Playlist du lundi n°20

Continuons notre odyssée musicale du lundi avec sept nouvelles étapes incontournables, enjoy !

  1. Trouble’s What You’re In de Fink. Le troisième album Distance and Time de Fink sort en 2007 sur le label Ninja Tune. Ce label créé par Coldcut et davantage axé autour de l’électro et du hip-hop a misé dès le premier album sur Fin Greenall et sa folk mâtinée de funk. Trouble’s What You’re In s’appuie sur cette voix doucement éraillée et pleine de pudeur modestement accompagnée par une guitare omniprésente en fond. De la folk brillante pour bien débuter ce lundi.
  2. Volfoni’s Revenge d’EZ3kiel. Séduit depuis la première heure par l’univers sombre des Tourangeaux d’EZ3kiel -et ce n’est pas leur dernier album La mémoire du feu (chroniqué par ici) qui changera la tendance -, leur quatrième album Battlefield sorti en 2008 porte parfaitement son nom avec sa musique martiale à la puissance cinétique incontestable. Volfoni’s Revenge déploie avec douceur ses 7 minutes qui prennent peu à peu une véritable dimension épique, la tension électrique sous-jacente explose sur la fin et je vous mets au défi de ne pas hocher la tête seul face à votre écran…
  3. The Shore de Woodkid. Le premier album The Golden Age a déjà plus de 10 ans et s’impose comme un des meilleurs premiers albums jamais produits. Intensité, force émotionnelle, voix d’encre, orchestration léchée, il y a tout pour hérisser les poils. Ce The Shore ne déroge pas à la règle avec sa candide mélodie au piano, ses cordes toute en retenue et la force émotionnelle de la voix. Un peu de cuivres et le morceau vient tutoyer les étoiles.
  4. No Cars Go d’Arcade Fire. Ce morceau tiré du deuxième opus Neon Bible est pour moi le morceau ultime pour donner le sourire. Animé d’un vent d’optimisme d’une intensité folle, il représente tout ce qui fait le charme incomparable des Canadiens. Une rythmique uptempo, les voix de Régine et Win qui se marient à merveille, une orchestration très riche (ces cordes mon Dieu…) et cette émotion qui transpire par tous les pores en particulier grâce à cette montée finale extatique et ses choeurs jouissifs.
  5. Auto Rock de Mogwai. Deuxième présence des Ecossais dans ces playlists du lundi avec cet Auto Rock présent sur le cinquième album Mr. Beast. Porté par une douce mélodie au piano, il ne cesse de gagner en intensité sans jamais exploser littéralement. Du post-rock de haut vol.
  6. At The Door de The Strokes. Le sixième album de The Strokes The New Abnormal (chroniqué par ici pour les curieux) est un bijou inattendu porté entre autres par cet ovni qu’est At The Door. La mélancolie du chant qui contraste à merveille avec des sonorités électroniques surprenantes, une absence étonnante de rythme, le morceau est inclassable dans la très riche discographie des Américains.
  7. 60 & Punk de Death Cab for Cutie. Finissons par une douce ballade folk portée par la voix de Ben Gibbard, ballade qui m’évoque les albums d’Aimée Mann et en particulier sa BO pour le chef d’oeuvre de Paul Thomas Anderson Magnolia.

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°139 : Tired feet (2004) de Alela Diane

AlelaDiane-the-pirateSorti il y a déjà 20 ans, l’album The Pirate’s Gospel d’Alela Diane mérite qu’on y revienne. Initialement autoproduit sur CD-R en 2004 (d’où le 20 ans d’âge), ce LP fut républié par Holocene Music en 2006. Un CD-R, c’est tout simplement un CD directement enregistrable par l’utilisateur. Alela Diane en fit bon usage à l’époque, en gravant sur ces 12 centimètres de plastique son premier opus. Et quel opus. La chanteuse américaine, alors âgée de 21 ans seulement, livre onze titres folk, teintés de blues acoustique. Comme pour nous emmener au fin fond d’une Amérique entre routes de la Louisiane et delta du Mississippi. Pour ce premier album, Alela Diane convoque tout à la fois les influences de Bob Dylan, Woody Guthrie, ou encore Robert Johnson. Oui, rien que ça.

