Review n°20 : Les rescapés (2018) de Miossec

miossec_lesrescapesPetit retour quelques mois en arrière pour profiter encore un peu de 2018, avec un des albums majeurs de l’année écoulée. On avait laissé Miossec en 2016 avec Mammifères, un bien bel album qui sonnait (re)nouveau, tant par sa couleur musicale que par les paroles. Après l’intimiste et bouleversant Ici-bas, ici même (2014), notre brestois préféré avait réuni autour de lui un drôle de trio de saltimbanques pour un opus hautement chaleureux et lumineux. Violon, accordéon et guitare acoustique portaient alors des titres poétiques que Miossec et sa bande avaient sublimés dans une tournée acoustique des plus émouvantes.

Album après album, la qualité première de Miossec est de nous attendre là où on ne l’attend pas. Les rescapés ne déroge pas à la règle : à la tiédeur cosy de Mammifères succède une galette bâtie sur des sonorités synthétiques et électriques. Une suite de partitions qui semblent aller fouiller au plus profond de nous-mêmes pour des compositions organiques, tendues, très dépouillées aussi. Le minimalisme musical règne en maître, sans toutefois céder à la simplicité ou la facilité. On trouvera même au cœur des Rescapés des sons quasi Blade-Runneriens, comme en ouverture des Infidèles ou de La mer. Par touches inattendues, le violon de Mirabelle Gilis fait de véritables miracles de douceur pour répondre à des textes toujours finement ciselés.

Parce que oui, le grand pouvoir de cette cuvée 2018 de Miossec, c’est d’avoir fait le choix musical le plus pertinent qui soit pour mettre en avant et en valeur les textes. Les différentes pistes musicales ne se font pas oublier et ne s’oublient pas, loin de là. Pourtant, elles ne font que servir d’écrins aux mots. Ce qui m’a obsédé pendant des semaines, c’est bien plus des phrases et des propos que les compositions en elles-mêmes. Miossec explore une nouvelle fois des sujets intemporels et ses obsessions. Et ça fonctionne plus que jamais, parce que ça a toujours fonctionné et parce que, une nouvelle fois, le poète a trouvé comment trousser 11 titres de la plus belle des manières pour nous embarquer et nous faire cogiter sans en avoir l’air.

Nous sommes : pas éternellement, comme nous le rappellera le On meurt deux pistes plus loin. Mais Nous sommes, malgré tout. « Nous sommes de ceux qui ne sont pas passés de loin à côté », ou comment faire écho, dans un sentiment d’urgence, au On y va de l’album précédent. Pour ne pas oublier non plus qu’on est tous des rescapés de quelque chose. Nous sommes, avant de partir un jour puisqu’On meurt. « On meurt du pire, on meurt d’un rien / On meurt n’importe comment ou de façon extraordinaire / On meurt dans le vide, on meurt trop plein / On meurt en voulant s’envoyer en l’air ».

Tout le reste de l’album va ensuite remettre sur le métier les préoccupations miosseciennes et humaines qui me travaillent tant. Les infidèles questionne les failles humaines et les tentations de la vie : qu’est-ce qui fait qu’un.e infidèle l’est un jour, puis ne l’est plus ? L’aventure énumère, par petits moments et par touches, ce qui forme cette grande aventure qu’est la vie. Pour fait plus loin écho en listant, dans une urgence rock, ce qui fait qu’il est bon d’être là malgré tout, ce qui fait que cette putain de vie mérite d’être vécue. Et La ville blanche clôturera l’opus par une nouvelle variation sur la vie qui passe et ses aléas : d’où on vient, où on va, pourquoi, comment, avec qui parfois… de quoi est-on faits, qu’est-ce qui importe et qu’est-ce qui nous fonde.

