Review n°55: Grand Prix de Benjamin Biolay (2020)

Incontestablement ce Grand Prix aura été mon album de l’été et une occasion en or pourBiolay réécouter la discographie de Benjamin Biolay – ce qui n’est pas une mince affaire car le garçon est plutôt prolixe -pour une playlist que je partagerai bientôt. Il ne sert à rien de vous faire patienter inutilement, ce neuvième album solo s’impose comme un des meilleurs albums de Biolay qui pourra humblement prendre sa place à côté de La Superbe, A l’origine ou encore Vengeance. Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter Biolay qui, depuis Rose Kennedy en 2001, s’impose comme un parolier et un artiste majeur des années 2000. Cependant je reconnais volontiers avoir un attachement particulier pour le chanteur mais aussi l’homme, subtil mélange de fragilités et de fausses certitudes.

Ce Grand Prix est donc placé sous le signe de la F1, une passion de Biolay qui dans les interviews fait souvent allusion au traumatisme vécu par toute une génération avec la mort d’Ayrton Senna sur le circuit d’Imola en 1994. La pochette est séduisante et j’aime tout particulièrement la liste des titres sous la forme d’une grille de départ. Je vous propose de me suivre dans une course haletante en espérant éviter les accidents et l’intervention de la safety car.

Le morceau d’ouverture Comment est ta peine?, le premier single de l’album qui a inondé les ondes, permet de démarrer sur les chapeaux de roue. Ce morceau doux-amer évoque la mélancolie liée à la séparation – « J’aurais dû te libérer/ Avant que tu ne me libères moi  » – sans tomber dans le pathos, le refrain est addictif à souhait et l’instrumentation brillante avec en particulier les cordes qui m’avaient déjà tant touché sur La Superbe. Ce morceau mérite amplement son statut de single et lance parfaitement la course. Visage pâle en featuring avec la fidèle de toujours Chiara Mastroianni met ensuite en avant la puissance de l’amour à travers la fin d’une relation. Le morceau plus pop fonctionne bien avec ses synthés omniprésents avant un Idéogrammes beaucoup plus rock. Les guitares sont de sortie, le chant plus acéré pour un beau testament virtuel qui met en avant l’hédonisme et le refus de l’engagement amoureux. Le refrain devenu plus soyeux avec les cordes est tout simplement imparable…

Comme une voiture volée s’impose ensuite comme un énorme coup de coeur. Refrain addictif, atmosphère plus pop, il aborde le coup de foudre et subtilement le vieillissement,  » Si je t’avais rencontrée avant/ Quand j’étais jeune et charmant ». Biolay assume parfaitement sa capacité à créer des morceaux pop plus frontaux et ce n’est pas pour me déplaire. Vendredi 12 contraste alors avec la lenteur de son rythme et sa mélancolie accentuée par les cordes, la sensation d’abandon est finement croisée avec les bons souvenirs mais Biolay est bien seul, « J’ai bu la tasse dans la mer Noire ». Le ciel s’éclaircit alors avec les sonorités plus ensoleillées de Grand prix où le refrain plus lumineux contraste avec des couplets plus sombres afin d’aborder le parallèle entre la vie et la course automobile. Un morceau évident, tout comme Papillon noir en featuring avec Anaïs Demoustier, morceau plus dark qui n’est pas sans me rappeler les atmosphères d’Arman Méliès.

Ma route vient ensuite jouer la carte d’une pop-folk apaisée où Biolay fait le bilan d’une vie où il a pleinement vécu et tracé sa route avec un appétit débordant. Passée la pépite électro Safety car, intermède de luxe quasi instrumental , Où est passée la tendresse? aborde de nouveau la question du vieillissement sans pathos avec une atmosphère rock convaincante et un refrain extrêmement juste. La sagesse mélancolique de La roue tourne et la justesse de son texte « En ignorant les codes/ On est baisé d’avance/ Mais en les suivant trop/ On n’a aucune chance », la luminosité de Souviens-toi l’été dernier en featuring avec Keren Ann ou encore la saudade Interlagos avec Bambi qui clot en douceur l’album et rappelle de nouveau Ayrton Senna (à qui cet album est dédié) ne font que confirmer que cet album ne connaît aucun point faible. Je ne peux que vous conseiller d’enfiler votre combinaison et votre casque, cette course loin d’être effrénée vous laissera savourer dans le rétroviseur les doux instants passés, enjoy!

