Pépite du moment n°7 : Dyrhólaey (2018) de Thomas Méreur

Tous les chemins mènent à Five-Minutes de bon son : en témoigne aujourd’hui notre rencontre avec Thomas Méreur et la preview de son album à venir intitulé Dyrhólaey. Five-Minutes de bon son voire un peu plus, puisque ce sont trois titres à découvrir sans tarder sur SoundCloud, la totalité de l’album étant prévue pour le printemps 2019.

Sans le savoir, je connaissais déjà Thomas Méreur, mais pas pour ses talents de musicien. Etant un lecteur assidu et abonné de Gamekult (#LeSiteDeRéférence !), j’y ai maintes fois suivi Amaebi (alias Crevette), qui n’est autre que notre artiste du jour. Grand client, tout comme moi, des open-worlds et des (bons) Assassin’s Creed, je me suis longuement régalé de ses tests, ainsi que de sa chronique Juste un doigt sur les jeux mobiles, que je ne saurais que trop vous conseiller. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Thomas Méreur n’a pas mis juste un doigt (vous l’avez ?) dans la composition des titres pépites du jour : le garçon y est allé de ses deux mains et de tout son cœur pour nous proposer un voyage en terre lointaine et onirique.

Pas si lointaine d’ailleurs, puisque je suis allé chercher ce que c’était que ce Dyrhólaey : il s’agit d’une petite péninsule nichée sur la côte sud islandaise. A quelques heures de vol de par chez nous, voilà donc le coin de nature où nous convient les notes de Dyrhólaey, au creux d’un pays qu’il faudra décidément que je visite tant il m’attire et me fascine.

Les trois titres preview m’ont emmené dans à peu près tout ce que je peux imaginer d’espace, de rêve, de sensations et de grand air en pensant à l’Islande. Thomas Méreur fait le choix du piano solo, ce qui m’a un tantinet déconcerté au départ puisqu’on sait notre Amaebi très client de pop-rock anglaise et autre syndrome Radiohead (dont nous reparlerons toutefois). C’est précisément là où je ne l’attendais pas qu’il frappe, avec trois morceaux d’une grâce aérienne infinie. Si A steady and sad process ne joue que sur le terrain instrumental, The road that leads to our house et Apex ajoutent une voix à la fois cristalline et mystérieuse. Apex s’enrobe en outre d’une discrète nappe synthé. Ce savant mélange crée un climat de coton plein de repos et de douceur, qui fait un bien de dingue en ces temps où le monde se fait bousculer de toute part.

J’ai passé trois titres en apesanteur totale, la tête dans un autre monde. De la musique de Mozart, Sacha Guitry disait « Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui ». Je ne pousserais pas la comparaison si loin. Thomas Méreur n’est pas Mozart, et fort heureusement dans un sens. En revanche, le garçon a dû beaucoup écouter Erik Satie et d’autres merveilles musicales du même genre. Et, pour revenir à ce qui a suivi mon écoute de Dyrhólaey, le silence qui lui a succédé était bien plus que du Thomas Méreur : un moment de totale paix intérieure, associé à cette magique sensation que plus rien ne pourra nous bousculer. Le même effet qu’après avoir découvert EUSA (2016) de Yann Tiersen. Les mêmes frissons qu’en plongeant dans plusieurs Radiohead : Treefingers (sur Kid A), Pyramid Song (sur Amnesiac), MK1 (sur les bonus de In rainbows) ou encore Codex (sur The King of Limbs).

Là où il s’écoute, Dyrhólaey répand son incroyable lumière vaporeuse et un putain de bien-être dont il serait ridicule et indécent de se passer. Cet album preview est à découvrir d’urgence, en attendant la version complète que l’on souhaite voir arriver le plus tôt possible, pour notre plaisir et avant tout pour celui de son créateur. Chapeau bas, merci et à très vite pour la suite de l’aventure !

Raf Against The Machine

Clip du jour n°5: Last Dance de Scratch Massive (2018)

Le duo français composé de Maud Geffray et Sébastien Chenut, alias Scratch Massive, a sorti il y a deux jours son nouvel opus Garden of Love, 7 ans après Nuit de Rêve. Je ne vous cache pas que depuis il tourne régulièrement dans mon antre et il est fort possible que je vous en reparle ici-même. Comme toute sortie d’album, un single était déjà parti en éclaireur afin de titiller les papilles auditives et développer en nous une impatience viscérale.

