Review n°9: Waves de Pale Grey (2018)

Histoire de filer la métaphore de Raf Against The Machine je vous invite à vous installer Pale Greytranquillement ici, pas besoin de projeter votre regard au loin pour chercher désespérément un passage piéton, il n’y a qu’à se laisser porter par le son…

Il en aura finalement fallu peu pour que je sois séduit par les belges de Pale Grey, 2/3 titres de la fin de leur concert au festival Hop Pop Hop m’ont clairement mis la puce à l’oreille et donner envie d’écouter cet album sorti en mars dernier, Waves. Bien m’en a pris car le trio aidé du producteur Yann Arnaud qui a déjà oeuvré pour Air ou Phoenix démontre un talent créatif aussi jouissif que communicatif.

Pour définir cet album hétérogène et follement inventif je dirais que Waves est une créature hybride sans cesse tiraillée entre une pop aérienne et savamment orchestrée à la Grizzly Bear et une pop plus bricolée et ludique à la Alt-J. L’ensemble étant porté par la très convaincante voix du chanteur au spectre très étendu et une tendance prononcée à surprendre perpétuellement.

Le morceau d’ouverture Billy commence en douceur, offrant une pop lumineuse à l’orchestration gracile et somme toute assez classique jusqu’à cette fin surprenante et plus sombre qui éveille immédiatement l’intérêt. Et ce n’est pas Grace qui va faire retomber le soufflé, loin de là…Une voix très grave, un gimmick au synthé entêtant qui révèle la richesse discordante de l’instrumentation, un refrain plus pop permettent à ce Grace d’être juste imparable… Loss et son univers plus classique ainsi que Grace qui fonctionne sur un contraste de voix assez séduisant coulent doucement sans surprendre particulièrement avant l’ovni Late Night qui vient subitement rebattre les cartes de ce Waves. Des synthés spatiaux et le flow percutant du rappeur Serengeti contrastent brillamment avec un refrain plus pop, l’ensemble me donnerait presque envie de poser mon flow sur le morceau (enfin, vu mon niveau en anglais, on parlerait davantage de flot de purée…#Raffarinwintheyes).

Ghost prolonge le plaisir et on retrouve sur ce morceau tout ce qui a fait le succès de Thom Yorke et Archive, l’orchestration léchée (piano, drums) et cette voix grave qui se perd dans la réverb pour donner un caractère irréel au morceau. Un Blizzard convenu qui s’apparenterait davantage à une petite bise évoquant Malajube et un intermède piano Light amènent à un nouveau sommet de l’album Crow qui est dans la droite lignée de Hunter. Ca bidouille brillamment et pour autant ça garde une homogénéité assez surprenante que ne renierait pas Alt-J tout comme le morceau final Wave, vaste odyssée mélodique de 12 minutes d’une gourmandise dévorante. C’est gourmand, c’est croquant comme dirait l’autre… (#oreillesquisaignent, voir ici ).

Voilà en tout cas la musique que j’aime, inventive et sans cesse désireuse de briser les barrières. A savourer sans modération en attendant d’aller changer littéralement votre avenir en traversant cette fichue autoroute.

Sylphe

Pépite intemporelle n°2 : Killing in the name de Rage Against The Machine (1992)

Suffit-il de traverser la rue pour trouver une pépite musicale intemporelle ? J’en doute un peu, quoique cela puisse dépendre de la largeur de la rue et de ce qu’on trouve sur le trottoir d’en face. En revanche, une petite virée sur Five Minutes et c’est le bon son assuré. J’en veux pour preuve la livraison du jour, avec ce Killing in the name des chauds bouillants Rage Against The Machine (aka RATM). Que n’a-t-on encore pas dit ou écrit sur ce titre et ce groupe ? Rien, et c’est bien pour ça que nous n’en dirons pas plus… ou si peu.

Il faut se rappeler le contexte, en 1992, de l’arrivée dans les bacs et dans nos oreilles du premier album de RATM. Plusieurs groupes envoient déjà du lourd à l’époque, et mon petit cœur de rocker vibre alors à haute dose de Pearl Jam, Nirvana, Red Hot Chili Peppers ou Noir Désir, sans savoir que des albums et groupes majeurs vont ponctuer les années 90 : le OK Computer (1997) de Radiohead, le Grace (1994) de Jeff Buckley ou encore le Mellon Collie and the Infinite Sadness (1995) des Smashing Pumpkins.

