Reprise du jour n°11 : Little parcels of an endless time (2015/2023) de/par Asaf Avidan

fyxnlbhy4y6zb_600Penchons aujourd’hui nos oreilles sur une vraie-fausse reprise. N’étant jamais aussi bien servi que par soi-même, il peut être judicieux pour un artiste de se reprendre lui-même, et de revisiter son répertoire. Bien d’autres l’ont fait avant Asaf Avidan, mais c’est sur lui que nous nous arrêtons. Depuis 2020, l’auteur-compositeur-interprète se balade dans ses propres titres qu’il réinterprète en version acoustique. Sobrement intitulés In a box, la démarche en est à son troisième volume, sorti voici quelques jours sur toutes les bonnes plateformes. Au menu de ce dernier, 13 titres piochés ça et là, et notamment dans l’excellent Gold Shadow (2015). Cet album, peut-être le plus dylanien de l’artiste, contient de la pépite à tout va. Et ce dès les premières notes. C’est toutefois Little parcels of an endless time qui me sonne à chaque fois, tellement le morceau marche sur des œufs intimistes durant les couplets, pour prendre une ampleur folle aux refrains. Avec, comme toujours, la voix hors norme d’Asaf Avidan.

Huit ans plus tard, on retrouve Little parcels of an endless time dans ce In the box III. Asaf Avidan en fait une version encore plus bouleversante. Sèche jusqu’à l’os tout en restant d’une générosité incroyable, il n’en reste que la rythmique guitare sur laquelle se déroulent les envolées vocales stratosphériques du garçon. Une version dépouillée et captée live dans l’instant. C’est imparable. Les poils partout sur le corps, comme un truc qui vous parcourt du bout des doigts de pieds jusqu’aux extrémités des neurones. Un peu plus de 4 minutes de pure émotion, qu’Asaf Avidan conclut quasi a capella du bout des lèvres. C’est d’une beauté fulgurante. C’est Asaf Avidan.

Histoire de profiter pleinement de cette pépite qu’est Little parcels of an endless time, voici en écoute la version acoustique, et juste en dessous la version originale. Asaf Avidan par Asaf Avidan.

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°10 : Louie Louie (1957/1993) de Richard Berry par Iggy Pop

415SV1ETGDLVoilà un moment que nous n’avons pas exploré le champ des reprises en tout genre. On se rattrape sans plus tarder en se penchant sur Louie Louie, classique du rock qui connut moult versions depuis sa naissance en 1957. Nous n’allons pas toutes les égrener : pour cela, il faudrait presque un blog complet consacré à ce seul morceau. Néanmoins, attardons nous sur 3 versions et demi de la chanson. Pourquoi demi ? Nous l’allons voir sous peu. Pour resituer l’action, Louie Louie a été écrite et interprétée originellement par Richard Berry et son groupe d’alors The Pharaohs. Richard Berry le musicien américain né en 1935 et décédé en 1997, et non pas le comédien français qui mange des yaourts Sveltesse face caméra. Louie Louie paraît initialement en face B du 45 tours You are my sunshine, et raconte l’histoire d’un marin qui explique à un barman nommé Louie qu’il doit partir en Jamaïque retrouver sa fiancée. Le titre est très marqué par un rythme calypso. Face B et rythm and blues aux sonorités des caraïbes : autant dire que rien ne prédestinait Louie Louie à devenir le classique rock que l’on connaît. C’est cette première version disponible ci-dessous à l’écoute.

Il faudra attendre 1963 et une reprise par The Kingsmen pour voir Louie Louie glisser tranquillement mais sûrement sur le terrain rock. Le groupe, originaire de Portland et considéré comme précurseur du garage rock, revisite le titre en y injectant de la guitare électrique, de la basse, une batterie et un chant bien plus rugueux que celui de Richard Berry. Un chant parfois marmonné par Jack Ely, chanteur de la formation. Ce dernier, n’ayant pas saisi toutes les paroles, fait parfois du yaourt (finalement, on y revient), et laisse penser aux autorités qu’il chante en réalité des obscénités. La chanson fera même l’objet d’une enquête du FBI en 1964. Autres temps, autres mœurs. Si le FBI avait su, à l’époque, que Louie Louie serait plus tard revisité par un des groupes et son chanteur des plus provocants, il aurait rangé son enquête fissa.

