Review n°7 : Bonheur & Tentation de Hubert-Félix Thiéfaine (1996-1998-2018)

Bonheur-Tentation-Double-Vinyle-blancs-et-Double-Vinyle-noir-GatefoldSi vous avez pris l’apéro avec nous mercredi dernier, vous ne serez pas surpris que l’on revienne avec une quadruple galette (sans mauvais jeu de mots aucun), qui est tout à la fois une pépite intemporelle et un tournant dans la carrière d’Hubert-Félix Thiéfaine (HFT). Après une virée américaine à travers les Chroniques bluesymentales (1990) et les Fragments d’hébétude (1993), Hubert revient en quelques sortes aux sources avec, coup sur coup, deux albums miroirs : La tentation du bonheur (1996) et Le bonheur de la tentation (1998). Composés et pensés comme un seul album, ces deux opus sont aujourd’hui réunis en un quadruple LP Bonheur & Tentation (2018) à la faveur de l’année Thiéfaine, célébrant 40 années de chansons par la réédition méticuleuse de chaque album studio en vinyle.

Septembre est donc l’occasion, outre des journées interminables et chargées de joyeusetés professionnelles, de redécouvrir un HFT qui renoue avec l’Europe (puisqu’enregistrement  entre Paris, le Jura, Londres et Bruxelles) mais aussi avec son vieux compagnon Tony Carbonare à la production et aux arrangements. Ce même Tony Carbonare qui pilota jadis les premiers albums d’Hubert, à la fois créatifs en diable, allumés, irrévérencieux et délurés. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ambiance est au rendez-vous au fil des 23 pistes. HFT livre le paquet en semblant nous dire « Voilà tout ce que je sais faire ». Et il le fait furieusement bien.

On retrouve, bien entendu, une poésie fine et ciselée à travers des titres comme Critique du chapitre 3, Des adieux, Empreintes sur négatif ou Bouton de rose, tous musicalement très intimistes et assez bouleversants. Mais… car il y a un mais… ce qui me frappe toujours dans ce double album, c’est le délire rock à la fois totalement débridé et maîtrisé au plus haut point qui habite la majorité des titres. Par les guitares mises en avant d’une part : il suffira d’écouter La nostalgie de Dieu, Dans quel état Terre ou Retour vers la lune noire pour s’en convaincre. Par la grosse ambiance blues/rock d’autre part qui suinte de morceaux comme 27e heure : suite faunesque ou Copyright apéro mundi.

Plus encore, par les textes : comme toujours chez Thiéfaine, il va falloir ouvrir grand ses oreilles et son cerveau pour plonger dans des mots rocks et poétiques d’une audace renversante. Ça parle de bargeots, de Dieu, d’alcool(s), de cul (et de bite aussi), de nuits improbables et de journées inavouables. Entre autres morceaux choisis, et pour vous mettre l’eau à la bouche et ailleurs… « Dieu est amour / Et Jésus change le beurre en vaseline / Dieu est in »« Et quand le pinocchio baveux / Poussera ma brouette à l’Ankou / J’veux faire des bulles avec mon nœud / Pour éloigner les loups-garous / J’veux qu’on m’déglace au gin-synthol / Dans une boite de Joseph Cornell / Ou à la vodka chez Warhol / avec du tomate Campbell »« Sacrifices de blaireaux sur les tombeaux flétris / de tes groupies mondains aux synapses éclatées »« Le vernis de ses ongles s’écaillait sous ma ceinture / Et le rouge de sa bouche re-stylée Lolo Ferrari / Laissait des traces sur ma layette et sans jouer les durs / J’commençais à germer de violents projets d’infamie ».

Bien difficile de s’arrêter là, tant chacun des textes me transporte la tête à chaque fois. C’est tout autant jouissif que bourré d’humour et de références en tout genre : après chaque écoute, il en ressort une sensation d’être un peu plus intelligent, ou tout du moins un peu moins con. Je confesse (oui mon père Hubert, j’ai pêché…) un attachement tout particulier aux couples Orphée nonante huit / Eurydice nonante sept et La philosophie du chaos / Le chaos de la philosophie, mais aussi aux Psychopompes/Métempsychose et sportswear ainsi qu’à la 27e heure : suite faunesque, qui ruisselle littéralement d’une moiteur sexuelle vénéneuse et religieuse (oui oui, tout ça dans le même morceau). Le coup de grâce, c’est l’Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable qui clôt (presque) le tout : là où il s’exprime, le talent d’HFT est tout simplement imparable.

Pour les retardataires motivés ou les amateurs de dernière minute, rappelons que ce grand bonhomme célèbrera ses 40 années de chansons par une mini-tournée de 12 dates en octobre et novembre prochains. On me signale dans l’oreillette qu’il reste des places sur plusieurs dates. Moi-même, j’ai déjà craqué et irai souffler les bougies un de ces douze soirs, parce que Thiéfaine (qui plus est sur scène), c’est inratable et inoubliable. A la fois Bonheur & Tentation, et inversement.

Raf Against The Machine

Un commentaire sur “Review n°7 : Bonheur & Tentation de Hubert-Félix Thiéfaine (1996-1998-2018)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s