Ecoute ce jeu n°2 : Emil – Sacrifice in NieR Replicant (2013) de Keiichi Okabe

71zdu7peV5L._SL1200_Ecrire une chronique en ce 24 février impose presque nécessairement, à mes yeux, un détour par la musique de jeu vidéo, pour aller gratter une pépite tout autant que pour relancer cette rubrique que je n’ai pas beaucoup alimentée depuis sa création. La faute (peut-être) à trop de bonnes choses à écouter. L’intimidation aussi, à vouloir retranscrire des émotions musicales vidéoludiques et à montrer la cohérence entre sons et images, alors que d’autres le font bien mieux que moi. Ce 24 février est pourtant un moment opportun pour se lancer. Parce que ce jour précis est calé entre le 23 et le 25 février, deux dates majeures dans le monde vidéoludique. D’un côté, le 23 février 2017, qui voit la sortie au Japon de NieR: Automata, le jeu qui, à ce jour, m’aura mis la plus grande tarte de ma vie de gamer et qui me hante depuis que je m’y suis plongé. Un monument d’intelligence, de construction, de tiroirs, de mélancolie poétique, surplombé par une BO à tomber. Un jour, je réussirai à en dire plus, à raconter ce que ce NieR: Automata a fait et changé en moi, et comment son OST m’habite sans discontinuer. Ce jeu fêtait hier ses cinq années, et m’appelle de nouveau pour être parcouru. De l’autre côté, le 25 février 2022 (donc demain), avec la sortie d’un monstre vidéoludique. Non, il ne s’agit pas du prochain GTA, ni même de Horizon Forbidden West (d’ailleurs sorti la semaine dernière et excellent), encore moins du nouveau Final Fantasy. Demain sort Elden Ring, la nouvelle œuvre du studio FromSoftware, pilotée par Hidetaka Miyazaki et George R. R. Martin. Autrement dit, le successeur des Dark Souls, Demon’s Souls et autre Sekiro, des RPG (Role playing Game) bien vénères dans des univers dark fantasy, qui ne laissent que bien peu d’espoir à tout bourrin qui foncera tête baissée. Elden Ring présente la nouveauté d’un open-world (monde ouvert) mais affiche surtout des notes et avis délirants, avec à ce jour un score Metacritic de 97 sur 100. Pour les néophytes, dites vous que c’est un peu comme un film/disque qui raflerait tous les récompenses (moins une) d’une même cérémonie. Du quasi jamais vu.

Le 24 février est coincé entre ces deux dates, certes à cinq années d’écart, mais voilà tout de même où il se place, et pourquoi on parle aujourd’hui de pépite musicale vidéoludique. Je suis baigné entre l’anniversaire de NieR: Automata et la sortie imminente d’Elden Ring. La petite histoire veut aussi que j’ai achevé (enfin) NieR Replicant 1.22, prequel de NieR: Automata initialement sortie en 2013, et republiée l’année dernière dans une version remasterisée. Pas tout à fait le chef-d’œuvre NieR: Automata, mais culte et totalement envoûtant. Je choisis volontairement de ne pas spoiler l’histoire et de ne pas trop en dire. Disons simplement que l’on incarne un jeune garçon en l’an 3465, à la recherche d’un remède pour soigner sa jeune sœur Yonah d’une mystérieuse maladie, la nécrose runique. Une maladie qui a d’ailleurs ramené le monde à un univers archaïque hanté par des ombres, d’où toute technologie a disparu. Réalisé par Yoko Taro, NieR Replicant réserve bien des surprises jusqu’à la révélation finale qui calmera tout le monde. Prendre le temps de l’explorer dans ses moindres recoins pour achever toutes les quêtes et toutes les fins (cinq au total tout de même) a aussi été l’occasion de repasser des heures immergé dans la BO de ce jeu. Sur ce plan en revanche, même niveau de perfection et de bouleversitude, puisque la partition est signée Keiichi Okabe dans un jeu comme dans l’autre. Les morceaux épiques et d’autres beaucoup plus intimistes s’enchaînent au gré des scènes de jeu, des combats, des dialogues, des révélations.