Au cœur des années 1970, Iggy Pop & The Stooges vont s’approprier Louie Louie sur l’album Metallic KO (1976). C’est la demi version dont je parlais plus haut. Non pas qu’elle soit minime ou faite à moitié. Le son est bien celui des 70’s rock. Radicalement plus sec et électrique que celui de The Kingsmen, il fait entrer le titre dans ce qu’il y a de plus punk avant l’heure et de plus sauvage. Surtout, cette interprétation préfigure celle qu’en donnera Iggy Pop en 1993 sur son album American Cæsar. Dans un joyeux bordel rock fait de guitares saturées surplombées par une voix inimitable, le chanteur américain défenestre littéralement la douce et chaloupée version originelle de Richard Berry. Si on vous demande un jour ce que c’est le rock, voilà possiblement un début de réponse : un titre initialement paru en face B d’un 45 tours qui vit sa vie depuis maintenant 66 ans au gré des reprises et revisites en tout genre. Dans le respect de l’original, en ajoutant à chaque fois une énergie brute et vitale que les anciens n’avaient pas envisagé ou osé. La rock attitude, c’est maintenant et c’est ici.

Reprise du jour n°9 : The Letter (1967/1970) de The Box Tops par Joe Cocker

Poursuite de notre petite virée dans le monde merveilleux et sans fin des reprises : après Feeling good (à relire/réécouter ici), restons dans la deuxième moitié desR-1972905-1469205055-5541 années 1960 avec The Letter, standard pop-rock-soul tombé dans les bacs dans sa version originelle par The Box Tops en août 1967, puis repris dès 1970 dans une version survitaminée par Joe Cocker. En l’espace de 3 années, le monde et la société connaissent des bouleversements définitifs, tout comme le monde de la musique. The Letter en est, par ces deux versions, une excellente illustration.

D’un côté, The Box Tops et 1967. Le groupe, originaire de Memphis (Tennessee), se forme autour de son chanteur Alex Chilton. Ils sortiront 4 albums entre 1967 et 1969, dans un mélange de pop-rock psychédélique (n’oublions pas ce qui se passe alors à Londres notamment depuis quelques mois avec l’émergence de Pink Floyd) et de soul. Les termes de blue-eyed soul (soul aux yeux bleus) ou white soul (soul blanche) ont été utilisés à l’époque pour distinguer la musique soul faite par les musiciens blancs de celle faite par les musiciens noirs. Cette distinction s’inscrit dans le contexte particulier de la lutte pour les droits civiques et du climat sociétal de l’époque.

De l’autre, Joe Cocker et 1970. Il aura suffi de trois petites années et de l’explosion du bluesman de Sheffield pour revisiter et dynamiter la bluette pop-rock de The Box Tops. Presque simultanément à la reprise incandescente du With a little help from my friends des Beatles, Joe Cocker livre ici une version soul des plus fiévreuses. Le rauque de sa voix le dispute aux cuivres chauds et sonores qui ponctuent l’ensemble. En bref, la reprise n’a rien à envier à l’original et gagne très nettement notre préférence. Comme un super son qui ferait danser, jusque dans le fond des océans, les algues au rythme de la musique (#défidujour).

Courez écouter cette merveille si vous ne la connaissez pas. Remettez là en montant le son et en fermant les yeux si vous connaissez : vous savez que cette reprise by Joe Cocker est imparable.

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°8: Nightcall de Kavinsky par London Grammar (2013)

Il faut se rendre à l’évidence, je n’arrive pas à m’ôter de la tête la reprise de Nightcall par London Grammar, présente sur leur premier album If You Wait… Ce n’est pas une forme de paresse intellectuelle ou de manque d’inspiration car j’ai de nombreuses idées en stock, en particulier les derniers albums de Julia Stone ou Kira Skov, enfin je vais m’arrêter là car c’est manquer de respect à ce superbe Nightcall qui se suffit amplement à lui-même. Nous connaissons forcément tous le titre initial de Kavinsky artiste du très recommandable label Record Makers, qui a eu le bonheur d’être le titre-phare de la BO du film Drive sorti en 2011. Thriller porté par le duo Ryan Gosling/ Carey Mulligan et ses ambiances nocturnes citadines d’une grande beauté, Drive est sublimé par sa bande-son et son compositeur Cliff Martinez. C’est au peu connu Kavinsky que revient l’honneur d’offrir ce Nightcall qui me file des frissons à chaque écoute presque 10 ans plus tard. Une ambiance électro avec un son lourd et une boîte à rythmes imparable, cet appel téléphonique entre le héros en fuite à la voix robotisée et la voix fragile de la chanteuse de CSS, Lovefoxxx, qui souligne avec simplicité l’attirance incontrôlable qui l’anime. La ligne mélodique de fond est addictive et ce titre touche au sublime, ce qui n’empêche pas London Grammar d’oser s’attaquer à ce bijou dès son premier album. Une reprise d’une grande douceur et d’un esthétisme saisissant s’appuyant sur un piano central et la voix poignante d’Hannah Reid. Ce Nightcall nous emmène dans un ailleurs poétique sans renier l’univers sombre du titre original, je crois sans trop m’avancer que cela représente la recette ultime d’une reprise, donner un second souffle pour un titre qui n’en manquait déjà pas… Voilà un duo parfait pour illuminer ce début de weekend prolongé bien sombre, enjoy!