Premier titre de la galette, Tired feet contient tout ce que les 10 titres suivants apporteront. Un folk acoustique, minimaliste et dépouillé, surplombé par la voix d’Alela Diane. Là encore, Dylan n’est pas très loin, mais plus encore Rosemary Standley, chanteuse du groupe franco-américan-suisse Moriarty. A l’écoute de ce morceau inaugural, impossible en effet de ne pas penser au Jimmy qui, lui aussi, ouvrait Gee whiz but this is a lonesome town, premier album du groupe publié en 2007. Une même intonation de voix qui mêle le nasillard et la chaleur, pour nous raconter des histoires au fil des différentes chansons. Une histoire à la fois simple et récurrente dans le folk blues des influences précitées : le voyage à pied ou à la nage, l’errance et la découverte, la fatigue et la joie, la vie et la mort, tout ceci avec une pincée divine et religieuse.

Tired feet est à la fois blues, gospel, chant améridien, folk, introspection, air et lumière. En cela, le titre rejoint immédiatement les grands classiques de ses aînés, tout en n’étant que le premier d’un album émouvant et vertigineux. Un réel voyage dans cette ruralité du sud des Etats-Unis autant qu’en soi-même. Nous n’avons parlé que de Tired feet, mais les 11 titres sont tous d’une grande beauté. Et même les 21 titres, puisque The Pirate’s Gospel est aujourd’hui disponible (et ce depuis 2018) dans une édition deluxe augmentée de 10 pistes. Que ce soit sur votre plateforme de streaming favorite, ou en CD et vinyle, impossible de passer à côté de Tired feet et de cet album majeur si vous aimez la musique folk bien faite. A noter que, si les versions CD et vinyle de 2018 sont aujourd’hui difficilement trouvables, une réédition limitée en double vinyle doré a vu le jour en novembre 2023. Faites vous plaisir, écoutez et achetez la musique d’Alela Diane.

Raf Against The Machine

Review n°128: Iechyd Da de Bill Ryder-Jones (2024)

Voici le premier album coup de coeur de cette année 2024 ! Je dois reconnaître que c’est laBill Ryder-Jones - Iechyd Da première fois que je prends véritablement le temps de me pencher sur un album de Bill Ryder-Jones. L’ancien guitariste de The Coral, grand groupe de rock anglais des années 2000 toujours en activité, a commencé sa carrière solo en 2010 avec If… et ce Iechyd Da (« santé » en gallois) est déjà son cinquième opus. J’ai bien l’intention de rattraper mon retard et de me confronter ultérieurement aux quatre premiers albums mais j’ai fait le choix pour cette chronique de ne pas être influencé par la discographie du garçon. Ne m’en voulez donc pas les fans de la première heure de Bill Ryder-Jones, vous qui regretterez l’absence de parallèle avec les albums précédents. Je veux peut-être finalement prouver qu’il est encore possible de découvrir Bill Ryder-Jones en 2024…

Ce Iechyd Da qui semble placer sous le signe de la fête au vu de son titre est en réalité davantage un album marqué par l’introspection et la volonté d’appréhender les diverses angoisses. Une mélancolie douce et amère imprègne ces 13 titres d’une grande beauté, sublimée par les arrangements musicaux -les cordes en particulier – et une voix qui me touche particulièrement. J’ai lu à de multiples reprises que Bill Ryder-Jones était limité par sa voix mais je demeure dans une incompréhension totale face à ce jugement, trouvant que ce dernier n’a rien à envier à des artistes auxquels j’ai pensé en l’écoutant, comme Mark Oliver Everett, le leader d’Eels. Il est temps de lancer le vinyle -un bel objet acheté 21,99 seulement, ce qui mérite d’être précisé au vu de la flambée détestable des prix des vinyles depuis deux ans – afin de suivre avec délices le cheminement intérieur de Bill Ryder-Jones.