N’importe quelle composition de ce jeu pourrait faire figure de pépite, tout comme dans NieR: Automata. Vous pouvez donc aller écouter l’entièreté des morceaux de Keiichi Okabe, mais aujourd’hui j’ai envie de vous partager Emil – Sacrifice. Peut-être parce que ce sont 3 minutes 30 de pure émotion, absolument hors sol et hors du temps, qui prennent encore une autre dimension lorsqu’on connaît le jeu. Peut-être aussi parce que la grande Histoire réclame, en ce 24 février, un moment-bulle et un endroit où s’isoler quelques instants de la violence insupportable de ce monde. Peut-être enfin pour se dire que, malgré tout, des pincées de beauté absolue et totale existent et qu’il faut en profiter tant qu’on le peut.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°109: Life On Mars de Miguel Atwood-Ferguson (2021)

Le 28 mai dernier est sorti un album de reprises en hommage à David Bowie, artiste majeur s’il David Bowie Modern Loveen est que je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter. Déjà 6 ans qu’il est parti mais il nous a laissé en héritage une quantité astronomique d’albums majeurs de l’histoire de la musique… En titre d’ouverture de ce Modern Love, Miguel Atwood-Ferguson reprend le bijou glam-rock Life On Mars présent sur l’album Hunky Dory de 1971. Morceau instrumental sublimé par les cordes, il réussit le tour de force d’apporter un soupçon de magie à un titre frôlant la perfection. Voilà en tout cas une bien belle cover qui nous permet d’aller réécouter avec plaisir l’original qui ne prend pas une ride, plus de 50 ans après sa sortie…Enjoy!

 

Sylphe

Playlist n°5: Beirut

Le 28 janvier dernier, Beirut a sorti un sixième opus Artifacts, florilège de faces B, de démos et de reprises, que j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt et dont je vous parlerai très rapidement. Etant particulièrement sous le charme de l’univers de Zach Condon depuis le début du groupe, je n’ai pas résisté à la tentation de me replonger dans la discographie des Américains (non, non, ils ne sont pas originaires de l’Europe de l’Est malgré les apparences) et de vous concocter une playlist qui devrait illuminer les dernières soirées humides de votre fin d’hiver. Vous pourrez retrouver l’intégralité du premier opus Gulag Orkestar (2006) qui est un album tout simplement sublime que j’apparente à la bande-son idéale des films de Kusturica, difficile de ne pas succomber au charme slave des cuivres de The Gulag Orkestar, Brandenburg, Postcards from Italy ou encore Scenic World. L’EP Lon Gisland avec les titres Elephant Gun et Carousels, ainsi que le deux titres Pompeii avec Fountains and Tramways et Napoleon on The Bellerophon prolongent le plaisir avant l’excellent deuxième album inspiré par la France The Flying Club Cup (2007). Le bijou ultime Nantes sera accompagné dans cette playlist par A Sunday Smile, Cliquot, Forks and Knives (La Fête), In the Mausoleum, Un Dernier Verre (Pour La Route), St. Apollonia et The Flying Club Cup.

Je suis ensuite moins sous le charme des influences d’Amérique latine qui sont le socle même de March of the Zapotec and Real People Holland en 2009 et n’en retiens que le titre No Dice. The Rip Tide en 2011 s’impose ensuite pour moi comme le troisième meilleur album de Beirut qui amorce une évolution plus électronique assez savoureuse, illustrée ici par les très bons A Candle’s Fire, Santa Fe, Payne’s Bay, The Rip Tide, Vagabond et Port of Call. No No No souligne les premiers signes d’essoufflement en 2015 même si les titres No No NoAugust Holland, Perth et So Allowed arrivent à tirer leur épingle du jeu. En 2019, Gallipoli (dont j’avais parlé par ici pour les curieux) montre avec délectation que Beirut a encore de très belles choses à nous raconter, ce que les titres When I Die, Gallipoli, I Giardini, Landslide et Family Curse devraient vous prouver sans peine. Voilà en tout cas plus de 2h de musique pour ton dimanche bien venteux, enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°92 : Sleep to dream (1996) de Fiona Apple

FionaApple_1996_Tidal_coverVoici quelques jours, nous sommes remontés en 1995 pour réécouter Miossec. Restons à la même époque pour remettre dans nos oreilles Tidal (1996), le premier bien bel album de Fiona Apple, et Sleep to dream son titre d’ouverture. Née à New-York en 1977, cette musicienne et chanteuse mène depuis ce premier opus une carrière marquée par cinq albums aussi surprenants que passionnants, mais aussi un certain refus (voire un refus certain) de l’industrie musicale et une personnalité plutôt affirmée. Notamment en 1997, lorsqu’elle reçoit du haut de ses vingt ans un MTV Award pour le meilleur clip avec celui de Sleep to dream : une cérémonie où elle qualifie la chaîne et l’industrie musicale de « monde de conneries ». Des prises de position qui lui vaudront quelques dissensions avec les maisons de disque. Tout cela ne l’empêche pas de faire son chemin, porteuse d’un courant musical qualifié d’avant-pop : la contraction d’avant-garde et de pop, ce qui laisse entrevoir une musique à la fois accessible et populaire, tout en se montrant expérimentale et novatrice.