C’est pourtant un son bien nouveau et inattendu qui arrive de la lointaine Californie, porté par quatre lascars fous furieux. Une sorte de funk metal posé sur une rythmique de bûcherons, littéralement illuminé par la guitare de Tom Morello et incendié par le phrasé hip-hop de Zach de la Rocha. A la première écoute, j’avoue ne pas avoir saisi toutes les paroles. En revanche, j’ai très vite ressenti que le groupe portait parfaitement son nom. Là où il se terre, tout esprit un tantinet rebelle se sent écouté, entendu, emporté par la Rage Against The Machine. Machines en tout genre broyeuses d’êtres humains. Systèmes politiques au service de fake dirigeants plutôt que d’œuvrer au bien-être du plus grand nombre et de la collectivité. Dès lors, on ne s’étonna pas de retrouver le groupe hyper engagé politiquement et socialement, sur la gauche très à gauche de l’échiquier idéologique.

Revenons toutefois sur le plan musical, pour s’émerveiller, plus de 25 ans après, de l’incroyable énergie intacte dégagée par RATM, et ceci au fil de ses quatre albums studios. Ça groove, ça tabasse, ça jumpe, c’est souvent massif mais le son reste incroyablement mélodieux et surtout identifiable aux premières notes. Cette folie musicale s’illustrera surtout maintes fois sur scène, comme en témoigne le Live at the Grand Olympic Auditorium (2003). Et l’actualité des rééditions vinyles tombe à pic (à moins que ce ne soit cette chronique, telle un Colt Seavers en jean bien moulant), puisque ces 5 albums seront de nouveau proposés dès le 28 septembre dans des versions remasterisées : l’occasion d’agrandir sa vinylothèque (= sa collection de disques vinyles, pas celle des tenues SM planquées sous le lit) avec 5 galettes à faire frémir les enceintes et les murs du salon. Tout ça sans traverser la rue.

Raf Against The Machine

Clip du jour n°3: Queens de The Blaze (2018)

Cette nouvelle semaine débutera sous le sceau de l’image et de la perle sonore qui l’accompagne, à savoir le titre Queens de The Blaze. Ce groupe français, composé de deux cousins, a sorti en 2017 un EP Territory qui propose une musique électronique originale et particulièrement cinématographique. Le duo s’est rapidement illustré par la qualité de ses clips qui révèlent un intérêt primordial dans la mise en images de leur univers. Lorsque l’on sait que Jonathan a fait une école de cinéma à Bruxelles, il y a comme une évidence qui pointe son nez…

Le 7 septembre dernier le duo vient de sortir son premier album studio Dancehall dont je vous parlerai peut-être ultérieurement s’il arrive à se démarquer définitivement de ma déjà très longue liste d’albums prétendant à une review sur Five-Minutes… C’était l’occasion pour eux de nous offrir un nouveau clip brillantissime, illustrant avec talent et émotion le titre Queens. Le titre en lui-même est déjà sublime, la voix éraillée, la rythmique obsédante qui laisse place à des moments de répit empreints d’émotion. Mon addiction à ce morceau est totale et l’addiction n’en devient que plus forte à la vue de clip.

Ce clip volontiers réaliste présente le milieu gitan sans idéalisation aucune. On retrouve ainsi le désoeuvrement général de tous ces jeunes entre runs de voiture et armes à feu. Cette toile de fond devient un écrin pour le couple central qui illumine ce clip, deux jeunes femmes qui possèdent un lien aussi évident que suggestif (deux amies? deux amantes qui se cachent aux yeux de leur communauté?). Le clip nous offre toute une série d’instants volés qui soulignent la violence et la force de ce duo fusionnel. Ces instants n’en rendent que plus poignante la douleur du deuil vécu brillamment illustrée par la scène de la jeune femme au milieu des hommes. Ce deuil permet aussi de mettre en valeur la force de la communauté gitane avec ce début majestueux mettant en valeur le deuil collectif.