Le morceau d’ouverture I Know That It’s Like This (Baby) commence avec un sample tiré de Baby de la grande chanteuse brésilienne Gal Costa mais vous devriez davantage avoir l’impression d’entendre une revisite rusée de Loaded de The Velvet Underground. Le titre commence tout en douceur, la guitare donnant une saveur folk avant que le tempo s’accélère à la moitié et que les cordes donnent plus d’intensité à l’ensemble. A Bad Wind Blows In My Heart pt. 3 (clin d’oeil au deuxième album de 2013 qui portait ce titre) joue aussi cette même carte de la douceur avec une association piano/voix séduisante, la fragilité de la voix étant particulièrement émouvante. Après un duo d’ouverture folk (on est très loin du rock de The Coral…), If Tomorrow Starts Without Me et son violoncelle judicieux se place davantage sous l’égide d’une pop désenchantée digne d’Eels. We Don’t Need Them fait encore monter l’intensité d’un degré, les violons et les choeurs accentuant le lyrisme du titre. 

Après un I Hold Something In My Hand de popfolk plus classique, mon titre préféré This Can’t Go On s’impose comme un sommet de lyrisme. S’appuyant sur un sample de Every Little Beat of my Heart de Flashlight, on retrouve tous les ingrédients pour me toucher: la voix grave, les cordes, les sonorités intemporelles et mystérieuses et cette intensité folle qu’on retrouve dans les plus beaux titres d’Arcade Fire. Du grand art… …And The Sea qui fait penser à un intermède par sa concision nous aide à reprendre contact avec la Terre, le spoken word de Michael Head lisant en fond des extraits d’ Ulysse de James Joyce se mariant assez bien aux sonorités plus électroniques. Nous retrouvons justement cette tentation électronique avec l’excellent Nothing To Be Done porté par une mélodie faussement naïve mais vraiment addictive et le choeur des enfants de l’école primaire de The Bidston Avenue. Je me surprends de nouveau à penser à l’intensité des premiers albums d’Arcade Fire… (#cestgravedocteur?)

L’album relativement long avec ses 48 minutes réussit le tour de force de ne pas perdre en qualité au fil des titres. It’s Today Again rappelle la folk baroque mâtinée de sonorités inquiétantes de Get Well Soon pour mon plus grand plaisir avec le beau final du choeur d’enfants a capella… Christinha se place dans la droite lignée de If Tomorrow Starts Without Me tout comme How Beautiful I Am avec ses cordes et son piano qui égrène les notes comme des larmes glissant le long des joues. On pense ne plus avoir de larmes jusqu’à ce nouveau bijou qu’est Thankfully For Anthony qui peut se passer de mots tant il est beau. Nos Da n’a plus qu’à nous souhaiter une bonne nuit qui devrait, à n’en pas douter, être enchantée tant ce Iechyd Da nous a emportés loin dans ce pudique maelström d’émotions… Enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 6. This Can’t Go On – 12. Thankfully For Anthony – 4. We Don’t Need Them – 2. A Bad Wind Blows In My Heart pt.3

 

Sylphe

Playlist du lundi n°19

Et si on repartait avec 7 nouvelles pépites pour bien démarrer ce lundi? Oui, voici une belle question rhétorique où je m’imagine évidemment les lecteurs opiner du chef avec un enthousiasme non feint…