Prenez n’importe lequel des disques de Fiona Apple, et vous comprendrez tout de suite. A commencer par son premier album précité, Tidal. Dix titres d’une grande efficacité, portés par un piano omniprésent qui s’entoure bien souvent d’autres instruments, et la voix à la fois douce et puissante de l’artiste. Si cet album contient le single Shadowboxer, ainsi que les excellents Criminal ou encore Never is a promise, il s’ouvre sur Sleep to dream. Une trame musicale basée durant les trente premières secondes sur une inquiétante batterie, pour accompagner Fiona Apple dont la voix rappelle instantanément celle de PJ Harvey. Avant de basculer dans la suite du titre, pour un voyage musical qui pose une vraie identité artistique. Au milieu d’influences évidentes telles que Billie Holiday, Tori Amos ou donc PJ Harvey, voilà une musicienne qui développe un univers artistique très personnel et cohérent, sachant aller de la plus douce des ballades aux ambiances les plus intrigantes. Sleep to dream est une excellente façon d’aborder ses disques. Petit bonus, on s’écoute aussi Criminal (que j’adore) et le mélancolique Never is a promise. Ensuite, si ça vous plait, libre à vous d’écouter tout Tidal, puis les quatre autres disques de cette grande artiste.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°91 : Non non non non (je ne suis plus saoûl) (1995) de Miossec

BoireIl fallait bien ça pour fêter dignement (non non non non) la date du jour : ressortir du rétroviseur un titre qui affiche déjà ses 27 ans au compteur, et se rappeler au passage combien Boire fût en 1995 un ovni et un choc musical. Miossec débarque avec treize titres (et même quatorze en comptant la pépite cachée à la fin) et autant de chansons rock acoustique grattées à l’os. Pas une once de gras là-dedans. Un dépouillement minimaliste et sec qui contraste avec l’abondance d’émotions et de sentiments qui transpirent, et qu’on ne sait pas dire, ou qu’on a pas su dire autrement qu’en renversant les tables et en foutant le bordel. Album majeur, originel et séminal, Boire ne laisse aucun répit, mettant une bonne baffe à chaque chanson, chaque parole, chaque intro, chaque instant. Cet album d’écorché vif qui parle à tous les écorchés préfigure aussi le grand et humble bonhomme de la chanson française que Miossec est devenu au fil des années.

Les hostilités sentimentales débutent dès les premières minutes de Boire avec Non non non non (je ne suis plus saoûl), la pépite intemporelle du jour qui reste d’une efficacité incroyable. En rajouter, particulièrement aujourd’hui 14 février, ne serait que parlotte inutile. Je vous laisse donc apprécier le son du jour et son clin d’œil calendaire, avec une pensée particulière pour tous ceux, écorchés ou non qui, même s’ils ne sont plus saoûls, ont toujours la sensation d’Evoluer en 3e division.

Note : au moment de publier ce post, je prends soin de vérifier le passé du blog… et découvre que voici deux ans, quasi jour pour jour, je faisais déjà la même blague avec cette même pépite intemporelle. Qui était alors la n°46, à retrouver par ici, et que, promis de chez promis, je n’ai pas relue avant d’écrire celle-ci. C’était juste avant le début de la longue lose covidesque, en quelque sorte un petit bout du monde d’avant, aujourd’hui lu depuis le monde d’après. La comparaison des deux posts révèle une similarité et une constance, totalement assumée. Jusqu’à la chute sur Evoluer en 3e division, un autre titre de Miossec. Après une mini-conférence de rédaction avec moi-même, j’ai choisi de garder cette version 2022 de pépite intemporelle, tout en ajoutant ce paragraphe méta. En notant que, si aujourd’hui en 2022 je me montre peu loquace sous couvert de parlotte inutile, la version 2020 était bien plus bavarde. Même pépite, même ambiance, mais deux salles et deux façons de l’aborder.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°90 : Sous les arcades (2015) de Fauve