Pour finir, j’aime particulièrement la rapidité des mouvements de caméra à l’épaule qui permettent de prendre conscience du tourbillon émotionnel que vivent ces deux jeunes femmes, tourbillon qui monte en puissance jusqu’à son dénouement funeste et pudique. L’enchaînement des scènes de la piscine et de la caravane est juste magnifique…

Je crains d’avoir été trop bavard alors je vous laisse en charmante compagnie avec Queens de The Blaze

Sylphe

Review n°8: Vertigo de Blow (2018)

Quand le chanteur Quentin Gugliemi te lance, en plein concert lors du festival Hop Pop

Blow
Hop d’Orléans, « Je veux voir vos abricots et vos courges s’envoler » tu as alors pleinement conscience que le groupe Blow aborde avec second degré son succès et que leur musique va t’aider à planer. Le quatuor, composé de Pierre-Elie Abergel (batterie), Jean-Etienne Maillard (guitare) et du charismatique Thomas Clairice à la basse, a sorti début juin son premier opus au nom prémonitoire Vertigo après 3 EP. Vos envoyés spéciaux de Five-Minutes ont courageusement rempli la mission d’assister à un live de Blow en éclusant quelques bières pour éviter la désydratation qui pointe rapidement son nez en ce mois de septembre ensoleillé, histoire de se faire une idée encore plus précise de ce Vertigo.

Le résultat s’avère, ma foi, d’une limpidité assez évidente et j’ai conscience d’être face à un bien bel opus de synth-pop. Les ingrédients de ce Vertigo ne surprendront pas les afficionados de ce style musical, des synthés omniprésents, des rythmiques assez percutantes qui contrastent parfaitement, des textes plus sombres qui tranchent sur une musique à première vue assez légère, des choeurs qui infusent un parfum pop et une voix qui fait bien le job pour donner encore un peu plus d’épaisseur à l’ensemble. Pour ceux qui aiment les références, je dirai que j’ai souvent pensé à M83, époque Hurry up, We’re Dreaming, en écoutant cet album.

De cet album à qui je reprocherai peut-être une trop grande homogénéité se détachent quelques beaux moments qui justifient plusieurs écoutes de ce Vertigo. Le morceau d’introduction Vertiges, totalement instrumental, ouvre assez majestueusement l’album et découvre petit à petit un paysage sonore lunaire. Un sentiment de danger latent fait peu à peu son apparition sur la fin et fait la transition avec New Moon Walker qui nous ramène dans un univers plus pop, les choeurs sont de sortie et la rythmique s’est affirmé. Les morceaux s’enchaînent avec une (trop?) grande fluidité, on pense à Les Gordon sur les premières secondes de Fall in Deep ou au cultissime album Play de Moby sur Melancholia. Finalement je suis séduit par les morceaux à première vue moins lisses, It’s All a Lie et sa rythmique survitaminée qui lorgne vers la jungle ou encore l’originalité de la rythmique et les drums de Resentment.

Maintenant il me faut reconnaître que derrière mon petit coeur de ménagère se cache un abricot qui ne demande qu’à danser et s’envoler, donc je reconnais volontiers que la guitare de Get Some est juste jouissive et que le single You Killed Me on the Moon, même s’il possède des ingrédients très évidents, est juste imparable. J’ai le fessier qui frémit de plaisir et la sensualité du son de Blow me transporte…

Voilà en tout cas un bien beau premier album de synth-pop qui aura peut-être le pouvoir de vous transporter et vous métamorphoser en ménagère soucieuse de faire voyager son abricot. Je n’ai plus qu’à vous claquer deux bises sur les fesses comme dirait Quentin pour finir son concert et vous souhaiter une bonne écoute!

Sylphe

Review n°7 : Bonheur & Tentation de Hubert-Félix Thiéfaine (1996-1998-2018)

Bonheur-Tentation-Double-Vinyle-blancs-et-Double-Vinyle-noir-GatefoldSi vous avez pris l’apéro avec nous mercredi dernier, vous ne serez pas surpris que l’on revienne avec une quadruple galette (sans mauvais jeu de mots aucun), qui est tout à la fois une pépite intemporelle et un tournant dans la carrière d’Hubert-Félix Thiéfaine (HFT). Après une virée américaine à travers les Chroniques bluesymentales (1990) et les Fragments d’hébétude (1993), Hubert revient en quelques sortes aux sources avec, coup sur coup, deux albums miroirs : La tentation du bonheur (1996) et Le bonheur de la tentation (1998). Composés et pensés comme un seul album, ces deux opus sont aujourd’hui réunis en un quadruple LP Bonheur & Tentation (2018) à la faveur de l’année Thiéfaine, célébrant 40 années de chansons par la réédition méticuleuse de chaque album studio en vinyle.