Ce Last Dance est un superbe morceau d’électro sombre, au pouvoir cinétique incontestable, sur lequel la douce voix de Maud Geffray se pose comme un papillon de nuit. La rythmique est assez lente et confirme la volonté de ce Garden of Love de s’éloigner quelque peu des dance-floors. Les spécialistes du virtuose danois Trentemøller trouveront des similitudes évidentes et n’en savoureront que davantage ce titre qui est brillamment illustré par un clip soigné.

Ce clip tourné en Thaïlande est facile d’accès et révèle une puissance narrative évidente. Nous suivons un jeune homme faisant partie d’un gang qui rencontre une jeune fille passionnée de danse, cette rencontre décisive va être l’élément délencheur qui va inciter notre jeune yakuza à fuir cette vie de violence qui le répugne en compagnie de cette ballerine. La rencontre est sublimée par la seule puissance des regards, comme si ces derniers exprimaient plus que la parole et la danse s’impose comme l’échappatoire qui permet aux deux protagonistes de fuir un quotidien décevant. La scène où le jeune homme danse sur le toit est particulièrement touchante car c’est le seul moment où l’on voit la joie et l’innocence se dessiner sur le visage du personnage.

Outre le charisme évident du duo, certains éléments subliment ce clip comme les ambiances nocturnes qui se marient parfaitement à la musique, l’aspect cyclique du clip avec cette route que les fugitifs empruntent à la fin et ce couloir qui revient de manière récurrente comme pour symboliser que les êtres suivent un avenir tout tracé. Heureusement pour le héros, une porte était ouverte….

A savourer sans modération…

Sylphe

Review n°13: Action d’Inüit (2018)

Désolé de vous avoir fait attendre chers Five-Minuteurs mais, avant de rédiger cetteInuit review, il m’a fallu aller aux sources de ce groupe et explorer les contrées sauvages du Groenland. Malheureusement, cette expédition, si elle a juste eu le mérite de me faire perdre quelques phalanges gelées, s’est avérée particulièrement inutile car Inüit est en réalité un groupe français originaire de Nantes… (#Amateurisme) Ils sont 6, 5 garçons entourant la chanteuse Coline (je vous laisse imaginer les combinaisons possibles),  et profitent des talents à la production de Benjamin Lebeau du brillant duo électro-pop The Shoes pour ce premier album studio. Un premier EP Always Kévin en 2017 avait déjà laissé entrapercevoir le talent des nantais avec des petites pépites comme Dodo Mafutsi et Anne. Cet opus, dont le titre et la pochette improbable paraissent résolument tournés vers un son plus explosif, va-t-il confirmer les bonnes impressions laissées par le premier EP?

Après ces deux minutes d’un faux suspense insoutenable, la réponse est en réalité évidente et ce Action s’impose comme un des meilleurs premiers albums écoutés dernièrement. Pour que vous ayez une idée du son d’Inüit, prenez d’un côté l’électro dansante de The Shoes et de l’autre la pop plus sombre de The Dø époque Both Ways Open Jaws, vous secouez fermement, vous rajoutez une pincée de synthés et un soupçon à la Maité de la belle voix de Coline et vous obtenez un cocktail aussi explosif que séduisant. La preuve plus en détails désormais…

Le morceau d’ouverture Sides nous plonge d’emblée dans une atmosphère sombre où la douceur de la voix de Coline et les choeurs viennent subtilement nous envelopper. Un morceau qui se développe langoureusement, telle une créature hybride se levant délicatement de marécages nauséabonds et révélant sa beauté sculpturale. Body Lies vient alors briser ce rêve éveillé et nous ramener vers des contrées plus connues, la rythmique s’est accélérée et on défriche ici clairement les plaines de l’électro-pop. Le morceau est plus attendu et pas forcément très novateur et je savoure davantage le tube We The People, hymne plus âpre aux influences électro-techno assez évidentes. La rythmique originale de Boy’s Dead Anyway que ne renierait pas The Dø et la douceur des synthés de Comment on fait le feu? (avec cet album d’Inüit pardieu!) nous amènent vers un des autres sommets de l’album, Move Slowly.