  1. Radio de The Avalanches. Les rois du sampling australiens frappent fort en 2000 avec leur premier opus Since I Left You qui utilisera 35000 samples ! Le titre Radio représente assez bien la folie du projet pour un résultat hybride de haut vol.
  2. Daydream In Blue de I Monster. Le deuxième opus d’I Monster Neveroddoreven sorti en 2003 restera le sommet de leur carrière et regorge de jolies trouvailles sonores. Daydream In Blue devrait immédiatement parler à vos oreilles averties car il a figuré dans de nombreuses pubs. Ce titre est une reprise de Daydream des Belges de Wallace Collection, plage finale de leur album Laughing Cavalier enregistré aux studios d’Abbey Road et sorti en 1969. Le morceau de base qui s’appuie sur le final du Lac des Cygnes de Tchaikovski met à l’honneur cette mélodie touchante d’ingénuité avec cet art des choeurs propres aux années 60-70. La reprise d’I Monster brille par la volonté d’insuffler un souffle électronique et surtout une dichotomie séduisante avec ces poussées électriques qui révèlent l’évolution de ce rêve devenant « dirty ».
  3. Davyan Cowboy de Boards of Canada. Le duo écossais composé de Michael Sandison et Marcus Eoin est un des groupes emblématiques du superbe label électronique Warp. J’ai écouté en boucle leur troisième album The Campfire Headphase (2005) qui donne ses lettres de noblesse à l’ambient. La douce mélancolie initiale de ce Davyan Cowboy laisse place à une structure de percussions et des cordes qui donnent une ambiance éthérée savoureuse à l’ensemble. De l’artisanat d’art…
  4. Womanized de Camilla Sparksss. Sans transition aucune, on retrouve l’urgence punk de Camilla Sparksss issue de son deuxième album Brutal. La canadienne Barbara Lehnoff qui oeuvre au sein du duo Peter Kernel déstabilise avec le son brut de Womanized qui m’évoque la rage sans concession de Crystal Castles.
  5. Song For Jedi de Dionysos. Le quatrième album Western sous la neige de la bande formée autour de Mathias Malzieu est un bijou produit par Steve Albini. Song For Jedi est un single imparable dont les paroles pleines de poésie font mouche. L’univers pop-rock fonctionne à merveille et la voix de Babet vient ajouter une touche de douceur savoureuse.
  6. Nantes de Beirut. Un des plus beaux morceaux de Zach Condon alias Beirut. Présent sur le deuxième album The Flying Club Cup, Nantes est un instant suspendu touché par la grâce. La voix d’encre, la symbiose entre les cordes et les cuivres, tout est au service d’une émotion poignante. A n’en pas douter, un des titres qui me touchent le plus de tous les temps…
  7. Clocks de Coldplay. Je parle rarement des Anglais de Coldplay car ils n’ont pas besoin des petits blogs du web que nous sommes pour construire sereinement leur carrière monumentale. Néanmoins, je souhaite finir cette playlist du lundi avec un extrait de leur plus bel album A Rush of Blood to the Head, deuxième opus sorti en 2002 déjà. Les tubes pleins d’émotion s’enchaînent portés par la belle voix de Chris Martin, Clocks en fait incontestablement partie et figure, selon le magazine Rolling Stones, dans leur liste des 500 plus grandes chansons de l’Histoire. A juste titre…. Enjoy !

 

Sylphe

Pépite du moment n°140: Dark Hearts d’Eric Neveux et Jean-Pierre Ensuque (2023)

Avant de parler du premier véritable album coup de coeur de 2024 la semaine prochaine -petitCoeurs Noirs indice, un titre d’album gallois, je vais vous partager ma découverte d’une série très intense Coeurs Noirs créée par Corinne Garfin et Duong Dang-Thai. En plein coeur de l’Irak et plus particulièrement de Mossoul, nous suivons des membres des Forces Spéciales françaises qui, dans un contexte géopolitique brûlant, tentent de lutter contre la progression irrémédiable de Daech. Les 6 épisodes de la première saison dressent un tableau réaliste des opérations des soldats français, sans tomber dans la caricature d’un monde manichéen où les Français seraient présentés comme des sauveurs. Tous les acteurs sont convaincants avec une mention spéciale pour Nina Meurisse et le toujours excellent Nicolas Duvauchelle.

La BO joue ici un rôle central pour instaurer des ambiances toutes en tension. Nous pouvons sentir dans le travail d’Eric Neveux toutes les influences du post-rock, en particulier de Mogwai. J’ai choisi le titre principal Dark Hearts qui accompagne le très beau générique avec sa lente montée oppressante qui rappelle la BO des Revenants (hop on retrouve Mogwai). Une douce mélodie au piano en fond, une batterie toute en retenue et des sonorités plus âpres et discordantes, il n’en faut pas plus pour hérisser les poils… Enjoy !

 

Sylphe

Ciné-Musique n°16 : Godzilla Minus One (2023) de Naoki Satō

41SAgMpUZaL._UXNaN_FMjpg_QL85_Si vous aimez les films de monstres, de kaïju et le Japon, vous avez peut-être vu Godzilla Minus One en décembre dernier dans les cinémas français. Il aura fallu jouer d’un peu de chance et de disponibilité, le film n’étant projeté que les 7 et 8 décembre dans les cinémas Pathé, et exclusivement en salles Imax ou 4DX. Une incompréhensible diffusion restreinte, qui va se voir augmentée d’une ressortie sur cette deuxième quinzaine de janvier 2024. Godzilla Minus One est d’ores et déjà visible, et ce jusqu’au 31 janvier, à la faveur d’un succès critique mais aussi commercial qui ne pouvait laisser de marbre les exploitants de salles. Le long métrage est sans aucun doute le meilleur Godzilla depuis bien longtemps, loin devant le Godzilla (2014) de Gareth Edwards qui n’était pourtant pas mauvais, et encore bien plus loin devant le Godzilla (1998) de Roland Emmerich qui figure aujourd’hui parmi les nanars parfaits en vue d’une soirée ciné avec pop-corn et pizzas entre copains.