Sylphe

Pépite du moment n°70: through the night d’obylx (2020)

Belle découverte du jour avec un son qui me donne le sourire et la pêche, ce qui estobylx toujours appréciable quand tes vacances sont sur le point de finir… Oliver Johnson alias Obylx, un pseudo original qui affole les moteurs de recherche voulant à tout prix que tu fasses un recherche sur Obélix, est un artiste anglais originaire de Bristol. Alors oui Bristol pour beaucoup dont je fais partie c’est avant tout le berceau du trip-hop, de Massive Attack et Portishead mais aujourd’hui c’est plutôt de l’électro-pop qu’obylx offre à nos oreilles. Après deux albums sobrement intitulés Once (2018) et Twice (2019) riches de bonnes idées, obylx publie régulièrement de nouveaux titres cette année et le dernier sorti le 1er août through the night, produit par Prash ‘Engine Earz’ Mistry (Jorja Smith, The Prodigy) est percutant à souhait. Des sonorités électro jouissives et hédonistes dignes d’Hot Chip, une mélodie imparable et une voix convaincante, il ne m’en faut pas plus pour me passer en boucle ce titre depuis deux semaines. Allez à vous de découvrir obylx, enjoy!

Sylphe

Son estival du jour n°29 : Oisif (2005) de Anis

Après vous avoir laissé profiter pépouze toute une semaine de l’excellente playlist Morcheeba concoctée par mon gars sûr Sylphe, retour aux affaires avec un son estival du jour qui colle bien à l’actu. La reprise du taf étant imminente, et n’étant absolument pas dans l’état d’esprit de m’y remettre, j’ai passé la matinée avec ce titre en tête. Autant en faire profiter les Five-Minuteurs !

Oisif est un morceau qui fait partie du deuxième album studio d’Anis, celui qui l’a fait connaître au grand public avec les singles Cergy et Avec le vent, portés par France 2 qui en avait fait, en 2007, son chanteur de l’été. Le garçon mélange diverses influences musicales dans ses compositions, entre blues, reggae, jazz et chanson française. Un bien chouette album donc, qui s’écoute en chillant.

Notamment Oisif, véritable hymne à la glande, mais à la glande naturelle et sereine. Pas question de jouer le connard fainéant qui profite de la situation et laisse les autres faire le boulot à sa place. Non, juste profiter du temps qui s’écoule, écouter le rythme que la vie nous dicte, être en accord avec soi-même et ne pas forcer. Productivité, rentabilité, costume d’homme pressé, loi du marché et société en perpétuel mouvement : plus ça va, plus je me dis que c’est pas pour moi. Et, de ce fait, plus ça va plus ce titre me plaît. Avec, en prime, une voix qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain CharlElie.

Profitons donc de ces dernières heures de congés, en écoutant Oisif, et le reste de l’album si le cœur vous en dit. En bonus, je vous mets une deuxième dose d’Anis avec La preuve par 1000 (Mahlich Boy), à la couleur musicale assez différente mais qui donne un aperçu de la diversité de l’album. Et comme c’est l’heure de l’apéro, pour moi ce sera un picon-bière bien frais (à consommer avec modération of course) sous un rayon de soleil. What else ?

Raf Against The Machine

Playlist n°4: Morcheeba

Loin de moi la volonté de résumer la longue carrière de Morcheeba entamée dès leur premier album studio en 1996 mais la simple envie de partager les titres qui me font aimer ce groupe phare du trip-hop… Cette playlist est, je l’espère, l’occasion de réveiller des souvenirs et de susciter le désir d’aller se confronter aux albums car je ne cesserai de mettre en avant l’objet de l’album qui prend tout son sens par son unité.

Morcheeba (Pour les passionnés d’étymologie dont je suis, le nom viendrait des mots anglais « more cheeba », soit « plus d’herbe ». « Mor » signifie également « Middle of the road », ce qui colle bien à une musique à mi chemin entre la pop et le jazz) naît autour de Londres en pleine vague trip-hop et se compose des frères Godfrey et de la chanteuse emblématique Skye Edwards. Le premier album Who Can You Trust? sort en 1996 et brille par ses atmosphères urbaines très sombres, j’aime en particulier les titres Trigger Hippie, la pépite noire comme la cendre Howling et End Theme. Arrive alors le second opus Big Calm en 1998 qui reste incontestablement l’album de Morcheeba qui m’a le plus marqué… Je me suis contenu pour que cette playlist ne dure pas plus de 3 heures mais il est impossible de résister à Shoulder Holster, Part of the Process, Bullet Proof et au trio d’anthologie The SeaBlindfoldBig Calm. Je vous mets au défi de ne pas rendre les armes face au flow final de Big Calm