Mais avant cela, on aura aussi replongé dans le pourquoi/comment des relations humaines/sexuelles avec Les gens (quand ils sont les uns dans les autres) : qu’est-ce qui fait que ça matche ? Il se passe quoi dans ces moments-là ? Et après ? Un titre qui nous rappelle tant d’autres, comme Quand je fais la chose, Tant d’hommes, Des moments de plaisirLa vie sentimentale se demande quelle place on lui accorde dans nos existences, et comment ça peut prendre une place parfois démesurée, aux dépens même de tout le reste. Que choisit-on d’en faire, et par rebonds, que choisit-on de faire de sa vie ? Un gouffre à sentiments qui nous rongeront, ou un subtil dosage pour une vie dont on aura profité sans regrets d’être passé à côté ? Imparable Son homme, où comment regarder l’avant pour parler du présent et de ce qui n’est plus. Miossec revisite cette thématique du temps qui passe, des sentiments et relations qui évoluent, parfois se distendent et se dégradent, voire s’éteignent. L’impensable, à un moment du passé, peut pourtant arriver : comment ça peut finir par s’éteindre un putain de feu ? C’est Je plaisante, c’est Au haut du mât. Ce sont les rencontres et les fantômes du passé qui nous hantent, nous construisent aussi et nous accompagnent à vie, quoiqu’il arrive, sans qu’on ne les oublient jamais. Gravés dans des recoins de nous. A en chialer quand on y repense, et parfois sans y penser.

Les rescapés, c’est aussi La mer quand elle mord c’est méchant : sous un faux air de « Le feu ça brûle et l’eau ça mouille », on a ici un titre à la fois pesant et imposant, brut de décoffrage et absolument imparable. Enfin (et dans le désordre depuis le début de cette review), Les rescapés c’est aussi Je suis devenu. Un titre en forme de bilan, sur un air presque pop qui pourrait surprendre au milieu de cet opus résolument rock et rude. Un bilan serein, lucide et limpide, fait de réussites, d’échecs et de failles aussi. Un bilan profondément réaliste et humain, que je ne peux que partager et auquel je ne peux que souscrire et m’identifier : « Je suis devenu ce que j’ai récolté / Ce qui m’est tombé dessus / Et ce que j’ai bien pu ramasser / Je suis devenu ce que je redoutais / Mais je ne m’en suis aperçu qu’une fois le mal déjà fait ».

Respect total pour ce grand album. Immense merci à Miossec.

Raf Against The Machine

Five Titles n°4: Outer Peace de Toro y Moi (2019)

Autour de 2010, Neon Indian et Toro y Moi sont à l’origine d’un nouveau style musical, toro y moila chillwave, espèce de synth-pop mâtinée d’ambient créée avec des moyens limités. Une version low-cost de la synthpop si je caricature quelque peu. Toro y Moi a brillamment poursuivi sa carrière depuis Causers of This et vient de sortir son sixième opus Outer Peace, c’est l’occasion de prendre des nouvelles de Chazwick Bradley Bundick que j’avais quelque peu perdu de vue sur les derniers opus. L’album est un joli condensé de 30 minutes (et pas une de plus!) des influences de Toro y Moi pour un résultat aussi éclectique que rafraîchissant. Petit tour d’horizon autour de cinq titres qui devraient vous inciter à vous faire un petit shot de feel good music avec Outer Peace qui ne se perd pas dans des ambitions démesurées.

1.Le morceau d’ouverture Fading est brillant d’emblée. Palette de sons très large, des synthés en veux-tu en voilà, les boucles de voix incessantes et le résultat est imparable, de la synth-pop délicate et volontiers dansante. Comme dirait l’autre, j’achète!!!

2.Ordinary Pleasure et son groove en arrière-plan se déguste comme une vraie sucrerie. Le refrain donne une saveur pop acidulée à l’ensemble et je me surprends à chantonner de ma voix de crécelle…

3.Miss Me vient de son côté marcher sur les plate-bandes du trip-hop à la Zero7, porté par le chant tout en justesse de ABRA. C’est d’une douceur et d’une sensualité savoureuse pour un titre qui tranche de manière assez surprenante avec le reste de l’album. On avait parlé d’éclectisme non?