Septembre est donc l’occasion, outre des journées interminables et chargées de joyeusetés professionnelles, de redécouvrir un HFT qui renoue avec l’Europe (puisqu’enregistrement  entre Paris, le Jura, Londres et Bruxelles) mais aussi avec son vieux compagnon Tony Carbonare à la production et aux arrangements. Ce même Tony Carbonare qui pilota jadis les premiers albums d’Hubert, à la fois créatifs en diable, allumés, irrévérencieux et délurés. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ambiance est au rendez-vous au fil des 23 pistes. HFT livre le paquet en semblant nous dire « Voilà tout ce que je sais faire ». Et il le fait furieusement bien.

On retrouve, bien entendu, une poésie fine et ciselée à travers des titres comme Critique du chapitre 3, Des adieux, Empreintes sur négatif ou Bouton de rose, tous musicalement très intimistes et assez bouleversants. Mais… car il y a un mais… ce qui me frappe toujours dans ce double album, c’est le délire rock à la fois totalement débridé et maîtrisé au plus haut point qui habite la majorité des titres. Par les guitares mises en avant d’une part : il suffira d’écouter La nostalgie de Dieu, Dans quel état Terre ou Retour vers la lune noire pour s’en convaincre. Par la grosse ambiance blues/rock d’autre part qui suinte de morceaux comme 27e heure : suite faunesque ou Copyright apéro mundi.

Plus encore, par les textes : comme toujours chez Thiéfaine, il va falloir ouvrir grand ses oreilles et son cerveau pour plonger dans des mots rocks et poétiques d’une audace renversante. Ça parle de bargeots, de Dieu, d’alcool(s), de cul (et de bite aussi), de nuits improbables et de journées inavouables. Entre autres morceaux choisis, et pour vous mettre l’eau à la bouche et ailleurs… « Dieu est amour / Et Jésus change le beurre en vaseline / Dieu est in »« Et quand le pinocchio baveux / Poussera ma brouette à l’Ankou / J’veux faire des bulles avec mon nœud / Pour éloigner les loups-garous / J’veux qu’on m’déglace au gin-synthol / Dans une boite de Joseph Cornell / Ou à la vodka chez Warhol / avec du tomate Campbell »« Sacrifices de blaireaux sur les tombeaux flétris / de tes groupies mondains aux synapses éclatées »« Le vernis de ses ongles s’écaillait sous ma ceinture / Et le rouge de sa bouche re-stylée Lolo Ferrari / Laissait des traces sur ma layette et sans jouer les durs / J’commençais à germer de violents projets d’infamie ».

Bien difficile de s’arrêter là, tant chacun des textes me transporte la tête à chaque fois. C’est tout autant jouissif que bourré d’humour et de références en tout genre : après chaque écoute, il en ressort une sensation d’être un peu plus intelligent, ou tout du moins un peu moins con. Je confesse (oui mon père Hubert, j’ai pêché…) un attachement tout particulier aux couples Orphée nonante huit / Eurydice nonante sept et La philosophie du chaos / Le chaos de la philosophie, mais aussi aux Psychopompes/Métempsychose et sportswear ainsi qu’à la 27e heure : suite faunesque, qui ruisselle littéralement d’une moiteur sexuelle vénéneuse et religieuse (oui oui, tout ça dans le même morceau). Le coup de grâce, c’est l’Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable qui clôt (presque) le tout : là où il s’exprime, le talent d’HFT est tout simplement imparable.

Pour les retardataires motivés ou les amateurs de dernière minute, rappelons que ce grand bonhomme célèbrera ses 40 années de chansons par une mini-tournée de 12 dates en octobre et novembre prochains. On me signale dans l’oreillette qu’il reste des places sur plusieurs dates. Moi-même, j’ai déjà craqué et irai souffler les bougies un de ces douze soirs, parce que Thiéfaine (qui plus est sur scène), c’est inratable et inoubliable. A la fois Bonheur & Tentation, et inversement.