 

Sylphe

Reprise du jour n°7 : Big in Japan (1984/2008) de Alphaville par Ane Brun

81oA0IH6PzL._SS500_Après la déferlante émotionnelle de la semaine dernière liée à Gaëtan Roussel et à son album Est-ce que tu sais ?, explorons une reprise aussi improbable que chargée, elle aussi, d’émotions. Ces dernières années, les 80’s ont le vent en poupe, que ce soit dans la mode vestimentaire, les productions culturelles avec des séries comme Stranger Things ou Dark, mais aussi la mise en avant de l’individualisme, de la réussite à tout prix, des grosses bagnoles inutiles et du pognon. C’est une autre histoire bien sûr,  nous ne nous y attarderons donc pas ici. Mais, comme on dit dans le métier, c’est une façon de planter le décor et de contextualiser ce que l’on va raconter ensuite. Les années 1980 sont de retour parmi nous, aujourd’hui en 2021. Pourtant, la reprise du jour de Big in Japan du groupe Alphaville par Ane Brun, titre éminemment célèbre des 80’s, date d’il y a 13 ans. De là à dire que cette dernière fait figure de pionnière, il n’y a qu’un pas de danse que je franchis allègrement.

D’un côté, l’année 1984 et Alphaville. Groupe de new-wave allemand originaire de Münster (comme quoi, l’Allemagne ne produit pas que des bonnes bières et des saucisses, mais chez Five-Minutes nous en sommes déjà convaincus… Berlin, si tu nous lit… <3), le trio emmené par Marian Gold débute en 1981 sous le nom de Nelson Community. Trois ans plus tard, ils deviennent Alphaville, en référence au film de science-fiction Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution réalisé par Jean-Luc Godard. Voilà qui en impose déjà plus. Ne reste qu’à créer le son qui les propulsera à l’avant de la scène musicale. Ce sera le jackpot dès le premier album Forever young, sorti en septembre 1984 et contenant pas moins de 3 hits planétaires : Forever young (titre éponyme), Sounds like a melody et donc Big in Japan. Ce dernier est en réalité sorti dès janvier 1984 en single préparatoire au 33 tours (comme on disait à l’époque, c’est pour vous mettre dans l’ambiance). Côté sound 80’s, tout y est : les synthés métalliques, la boucle rythmique, la batterie électronique sortie de sa boîte à rythmes, et une voix haut placé, produite comme un mix du jeune Robert Smith chez les Cure et d’un Nicola Sirkis sorti du Indochine mid-80’s. S’ajoutent la mélodie du titre et son refrain, entêtants à souhait. En fermant les yeux, facile de revoir notre enfance tout autant que d’imaginer un club berlinois intemporel où je pourrais danser, avec toi, au milieu des autres mais où seul ton regard compterait.

De l’autre côté, 24 ans plus tard, Ane Brun se lançant à l’assaut, non pas des ombres sur l’eau, mais de ce single a priori intouchable qu’est Big in Japan. Intouchable, rien ne l’est mais lorsqu’un titre marque autant son époque et se trouve aussi référencé, se pose la question de comment le reprendre. Ane Brun a trouvé. Cette chanteuse norvégienne, de son vrai nom Ane Brunvoll, voit le jour en 1976. Elle a donc 8 ans lorsque sort Big in Japan. Impossible qu’elle soit passée à côté à l’époque, même si jeune. Après plusieurs singles en 2003 et 2004, puis un EP, Ane Brun enregistre en 2008 Changing of the seasons, son troisième album studio. Elle y glisse, au milieu de ses compositions, cette reprise totalement inattendue de Big in Japan. Totalement inattendue, car son univers musical est assez éloigné de celui d’Alphaville. En effet, Ane Brun évolue plutôt dans le registre pop-folk acoustique, marqué par une guitare, parfois un piano ou quelques nappes de synthés ou de cordes, et surtout une voix très en avant, capable de prouesses mélodiques assez hypnotiques. Voilà le secret de cette reprise si réussie : plutôt que d’aller chercher une pale imitation de l’original, vouée à l’échec immédiat, Ane Brun s’attaque à ce single-image mémorielle d’un temps révolu (quoiqu’on en dise) avec ses propres armes et sa propre personnalité artistique. Le résultat ? Une interprétation bouleversante de beauté, exclusivement construite sur un guitare-voix comme on les aime. L’accompagnement musical est minimaliste et discret, pour laisser s’exprimer toute la puissance feutrée de la voix de la chanteuse. C’est à la fois intimiste, pénétrant, et chargé en émotions à faire se dresser les poils. Un moment de temps suspendu, au cœur du temps malgré tout. L’idée que je me fais d’un moment de douceur à tes côtés. Au bord de l’océan de préférence, mais peu importe le lieu. Où que l’on soit, ce moment-bulle résonnera comme cette reprise : une évasion totale, une sérénité absolue.

