Review n°23: Gallipoli de Beirut (2019)

Pour la dernière review, James Blake ne m’avait pas franchement facilité la tâche maisBeirutZach Condon, alias Beirut, nous a offert un album sublime, dans la droite lignée de ses deux coups d’éclat des origines Gulag Orkestar en 2006 et The Flying Club Cup en 2007, qui s’avère un vrai bonheur à écouter et critiquer… le single Landslide (dont j’avais parlé ici ) laissait augurer de bien belles choses et il ne nous a clairement pas dupés.

Après un No No No un brin décevant en 2015, Zach Condon a quitté les Etats-Unis, le déclic ayant été une chute de skate pour l’anecdote, afin de vivre à Berlin. Il a composé ce nouvel album à Gallipoli, un petit village des Pouilles, dans une volonté pleinement assumée de retrouver les atmosphères empreintes d’une douce mélancolie de Gulag Orkestar, volonté symbolisée par le retour de cet orgue Farfisa qui avait fait les beaux jours de ses deux premiers albums. Gallipoli nous ramène donc 13 ans en arrière avec des titres nostalgiques à l’orchestration soignée rappelant les Balkans et j’ai toujours l’impression que Beirut serait la BO parfaite des films de Kusturica. Certes, on retrouve dans l’album quelques expérimentations mettant à l’honneur les influences électroniques et valorisant davantage les synthés, en particulier sur quelques morceaux instrumentaux, mais sincèrement il serait bien exagéré de parler de révolution musicale. Gulag Orkestar flottait déjà dans une atmosphère intemporelle, Gallipoli nous permettra de nager avec délectation dans cette même atmosphère. Les mauvaises langues diront que Beirut n’arrive pas à se renouveler mais je n’en fais pas partie et vous invite à savourer pleinement ce bien bel opus…

Le morceau d’ouverture When I Die nous ramène donc d’emblée en 2006 avec sa mélancolie exacerbée, la voix chaude de Zach Condon est brillamment accompagnée par la richesse de l’orchestration (ukulele et les cuivres qui sont devenus une référence incontestable). Gallipoli reste dans cette même veine et sort tout droit de Gulag Orkestar tant les cuivres sont le pivot central du morceau et rappellent que la tentation d’une pop baroque à la Get Well Soon n’est jamais bien loin… Après un Varieties of Exile plus intimiste et plus suggestif dans son orchestration, On Mainau Island nous surprend alors et me séduit pleinement, 2 minutes instrumentales très riches entre synthés discordants et palette de sonorités légères. Un superbe tableau se met subrepticement en place pour un résultat empreint de poésie… Corfu démontrera lui aussi cette volonté de bidouiller de Beirut pour deux minutes instrumentales s’appuyant sur une boucle tournant telle une ritournelle obsédante convoquant les souvenirs des bons Saint Germain et de The Cinematic Orchestra.

Un I Giardini que je vous trouve plutôt représentatif de l’album dans sa volonté d’allier le combo piano/voix et les synthés pour un résultat d’une grande douceur, un Gauze für Zah et ses 6 minutes d’une lenteur contemplative séduisante avec sa fin instrumentale, le single Landslide dont j’ai déjà parlé ici et tant d’autres titres que je vous laisserai découvrir pleinement font de ce Gallipoli un bijou qui mérite de trôner fièrement sur l’étagère des albums de pop intemporelle, au côté de Gulag Orkestar et The Flying Club Cup. Lorsque vous tenterez de prouver à une personne réfractaire que la musique est un art, économisez vos paroles et votre énergie, passez lui Gallipoli qui en est une superbe démonstration tout en humilité.

Sylphe

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