Raf Against The Machine

Five Reasons n°2: Joy as an Act of Resistance de Idles (2018)

Pour fêter ce début de semaine, de nouveau éclairé par ce soleil devenu quasi-Idlesintemporel, j’ai envie d’invoquer le dieu de la pluie et de déchaîner les éléments pour briser cette impression que le temps est figé depuis deux mois. Oui, lecteur, tu commences à douter de ma santé mentale et tu ne comprends pas pourquoi je ne savoure pas de manière oisive ce beau temps ô combien savoureux… Que veux-tu j’ai décidé de parler d’un album punk ce matin alors j’essaye de me mettre dans le ton. Ils sont Anglais, menés par un chanteur charismatique Joe Talbot qui a son lot de tatouages obligatoires pour un punk (on est dans les stéréotypes mais c’est de l’humour hein?) et se sont fait remarquer dès leur premier opus incendiaire au nom évocateur Brutalism en 2017. Idles, pour ne pas les citer (#prétéritionforever), vient donc de sortir un nouvel album fin août intitulé Joy as an Act of Resistance, album qui tourne en boucle chez moi et que je vous propose de découvrir à travers cinq raisons incontestables!

  1. Le punk n’est pas véritablement le style de musique qui me séduit a priori le plus et ma vie n’a pas connu de changement brutal (perte de mon animal de compagnie, emploi du temps détestable, dégradation des repas à ma cantine scolaire et j’en passe) qui pourrait me donner envie de trouver une musique exutoire. Du coup, c’est un indice évident pour prouver la qualité de cet album.
  2. J’aime l’aspect frontal de cette musique qui parle aux tripes. Joe Talbot assène, sans jamais tomber dans la caricature, des textes poignants avec une énergie folle et follement communicative. Je vous invite par exemple à découvrir la perception de la télévision par le groupe dans le titre Television.
  3. La variété des atmosphères instrumentales est globalement intéressante. Alors oui il y a une batterie martiale et sous acide, des riffs de guitare à vous écorcher les ongles mais on peut trouver des morceaux plus apaisés comme Cry To Me ou des bijoux de structure comme le morceau d’ouverture Colossus. Ce dernier, porté par une rythmique lente et implacable, monte inlassablement avec toute la rage contenue dans le chant de Joe Talbot . Le morceau s’interrompt littéralement au bout de 4 minutes et finit en une déflagration sonore totalement décomplexée.
  4. Le pouvoir mélodique de certains refrains est séduisant, donnant une tonalité plus rock. Le sommet de l’album pour moi, Danny Nedelko, est ainsi brillamment porté par un refrain rock jouissif.
  5. Le titre de l’album n’est pas mensonger et Idles véhicule des messages forts qui ne peuvent que plaire. Le racisme est dénoncé (voir le clip de Danny Nedelko qui invite à rapprocher toutes les minorités de l’Angleterre) et Joe Talbot démonte littéralement l’homophobie dans Puritans en brisant le mythe de la virilité. Des messages qu’il est toujours bon de répéter dans cette société en recul sur la tolérance…

Sylphe

Review n°6: The Horror de Get Well Soon (2018)

Chroniquer un album de Get Well Soon pourrait apparaître sur ma liste des petits Get Well Soonplaisirs simples de la vie, non pas que la musique de Konstantin Gropper soit forcément facile d’accès mais parce que le plaisir d’écoute est sans cesse renouvelé. Mon histoire d’amour avec Get Well Soon a commencé en 2008 avec le brillant premier opus Rest now, weary head!…., coup de foudre immédiat pour cette pop baroque qui flirte comme sur un fil entre spontanéité et esthétisme. Deux ans plus tard, avec Vexations, l’insouciance des débuts s’est un peu estompée et l’aspect plus sombre et moins grandiloquent nous incite à vivre notre couple plus posément. En 2012, avec The Scarlet Beast O’Seven, les premières frictions somme toute assez légères ont fait leur apparition mais n’étouffent en rien mon envie de me projeter encore et toujours vers le futur avec Get Well Soon. Un superbe moment de plénitude avec LOVE en 2016 a confirmé mon attachement sans limite et c’est avec une certaine appréhension que je décide de faire le point sur ma relation avec le groupe originaire d’Allemagne en écoutant ce cinquième opus au nom angoissant The Horror.

Les premiers accords de Future Ruins -Pt2 me rassurent d’emblée… des cordes viennent doucement tisser une atmosphère aérienne digne de Cinematic Orchestra et confirment l’attirance sans limite pour les musiques de films de Get Well Soon. La voix de Ghalia Benali à laquelle vient se marier celle de Konstantin Gropper dans la deuxième partie plus rock du morceau est envoûtante et on prend conscience qu’en 6 minutes il y a plus de propositions instrumentales que dans le dernier Muse (libres à vous de remplacer Muse par n’importe quel artiste qui vous déçoit après des débuts tellement séduisants). The Horror prolonge le plaisir, les premiers instants nous donnent l’impression d’être dans la BO de Twin Peaks puis le morceau prend une surprenante tournure printanière et volontiers primsautière. Nous sommes en terrain conquis même si la fin plus affirmée vient rompre quelque peu l’alchimie parfaite entre la voix et les violons.