Clip officiel de Big in Japan (1984)
Interprétation live de Big in Japan par Ane Brun sur TV Noir (2019)

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°6 : Heartbreak Hotel (1956/2011) de Elvis Presley par Hanni El Khatib

30061487863Petite re-plongée dans le monde merveilleux des reprises, avec aujourd’hui une virée entre rock’n’roll et blues. Et, pour bien faire les choses, un grand écart entre le milieu du 20e siècle et le début du 21e, soit presque 60 années de distance pour écouter deux interprétations d’un titre mythique qui a fait frissonner des millions d’oreilles, mais pas que. Heartbreak Hotel est un standard comme on n’en fait plus. Le genre de morceau identifiable dès les premières notes. Un souvenir collectif, une image mentale constitutive de la grande Histoire au travers de nos petites histoires personnelles respectives. Il y a fort à parier que cette chanson évoque à chacun de nous un moment de vie, des circonstances précises dans lesquelles nous l’avons découverte, ou encore un instant précis où elle a résonné. Ecrite par Tommy Durden et Mae Boren Axton, Heartbreak Hotel a connu son heure de gloire dès 1956, grâce à un certain Elvis Presley.

D’un côté donc, le King. Né en 1935, le garçon commence sa carrière musicale à 20 ans à peine en 1954, en explorant un savant mélange de country et de rhythm and blues, qu’on appellera bientôt le rockabilly. Ce n’est pourtant que deux ans plus tard (soit en 1956, nous y voilà), qu’Elvis décroche son premier n°1 avec… Heartbreak Hotel. Ce qui fait la force de ce titre à l’époque, c’est le tempo légèrement inférieur à tout morceau rock’n’roll et quelque peu traînant, mâtiné d’une sensualité qui suinte à chaque note. Avec cette ballade, la légende Elvis est en marche, autour de prestations alliant sa voix hors norme, mais aussi une gestuelle sensuelle, pour ne pas dire sexuelle, qui affole les jeunes générations et scandalise les parents. Au terme d’une carrière de 23 ans, il deviendra l’artiste solo ayant à ce jour vendu le plus de disques dans le monde : affichées autour de 600 millions, les ventes réelles sont estimées autour du milliard. Aucun autre artiste solo n’a atteint ces chiffres dans l’histoire de la musique, hormis les Beatles mais au titre de groupe. A la naissance de cette incroyable notoriété, Heartbreak Hotel en 1956. En quelque sorte l’acte originel musical d’une des plus grandes icônes culturelles.

De l’autre côté, Hanni El Khatib. Musicien américain né en 1981, près de 4 ans après la mort d’Elvis Presley, il débute sa vie professionnelle comme directeur artistique dans le monde des vêtements de skateboarders, tout en faisant de la musique en amateur. C’est pourtant ce dernier univers culturel qui va prendre le dessus. Après avoir enregistré deux singles en 2010, Hanni El Khatib publie son premier album Will the guns come out à l’automne 2011. Dans un style musical fait de garage rock et de blues, ce premier opus mélange des titres punk, et d’autres plus soul. En février 2012, le journal Le Monde parlera d’un album qui « rayonne de sauvagerie et de sex-appeal ». Une formule on ne peut plus juste. Dans cette ambiance, pas étonnant de retrouver une reprise de Heartbreak Hotel assez différente de la version originale, mais tout aussi incendiaire dans la sensualité dégagée. Une interprétation dépouillée et à l’os qui fait monter la température d’un bon cran dès les premières notes, que ce soit celles jouées par la guitare ou celles chantées par Hanni El Khatib.