4. J’aurais pu choisir les réminiscences disco de Laws of the Universe mais je vais plutôt savourer avec vous l’ovni disco-funk Freelance que j’aime par son côté aussi gourmand qu’inclassable.

5. Si vous savourez actuellement le quatrième opus Assum Form de James Blake, Monte Carlo avec Wet en featuring saura pleinement vous séduire. Autotune, atmosphère urbaine et subtil mariage des deux voix pour un résultat convaincant.

Sylphe

Review n°19: ROADS Vol.1 de Thylacine (2019)

Trois EP en 2014/15, un premier album Transsiberian composé lors d’un périple en thylacineRussie et deux BO de films en 2017 pour De toutes mes forces et Gaspard va au mariage, pour autant je dois reconnaître que je n’ai jamais rien écouté de William Rezé alias Thylacine, autre nom du loup de Tasmanie, au moment où je lance ce ROADS Vol.1. J’ai simplement en tête les conditions idylliques de composition de cet album où Thylacine a arpenté les routes de l’Argentine à bord de son Airstream de 1972 réaménagé en studio alimenté par des panneaux solaires (#studiodemesrêves).

Murga ouvre brillamment l’album avec ses percus et sa guitare judicieuse. Les sons nous enveloppent, la rythmique est addictive et il se dégage incontestablement de ce titre une luminosité et une humanité qui seront les marques de fabrique de cet opus, dans la droite lignée de la superbe pochette mettant en valeur les espaces sauvages sous une lumière virginale. Purmamarca ralentit le tempo avec son début plus contemplatif à la Boards of Canada auquel vient se joindre une voix intemporelle rappelant les premiers Moby. La guitare entre en jeu et réveille les paysages argentins pour un sublime tableau en mouvement. El Alba, avec Weste en featuring, nous offre alors une belle plage de douceur qui réhabilite à mes yeux le saxophone qui n’a jamais été mon instrument de prédilection. Le morceau est d’une simplicité et d’une grâce désarmantes…

Petit clin d’oeil rappelant les conditions de création de ce ROADS Vol. 1 avec la voix d’un GPS sur le début de The Road qui se montre plus techno dans son approche. Une techno subtile laissant la part belle à une large palette de sons légers pour un résultat hypnotique. Volver reste dans la même atmosphère en apportant un saxophone brillant qui m’évoque le premier album d’Aufgang dans cette volonté de confronter techno et musique classique. Le résultat est d’une grande douceur, le maître mot de l’album… Mais que dire de 4500m après ce dyptique techno? Le rappeur américain Mr J. Medeiros pose son flow acéré sur un océan de douceur pour un morceau d’anthologie. Le flow gagne en intensité et rappelle par sa rythmique insensée Eminem, la montée est imparable et me file des frissons. #pluslesmotspourdecrireça

Condor nous aide à atterrir rapidement avec une techno plus âpre et dansante à laquelle le refrain apporte une étrange note de douceur pop avant que Sal y Tierra continue avec brio son ardue mission de réhabilitation du saxophone. Les deux derniers morceaux viennent nous donner une leçon d’humilité et d’humanité: Santa Barbara, en featuring avec la voix de cristal de Julia Minkin, nous cajole et nous offre une belle montée tout en intensité à la Woodkid et la douceur enfantine de 30(Outro) nous offre un joli moment de poésie lorsque William Rezé tente de faire prononcer trente à une vieille femme… Ou comment finir modestement un album sublime dont la première écoute m’a profondément marqué, à l’instar de ma première écoute de Swim de Caribou. Le garçon cite comme références Four Tet, Massive Attack, Moderat, nous étions définitivement prédestinés à nous rencontrer. Allez je vous laisse, j’ai un ROADS Vol. 1 à réécouter! On a beau être simplement fin janvier, je peux prendre le pari avec vous que je reparlerai de Thylacine dans les tops de fin d’année et qu’il sera bien difficile de le déloger de la première place…

Sylphe

Pépite intemporelle n°16 : Bloom (2011) de Radiohead/par Thom Yorke

A peine 24 heures après l’énergique article du copain Rage autour de Fred Poulet, retour à une ambiance plus feutrée avec une réinterprétation par Thom Yorke de Bloom, titre d’ouverture de The king of limbs (2011), avant-dernier album studio en date de Radiohead.