Ce Move Slowly est un joli bijou d’électro-pop à la Metronomy, la rondeur de la basse amène un sentiment indescriptible de coolitude illustrée avec brio par le refrain. Après un Phases qui me séduit moins avec l’âpreté extrême de sa rythmique et sa voix qui éveille les excès du deuxième opus de Fever Ray, un trio vient définitivement rafler la mise: la douceur lumineuse de Pretty Puppet, l’explosif Tomboy taillé pour briller dans les charts et l’électro dansante de Polar Bear qui me rappelle dans une certaine mesure l’album Swim de Caribou. Wrong Dance et Inside prolongent le plaisir et permettent de se délecter de l’univers de ce Action qui ne cesse de s’enrichir au fil des écoutes.

Allez je vous laisse, j’ai rendez-vous avec le médecin qui doit m’aider à récupérer de mes phalanges gelées (#humourdemerdecyclique) et sur le chemin j’ai bien envie de me réécouter Action.

Sylphe

Pépite intemporelle n°4 : Louise (my girl looks like David Bowie) (2015) de Papooz

Chers Five-Minuteurs, je vois déjà poindre sur vos visages inquiets une lourde interrogation : mais où sont donc passés les deux tauliers depuis une semaine ? Oui, une semaine déjà depuis que nous avons épluché la dernière pépite intemporelle. Rassurez-vous nous sommes toujours là, et j’en veux pour preuve le bon son du jour, Louise (my girl looks like David Bowie) de Papooz.

Pépite du moment ou pépite intemporelle, la question s’est posée : le titre est assez récent, donc plutôt pépite du moment, mais dans mon petit cœur Louise (my girl looks like David Bowie) fait d’ores et déjà figure de pépite intemporelle. Et, en ces temp(érature)s qui prolongent la douceur de l’été, cette petite mélodie pop ensoleillée va certainement vous trotter dans la tête sans tarder !

Papooz, ce sont deux potes français Ulysse Cottin et Armand Pénicaut, actifs depuis maintenant plusieurs années. Le duo distille une pop interprétée en anglais et musicalement légère et gouleyante comme un picon-bière au retour de la plage, les doigts de pieds pépouze dans nos tongs. On tombe parfois sur quelques titres plus calmes tout aussi plaisants, mais celui qui nous intéresse aujourd’hui sautille comme un petit lapin qui kiffe la vie.

Louise (my girl looks like David Bowie) est tellement fun qu’on le trouve sous deux versions dans la discographie Papoozienne. Une première fois sur le EP Papooz (2015) avec, donc, un titre à rallonge mais qui vend du rêve : Louise (my girl looks like David Bowie). Des musicos qui font un clin d’œil à Bowie attirent forcément la sympathie, n’en déplaise à Eddy Mitchell. Aparté pour celles et ceux qui ont raté l’actualité récente, ce dernier a lâché une petite bombe : « Godard, pour moi, c’est un petit peu ce qu’est David Bowie au Rock’n’Roll, c’est un escroc, quoi (…) Quand vous arrivez avec une plume dans le cul et des cheveux en pétard… » Mais laissons cela de côté pour reparler de cette version initiale de Louise (my girl looks like David Bowie), interprétée à deux voix avec pour simple écrin une guitare acoustique et quelques notes de ukulélé. C’est frais, c’est caressant, c’est sucré, sensuel et pétillant.

Un an plus tard, les Papooz livrent leur premier album, plus exactement leur premier LP Green Juice (2016) sur la fin duquel, belle surprise, on retrouver une nouvelle version de cette pépite, plus sobrement intitulé Louise. Et pourtant, malgré un titre raccourci, rien ne manque au plaisir de réentendre cette douce mélodie, portée cette fois par des arrangements un peu plus fournis et hawaïens, mais toujours aussi aériens. Ça respire encore et toujours le soleil, les figues fraîches croquées directement sur l’arbre, et la sérénité d’un après-midi partagé entre sieste et activité crapuleuse.

