Les vacances peuvent être l’occasion de tomber sur des petits concerts sympas, ce fut
mon cas lors des mardis de Plouescat, dans le Finistère Nord, où j’ai eu la chance d’assister à une belle performance scénique d’un artiste signé chez Kitsuné (label dont les célèbres compilations ont fait connaître des groupes comme Hot Chip et Two Door Cinema Club) en la personne de Marc Mifune, alias Les Gordon. En plus d’oeuvrer dans deux duos, Leska avec Douchka et Mondrian avec Roman Oswald, Les Gordon a entamé une carrière solo, marquée par quatre EP entre 2014 et 2016 et ce premier album studio intitulé La. Pour finir de vous donner une idée du personnage, Les Gordon a eu la chance de faire les premières parties de Stromae et Fauve, ce qui ma foi est gage de qualité…
Dès le superbe morceau d’ouverture Lantern, l’univers est clairement défini avec une électro subtile à base de boucles et de synthés. L’impression d’une superposition musicale très travaillée dont la palette de sons m’évoque le travail de Bibio ou le premier album de Baths. L’album se place résolument sous le signe d’une candeur séduisante, ce qui est confirmé par les clips qui mettent en avant de jeunes adultes. Le résultat est tout simplement lumineux et d’une apparente simplicité assez bluffante et devrait vous permettre de garder le sourire pendant ce mois de septembre au rythme souvent infernal. Je vous invite en particulier à savourer Interlaced et sa rythmique plus affirmée, Formation et son début qui évoque les morceaux de Fauve, le petit bijou de douceur qu’est Carole ou encore l’ambiance un peu plus rock (enfin tout est relatif bien sûr!) de Phobia. Je peux aussi souligner la qualité des featurings avec Timsters sur le très pop Live It Up qui réveille le fantôme de Hot Chip ou encore le flow de Shang High sur le surprenant Point of you.
Voilà en tout cas mon coup de coeur électro de cet été qui est déjà prêt à tourner en boucles pour lutter contre l’arrivée de la mélancolie automnale.
Voilà un titre découvert par hasard et qui ne cesse de me trotter dans la tête depuis quelques jours, il est l’oeuvre d’un groupe à la typographie surprenante, half•alive. Pour être honnête, je ne les connais pas du tout et leur discographie n’en est qu’à ses débuts avec un EP de 3 titres en 2017, sobrement intitulé 3.
Le clip est plutôt séduisant avec une chorégraphie assez originale qui n’est pas sans m’évoquer les clips farfelus d’Ok Go. On flirte sans cesse entre performance scénique et humour décalé pour un résultat très frais à l’image de la musique qui m’intéresse plus particulièrement aujourd’hui. Une pop décomplexée aux rythmiques volontiers groovy, une voix de chanteur à la très grande amplitude…. il ne m’en faut pas davantage pour savourer la mélodie et leur souhaiter un succès à la Two Door Cinema Club. still feel ou l’art de sentir bien vivant…
La première moitié de 2018 a livré du très bon son. Nous qui reprenons nos activités bloguesques avons du pain sur la planche pour proposer un tour d’horizon des mois passés. Commençons par une des perles du tout début d’année, le nouvel opus d’Arthur H intitulé Amour Chien Fou.
Un double album qui percute dans tous les recoins de nous où les émotions vont se lover. Arthur H est amour et nous le fait savoir. Amour pour ses parents, qui ont chacun droit à un titre. Le passage (pour Jacques), une navigation vers la lumière finale, filée d’une métaphore cinématographique. C’est brillant et bouleversant, et prend encore une autre dimension maintenant que ce grand bonhomme nous a quittés. La boxeuse amoureuse (pour Nicole), un pur bijou piano-voix doublé d’une admiration qui suinte à chaque note. Amour pour sa famille aussi, à travers Brigade légère qui égrène chaque composante de la tribu H dans une bouleversante déclaration. « Aimons-nous vivants » disait l’autre, « Aimons-nous » (tout court) a-t-on envie de surenchérir.
Arthur H est aussi et surtout amoureux de la vie et d’une femme, que l’on sait être sa compagne Léonore Mercier, artiste plasticienne sonore, très impliquée dans cet album pour notre plus grand plaisir. L’osmose entre les deux est totale et permet à Arthur de nous promener astucieusement dans son univers pour une déclaration d’amour sans cesse revisitée et multiforme.