C’est exactement le genre de son dont j’ai besoin ces jours-ci : après la patate Lazy Boy de la semaine dernière, quelque chose de plus cotonneux, de plus apaisé aussi. Les oreilles qui connaissent déjà le Bloom originel se rappelleront de cet incroyable morceau d’ouverture d’album, très électro-organique et constitué de milliers de petites bulles de son qui s’entrechoquent et éclosent. Normal pour un morceau qui se traduit en floraison. Cette même version d’antan fait le nécessaire pour nous emmener, dès les premières notes, dans un amas jamais pesant de sons, une sorte de bouillonnement de vie synthétique.

En décembre 2018, soit il y a à peine quelques semaines, Thom Yorke fait un passage aux Electric Lady Studios de New York, dans le cadre de l’émission Morning Becomes Eclectic pour la radio KCRW. Oui, la radio qui, déjà en 2013 par exemple, avait permis le Live from KCRW de Nick Cave & The Bad Seeds, une excellente captation de la formation sur scène. Thom Yorke, donc, a profité de ce moment radio pour revisiter quelques titres live et acoustiques de Suspiria, son dernier album solo qui n’est autre que la BO de Suspiria (le film), remake 2018 du film d’horreur éponyme de 1977 réalisé par Dario Argento.

Quelques titres de Suspiria, mais aussi notre Bloom du jour, dans une version épurée qui ne mêle que piano, sample minimaliste et voix de Thom Yorke. C’est diablement plus beau que la version studio de Radiohead, qui était déjà diablement envoûtante. Bloom se retrouve comme dépouillée du superflu, qui ne l’est pas dans la version originelle mais qui nous saute au visage avec cette relecture. C’est une re-floraison qui gagne encore en efficacité et en émotions, un titre qui me transperce et place, si besoin en était, Thom Yorke tout en haut du haut des musicos.

Qu’il soit entouré de Radiohead ou seul à ses propres commandes, le garçon écrit et interprète une musique absolument incroyable. Là où il se produit (trop rarement !), on a envie d’aller l’écouter. Et ça tombe bien puisque l’on a appris ces derniers jours que Thom Yorke jouera le 7 avril prochain à la Philarmonie de Paris, pour la Minimalist Dream House des sœurs Katia et Marielle Labèque, avec des pièces composées spécialement pour l’occasion, augmentées d’une nouvelle chanson. On se détend tout de suite : c’est malheureusement déjà complet, en revanche le lendemain 8 avril c’est encore jouable (à l’heure où j’écris ces lignes) à Lyon. Si vous êtes dans les parages…

Nous reste donc à replonger dans ce que nous avons sous la main et à en profiter… Ici-bas ici même.

Et en bonus pour comparer…

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°18: The Soleil de Fred Poulet (2018)

Fred Poulet a sorti un nouvel album en fin d’année 2018 ! et j’ai failli passer à côté. Il fred pouletfaut dire que depuis 2005 on n’avait pas entendu parler du bonhomme, préférant le cinéma à la musique, Fred Poulet n’était plus dans les bacs. Le voici revenir avec The Soleil, album solaire (un peu facile celle-là), lumineux, direct, rock et épuré.

Fred Poulet démarre sa carrière en 1995 avec Mes plus grands succès signé chez le label Saravah (la classe… Higelin, Brigitte Fontaine), on peut dire qu’il part avec un bon alignement de planètes. Il enchaine alors cinq disques, tous très bons. Il aurait pu devenir une sorte de « notable » du rock français mais voilà, en 2006, il a la très bonne idée, de donner, à Vikash Dhorasoo, une caméra super 8 pour qu’il filme sa coupe du monde de remplaçant. On le voit d’ailleurs au début du documentaire confier au footballeur les caméras, le résultat sera Substitute, film incomparable et réflexion profonde sur le décalage, la déception et l’ennui. S’ensuivra alors un livre et pour Fred Poulet, la suite sera faite de nombreuses collaborations cinématographiques (Making Fuck off notamment).