En 2000, Fragments of Freedom me touche un peu moins malgré de beaux titres comme Rome Wasn’t Built in a Day et Love Sweet Love (feat. Mr Complex) mais que dire de Charango en 2002? Un album d’une homogénéité et d’une qualité inégalée par la suite, comme un point d’acmé de la carrière de Morcheeba qui donnera l’envie à Skye Edwards de partir tenter l’aventure en solo. Sur les 12 titres, j’en ai gardé pour cette playlist la bagatelle de 11… et vous invite à savourer particulièrement Slow Down, Otherwise ou The Great London Traffic Warden Massacre. Difficile de se remettre du départ de sa chanteuse emblématique et c’est à Daisy Martey ( qui sera secondée, pour ne pas dire remplacée par Jody Sternberg sur la tournée) que revient la lourde tâche de remplacer Skye Edwards pour le cinquième opus The Antidote en 2005. L’album ne tutoie pas foncièrement les sommets mais fait bien le job avec des titres comme Wonders Never Cease, Antidote ou la perle Everybody Loves A Loser qui m’évoque de manière surprenante Get Well Soon.

Pour Dive Deep en 2008, c’est une Française repérée sur Myspace Amanda Zamolo qui assure le chant brillamment. Un album aux influences plus riches qui gagne à être réécouté et s’enrichit au fil des écoutes. Enjoy The Ride, Run Honey Run, One Love Karma et les deux joyaux Riverbed et Au-dela (chantée en français et digne de figurer dans la discographie d’Emilie Simon) s’imposent comme de très beaux titres et montrent que le départ de Skye Edwards est presque digéré… (#expressionbienlaide) Une Skye Edwards qui décide justement de revenir à ses premières amours de Morcheeba pour le septième opus Blood Like Lemonade qui s’écoute bien mais me donne malheureusement l’impression que les Anglais ont fait le tour… Crimson, Blood Like Lemonade et Recipe for Disaster tenteront de vous prouver que je suis un peu sévère. Head Up High en 2013 avec ses titres Gimme You Love, Face of Danger et Call It Love ainsi que Blaze Away en 2018 avec Blaze Away (feat. Roots Manuva) et Paris sur Mer (feat. Biolay) tentent de réveiller les cendres du trip-hop mais pour moi la magie a malheureusement disparu…

Voilà en tout cas une discographie brillante que beaucoup envieraient, j’espère que vous prendrez autant de plaisir à écouter cette playlist que j’en ai eu à réécouter ces 9 albums, enjoy!

Sylphe

Son estival du jour n°28 : Bruises (2012) de Dusted

Alors qu’on est toujours dans l’attente de la chaine info des bonnes nouvelles, voyons si l’on peut, en ce 13 août, écouter un son qui fait du bien. Oui, 2020, t’es clairement une belle année de merde. Tu joues tranquille le Top 5 de mes années dégueulasses, et si tu te démerdes bien, y a moyen de talonner 2015. Dépasser, je sais pas, mais faire jeu égal c’est pas impossible.

Bref, un peu de baume musical ne fera pas de mal. Ce sera Bruises, un titre que j’ai découvert via la BO du film Demolition (2016), mais qui avait donc déjà alors 4 années d’existence. On doit cette petite merveille sonore à Dusted, un groupe canadien constitué de Brian Borcherdt et Leon Taheny, qui officie depuis 2012 et compte deux albums studio. Natif de ce même Canada, le réalisateur Jean-Marc Vallée a livré au printemps 2016 Demolition, un long métrage qui compte énormément pour moi, pour avoir un peu/beaucoup changé ma vie. Oui, rien que ça. Film pour lequel il a construit une BO parfaite, comme dans toutes ses réalisations (Dallas Buyers Club, Wild, les séries Big Little Lies et Sharp Objects notamment).

On y trouve pêle-mêle du blues, du rock, et donc le genre de pépite Bruises. Littéralement les bleus : ceux qu’on peut se faire en se cognant dans un meuble (par exemple), mais aussi ceux que la vie nous cause. Ça tombe bien, puisque Davis Mitchell, le personnage principal du film interprété par l’excellent Jake Gyllenhaal, en est couvert. Tout comme les autres personnages qu’il va croiser. Le reste n’est qu’une affaire de choix de vie, avec toutefois la dose de bonne rencontre nécessaire. Et aussi un peu de bon son pour sortir la tête de l’eau puis vivre.