Les textes infusent le sentiment amoureux au fil des titres. « J’ai déjà oublié comment ne plus t’aimer » dans Reine de cœur, « Je te respire et tu m’inspires » pour Sous les étoiles à Montréal, ou encore ce Carnaval chaotique : « Petit amour / Tes seins en pointe me changent en passoire / Tes sources coulent / Tu peux passer ». Ce dernier texte n’étant pas sans rappeler le torride et moite Marilou reggae d’un certain Serge G. Amour Chien Fou (chanson éponyme) déroule des tentatives de définition de ce qu’est l’amour, sur une rythmique pop légère avant une inattendue bascule musicale. Impossible d’isoler une portion du texte tant l’ensemble forme un tout. On retiendra aussi Moonlove déesse, un autre titre qui sexualise corps et esprit : « J’escalade les collines divines de Moonlove / Le drapeau de l’amour bien planté sur Moonlove ». Sans oublier Assassine de la nuit, un titre dont je suis absolument raide dingue et qui se pose à mon cœur comme la déclaration d’amour absolue. Fatale, tout simplement.
Tout le talent de cet album est de jouer aussi pleinement sur la musique, en mélangeant les ambiances douces, passionnées, torrides, jouissives. Double album donc, avec une première galette Amour faisant la part belle aux ambiances intimistes et acoustiques. La dame du lac développe des nappes électros pour une ambiance mystique d’une sensualité redoutable. Moonlove fantaisie s’ouvre sur « Une averse de caresses » relayée par des notes-perles qui tombent et s’infiltrent dans chacun de nos interstices. On retrouve aussi des personnages de la galaxie Arthur H, comme Lily Dale, sorte de sœur de Melody Nelson déjà croisée sur l’excellent album Négresse blanche en 2003 (il y a 15 ans à peine, il y a 15 ans déjà…), dans un titre d’une douceur infinie qui raconte les amours de Lily. Enfin, l’Inversion mélancolique, l’autre titre dont je suis fou, avec ses samples en boucle et ce « vieux truc qui remonte à la surface ».
La seconde galette Chien fou opte plutôt pour le terrain pop, parfois dansant, pour compléter avec classe le premier disque. Assassine de la nuit (encore elle… j’avais prévenu, elle est partout en moi) transpire l’amour sensuel et intense, tandis que Tokyo kiss serait une déclinaison de l’indispensable film Lost in translation (une improbable rencontre amoureuse, néanmoins évidente et imparable). Plongée dans un délire purement Arthur H avec Nosferatu, sorte de clin d’œil au Champagne de Jacques H et lecture originelle du mythe vampire, romantique et amoureux. Sans oublier Il/Elle qui, sous couvert d’une mélodie légère, aborde avec finesse et humour le sujet du changement de sexe et de l’identité de chacun. Un titre d’amour par excellence, à travers l’affranchissement du corps et des modélisations sociétales pour vivre totalement ce que l’on est et ce qui nous appelle.
Peut-on être amour sans être chien fou ? C’est au final la question posée par ce double opus qui, décidément, reste pour moi le meilleur album d’Arthur H. Des morceaux qui se gravent en moi écoute après écoute, et me collent toujours un peu plus à la peau. Mais je m’éloigne… Quoique. Amour fou pour cet Amour Chien Fou qui a du chien. Peut-on être amour sans être chien fou ? Non, clairement non : tels deux êtres indéfectiblement liés et connectés, la première galette est indissociable de la seconde, et réciproquement. Les deux se chargent conjointement de nous rappeler que, là où il se niche, notre chien fou ne trouvera son équilibre que dans un savant mélange de passion et de douceur amoureuses.
Indispensable, percutant, bouleversant, tonique : procurez-vous et écoutez cet Amour Chien Fou sans aucune réserve, avec votre amoureux-se… ou tout du moins en pensant fort à elle-lui. Hyper.
Au début des années 2000, les critiques musicaux ont constaté un véritable renouveau du rock, porté par des groupes jeunes ayant pour certains connu un succès d’estime considérable. Au milieu de The Strokes, Kasabian, Bloc Party, The Killers ou encore Franz Ferdinand, Interpol a su s’imposer dans une veine plus post-punk. Hier est sorti leur cinquième album Marauder toujours signé sur le label Matador Records, ainsi que le clip du morceau If You Really Love Nothing. Le morceau percutant se situe dans la lignée des albums précédents et s’avère brillamment illustré par un clip réalisé par HallaMatar. Ce clip tout en noir et rouge -clin d’oeil aux premières pochettes du groupe- est porté par Kristen Stewart qui incarne avec brio une jeune femme hédoniste qui prend avec légèreté le monde qui l’entoure. Les mouvements de caméra rapides et le goût prononcé pour les plans-séquence épousent avec merveille l’impossibilité de la jeune femme à se poser, guidée qu’elle est par son envie de ne pas respecter les codes. Une surenchère perpétuelle qui laisse le spectateur tout aussi conquis que médusé, à l’image du jeune homme du début. Voilà finalement en Kristen Stewart une belle métaphore du groupe (n’oublions pas qu’elle sort du coffre du taxi amenant Interpol) qui se vante de ne rien respecter, sauf nos oreilles pleines de gratitude de ce morceau.