Si Godzilla Minus One est aussi bon, c’est d’abord pour sa réalisation parfaite. Point d’effets spéciaux à gogo qui seront datés d’ici quelques années : les images sont réalistes, filmées à hauteur de rue et d’homme, avec un sens de la photo qui m’a personnellement beaucoup accroché. Le film est tourné et construit comme un Godzilla des années 50, comme le Godzilla originel de 1954. Si la créature est numérique, elle semble analogique et très réelle, dans un environnement qui l’est tout autant. Voilà une autre force du film : raconter une petite histoire dans la plus grande, en y introduisant le Godzilla, élément perturbateur mais aussi révélateur d’un monde nouveau. Nous sommes juste après la Seconde Guerre Mondiale. Le Japon est ravagé et sa population tout autant, mais la résilience des Japonais est déjà à l’œuvre. Sur fond de Guerre froide déjà en germe, nous suivrons Kōichi Shikishima, jeune soldat pilote déserteur, hanté par sa propre peur et ses erreurs, qui devra lui aussi faire preuve de résilience.

Godzilla Minus One revient aux sources en rendant un hommage appuyé au cinéma japonais des années 1950. Le long métrage renforce encore son propos et son intensité avec une bande originale de toute beauté et de grande classe, composée par Naoki Satō. On lui doit diverses BO de séries anime, mais aussi la musique de cérémonie de remise des médailles aux JO de Tokyo de 2020 (qui ont eu lieu en 2021 rappelons-le). La BO de Godzilla Minus One est construite d’une part sur des thèmes d’ambiances, d’autre part sur une suite percutante. Les premiers font la part belle aux nappes tantôt lourdes tantôt aériennes, un peu comme si le Hans Zimmer d’Interstellar était passé déposer quelques graines. Ces différents thèmes posent constamment l’ambiance d’un monde ravagé qui ne perd jamais de vue la lumière. Quant à la Godzilla Suite divisée en trois parties et entendue au fil de l’histoire, elle porte toute la dimension menaçante du Godzilla, tout en rappellant parfois l’efficace Roar! composé par Michael Giacchino pour Cloverfield (2008) (et chroniqué par ici). Cloverfield qui fut peut-être un des meilleurs Godzilla sans Godzilla à l’intérieur, tant le film a en commun avec les bons Godzilla.

Film impeccable de 2023 accompagné de sa non moins impeccable BO, Godzilla Minus One est à découvrir absolument ces jours-ci sur grand écran : film catastrophe dans son contexte historique et sociétal tout autant que drama japonais mâtiné d’un monstre qui détruit tout sur son passage sauf ce qui peut fonder l’humain, voilà un long métrage porté par sa BO puissante, et qui colle incroyablement au propos du film. En un mot comme en cent, foncez !

Raf Against The Machine

Playlist du lundi n°18

En cette période glaciale où les sols ont tendance à blanchir, je vous propose 7 flocons de neige à l’esthétique digne d’admiration, enjoy !