Alors nous voilà revenus à The Soleil et son titre d’ouverture Tout scintille. Le morceau est un bon résumé de l’album : un bien- être matinal s’installe, le soleil pointe le bout de son nez, les amis sont là (au passage on voit Rodolphe Burger saluer Fred dans le clip), on lui sert un verre, on trinque, on s’embrasse, la musique est bonne, atmosphérique, perchée, les paroles parlent du sentiment de bien-être amoureux, d’aimer. On imagine qu’elle lui a dit le matin même regarde comme tout scintille, voyons la vie du bon côté, nous sommes amoureux, nous sommes beaux, la vie est belle, alors ouvre tes yeux et regarde…

Ce disque est un parfait remède à la mélancolie de ce début d’année.

Rage

Pépite du moment n°17: Silence In The Dark de Curses feat. Jennifer Cardini (2018)

Je ne vais pas vous mentir, je n’avais jamais entendu parler de Luca Venezia aliascurses Curses jusqu’à une compilation Tsugi particulièrement bien sentie pour le hors-série 2018. Le morceau Silence In The Dark m’obsède depuis et finalement je prends un grand plaisir à partager mes obsessions sur Five-Minutes. Sans en être particulièrement amateur ça fait de très nombreuses années que j’entends parler de la DJ française Jennifer Cardini qui vient collaborer sur ce morceau tiré du premier album de Curses Romantic Fiction, opus d’une noirceur crépusculaire qui sied parfaitement à la saison actuelle…

Le titre Silence in the Dark n’est en rien trompeur et je ne vous propose pas de commencer la semaine dans une ambiance printanière et légère… Le morceau est porté par une rythmique envoûtante qui fleure bon le rock à la Depeche Mode et le krautrock, c’est pesant et volontiers anxyogène. La voix sombre se marie parfaitement à l’univers et le titre tourne en rond comme une obsession, à peine entrecoupé par des riffs de guitares inquiétants. Voilà en tout cas un bien beau morceau d’une électro racée comme j’aime!

Sylphe

Review n°18: First Bloom de Saint Mela (2018)

First review en 2019 avec l’album First Bloom, la logique est imparable… Aujourd’hui je saint melavous propose de faire connaissance avec un quartet issu de New York, Saint Mela, qui a sorti son premier opus fin 2018. Ce groupe possède en son sein un joyau en la personne de la chanteuse Wolf Weston, créature hybride sachant se faire douce comme Macy Gray ou plus engagée avec un flow rappelant Selah Sue. L’album sait subtilement croiser les influences pour un résultat aux confluents du rnb et du hip-hop avec des nuances de trip-hop et de soul. (# overdosedestyles)

Après les 37 secondes d’ouverture de Widen, (Root)less vient d’emblée poser les bases du groupe. Le titre est porté par une instrumentation tout en sobriété pour permettre au flow de Wolf Weston de se développer en toute liberté, la voix est chaude, groovy et surtout empreinte d’une douceur rassurante. Presque l’impression d’une nouvelle collaboration de TrickyBare et ses drums imposants vient alors distiller un vent chaud de rock pour un résultat épatant que ne renierait pas Beth Ditto. La rythmique fonctionne parfaitement, tout en gardant une forme d’introspection judicieuse. Les synthés de The Bends apportent une distorsion séduisante qu’on retrouvera dans le sommet Blk tout en tensions. Les drums  amènent une rythmique martiale qui se marie parfaitement avec les guitares et le chant plus affirmé et volontiers guerrier. Un refrain qui hérisse les poils…

Globalement la deuxième partie de l’album nous embarque dans deux directions pas si opposées. Des morceaux d’une grande douceur comme la première moitié de Sway ou le brillantissime Will It Come? qui te désarmerait la première brute venue mais aussi des titres plus engagés où le flow de Wolf Weston sent bon la sueur et le stupre avec Jericho et Buckley. Le titre éponyme démontre quant à lui les possibilités illimitées du groupe qui sait jouer avec les codes du hip-hop.