Bruises est un titre baume apaisant qui fait du bien aux bleus. Nappes de synthés et touches de guitare, voix aérienne, pour fabriquer un endroit mental où on a immédiatement envie de se poser. Parce qu’on y trouve à la fois du calme, de la douceur, et de la lumière. Surtout de la lumière, et un bout d’espoir que tout peut (re)commencer. Résumé parfait du film (qu’il faut voir d’urgence si ce n’est déjà fait), métaphore de l’existence et 4 minutes 20 de bon son : Bruises est tout ça à la fois. Et plus si affinités.

(Et en plus, le clip ci-dessous est très joli !)

Raf Against The Machine

Son estival du jour n°27 : Love interruption (2012) de Jack White

Jack White, né John Anthony Gillis, c’est bien sûr une des deux têtes des White Stripes, l’autre étant Meg White, son ex-épouse (bien qu’ils se soient longtemps présentés comme frère et sœur). Le groupe a fait les beaux jours du revival garage rock entre 1997 et 2011. Outre l’excellent Seven Nation Army, aujourd’hui devenu un hymne de stade, ce duo n’est que du bon son qui défonce, à réécouter régulièrement.

Pourtant, Jack White, c’est bien plus que ça : The Raconteurs et The Dead Weather, deux autres groupes menés en parallèle, puis au-delà, des White Stripes. Des apparitions au cinéma, et aussi une carrière solo, ponctuée de 4 albums studios, dont les Acoustic Recordings (1998-2016), sortis en 2016, que je ne saurais que trop vous conseiller.

Ce chouette double LP regroupe à la fois des versions alternatives et donc acoustiques de titres des White Stripes, mais aussi de morceaux issus du reste de la carrière du garçon. Dont le Love Interruption qui nous intéresse aujourd’hui. Un titre pour le coup très acoustique, porté essentiellement par une guitare folk et un petit gimmick de piano Fender, le clavier qui fait toujours plaisir à entendre.

C’est tout autant une ballade folk qu’un titre rock écorché vif sur lequel on aurait (vainement ?) appliqué un baume apaisant. On glisse dans une sorte de coton en se rappelant les beaux moments que l’amour apporte, mais demeurent aussi les plaies les plus fragiles qui ne demandent qu’à saigner de nouveau. La voix de Jack White, elle même écorchée, accentue parfaitement cette sensation en plaçant tout le morceau en tension.

En 2 minutes 30, voilà donc un parfait titre funambule qui, malgré (ou grâce à) son jeu d’équilibre entre deux émotions, me fait régulièrement du bien. Qu’il en soit de même pour vous.

Raf Against The Machine

Son estival du jour n°26 : Petit matin 4.10 heure d’été (2011) de Hubert-Félix Thiéfaine

Le son du jour n’aura d’estival que le nom, puisque c’est plutôt une chanson à la poésie crépusculaire que l’on écoute ensemble aujourd’hui.

Petit matin 4.10 heure d’été est tiré de Suppléments de mensonge (2011), le 16e album studio d’Hubert-Felix Thiéfaine (HFT pour les intimes). C’est alors le grand retour du bonhomme, après Défloration 13 (2001) et Scandale Mélancolique (2005), deux albums qui, dans leur globalité, m’ont moins convaincu que tous les précédents, bien qu’ils recèlent de vraies pépites comme Guichet 102 ou les Confessions d’un never been. En 2007, HFT prendra aussi le temps d’Amicalement blues, un génial album en collaboration avec Paul Personne. Autant dire que la réunion des deux (la poésie de Thiéfaine et le blues de Personne) est un pur bonheur.

Arrive ensuite Suppléments de mensonges en 2011, avec du très lourd. J’adore cet album, pour Garbo XW Machine, pour Infinitives voiles, pour Ta vamp orchidoclaste, pour Les filles du Sud. Pour sa cohérence de la première à la dernière note, et sur l’ensemble de ses textes.

Et donc pour ce Petit matin 4.10 heure d’été. La musique, faite de guitare et d’harmonica, ressemble à un long Dylan. Donc forcément envoûtant. L’écriture, de très haut niveau et bourrée d’images, permet de retrouver la meilleure plume de HFT. Avec, en plein milieu du titre, comme un climax, ces 4 lignes imparables : « Je n’ai plus rien à exposer / Dans la galerie des sentiments / Je laisse ma place aux nouveaux-nés / Sur le marché des morts vivants ».

Il y a quelques paroles de chansons qui me restent gravées à jamais. Celles-là en font partie. Et j’y reviens plus que souvent. Notamment au petit matin. Qu’il soit 4.10 ou pas.