150-900-Edition-Double-CD-LivreVoici une quinzaine de jours, mon camarade de jeu sur ce blog (aka Sylphe) a publié une review emballée et emballante de La mémoire du feu, dernier album studio en date d’EZ3kiel (à relire par ici). Un bien bel opus qui ouvre 2022 avec énergie, force et créativité. Il tourne beaucoup sur ma platine, et je ne peux que vous encourager à le découvrir. Au milieu de tous ces sons parfaitement travaillés, on retrouve, ça et là, des bribes musicales qui ne sont pas sans rappeler Fauve. Ce collectif artistique (et notamment musical) né en 2010 a livré entre 2013 et 2016 quatre galettes studios (un EP Blizzard, un single Sainte-Anne et un double LP Vieux frères en deux parties), augmentées d’un puissant album live intitulé 150.900. Style cru, textes durs et hyper travaillés portés par une musique à la croisée du rock, du rap et du slam, telle est l’identité musicale de Fauve. Beaucoup de pépites dans tout ça, et peut-être même rien à jeter (ou tout, selon leurs détracteurs). Fauve ne laisse pas indifférent tout en clivant très nettement. On aime ou on déteste.

Perso, je joue dans la première catégorie. L’incandescence tendue de la musique de Fauve m’accompagne depuis maintenant plusieurs années, notamment depuis 2015 et la sortie de Vieux frères – Partie 2. Ce LP a la beauté de se clore sur Les hautes lumières, mais contient également Sous les arcades, un titre bien vénère et plein de colère autant que d’énergie. Pas de malentendu : tout le reste est bon, voire excellent, mais ces deux titres-là sont pour moi les piliers du disque. Disque qui a eu le bon goût de sortir, de manière très opportune, en février 2015. Environ un an plus tard, sort au printemps 2016 150.900, le double album live de Fauve, et même quadruple si on bascule sur le vinyle, dans un très classe coffret. L’enregistrement est parfait, et, live oblige, plus dense et hanté que les enregistrements studios. Parmi tous les morceaux incontournables de Fauve, Sous les arcades ouvre le live, Les hautes lumières le referme, dans deux versions totalement habitées et hors du temps. Ce sont les deux versions proposées à l’écoute ci-dessous. Oui, les deux. La pépite intemporelle du jour, c’est Sous les arcades, mais pourquoi se limiter à un Fauve, quand on peut en écouter deux ? Il y aurait beaucoup à dire sur Les hautes lumières, peut-être y reviendrai-je un de ces jours. Pour le moment, on part se balader Sous les arcades, à la recherche des Hautes lumières.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°9 : Who did that to you ? (2012) de John Legend

Django_Unchained_Bande_OriginaleSi la pépite intemporelle du jour vous dit quelque chose, c’est très possiblement pour l’avoir entendue en accompagnement musical d’un des plus grands films de ces dernières années. Nous y reviendrons très vite. Who did that to you ? a été composée précisément pour ce film, par un John Legend totalement inspiré. Musicien en activité depuis plus de vingt ans, il s’illustre dans les registres mêlés de la soul et du R’n’B, ce qui a donné lieu à des collaborations avec des Lauryn Hill, Jay-Z, ou encore Alicia Keys, excusez du peu. Le garçon est également à la tête d’une flopée de singles et d’albums sous son propre nom. Multi-récompensé notamment aux Grammy Awards, Golden Globes et Oscar, on tient là un artiste productif et qui ne manque pas de prestance.

En témoigne la pépite du jour. Who did that to you ? est un savant mélange de soul et de blues, teinté de gospel. Rien d’étonnant à cela, vu que John Legend a été plongé dès son plus jeune âge dans la musique par ses parents, chrétiens pratiquants. Ses premiers contacts musicaux ont été les chansons chrétiennes et le gospel. Who did that to you ? respire ces influences, tant dans la composition que le texte. Côté partition, ça groove et c’est mené comme les meilleurs morceaux soul de l’histoire, avec un vrai frisson. L’utilisation en intro d’un sample du viscéral et vénéneux The right to love you (1966) du groupe soul/funk The Mighty Hannibal ne fait que renforcer la puissance musicale du titre de John Legend.