Voilà en tout cas un bien bel album qui brille par son énergie communicative et j’ai hâte de recueillir les prochaines fleurs pour créer le bouquet Saint Mela, subtil mélange de parfums doux et intenses.

Sylphe

Pépite du moment n°16 : Lazy Boy (2018) de Franz Ferdinand

L’heure venue de la livraison hebdomadaire sur Five-Minutes, plusieurs titres et albums ont prétendu à la place… Mais ce Lazy Boy de Franz Ferdinand s’est quasiment imposé au saut du lit.

Parce que, précisément, le saut du lit, laborieux et embrumé, qui appelle un son à faire trembler le bouzin. Oui, je sais pas pour vous mais de mon côté les matins sont en général compliqués, et encore plus dans cette période où se cumulent les misères du monde, l’absence de dialogue dans le pays, le temps dégueulasse (même si un rayon de soleil se pointe enfin aujourd’hui), l’absence de Nutella® dans le placard et l’approche du lundi le plus déprimant de l’année. Le Blue Monday (ou lundi blues), qui correspond au lundi le plus pesant de l’année : c’est un début de semaine, la météo est souvent exécrable, la paye n’est pas tout à fait prête à tomber encore malgré le beau découvert à la banque dû (notamment) aux fêtes et (aussi un peu) à des rattrapages de cotisations en tout genre… Bref, il s’agit de lutter contre la morosité ambiante par des moyens simples et à la portée de tous.

Franz Ferdinand fait partie de ces choses qui font du bien au corps et à la tête un peu aussi. Leur dernier album Always Ascending (2018) envoie plutôt du bon son rock efficace, mais j’avoue que ce Lazy Boy me fait particulièrement de l’effet. Ses sons de guitare assez incroyables et la basse bien présente et ronronnante dès les premières secondes portent une mélodie en boucle, assez minimaliste finalement, mais terriblement efficace. Si on ajoute à ça la voix d’Alex Kapranos, qui débute sur des airs de Bowie et poursuit dans une énergie assez communicative, on obtient 3 minutes de pur bonheur revitalisant qui font passer mes boîtes de Vitamine C et de Magnésium pour un violent somnifère.

Preuve s’il en était besoin de l’excellente santé du rock d’Outre-Manche avec donc cette pilule de pep’s qu’est Lazy Boy, fabriquée de main de maître par les écossais de Franz Ferdinand.

Avant de vous laisser bouger votre corps sur ce Lazy Boy au titre rigolard (le morceau n’a rien de paresseux, mais il semble pile poil être fait pour les lady boys à tendance oisive dans mon genre), un groupe de rock écossais en appelle un autre, anglais cette fois. Breaking News ! Foals fait son grand retour en 2019, avec un double album publié en deux temps : Everything not saved will be lost Part 1 sortira le 8 mars prochain, Everything not saved will be lost Part 2 à l’automne 2019. Voilà une nouvelle qui fait plaisir ! Bien que leur meilleur album à ce jour reste Total Life Forever (2010), on guette avec une certaine impatience ce nouvel opus, dont on reparlera certainement ici-bas ici même, parce que Foals est un groupe qu’on kiffe.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°15: Landslide de Beirut (2019)

S’il existe une période morne en termes de sorties musicales c’est bien la période beirutqui englobe la deuxième quinzaine de décembre et la première quinzaine de janvier. Les artistes doivent nous juger inaptes à savourer du nouveau son, happés que nous serions par la préparation des festivités de fin d’année ou biologiquement bouleversés par les excès culinaires. J’ai tendance aussi à penser qu’il y a comme une trêve implicitement signée afin de voir fleurir les tops de fin d’année et que tout un chacun puisse vainement tenter de rattraper son retard en début d’année. Ce vendredi, je n’ai pas constaté de grandes sorties et j’ai farfouiné par hasard, me laissant séduire par le premier album de Saint Mela, First Bloom, dont je devrais vous parler ultérieurement…. Je me dirigeais donc vers une nouvelle pépite intemporelle – et alors là le choix est vertigineux…- quand je suis tombé sur le clip d’un nouveau titre de Beirut, Landslide.