Louise (my girl looks like David Bowie) de Papooz, c’est un peu tout ça à la fois et encore bien d’autres choses. Une pépite musicale qui s’infiltre ici, et là, et encore par là, dans chaque recoin de l’esprit et du corps. Je ne me lasse jamais de ce titre que je suis capable d’écouter en boucle et de redécouvrir chaque fois avec un plaisir accru. J’avoue un petit faible pour la première version guitare/ukulélé, mais quelle que soit la tenue, Louise (my girl looks like David Bowie) reste ce qu’elle est intrinsèquement : une pépite qui illumine et fait sautiller la vie.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°3 : Common people (1995) de Pulp

Histoire de prolonger la digression de mon ami Sylphe… Oui, nous avons pris une belle calotte scénique voici quelques jours avec le concert à la fois survitaminé et bourré d’émotions en tout genre de Her. On ne peut que saluer la prestation incendiaire et tout en classe de Victor Solf, emmenant jusqu’au bout ce projet et transcendant son amitié avec Simon Carpentier dans une leçon d’humanité, d’humilité et de fidélité. Là où il se pose, le projet Her démontre que des liens aussi forts et puissants entre deux êtres ne peuvent être rongés par rien au monde. Une putain de leçon à cette putain de vie. Respect.

En marge de ce concert (comprendre au bar post-concert), la playlist a rappelé à nos oreilles la pépite intemporelle que voici : Common People de Pulp, gravée sur l’excellent album Different Class (1995). Cette année-là, je chantais pour la première fois, le public ne me connaissais pas… Bref, cette année-là, ou plutôt dans les années 90, la britpop vit de belles heures, toutefois monopolisées par la (fausse) guerre entre Blur et Oasis. Derrière ces deux groupes polariseurs de l’attention, il ne faudrait pas oublier d’autres grandes formations comme Suede, The Verve, Cast, les Stone Roses, ou bien encore Pulp.

Different class est le 5e album studio de la bande à Jarvis Cocker, et je ne cache pas que si l’album a tourné en boucle à l’époque, c’est bien ce Common People qui reste pour moi d’une efficacité sans nom. Côté sonorités et énergie, on se croirait plongés dans un Arcade Fire, alors que c’est bien entendu impossible puisque Pulp était déjà en fin de vie que les Canadiens faisaient tout juste surface. Il n’empêche que le titre envoie une énergie assez ravageuse, que l’on retrouvera chez Arcade Fire dans Rebellion (Lies) (2004-2005) ou encore dans Sprawl II (Mountains beyond mountains) (2010). Pour la mise en images, gageons que nos amis québécois ne renieraient sans doute pas le clip de Pulp ici présent, qui mélange à la fois trouvailles visuelles et ambiance bien décalée qui font plaisir. Rien de surprenant toutefois, lorsqu’on est originaires d’un pays où il est possible de s’asseoir au bord d’un fleuve pour regarder passer les baleines, et où l’on peut partir explorer l’archipel des Mille-Îles.

Que raconte Common People ? La triste et consternante histoire d’une jeune bourgeoise qui aimerait vivre parmi et comme les common people. Autrement dit, le rêve d’une jeune friquée de sortir de son monde doré pour s’encanailler avec les gens du peuple, histoire de ressentir le grand frisson et de se sentir en vie. C’est bien le problème de ces gens-là, drapés dans leurs oripeaux et réfugiés dans des vies dépourvues de vraies relations humaines : compliqué de se sentir mort à l’intérieur malgré une abondance matérielle et superficielle. Tous les moyens sont alors bons pour tenter de retrouver un souffle de vraie vie, en fréquentant les gens ordinaires qui eux gardent les pieds sur terre et savent ressentir des émotions sincères et simples. Qui, en d’autres termes, vivent.