Les beaux moments vont ainsi se multiplier, Martyrs et ses drums entêtants alliés aux cuivres tente une approche plus légère de la pop toujours contrebalancée par la voix caverneuse de Konstantin, objectif aussi pleinement assumé par Nightjogging et son featuring convaincant Kat Frankie ou encore le sautillant (How To Stay) Middle Class. J’apprécie aussi les morceaux plus dépouillés dans l’orchestration (enfin tout est relatif par rapport à l’ensemble baroque) comme le très beau Nightmare No.3 (Strangled) d’une douceur incomparable.

Comme dans toute relation amoureuse, on prend plaisir à retrouver en l’autre tout ce qui nous a séduit et ce The Horror m’offre un univers baroque toujours soutenu avec brio par la voix expressive de Konstantin Gropper. Quelques surprises comme cette tentation d’une pop à première vue plus légère me permettent de briser une routine qui peut mener à un désintérêt progressif et me permettent d’envisager sereinement les années à venir avec Get Well Soon, à l’image du final grandiloquent et résolument optimiste du dernier titre (Finally) A Convenient Truth.

Pour illustrer cet album, il n’y a pas véritablement de clips mais un ensemble assez conceptuel de 8 courts métrages dont voici le premier qui vous permettra de voir les talents d’acteur de Konstantin Gropper en serveur…

Sylphe

Five Reasons n°1 – 24 heures dans la nuit d’un faune (1996) de Hubert-Félix Thiéfaine

Retour au siècle dernier, position 1996 : Thiéfaine (HFT) publie La tentation du bonheur. Plus fort encore, HFT donnera en 1998 un frère jumeau et miroir à cette Tentation du bonheur, intitulé Le bonheur de la tentation. Dans le cadre de l’année Thiéfaine et de la célébration de ses 40 ans de carrière, on a droit à une réédition vinyle complète des albums studios, et ce mois de septembre voit la sortie de Bonheur & Tentation, réunion des volets blanc et noir d’une même aventure musicale. C’est cette réédition que j’aurais dû vous reviewer ici-bas ici-même. Mais là où il se pose, le mois de septembre nous laboure de son rythme implacable : impossible de chroniquer rapidement cette double perle sur un coin de table sans saloper le tout.

Chers Five-Minuteurs, vous patienterez donc, le temps que votre serviteur peaufine son papier. Néanmoins, en guise d’apéro, je vous propose 5 bonnes raisons de mettre dans vos oreilles le morceau d’ouverture de La tentation du bonheur. Pourquoi donc écouter ces 24 heures dans la nuit d’un faune ?

  1. Parce que le titre est du pur Thiéfaine que l’on peut retourner dans tous les sens, telle la fille des 80 chasseurs avec laquelle on se serait enfermé dans les cabinets, pour en saisir toutes les subtilités. 24 heures dans une seule nuit, ça n’existe pas, sauf dans le Thiéfaine Monde.
  2. Parce que ce premier morceau est rock et déluré à souhaits. On retrouve l’ambiance barrée et poétique qui nous avait un peu manquée avec les deux albums précédents enregistrés aux States.
  3. Parce que Thiéfaine convoque de nouveau Tony Carbonare à la production et aux arrangements, déjà aux manettes sur les tous premiers albums porteurs de pépites comme L’agence des amants de Madame Müller ou La Maison Borniol.
  4. Parce que, au cœur du texte, cette putain de phrase « J’commençais à viser les gones quand t’as saisi ma crosse / En me disant ‘Chéri tu vois pas qu’ce sont des gosses’ / J’t’ai répondu ‘Mon amour tu vois pas qu’j’suis un serbo / croate en train d’rêver d’un weekend à Sarajevo' ». 1996 : on est alors en plein traumatisme de la guerre en ex-Yougoslavie, faut quand même oser. Si ça c’est pas de la rock attitude…
  5. Parce que ces 24 heures dans la nuit d’un faune sont annonciatrices d’une sacrée poignée de titres complètement incroyables dispersés sur deux albums (et 4 galettes), que nous explorerons ensemble sous peu en taxiphonant d’un pack de Kro (rappelons que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé).