Bien d’autres artistes ont repris Heartbreak Hotel au cours des décennies d’existence du titre. De John Cale à Billy Joel, en passant par Bruce Springsteen, Michael Jackson ou encore Paul McCartney, des dizaines d’artistes se sont frottés à la revisite de cette chanson. Sans, toutefois, y injecter l’énergie sensuelle qu’Elvis a su y mettre à sa création, et que Hanni El Khatib a su retrouver 55 années plus tard. Etranges sensations de vie et de plaisir, procurées par un morceau inspiré, au départ, par le suicide d’un jeune homme. Comme un mélange de grande et de petite mort, Heartbreak Hotel synthétise en quelques minutes tout ce qui peut nous faire vibrer, et parfois chavirer. Si tu ne fais rien aux prochaines vacances déconfinées, je t’emmène faire une virée au Heartbreak Hotel. Pour le meilleur évidemment, qui reste à venir.

Heartbreak Hotel version 1956 par Elvis Presley
Heartbreak Hotel version 2011 par Hanni El Khatib

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°5 : Feeling good (1964/1965/2001) de Leslie Bricusse & Anthony Newley par Nina Simone/Muse

Nina-Simone-Feeling-goodL’heure est grave. D’une part, nous sommes toujours au bord du précipice qu’on appelle confinement mais sans vouloir en dire le nom (Voldemort, si tu nous lis…) et on attend patiemment (non) de savoir comment la suite des événements sera pilotée (ou pas). Au royaume de l’improvisation, nous devenons tous de grands champions, tout en essayant de se ménager des bulles de vie et de bien-être. D’autre part, et sans transition ou presque, dilemme total pour moi sur le son du jour : faut-il le classer en pépite intemporelle, Five Reasons ou Reprise ? J’ai opté pour cette dernière rubrique. On est typiquement dans le combo rubriques croisées/poupées russes, puisqu’on va s’arrêter sur un titre devenu célèbre via une de ses reprises, puis régulièrement revisité par de multiples artistes. Feeling good, ou la reprise, de la reprise, de la reprise… Installez-vous tranquilles, servez-vous un café ensoleillé. Tout va bien se passer.

A sa création en 1964, Feeling good fait partie de la comédie musicale The Roar of the Greasepaint – The Smell of Crowd (littéralement “Le rugissement de la peinture à graisse – L’odeur de la foule“). Ce spectacle revient sur les écarts et différences entre les classes sociales de la société britannique dans les années 1960. Tout ceci à travers trois personnages principaux : Sir, Cocky et The Negro (précisons que je reprends ici l’intitulé exact des rôles en langue originale). Ce dernier, sujet au racisme et aux abus des deux premiers, finira par l’emporter sur eux et leur ignorance crasse. Production artistique à forte teneur sociale et politique donc, que l’on doit à Anthony Newley et Leslie Bricusse. Leurs noms ne vous disent peut-être rien, mais c’est ce duo qui a, notamment, co-écrit la chanson Goldfinger (1964), composée par John Barry et impérialement chantée par Shirley Bassey. Notre Feeling good originel est interprété dans le second acte de la comédie musicale par The Negro, lorsqu’il prend enfin le dessus sur ses oppresseurs. Cette version est musicalement assez étonnante et n’a pas grand chose à voir avec les futures reprises que l’on connait mieux. Dans une ambiance jazzy/crooner lyrique, et sur des arrangements plutôt smooth, ce sont successivement Cy Grant puis Gilbert Price qui poseront leurs voix sur ce qui va devenir un des standards absolus du 20e siècle. Histoire de se mettre dans le bain, les deux interprétations sont à écouter ci-dessous, avant de poursuivre.

Vu le parti pris politique du titre, et le contexte historique de l’époque, c’est presque une évidence que Nina Simone s’empare d’un tel morceau. Elle reprend Feeling good en 1965, au cœur des années 1960 marquées par le mouvement de défense des droits civiques aux Etats-Unis. Son engagement et sa musique ont eu beaucoup d’influence dans la lutte pour l’égalité des droits menés par les Noirs américains à cette époque. Un lien que montre bien le très beau documentaire What happened, Miss Simone ? disponible sur Netflix, et que j’ai découvert ces derniers jours (le documentaire, pas Nina Simone) suite à une suggestion fort bienvenue et de très bon goût. Rappelons qu’en 1964, Nina Simone écrit et chante son brûlot Mississippi Goddam, en réaction à l’assassinat de Medgar Evers et à l’attentat perpétré dans l’église de Birmingham (Alabama) ayant causé la mort de quatre enfants noirs. Suivront bien d’autres titres politiques comme Old Jim Crow, et engagements tels que sa participation aux Marches de Selma à Montgomery en 1965. C’est précisément cette année-là que Miss Simone reprend Feeling good, en la magnifiant totalement de sa voix rugueuse, dans un écrin musical blues-soul qui me dresse les poils à chaque fois. Manifestation incandescente de l’espoir d’égalité raciale et de jours meilleurs, tout autant que porteuse d’une lumière dans la nuit de la connerie humaine, son interprétation est d’une puissance absolue. Elle propulse au devant de la scène un matériau musical déjà excellent de base qui ne demandait qu’à être sublimé. A tel point que, pour beaucoup de gens, Feeling good est une chanson de Nina Simone, au même titre que I put a spell on you que l’on doit en fait à Screamin’ Jay Hawkins. Ce qui importe vraiment, c’est l’émotion que Nina Simone balance dans sa version. Une émotion ravageuse qui laisse son Feeling good intemporel, et permanent dans mes playlists.