Ce qui est d’avance voué à l’échec, puisque les codes sociétaux et les modes de vie sont bien trop radicalement différents. Un thème vieux comme le monde : les classes sociales sont-elles fongibles entre elles ? Non. Les riches vivent entre riches, les classes populaires restent entre elles. S’il en était autrement, Bourdieu n’aurait pas écrit La reproduction, Renaud n’aurait pas écrit Adieu Minette et Brassens n’aurait pas mis en musique Les oiseaux de passage, magnifique texte de Jean Richepin. Un dernier exemple que je vous propose de réécouter pour clore ce papier du jour.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°6: La Nuit des parachutes de Terrenoire (2018)

Envie de douceur et de pop onirique? Je pense avoir ce qu’il vous faut mais je tiens à vous prévenir d’emblée: si vous lisez ce texte et écoutez le titre dans la foulée vous risquez de perdre tout libre-arbitre et de fredonner inlassablement un refrain addictif … Vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenus…

Un lendemain de claque musicale – le live brillant de Her– un besoin viscéral de bon son se fait forcément ressentir et pour pallier ce manque une intraveineuse de Terrenoire est le remède idéal. Terrenoire, un duo originaire de Saint Etienne composé de deux frères (Théo aux machines et Raphaël au chant), vient de sortir le 12 octobre son premier EP sobrement intitulé Terrenoire, en référence au quartier dont ils sont issus.

Le morceau choisi La Nuit des parachutes est un bijou de pop rêveuse et mélancolique. Des paroles poétiques incitant au lâcher prise, à se libérer de la tension du quotidien, un univers électro d’une rondeur sensuelle, un refrain lancinant d’une douceur inouië. Le tout sublimé par un clip prenant où l’on voit la danse habitée de Théo. Pour l’anecdote, ce clip est pris sur le vif, suite à un after arrosé après une émission à France Inter, et révèle la spontanéité et la sincérité qui illustrent parfaitement la musique de Terrenoire.

Allez, bonne écoute à vous! Je vous attends en bas, impossible pour moi de ne pas sauter…

Sylphe

Review n°12: AAARTH de The Joy Formidable (2018)

Le Pays de Galles se résumait musicalement pour moi, jusqu’à maintenant, à la troupeThe Joy Formidable débridée et follement euphorisante de Los Campesinos. Désormais je pourrai y ajouter un groupe de rock percutant et novateur, The Joy Formidable, que je découvre avec ce quatrième opus intitulé AAARTH (arth signifiant ours en gallois). C’est donc paré d’une virginité à aucune autre pareille que je vais vous présenter cet album, sans avoir donc volontairement écouté les trois opus précédents (bah oui à Five-Minutes on bosse dur, on a une grosse semaine de concerts et ce soir Her nous attend après avoir écouté jeudi les dandys de Feu Chatterton).

Accrochez-vous, je vais partir sur des évidences… Un groupe de rock qui fonctionne c’est avant tout une voix et des talents d’interprétation (en l’occurrence la charmante Ritzy Brian), des riffs de guitare féroces et un sens de la mélodie imparable (#toutlerestecestdelabranletteintellectuelle). Et bien The Joy Formidable et son nom de groupe qui donne le sourire possède tout cela, donc ça fonctionne sacrément bien!

L’album commence sur des bases relativement classiques mais particulièrement solides, la débauche sonore de Y Bluen Eira se marie avec brio au chant incantatoire de Ritzy Brian, The Wrong Side démontre le sens précis de la mélodie pour un résultat plus pop et Go Loving est parcouru d’une tension sensuelle digne de The Kills. Ce tryptique pose avec sobriété les bases d’un album résolument rock.

C’est Cicada (Land on Your Back) qui va nous infliger la première décharge électrique. Les cigales en fond, un chant sombre à la Karen O, des guitares vrombissantes et cette cithare qui vient apporter une touche psychédélique séduisante. La richesse instrumentale est incontestable et j’ai l’impression d’écouter la BO d’un western futuriste… The Joy Formidable continue avec délectation son exploration sonore avec All in All, ballade d’une douceur délicieuse qui laisse place à une montée finale électrique bien sentie.

Les bons morceaux ne cessent alors de s’enchaîner, What For et son univers rock digne du dernier opus d’Interpol, The Better Me et ses riffs acérés, Absence et la légèreté de sa mélodie au piano. Les deux derniers tiers de l’opus sont véritablement de haut vol et ce n’est pas l’âpreté électrique de Dance of Lotus ou encore la décharge finale de Caught on a Breeze qui viendront atténuer cette impression d’un album où la lave incandescente ne cesse de couler impétueusement, tout en étant paradoxalement domptée avec finesse.