Quand je vois le nom de Beirut, pour moi le monde s’arrête tout simplement de tourner. Avec Zach Condon, nous avons déjà de très nombreux souvenirs communs depuis le coup de maître du premier opus Gulag Orkestar en 2006. The Flying Club Cup et The Rip Tide résonnent pour moi comme des moments fondateurs de ma culture musicale indé. Beirut est tout simplement devenu pour moi le symbole de la folk intelligente qui a su subtilement remettre au goût du jour la mélancolie slave. Beirut ce sont ces cuivres qui désarment, qui donnent un souffle épique et les talents d’interprète de Zach Condon. Des cuivres bien sentis dans un morceau désormais, c’est pour moi la tentation de glisser le nom de Beirut, une espèce d’addiction contre laquelle je n’essaie même plus de lutter.

Le 1er février, Beirut sortira donc son cinquième album studio Gallipoli et ce 10 janvier Landslide vient jouer les éclaireurs. Ce serait bien bête de ne pas savourer immédiatement ce cadeau de fin de semaine, un Don Quichotte nous attend et je n’ai pas pour habitude de refuser les invitations. Le clip entre le Don Quichotte de Terry Gilliam et les Monty Python entrecroise avec délectation les codes de l’absurde et de la parodie pour illustrer de manière originale un morceau porté par le chant de Zach Condon. L’orgue Farfisa, utilisé sur Gulag Orkestar et The Flying Club Cup, est de retour et apporte une teinte de mélancolie subtile pour un résultat tout en retenue et poésie. Pas un cuivre à l’horizon de ce joli ciel bleu qu’est Landslide. Le seul nuage finalement c’est de devoir attendre presque  trois semaines avant de pouvoir écouter Gallipoli

Sylphe

Pépite intemporelle n°15: Chicago de Sufjan Stevens (2005)

Sufjan Stevens est incontestablement un artiste déterminant de ces 15 dernières annéessufjan stevens qui a donné ses lettres de noblesse à une folk orchestrée d’une grande sensibilité. Tout autant capable de réhabiliter les albums de chansons de Noël avec son Songs For Christmas de 2006 ou de sortir de sa zone de confort folk avec le brillant The Age of Adz en 2010, Sufjan Stevens a tout d’abord commencé sa carrière avec un projet gargantuesque, réaliser un album par Etat américain. Après un remarqué Michigan en 2003, il poursuit ce projet (depuis lors abandonné) avec le sublime Illinois en 2005. Pour vous donner une idée du foisonnement artistique de la période, le très bon The Avalanche sortira en 2006, regroupant 21 titres enregistrés lors de la création d’Illinois

Illinois fait partie de ces albums rares révélant des talents d’écriture et d’interprétation. La douceur de la voix, qui sait se faire cristalline, véhicule une sensibilité assez évidente mais on sent le désir intense de Sufjan Stevens de créer des instrumentations soignées. Le titre que j’ai choisi aujourd’hui est un titre qui m’obsède et que j’avais découvert par le biais de Myspace (#jesuisvieux), la pépite Chicago. Ce morceau pour moi s’apparente à un océan de douceur feutrée parcouru par une brise d’optimisme incommensurable. La douceur du chant, l’orchestration très riche et presque baroque avec les cuivres et les cordes, les choeurs qui donnent un aspect grandiloquent mais pourtant irrésistiblement humain fonctionnent tout simplement à merveille. Un hymne de grâce, l’impression d’être touché par le divin, à l’instar de La Ritournelle de Sébastien Tellier par exemple. Les mots me manquent pour définir ce que je ressens à l’écoute de ce bijou et je préfère vous laisser avec ce morceau qui, je l’espère, illuminera votre journée et peut-être les années à venir.

En cadeau, la grâce du titre John Wayne Gacy, Jr.

Sylphe