Depuis sa création en 1964, Feeling good a été reprise par de multiples artistes d’horizons musicaux aussi divers que Michael Bublé, George Michael, Joe Bonamassa, Eels, Gregory Porter ou encore Avicii. Pourtant, si une autre version a retenu mon attention parmi toutes les revisites, c’est celle de Muse. Nichée dans le deuxième album du groupe Origin of Symmetry (2001), leur lecture de Feeling good apporte quelque chose de nouveau, que je n’avais pas trouvé ailleurs : la sensation de détresse dépressive qui suinte de chaque note. La version de Muse transpire l’urgence et le fil du rasoir. La voix de Matthew Bellamy n’y est pas pour rien, surtout lorsqu’elle passe au filtre d’un mégaphone dans lequel le chanteur semble hurler toute ses tensions. Une voix hors du temps, portée par une rythmique de bucheron et de la grosse guitare qui nous emportent pendant 3 minutes dans une époque inquiète et tracassée cherchant, malgré tout, des portes de sortie. Une récurrence.

A l’époque de la sortie de Feeling good au milieu des 60’s, Kubrick mettait en images Arthur C. Clarke pour annoncer 2001 comme une possible odyssée de l’espace, et un voyage introspectif de l’humanité sur elle-même. Le vrai 2001 n’a pas grand-chose à voir avec la prémonition kubrickienne, pas plus qu’avec les rêves 60’s de « L’an 2000 » qui fantasmaient une planète modernisée par la science, nageant dans le bonheur serein de la technologie et d’une humanité au diapason d’une existence pacifique. En 2001, l’heure est aux urgences sociétales, humaines, politiques, environnementales. Tout comme aujourd’hui, vingt années plus tard. Comme un cycle incessant, dans lequel Feeling good trouve toujours sa place.

Est-ce à dire que Feeling good tire sa puissance de notre monde bousculé, et dans lequel il reste toujours des combats à mener ? Oui, mais pas seulement : c’est un son qui porte aussi le récurrent message d’espoir et d’énergie que le meilleur reste à venir. On ferme les yeux, on monte le son, on y croit. On y va. « Its’ a new dawn / It’s a new day / It’s a new life for me / and I’m feeling’ good ».

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°4 : Desolation Row de Bob Dylan (1965) par My Chemical Romance (2009)

Avant de poursuivre l’exploration de ce mois de novembre et de ses nombreuses belles sorties musicales, faisons une parenthèse reprise avec un de mes titres préférés, tout artiste et époque confondus. Desolation Row fête cette année ses 55 ans et clôt, du haut de ses 11 minutes et quelques, Highway 61 revisited, le 6e album de Bob Dylan.

D’un côté, donc, Bob Dylan aka Robert Zimmerman. Aujourd’hui 79 ans au compteur, il affiche 61 ans d’activité artistique à travers, bien sûr, sa musique, mais aussi la peinture et la sculpture. Des albums par dizaines, le prix Nobel de littérature en 2016 et, depuis 1988, un Never Ending Tour consistant en un enchainement incessant de concerts et de tournées : voilà qui est Dylan. Un artiste incontournable des 20e et 21e siècles et une des figures majeures de la musique populaire occidentale, qui a livré quelques-unes des plus belles galettes qui garnissent ma discothèque. Highway 61 revisited en fait partie. Bourré de pépites, il recèle notamment le célèbre Like a Rolling Stone, et donc notre Desolation Row du jour. D’une durée inhabituelle de plus de 10 minutes, ce titre est également inédit dans sa construction et dans sa narration. Comme quasiment chaque titre de Dylan issu de ses 7 premiers albums, Desolation Row est un classique absolu, un des piliers de l’univers dylanien et, au-delà, du monde folk-rock. Le genre de classique intouchable ? Oui, jusqu’à ce qu’une poignée de garnements décide de toiletter l’ensemble, de fort belle façon.