Voilà en tout cas, pour moi, la dose d’énergie qui devrait me permettre d’aborder plus sereinement cette âpre dernière semaine avant les vacances de la Toussaint. Et vous, vous allez bien vous prendre un petit shot de rock électrique pour tenir non?

Sylphe

Clip du jour n°4 : Le café (2006) de Oldelaf & Monsieur D

En ces temps quelque peu troublés où nous manquons tout à la fois d’un ministre de l’Intérieur et de miel à cause des frelons asiatiques qui dévorent nos chères abeilles (aucun lien de parenté), un aliment ne nous fait, lui, pas défaut : le café. Ce breuvage qui, chaque matin, sauve des milliers d’entre nous incapables de s’arracher à la tiédeur d’un lit pour aller s’enfiler des journées de boulot interminables. Alors que, Five-minuteurs que nous sommes, nous pourrions aisément nous contenter de partager du bon son avec vous !

Justement, petit retour en 2006 avec ce Café d’Oldelaf et Monsieur D : un sympathique titre survitaminé qui accompagne parfois mon réveil, ou éventuellement mon trajet maison-boulot. Un texte plutôt bien enlevé et interprété, soutenu par une petite guitare rythmique qui fait du bien à la plante des pieds. A la plante des pieds ? Oui, parce que ce genre de son à la fois léger et sautillant me fait l’effet d’un coussin d’air à ressorts qu’on glisserait sous moi pour m’alléger le pas.

Les plus attentifs d’entre vous auront noté que nous sommes dans la catégorie « Clips ». Non content de livrer une chansonnette bien troussée et terriblement drôle, Oldelaf y adjoint un clip que j’adore : court métrage d’animation, dans un style graphique rappelant Les triplettes de Belleville qui auraient sniffé de la coke et bouffé des amphétamines à tour de bras. Mais non, notre personnage n’a finalement pris que du café, en quantité certes déraisonnable.

C’est à la fois naïf et audacieux, et c’est surtout un bel exemple de clip s’accordant parfaitement avec l’univers musical du titre. Faut-il voir dans la journée de notre héros une lecture cynique et critique d’un monde moderne où tout n’est plus qu’urgence et hommes pressés ? Un monde où l’on passe pour de dangereux oisifs dès lors que l’on laisse de côté productivité, rentabilité et suractivité ?

Pour ma part, je préfère imaginer une autre façon de boire mon café que comme un stimulant permettant de bosser et tenir le coup jusqu’au pétage de plombs intégral : un café lentement passé, servi dans un mug (rouge de préférence, c’est plus joli) et tranquillement dégusté. Là où il s’écoule, le café plaisir donne à la vie une saveur qui ne ressemble à aucune autre. Note : le joli mug rouge pourra aussi servir à boire un thé vert (à l’amande par exemple), autre petit plaisir simple de la vie.

Raf Against The Machine

Five Titles n°1: The Dog and the Future d’Agar Agar (2018)

Après des débuts tonitruants avec leur premier EP Cardan et une victoire aux Inrocks labAgar Agar en 2016, le duo français Agar Agar composé de Clara Cappagli et Armand Bultheel nous revient plus en forme que jamais avec ce premier opus The Dog and the Future. Ici pas question de se figer et de se retrouver pris dans des tentacules gélifiantes, le groupe continue à explorer avec talent et justifie de faire déjà une date à l’Olympia début décembre. Voici 5 titres qui devraient vous convaincre de faire connaissance avec les français d’Agar Agar

1. Le morceau d’ouverture Made est très subtile dans sa construction progressive. Au synthé angoissant du début qui fonctionnera tout le long comme une ritournelle obsédante viennent se superposer progressivement de nombreux autres synthés et au final la voix chaude de Clara. Cette impression de voir se dessiner sous nos yeux un paysage sonore intemporel est séduisante.

2. Le single Sorry About the Carpet est brillant et la recette est d’une limpidité incontestable. Prenez la nonchalance sensuelle de la voix de Clara, une note de synthé tenue avec une rigueur sans faille (#onaretrouvéDavidGuetta) et un refrain mélodique à souhait et vous obtenez ce beau bijou tout en contrastes.