  1. Un autre que moi de Fishbach. Le premier album A ta merci de Fishbach est une très belle découverte qui met à l’honneur une voix grave parfaitement reconnaissable. Cet Un autre que moi s’appuie sur une orchestration assez minimale, sombre et électronique qui se marie à merveille avec des paroles engagées.
  2. Words Hurt de Naive New Beaters. A la folie sorti en 2016 est le cinquième album du trio loufoque Naive New Beaters qui confirme la force de son électropop hédoniste. Ne se prenant jamais au sérieux, David Boring, Eurobelix et Martin Luther BB King proposent avec ce Words Hurt un tube électropop imparable dont le refrain est hautement addictif. Pour la petite anecdote, je vous invite à aller voir le clip interactif qui vous invite à faire des choix. La dose de légèreté qui fait plaisir un lundi matin…
  3. Aisha de Death In Vegas. The Contino Sessions date déjà de 1999… Les Anglais de Death In Vegas invitent Iggy Pop sur ce Aisha anxiogène à souhait. Sonorités électroniques âpres, tentation indus, paroles inquiétantes, il y a tout pour mettre mal à l’aise dans ce bijou d’une noirceur folle.
  4. Butterflies and Hurricanes de Muse. Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter Muse mais à Five-Minutes on est assez admiratifs de la carrière de la bande formée autour de Matthew Bellamy. Après deux coups de génie initiaux, Showbiz et Origin of Symmetry, Absolution confirme en 2003 la puissance du groupe qui brille par son énergie et ses atmosphères tout en montées et tensions. Ce Butterflies and Hurricanes alterne phases de douceur et explosions électriques révélant la force de la voix de Matthew Bellamy, du grand art…
  5. Too Insistent de The Dø. Après A Mouthful, superbe album de pop-folk porté par le single On My Shoulders, Dan Levy et Olivia Merilahti confirment avec leur deuxième opus Both Ways Open Jaws dont l’ambiance est plus sombre. Ce Too Insistent s’appuie sur une mélodie de fond addictive et la douce voix d’Olivia Merilahti. Cependant, les cuivres et les choeurs emmènent avec justesse ce titre vers des terres moins apaisées pour mon plus grand plaisir.
  6. Bits And Pieces de Junior Boys. Les synthés sont de sortie sur ce troisième album Begone Dull Care des Canadiens de Junior Boys. Ce Bits And Pieces assez minimaliste dans son instrumentation déroule une électro-pop sensuelle qui fait mouche.
  7. Novocaine For The Soul d’Eels. Allez le petit coup de vieux avec ce premier album Beautiful Freak qui date déjà de 1996… Vous savez la pochette qui fait peur avec la petite fille aux grands yeux dignes des mangas. Depuis presque 30 ans, Mark Oliver Everett nous touche toujours autant avec son spleen. La douceur instrumentale de ce Novocaine For The Soul contraste parfaitement avec la noirceur du texte.
Sylphe

Review n°127: Heijunka de Les Gordon (2023)

Il est artistes pour lesquels j’ai un attachement particulier et Les Gordon en fait partie… Suite àLes Gordon - Heijunka un concert à Plouescat dans le Finistère, Raf Against The Machine et moi-même avons décidé de relancer l’aventure musicale Five-Minutes car nous ressentions le besoin de partager la découverte d’artistes tels que Les Gordon qui venait de nous souffler avec son live (oui, si tu es un lecteur régulier, tu commences à connaître cette histoire par coeur…). Marc Mifune alias Les Gordon illumine ainsi le blog de son électro-pop lumineuse et follement inventive depuis 2018 et son premier opus La (chroniqué par ici). Les deux albums suivants, ALTURA en 2020 (hop c’est par ici que ça se passe) et Nuances en 2022 (et encore ici, allez j’arrête pour les liens…) n’ont fait que confirmer tout le talent de Les Gordon qui possède un vrai son immédiatement identifiable. Sorti sur Alter K, cet EP de 5 titres est arrivé en pleine période des tops de fin d’année le 23 décembre dernier, comme un cadeau de Noël avant l’heure.

Il aurait été fort dommageable de ne pas en parler car ce Heijunka et ses 14 petites minutes est dans la droite lignée des albums précédents. L’univers est peut-être un peu plus sombre, la pochette qui montre l’isolement d’un employé et la pression du travail ainsi que le choix du titre (l’heijunka est une technique de production utilisée par Toyota par exemple qui consiste à niveler pour mieux produire) tendent à montrer que la vie professionnelle n’est pas toujours source d’épanouissement. Le morceau d’ouverture Hikikomori prolonge cette réflexion sur la dureté des rapports sociaux, le hikikomori représentant au Japon une personne qui depuis plus de 6 mois fait le choix de ne plus sortir de sa chambre. On retrouve tous les ingrédients de cette électro uptempo aux synthés mélancoliques avec une palette de sons faussement naïfs et des beats qui structurent parfaitement le morceau. Davantage taillée pour les dance-floors le titre rassure d’emblée et nous ramène vers des contrées imaginaires connues. In This Life joue ensuite la carte d’une électro-pop un brin plus classique portée par la très belle voix de Sauvane, déjà présente sur l’album Nuances. Le travail électronique sur la voix est cependant original et particulièrement savoureux, donnant un aspect plus âpre au morceau.