Une force et une rage contenue à fleur de peau qui se décline aussi dans les paroles de Who did that to you ? Il est ici question de colère, de Dieu, et de la promesse d’une vengeance à la hauteur du mal fait à l’aimée. Composée spécialement pour Django Unchained (2012), septième film de Quentin Tarantino, cette chanson est sans doute un des morceaux qui colle le plus au propos film. Comme toujours chez Tarantino, il est question de revanche, et même ici de revanche multiple : racisme, esclavagisme, discrimination sociale, sexisme. Et la recherche de la liberté absolue, tant pour ses personnages que pour son propre cinéma. Tarantino développe tout ça avec brio dans l’univers du western, pour un résultat marquant et, sans doute, un de ses meilleurs films. Intéressant par ailleurs de voir que Django Unchained s’inspire et fait référence à Django (1966) de Sergio Corbucci, et qu’un des titres les plus efficaces de sa BO sample et s’inspire d’un autre titre, lui aussi de 1966.

Il ne reste plus qu’à (re)voir Django Unchained pour (re)visionner la scène qu’accompagne notre pépite musicale, et notamment le regard en gros plan qui dit tout à 2h31 pile. La boucle est bouclée. Et jamais n’aura été aussi présente l’idée que Tarantino fait coïncider images et musiques percutantes. Du grand son, du grand ciné : Who did that to you ? au cœur de Django Unchained, pour un moment d’anthologie, et l’introduction des parfaites quinze dernières minutes d’un film parfait. Intense et jouissif.

Raf Against The Machine

Five reasons n°35 : Est-ce que tu sais ? (Edition Deluxe) (2021) de Gaëtan Roussel

ab67616d0000b273476ad60f8b7537f6985bf15bAu printemps dernier, soit en 2021, Gaëtan Roussel nous avait gratifiés de son quatrième album studio solo. Est-ce que tu sais ? affichait alors une poésie pop d’un niveau rarement atteint, et sans doute jamais chez son créateur, ou du moins pas avec une telle globalité de la première à la dernière note du disque. Opus parfait à mes yeux, dont j’avais déjà dit le plus grand bien dans une review (à relire par ici). Album majeur de 2021, très bien placé sur mon podium de l’année, il tourne toujours régulièrement sur la platine. Mes oreilles me disent merci à chaque fois, mais pas que. Mon corps et mon coeur aussi  tant les onze titres me font vibrer, frissonner, danser (moi qui suis pourtant piètre danseur pour tout dire). Est-ce que tu sais ? occupe une place très particulière dans mon cœur et mon existence, pour avoir débarqué au moment idéal, et pour résonner à chaque seconde de mille petites bulles d’émotions. Pour ce qu’il est, pour ce qu’il me rappelle, pour ce qu’il raconte.

Dès lors, je ne cache pas avoir regardé d’un œil perplexe la sortie en octobre 2021 d’une édition Deluxe de ce même album, augmenté de trois titres inédits. Quel intérêt (à part commercial) à augmenter un disque parfait, donc inutile à modifier ?

1. Les trois singles ajoutés sont au moins aussi parfaits que l’album de base. Dans l’ordre d’apparition dans vos oreilles, Elle résume les contradictions et tergiversations que l’on peut avoir face à la vie, à nos envies et nos choix. C’est ici appliqué à une femme, mais ça pourrait très bien s’intituler Il. Puis Une seconde (ou la vie entière) brosse les changements de vie, les surprises que cette dernière nous réserve entre éphémère et durée. Porcelaine clôt le trio des nouveautés sur une déclaration intimiste. Tout ceci écrit dans une dentelle de simplicité qui parle direct à tout être normalement constitué.

2. Ces trois ajouts à l’album initial ont peut-être une intention commerciale, mais ils s’intègrent avec un tel naturel aux onze titres préexistants qu’on oublie toute démarche potentiellement mercantile. Une seule question émerge à la fin de Est-ce que tu sais ? (Edition Deluxe) : comment a-t-on fait avant pour se contenter de l’album de base ? La présence de ces titres supplémentaires est une telle évidence dans la cohérence du disque qu’aucun doute n’est permis : cette réédition Deluxe est la seule version possible du disque.