3. Fangs Out est un morceau, quant à lui, plus tourné vers le dance-floor. Sa construction est plus complexe et destabilise brillamment. Après une entrée lunaire et angoissante marquée par un hurlement de chien (animal qui parcourt tout l’album) qui m’évoque Faithless (le début, pas le chien hein?), les percus prennent le dessus et la rythmique s’accélère. Marqué par les ruptures de rythme, le morceau rappelle les débuts plus électro du duo.

4. Shivers me rappelle d’emblée l’univers du premier opus de Fever Ray. Electro sombre et chamanique, ce morceau nous offre un ciel noir comme l’encre qui ne laisse jamais passer la lumière pop propre au duo. Etouffant…

5. Requiem est un morceau d’une douceur sépulcrale. L’impression d’une musique classique jouée par un orgue robotique qui démontre le potentiel pouvoir cinématographique du duo.

Sylphe

Review n°11: Radiate de Jeanne Added (2018)

Au milieu de tout le battage médiatique qui anime la sortie du nouvel opus de ChristineJeanne Added.jpg and The Queens (bah oui, son album précédent était bon et en plus elle nous joue le changement de pseudo et la carte androgyne à fond, il n’en faut pas plus pour les médias…), on pourrait presque oublier que Jeanne Added vient de sortir son deuxième opus, Radiate. Ici, à Five-Minutes, on défend la veuve et l’orphelin, et surtout le bon son! On va tranquillement laisser Chris choisir ses tenues SM dans son armoire et savourer le bijou Radiate, produit par le duo Maestro.

Le premier opus Be Sensational avait été pour moi une bien belle découverte, révélant les talents d’interprète de Jeanne Added dans des ambiances électro très sombres, illuminées par deux éclairs d’une intensité inouië Look at Them et Be Sensational. Une atmosphère volontiers anxyogène qui risquait de voler en éclats face au succès de Jeanne Added?

La pochette de ce Radiate laisse assez peu la place au suspense et tranche littéralement, Jeanne Added s’affiche sans se cacher derrière un flou artistique et des volutes de fumée sur un fond d’une blancheur angélique. Radiate, album de la rédemption? Dès les premières écoutes, il est évident que l’atmosphère est plus apaisée et plus lumineuse avec une volonté affirmée de mettre davantage en avant la superbe voix de Jeanne Added. Je vous rassure, les démons intérieurs ne sont pas entièrement chassés et on retrouve avec délectation les synthés plus âpres qui révèlent les failles encore présentes.

Remake démontre d’emblée la richesse vocale de Jeanne entre chuchotement envoûtant et voix qui déploie majestueusement ses ailes. Cette ouverture tout en douceur est prolongée par Falling Hearts qui monte joliment en puissance et où le chant m’évoque avec plaisir Natasha Khan de Bat for Lashes. Le début de l’album pourrait paraître angélique mais Radiate vient vite nous ramener sur terre avec son synthé angoissant et entêtant. Ce morceau est une pépite qui monte inlassablement jusqu’à cette impression de saturation sonore finale. Ouf les démons sont toujours là…

Before the Sun et sa rythmique plus électro qui passerait presque inaperçue tant la voix porte le morceau ainsi que le soleil Mutate et son refrain éblouissant résument finalement parfaitement les diverses aspirations de cet album. Loin d’être tiraillée par ces aspirations à première vue opposées, Jeanne Added nous offre sa sérénité et on se laisse guider avec plaisir dans cette deuxième partie de l’album. Alors oui je ne suis pas plus séduit que cela par la rythmique très 90’s d’Enemy ou le dépouillement du classique Harmless mais que dire de la manière d’asséner les mots dans Both Sides ou de la mélancolie de Song 1-2 qui rappelle l’introvertie maladive qu’était Björk à ses débuts…

On me fait signe que Christine a fini de faire son choix face à son armoire et que je me suis encore montré trop bavard, je rends donc l’antenne. Je ne vous ferai pas l’injure de vous dire ce que j’ai pensé de cet album tant la réponse doit vous paraître évidente… Bonnes écoutes à vous!

Sylphe