apporte paradoxalement une sensation de chaleur apaisante. Slowdive aime incontestablement jouer sur les contrastes. Prayer remembered, morceau instrumental, ne joue cependant pas la carte du clair-obscur par la suite. Grande plage de douceur sublimée par ses synthés, sa linéarité est somme toute très réconfortante.

Alife vient ensuite davantage explorer les contrées de la dreampop, porté par des guitares plus pop et la voix de Neil plus en avant. La voix éthérée de Rachel dans les refrains permet cependant de garder cette aura de mystère qui fait le charme des compositions des Anglais. Andalucia plays s’impose ensuite pour moi comme le morceau symbolisant au mieux cette quête contemplative d’un ailleurs poétique, l’instrumentation se mariant à merveille au timbre mélancolique de Neil. Un Kisses à la rythmique et aux guitares plus rock (enfin, tout est relatif bien sûr…) donne un regain d’énergie à l’ensemble, comme si les membres de The XX avaient décidé d’oublier leur introversion naturelle. On ne sera pas surpris que ce titre plus accessible ait été choisi comme premier single de l’album.

Skin in the game brille ensuite par l’alliance subtile des deux voix principales, nous pouvons sentir la puissance du lien entre ces deux amis d’enfance qui ont fait le choix d’évoluer ensemble à travers la musique. L’album ne s’essouffle pas et propose deux derniers titres de haut vol…Chained to a cloud fonctionne comme un puzzle se mettant peu à peu en place avec la mélodie naïve, les synthés qui me font penser à Moby, la batterie puis les voix de Rachel et Neil. Le résultat est sublime et teinté d’une aura irréelle envoûtante. Le morceau final the slab joue davantage la carte de l’intensité avec les guitares et la batterie, montrant la largeur du spectre musical de Slowdive qui flirte avec les terres brumeuses du post-rock.

Slowdive réussit donc le pari avec ce everything is alive de ne pas rester enfermé dans le shoegaze de ses trois premiers albums tout en révélant une volonté jouissive de rattraper le temps, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés) : 3. alife – 7. chained to a cloud – 4. andalucia plays

 

 

Sylphe