Vanroose et Remember confirment ensuite le talent indéniable à jouer avec les boucles, l’impression de percevoir un tableau impressionniste qui se construit et déconstruit sous nos yeux/oreilles. Remember me touche davantage par ses voix empreintes d’une profonde mélancolie et son piano apaisant. 4:12 AM clôt l’album en s’appuyant sur la voix de Sarah Rebecca qui se marie à merveille avec l’intemporalité de cette électro-pop qu’on prend toujours autant de plaisir à vivre en 2024, enjoy !

 

Sylphe

Review n°126: God Games de The Kills (2023)

J’ai perdu le fil de la carrière d’Alison Mosshart et Jamie Hince qui sur leurs premiers albums deThe Kills - God Games The Kills offraient un rock garage électrisant, un son saturé et des riffs de guitare jouissifs. Il suffisait d’ajouter la sensualité un brin dangereuse d’Alison Mosshart et on obtenait des albums d’anthologie comme Keep On Your Mean Side ou le cultissime No Wow. Rapprochés de manière un peu simpliste à leurs débuts à The White Stripes, The Kills c’est ce sentiment si particulier d’avoir accès à une forme d’instinct sauvage qui refuse totalement d’être appréhendé et encore moins dompté. Je me rappelle de Midnight Boom et Blood Pressures qui font encore bien le job mais possède bien peu de souvenirs du dernier opus Ash and Ice qui n’a pas laissé de véritable trace en moi. Ce God Games sorti fin octobre dernier arrive donc 7 ans plus tard et je dois reconnaître que j’ai été surpris de voir resurgir le nom de The Kills, pensant à tort que le duo avait définitivement remisé sa rage viscérale au placard. Animé d’un regain de nostalgie, je n’ai pas hésité à écouter ce huitième album (en comptabilisant les EP) produit par le très recommandable Paul Epworth… Ne lésinant pas sur les écoutes, je me suis laissé peu à peu séduire par ce son qui commence à s’éloigner des terres arides du rock à guitares pour aborder des contrées plus synthétiques que des groupes comme Yeah Yeah Yeahs explorent avec justesse depuis longtemps.

Le morceau d’ouverture New York rassure d’emblée, on retrouve l’ambiance sombre, les riffs de guitare acérés comme des éclairs traversant une ciel d’orage et le chant écorché d’Alison Mosshart qui ressemble de plus en plus à celui de Karen O. Le titre fonctionne à merveille et introduit un Going To Heaven plus surprenant à l’instrumentation minimaliste, ça manque de guitares mais le travail rythmique sur les drums est assez intéressant. Le résultat est inclassable et souligne un chant plus en nuances. LA Hex sort ensuite les synthés, une ritournelle hypnotique et des voix bidouillées à souhait. Le son est saturé et rappelle le DIY des débuts, ça part dans tous les sens et on se prend en pleine face les choeurs gospel de Compton Kidz Club Choir sur la fin. Quitte à faire sourire, je n’ai pas réussi à me retirer de la tête l’image d’une Lana Del Rey qui aurait décidé de s’essayer au rock à guitares. Vous êtes bien contents d’avoir cette image, je n’en doute pas…

Love And Tenderness propose ensuite un univers qui hésite entre tendance blues et trip-hop désincarné à la Portishead pour un résultat brut et intense de deux petites minutes 40. 103 joue une carte plus lumineuse qui me rappelle l’électropop de Yeah Yeah Yeahs même si les guitares reprennent une place plus importante sur les refrains. Cette évolution vers un son rock tenté par les ambiances électro culminera avec le brillant Wasterpiece dont la ligne de basse est sexy à souhait et les voix d’une réconfortante âpreté…