Et pour la version total dylanienne, on écoute cette interprétation live sur le VIXI Tour XVII (2016)

Raf Against The Machine

Son estival du jour n°25 : Roar !(Cloverfield Overture) (2008) de Michael Giacchino

Pour accompagner l’étouffant dernier jour de juillet auquel nous avons eu droit hier, je me suis cloitré dans un frais tout relatif et replongé dans un moment de suffocation cinématographique avec Cloverfield (2008) de Matt Reeves.

Oui, Cloverfield est un film intense. C’est peut-être pour ça qu’il ne dure qu’1h25, générique de fin compris, tellement il est exigeant. A l’époque, c’est à dire en 2007-2008, c’était le mystère total tout autant que la hype complète. Imaginez donc (ou souvenez-vous de) ce qui s’annonce : un énigmatique film catastrophe ou de monstre piloté par J. J. Abrams et sa bande. Ce dernier est déjà partout. Côté séries TV, on a eu droit à Felicity (1998-2002) et Alias (2001-2006), mais on est surtout en train de se faire tarter par Lost (2004-2010), qui reste pour moi la grande baffe/aventure télévisuelle des années 2000. Et on n’est pas encore tombés dans Fringe (2008-2013). Côté ciné, le Mission : Impossible III (2006) et sa patte de lapin ont twisté de ouf la franchise, et on a sur le feu le reboot Star Trek (2009), en même temps que ce Cloverfield confié à Matt Reeves pour la réalisation et Drew Goddard pour le scénario (Abrams étant producteur).

Au passage, rappelons que Matt Reeves signera plus tard les excellents La planète des singes : L’affrontement (2014) et La planète des singes : Suprématie (2017). Quant à Drew Goddard, c’est le garçon derrière, notamment, La cabane dans les bois (2012) et la série Marvel/Netflix Daredevil (2015-2018). On a connu pire cartes de visite.

Cloverfield est donc, en 2008, le terrain de jeu de cette joyeuse bande, accompagnée de Michael Giacchino, compositeur attitré de J. J. Abrams. Qui signera là un unique morceau, mais quel morceau ! Compositeur prolifique qui inonde le cinéma depuis le début des années 2000 (dont Les Indestructibles et les deux Planètes des singes de Matt Reeves, BOs dont je suis fan hyper), Giacchino propose une pièce d’anthologie dans Cloverfield. Le film est totalement dépourvu de musiques (à l’exception des morceaux entendus pendant la teuf de début du film), à juste titre. Le film est en mode found footage (enregistrement trouvé) comme l’était Le projet Blair Witch en 1999 : un faux film tourné en vidéo amateur par les protagonistes, nous plongeant ainsi au cœur de l’action en ne voyant que ce que voit la caméra.

C’est efficace et diablement astucieux pour Cloverfield, qui place pour quelques heures Manhattan et ses habitants face à un danger sorti de nulle part et dont on ne sait rien ou presque. C’est trépidant, épuisant, parfois irrespirable, mais terriblement jouissif en tant qu’objet cinématographique immersif. La seule bande sonore pendant toutes les scènes urbaines est celle des cris, des hurlements, de l’incompréhension face à l’incompréhensible, et parfois des suffocations de nos partenaires, à travers un quatrième mur qui vole rapidement en éclat.

Enfin, après 1h15 de fuite, épuisés, vidés, complètement ahuris et retournés par ce film qui réinvente à la fois le film catastrophe et le film de monstre (oui, c’était les 2 finalement), on se laisse envelopper par les premières notes du générique de fin : ce Roar ! tendu et désespéré, violent et tourmenté, chaotique et apocalyptique, mais d’une infernale beauté et obsédant par ses ruptures rythmiques. Et par cette voix sortie de nulle part qui semble prolonger les cris de tous ceux qui ont traversé cette nuit de cauchemar. A moins que ce ne soit celle d’un requiem, autant pour les victimes que pour un monde qui ne sera plus jamais le même.

Je me souviens, en sortant de la salle de ciné il y a 12 ans, d’avoir été content de revoir la lumière du jour et de respirer l’air frais. Je me souviens aussi de cette sensation, rare, d’avoir vécu un vrai moment de création cinématographique, et j’ai longtemps gardé Roar ! en tête. En me disant aussi que oui, Rob a évidemment raison : à moins d’être un connard déshumanisé et sans aucun sentiment, n’importe qui (et moi le premier) serait allé chercher Beth McIntyre.

Raf Against The Machine