 

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°5: Love Is Magic de John Grant (2018)

On ne remerciera jamais assez les membres du groupe folk Midlake d’avoir aidé l’ancien leader du groupe The Czars à lutter contre ses démons et remonter la pente afin de créer le bijou de folk Queen of Danemark en 2010. Deux opus, Pale Green Ghosts en 2013 et Grey Tickles, Black Pressure en 2015, n’ont fait que confirmer le talent de John Grant qui casse les codes de la folk avec mélancolie. Le 12 octobre sortira le quatrième album intitulé Love Is Magic dont est tiré le titre éponyme du jour.

L’ambiance de ce titre est volontiers saturée de synthés qui viennent envelopper d’un voile de mélancolie une voix toujours aussi expressive. La rythmique lancinante s’imprime subrepticement en nous et vient appuyer la beauté du texte. Et que dire du clip? John Grant aime surprendre et nous offre un regard empreint de bienveillance sur des dresseuses de chiens, férues de concours. Il fallait bien un titre de John Grant pour que je me surprenne à ressentir une forme de sympathie envers de telles passionnées du monde canin. En tout cas, si vous êtes intéressé(e)s par les viagers vous savez désormais où vous diriger et si vous êtes un homme ne désespérez pas, vous pouvez tout de même participer aux concours canins!

Trêve de plaisanteries je vous laisse avec la douce mélancolie de John Grant pour commencer cette nouvelle semaine…

Sylphe

Review n°5: Souldier de Jain (2018)

Fin d’année 2015, un petit bout de femme d’une vingtaine d’années nous inflige uneJain détonante dose de fraîcheur avec son premier opus, Zanaka (enfance en malgache). Jain, en référence à la religion du jaïnisme que je vous invite à découvrir dans le brillant roman Pastorale américaine du regretté Philip Roth , nous illumine avec une pop spontanée et humaniste qui s’inspire des multiples séjours à l’étranger (Dubaï, Congo, Abu Dhabi) de l’artiste. Cette facilité à entremêler les musiques du monde pour créer une pop aussi personnelle que faussement simple permet à Jain de connaître un succès immédiat, lui permettant de gagner la Victoire de l’artiste féminine en 2016. Les débuts sont idylliques et, en écoutant ce deuxième opus Souldier, j’espère que le voile de la spontanéité ne va pas se déchirer et que je vais pouvoir rester dans le monde idéalisé cher à Jain.

Les premières notes de On My Way surprennent d’emblée, l’ambiance paraît plus sombre et plus électro et la voix beaucoup plus affirmée. J’ai l’agréable impression de découvrir un trip-hop moderne tout en subtilité et originalité, comme le prouve la surprenante fin orientalisante. Flash (Pointe-Noire) et son introduction portée par les cuivres digne d’un Wax Tailor nous ramène dans des terres qui nous sont plus habituelles, une pop plus facile d’accès et particulièrement recherchée dans l’instrumentation (ahhh ces violons…). Alright, un de mes morceaux préférés, reste dans cette veine d’une pop addictive qui allie le phrasé plus hip-hop de Jain à un univers digne de Bollywood. Oui l’image peut paraître surprenante mais Jain a pour objectif de briser les barrières de manière assez évidente. Mon sommet de l’album est le très émouvant Oh Man porté par les percussions et les ruptures de rythme que je vous laisserai savourer dans la vidéo ci-dessous.

L’objectif n’est bien évidemment pas de vous résumer l’album en entier mais je constate avec plaisir l’évolution du chant de Jain qui sait se faire protéiforme. Puissant dans le plus classique Feel It que ne renierait pas une Sia, c’est dans un flow plus hip-hop que Jain me suprend, évoquant Nneka ou Selah Sue dans Inspecta ou encore Adu Dhabi. Comparé à Zanaka, ce Souldier gagne en diversité dans les atmosphères, allant de la douceur downtempo du très beau titre éponyme Souldier à la rythmique âpre du plus dispensable Star. Cette diversité aboutit cependant à une belle homogénéité et confirme qu’il va falloir compter sur la pop du monde de Jain pour les années à venir. Et puis franchement lorsque l’on se permet d’attaquer un morceau sur l’air d’Inspecteur Gadget c’est bien là une manière de nous convaincre que l’enfance de Jain est, pour notre plus grand plaisir, loin d’être finie…

 

Sylphe