De l’autre côté, nous trouvons My Chemical Romance. Un quatuor de rock alternatif américain, qui a officié de 2001 à 2013, puis a fait son retour en 2019. Plutôt adepte d’un rock énergique et qui envoie le bouzin, la formation s’empare en 2009 de Desolation Row pour en livrer une version condensée, percutante et sans concession. Il est difficile, sur les premières notes, de reconnaître le classique de Dylan, tant My Chemical Romance a sorti les guitares et poussé à fond les potards. Vient ensuite se greffer la voix de Gerard Way qui, sans rechercher de comparaison facile, me fait penser à la fois à Billy Corgan des Smashing Pumpkins et Johnny Rotten des Sex Pistols. L’esprit punk est d’ailleurs assez présent dans notre reprise du jour, tellement on a la sensation d’entendre, en sous-titre de cette réinterprétation, une remarque du genre : « Ouais, on dézingue un classique dylanien, et si ça vous déplaît, tant pis. Never mind the bollocks ! » My Chemical Romance bouscule le classique et le réinvente, avec cependant tout le respect qui se doit.

Cette reprise de Desolation Row et cette sensation punk ont trouvé leur prolongement au cinéma, toujours en 2009. Lorsque s’amorce le générique de fin du film Watchmen, les gardiens de Zack Snyder, c’est le son de My Chemical Romance qui nous submerge. Or, qu’est donc Watchmen à l’origine ? Un comics/roman graphique sorti au milieu des années 80, sous la plume d’Alan Moore et Dave Gibbons. Mais pas n’importe quel comics : Watchmen est précisément une relecture du comics de super-héros, tout en distorsion et en punkitude. Tous les codes super-héroïques sont présents, pour être mieux dégommés, retournés, secoués. En réalité, My Chemical Romance fait avec le titre de Dylan ce que Moore a fait 30 ans plus tôt avec les classiques de la BD anglo-américaine. Dans un cas comme dans l’autre, c’est rock, c’est osé, c’est un peu bordélique, mais c’est intelligent et au final terriblement jouissif. Desolation Row par My Chemical Romance, c’est juste le son qu’il nous faut ce soir. Enjoy, comme dirait mon gars sûr Sylphe !

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°3 : Where is my mind ? de The Pixies (1988) par Maxence Cyrin (2010) et The Motion (2019)

Triple combo pour ce jeudi avec un titre phare, un titre culte, un titre incontournable de ma discothèque : Where is my mind ? paru en 1988 sur Surfer Rosa, le premier et excellent album de The Pixies. Disque séminal et matriciel pour toute la scène rock à venir, du grunge de Nirvana aux sons bruts des Smashing Pumpkins ou de PJ Harvey. Bref, impossible de passer à côté, que ce soit à l’époque, ou encore de nos jours pour qui aime un tant soit peu le rock.

Surfer Rosa est un album brillant, rehaussé et illuminé en son exact milieu par Where is my mind ?, qu’on pourrait traduire strictement par « Où est mon esprit ? », un peu moins littéralement par « Où ai-je la tête ? ». Ce titre vit sa vie depuis maintenant 32 ans, étant maintes fois utilisé au cinéma ou dans les séries TV, ou encore repris par divers artistes. Côté ciné, on pensera évidemment au final de Fight Club accompagné de cette rengaine punk-dépressive dans sa version originale : rarement le propos d’un film et sa conclusion (notamment musicale) auront été aussi bien ajustés. No spoil pour celles et ceux qui n’auraient encore pas vu ce grand film de David Fincher, adapté du non moins grand roman de Chuck Palahniuk, mais si vous aimez les histoires qui retournent un peu le crâne, foncez, c’est du bon. Côté séries TV qui secouent la tête, on entend Where is my mind ? en fin de saison 1 de Mr. Robot (là encore, c’est judicieusement placé et c’est une belle référence à Fight Club), dans une version piano solo qui constituera notre première reprise.

Prenant le contrepied total des Pixies, de leurs guitares grinçantes et du son rock garage, Maxence Cyrin interprète seul, au piano, sa version de Where is my mind ?. A ce jour, c’est une des versions les plus émouvantes et touchantes que je connaisse de ce titre. Un mélange de tête à l’envers et d’apaisement qui semble raconter que, désormais, tout va aller mieux. Cette interprétation est disponible sur l’album Novö Piano (2010), constitué de 10 reprises au total. Si vous aimez cette version de Where is my mind ?, n’hésitez pas à découvrir le reste de l’album, pour y entendre des relectures inattendues de Lithium de Nirvana, Kids de MGMT ou encore Around the World de Daft Punk. Bref, Maxence Cyrin livre là une très chouette interprétation qui fait du bien.