3. Se plonger dans cette nouvelle version, c’est aussi réécouter l’ensemble de l’album. J’ai déjà dit plus haut pourquoi Est-ce que tu sais ? me suis partout et revient régulièrement en moi. On tient ici trois titres supplémentaires pour y retourner encore plus souvent. Et pour celles et ceux qui seraient passés à côté il y a un an, ou qui l’ont moins dégusté, foncez, vous ne le regretterez pas. D’une certaine façon, Gaëtan Roussel enfonce le clou avec cette réédition. Qui a déjà le disque en intraveineuse, pourra se faire un dose augmentée. Pour les autres, voilà la meilleure façon de faire la rencontre d’un album incontournable.

4. Album incontournable, disque majeur, je manque de mots justes pour qualifier l’objet. Une métaphore peut-être ? Cette galette est comme une rencontre majeure dans une vie. Le genre de rencontre qu’on fait une fois tous les dix ans, tous les quinze ou vingt parfois même, et jamais pour certains. L’écoute de Est-ce que tu sais ? est un moment privilégié, comme tout moment passé avec, disons, cette personne à qui vous tenez le plus. Celle pour qui vous avez le plus grand respect, celle pour qui vous donneriez tout et avec qui vous partagez la plus douce des complicités et la plus grande des confiances. Celle dont vous admirez l’intelligence et la beauté totale. Tout est simple et facile, tout est richesse et humanité, accompagné de rires et de lumière. Et c’est justement aussi vers cette personne-là que l’on se tourne quand il fait gris ou noir, pour dépasser le chahut de ce monde et les bousculades de la vie. Ce disque est, lui aussi, un repère, un guide, une bulle.

5. Une dernière raison ? En faut-il encore une ? Soit. Une raison de gros iencli (ou de pigeon diraient certains), une raison de collectionneur. Cette réédition Deluxe est une occasion de racheter le disque. Originellement sorti en pochette bleue, le voilà revenu en pochette orange. Avec, vous vous en doutez, des vinyles de différentes couleurs selon les tirages limités (ou pas). La collectionnite aiguë à de beaux jours devant elle, particulièrement avec votre serviteur, j’en conviens aisément. Ai-je plusieurs éditions de ce Est-ce que tu sais ? Vous n’avez aucune preuve.

Est-ce que tu sais ? (Edition Deluxe) se pare de trois titres supplémentaires, pour une réédition hautement indispensable. L’album originel l’était déjà. La réédition Deluxe en fait un opus plus que parfait, mais à écouter en tout temps pour comprendre et affronter le passé, le présent, le futur. Nous ne faisons que passer : ne boudons pas notre plaisir et ne passons pas à côté d’une telle merveille.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°108: Impossible de Röyksopp & Alison Goldfrapp (2022)

Je me suis lancé la semaine dernière dans une petite rétrospective Goldfrapp en abordant le Royksoppbijou initial Felt Mountain par le biais du morceau d’ouverture Lovely Head (à relire par ici si ça vous chante). Sur le point de parler du deuxième opus Black Cherry pour lequel j’ai un vrai attachement (a priori sous la forme d’une review car je n’arrive pas à sélectionner véritablement un seul titre…oui je suis une âme faible…), voilà-t-il pas que je tombe sur un titre inédit des Norvégiens de Röyksopp avec Alison Goldfrapp en featuring. Impossible de lutter contre l’alignement des planètes, la rétrospective Goldfrapp prendra donc un virage intemporel inattendu. Depuis leur dernier album The Inevitable End en 2014 dont le titre est assez parlant, Röyksopp semblait avoir clos une discographie illuminée par deux bijoux de l’ambient du début des années 2000 avec Melody A.M. (2001) et The Understanding (2005), bijoux qui mériteraient que j’en parle plus précisément dans le blog (hop, rajout sur une liste d’idées déjà gargantuesque). Finalement, un nouvel album Profound Mysteries est attendu pour l’année 2022 et le mois dernier deux morceaux instrumentaux (Nothing But) Ashes… et The Ladder ont laissé augurer de belles choses.

Le premier titre pas instrumental met donc en valeur Alison Goldfrapp qui vient poser sa voix de velours sur une rythmique entêtante plutôt tournée vers les dance-floors. Le titre monte inlassablement en tension, sublimé par le chant si caractéristique d’Alison sur la fin. Voilà en tout cas une association brillante et d’une grande évidence, ces trois-là avaient tout pour s’entendre mais ils ont dépassé toutes mes attentes. Cet Impossible a déjà pris rendez-vous avec le top des meilleurs titres 2022, enjoy !

 

Sylphe