Les synthés du petit bijou lumineux My Girls My Girls dans un registre totalement novateur qui hérisse les poils me donnent le sourire avant une deuxième partie d’album plus homogène. Kingdom Come que j’oserai presque qualifier de pop manque un peu de nuances avant que le titre éponyme God Games réinstalle un univers plus inquiétant et davantage dans la retenue. Blank se permet même la douce mélodie au piano pour un résultat qui désarme, le rock des premiers albums paraît tellement loin. Les choeurs de Bullet Sound et les sonorités mexicaines de Better Days sont les derniers coups de pinceaux judicieux de ce tableau tout en nuances que vous devriez prendre plaisir à regarder dans les mois et les années à venir, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 3. LA Hex – 1. New York – 7. Wasterpiece – 10. Blank

 

Sylphe

Playlist du lundi n°17

En toute originalité bonne année 2024 à toutes et à tous avant tout ! A notre humble mesure, nous allons continuer à vous proposer du bon son sur Five-Minutes pour vous aider à façonner la bande-son idéale de cette nouvelle année… C’est parti avec la première playlist du lundi de 2024, enjoy !

1. Not an Addict de K’s Choice. Plongée dans les années 90 avec les Belges de K’s Choice et leur deuxième album Paradise in Me sorti en 1995. Le morceau d’ouverture Not an Addict est porté par la voix de Sarah Bettens et une ambiance pop-rock de qualité. Les guitares sont de sortie, apportant une tension électrique qui se marie parfaitement à la douceur relative du chant. On commence 2024 avec de la nostalgie à l’état pur.

2. The Good Ones de The Kills. On devrait rapidement parler en ce début 2024 du huitième opus God Games sorti en fin d’année dernière et validant un come-back de haut vol. Alison Mosshart et Jamie Hince c’est avant tout ce son garage rock atypique, ça sent le stupre et la crasse. The Good Ones tiré du troisième opus No Wow marque ainsi par la tension du chant et le refus d’exploser ouvertement.

3. Squalor Victoria de The National. The Boxer, le quatrième opus de The National, est un bijou qui collectionne les grands moments d’émotion. Ce Squalor Victoria brille par son orchestration gracile et la voix d’encre de Matt Berninger. Du grand art à l’image de la discographie brillantissime des Américains.

4. King And Cross d’Asgeir. L’Islande est une terre d’artistes incontournable et Asgeir fait une entrée tonitruante sur la scène internationale avec son deuxième album In the Silence en 2013. Ce dernier est la traduction de son premier opus Dýrð í dauðaþögn, traduction confiée au passage à John Grant himself. La douceur du chant et des arrangements nous transporte sur les paysages nordiques pour une plongée irréelle.

5. Peace and Tranquility to Earth de Roudoudou. Les personnes de ma génération penseront dès les premiers accords au célèbre reportage Les Yeux dans les Bleus sur l’équipe de France de football championne du monde en 1998. La douceur et l’idéalisation d’un beau moment suspendu… Derrière ce morceau se cache donc le DJ français Laurent Etienne alias Roudoudou qui sort son premier album Tout l’univers : Listener’s Digest en 1998. Ce Peace and Tranquility to Earth beaucoup plus riche musicalement qu’il n’y paraît s’appuie sur le sample de My Dear And Kind Sir d’Harbinger Complex pour les connaisseurs (dont je ne fais pas partie…). Et oui cette première playlist du lundi de 2024 est parcouru par un vent frais de nostalgie…

6. Brasil d’EOB. Le premier album Earth du bassiste de Radiohead est un bijou d’émotions (chroniqué par ici si ça vous intéresse). Les 8 minutes de ce Brasil séduisent par leur douceur initiale et le virage électronique pris au bout de trois minutes. La montée est puissante et m’évoque les albums de Caribou.

7. Hospital Beds de Cold War Kids. Voilà sûrement un des noms de groupes que je préfère, l’information est essentielle et devrait vous permettre d’aborder plus sereinement ce lundi de reprise (#ironiequandtunoustiens). J’adore le rock incisif des premiers albums, en particulier le premier Robbers and Cowards, et ce sentiment d’urgence véhiculé par la voix de Nathan Willett. Ce Hospital Beds joue la carte d’une certaine douceur illustrée par la mélodie de fond au piano qui vient nous surprendre.

 

Sylphe