Voilà le genre de nom de groupe énigmatique qui a le don de susciter la curiosité. Curiosité somme toute assez relative me concernant car cela fait de nombreuses années que je connais ce groupe sans avoir véritablement écouté assidûment un album. Il était temps de pallier ce manque et d’accoler une étiquette musicale à ce groupe américain formé autour du chanteur Ben Gibbard. Thank You for Today est le dixième opus déjà et je ne vous cache pas que je vais chroniquer cet album en véritable novice, ayant fait le choix de ne pas écouter les neuf albums précédents.
Dès les premiers titres, la recette musicale de Death Cab for Cutie apparaît de manière assez évidente. Une voix douce-amère très chaudement entourée de synthés vaporeux qui me rappelle l’utilisation des voix par Moby à la fin des années 90, une pop qui se déroule majestueusement et s’avère empreinte d’une nostalgie savoureuse. Une pop faussement surannée qui fait écho pour moi à cette fin d’été, l’impression de voir se dérouler sous nos yeux des polaroïds ayant capté des moments de bonheur fugace. Le trio d’entrée I Dreamt We Spoke Again, Summer Years et Gold Rush s’impose donc comme un beau moment de rêverie éveillée.
L’ambiance sait cependant se faire plus sombre par la suite avec entre autres l’excellent When We Drive et son introduction digne d’Arcade Fire qui annoncent une deuxième partie de l’opus un peu plus rock. Sans être transcendental, le trio Northern Lights, You Moved Away et Near/Far fonctionne bien et donne du corps à l’album avec une nette préférence pour Near/Far et sa rythmique imparable. Une fois les deux directions de l’album -pas si antinomiques finalement- délimitées, l’album se clot sur une superbe ballade au piano 60&Punk, tout en dépouillement et en grâce qui m’évoque la BO de Magnolia par Aimée Mann. Voilà en tout cas un beau travail d’orfèvre qui me conforte dans l’idée d’avoir voulu lever le mystère Death Cab for Cutie. Il ne vous reste plus qu’à lever le voile vous aussi désormais.
Chez Five-Minutes, on privilégie la zenitude et le refus de se laisser dévorer par le rythme insoutenable du temps. Tout ceci pour dire que, non contents d’avoir relancé le blog, on s’est gentiment pris deux semaines de vacances bretonnes dans la foulée pour se remettre de nos émotions. Plus sérieusement, il est temps de mettre dans un coin de la tête tous les bons souvenirs de vacances et de parler musique. Cette pépite du moment tourne depuis un moment sur ma platine et j’avais le besoin irrépressible de la partager. Pour ceux qui ne connaissent pas Jeanne Added, cette artiste française à la formation jazz, très proche du groupe The Dø, a sorti en 2015 un très beau premier album Be Sensationnal porté entre autres par le magnifique single mélancolique Look at them. J’ai eu la chance d’assister à un de ses concerts, qui n’a fait que confirmer tout le bien que je pensais de l’album et aiguiser mon envie d’un second opus. Ce dernier, intitulé Radiate, sortira le 14 septembre et a été précédé de deux titres, Radiate, morceau sombre à l’atmosphère angoissante et Mutate que je vous propose aujourd’hui. Ce titre est d’emblée plus facile à rattacher à l’univers de Be Sensationnal, sans cesse tiraillé entre la mélancolie de la voix sublime de Jeanne Added et l’attraction sous-jacente du dance-floor. Un hymne à la danse parfaitement illustré par le clip. De mon côté, il ne m’en fallait pas plus et j’ai déjà pris ma place pour son concert du 30 novembre à l’Astrolabe d’Orléans. A savourer sans aucune modération.
Parce que c’est l’occasion de retrouver Max Richter, aux commandes notamment de la BO de The Leftovers, sans doute la plus grande et bouleversante série TV de ces dernières années. Histoire de s’en persuader, si ce n’est déjà fait, on (re)verra à volonté ces 28 épisodes incroyables sublimés par le son de Max Richter.
Parce que c’est aussi l’occasion de retrouver Elizabeth Moss, sans doute une des plus grandes et bouleversantes actrices de notre époque. Histoire de s’en persuader, si ce n’est déjà fait, on (re)verra Mad Men, Top of the Lake ou encore La servante écarlate.
Parce que, parfois, il faut savoir se taire et laisser parler musique et images. Dont acte.
Pour cette première pépite du moment, je suis particulièrement ravi d’avoir des nouvelles de Clemens Engert, alias Alien Hand Syndrome qu’on avait laissé en 2014 après la parution de son deuxième opus, l’excellent Slumber. Ce titre annonce un futur EP intitulé Tales Of Waking et réveille les démons animant l’esprit torturé à souhait du groupe. Le clip est à l’image du titre, sombre et mélancolique. Les violons en fond viennent atténuer la rage contenue dans la voix et donnent à ce morceau un véritable aspect cinématographique. Voici en tout cas un morceau noir comme l’encre qui me séduit pleinement et me fait espérer avec impatience l’EP.