Cerise et troisième élément du combo du jour, une reprise trouvée presque par hasard en farfouillant sur le Net dans les multiples versions de notre Where is my mind ?. Cette fois, c’est The Motion qui est aux commandes. Un artiste dont, en toute honnêteté, j’avoue ne pas connaitre grand-chose du parcours. En revanche, je me suis baladé dans son travail, puisque d’autres titres connus passent entre ses mains pour une réinterpréation retrowave/synthwave. Dans le cas de Where is my mind ?, ça sonne très proche de A Real Hero de College, entendu notamment dans le film Drive, et dont on avait fait un son estival du jour à relire/réécouter ici. Là encore, avec d’autres sonorités, The Motion livre une version apaisée et apaisante qui, tout en apportant sa bouffée d’air, conserve le mode tête à l’envers originel.

Si, comme moi, vous êtes dingues de ce Where is my mind ?, voilà donc l’original et deux confiseries pour le réécouter sous différentes formes et varier un peu les plaisirs. Si c’est plutôt le challenge reprise qui vous attire, vous êtes au bon endroit, puisque ce titre bénéficie de nombreuses reprises/versions, outre les deux proposées aujourd’hui. Si, enfin, c’est le besoin de bon son qui vous amène, j’espère vous en avoir apporté quelques minutes. Where is my mind ? A la porte du confinement.

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°2 : Baba O’Riley de The Who (1971) par Pearl Jam

Continuons notre inauguration de cette nouvelle rubrique Reprise du jour avec une virée rock à deux époques.

D’un côté, The Who, qu’on ne présente plus (mais faisons-le tout de même un minimum) : groupe britannique rock fondé à Londres en 1964 autour de Roger Daltrey (chant), Pete Townshend (guitare), John Entwistle (basse) et Keith Moon (batterie), toujours en activité après plusieurs interruptions. La formation a traversé divers courants rock au cours de quasiment six décennies. Avec Baba O’Riley, on est au cœur de la période opéras-rock et concept albums : Tommy (1969) et Quadrophenia (1973) encadrent Who’s next (1971), dont est tiré notre titre du jour. Oui, Who’s next, vous savez : l’album avec la pochette où les quatre lascars du groupe pissent sur une sorte de monolithe de béton façon 2001 : l’odyssée de l’espace. Musicalement, cet opus est surtout connu pour l’introduction de synthés et de pistes électroniques préprogrammées dans le rock de The Who. Et notre Baba O’Riley en est un parfait exemple dès l’ouverture de la galette. Morceau efficace, très rock dans l’esprit malgré les guitares reléguées au second plan, voilà une poignée de minutes qui envoie du bois. Depuis, le titre a été multi-utilisé, y compris dans des contextes absolument pas rock comme le générique des Experts : Manhattan. Mais également multi-repris, comme nous allons le voir de suite.

Puisque, de l’autre côté, nous avons Pearl Jam, qu’on ne présente plus non plus (mais faisons-le aussi tout de même un minimum) : nous sommes au tout début des années 1990, le grunge est porté par Nirvana, Soundgarden ou encore Alice in Chains. Et Pearl Jam, formé autour d’Eddie Vedder. En presque 30 ans de carrière et une belle tripotée d’albums, la formation de Seattle a fait les belles heures du rock, les miennes en tout cas. Dès le départ, je suis tombé dans leur son. Planté dans ma récurrente tenue jeans/Docs/chemise à carreaux sur t-shirt, j’ai poncé des albums comme Ten (1991), Vs. (1993), Vitalogy (1994) ou No code (1996). Depuis, je n’ai pas changé de fringues (enfin si, c’est plutôt le style qui est resté le même) et j’ai continué à écouter la bande à Vedder, et même Vedder seul dans l’exceptionnelle BO de Into The Wild. A quel moment dans tout ça Pearl Jam a-t-il repris Baba O’Riley ? Tout le temps. Le groupe s’est fait une spécialité de le jouer régulièrement en live, et souvent en clôture du show. En alternance avec une autre reprise, celle de Fuckin’ Up de Neil Young.

C’est mieux ? C’est moins bien ? Pour tout dire, c’est différent et c’est la même chose. Différent parce que la version de Pearl Jam éjecte tout synthé ou instrument électronique pour ne garder que de la guitare bien en avant. Dès l’intro, la boucle de synthé laisse place à un tapping saturé et un tempo moins rapide, qui va rapidement prendre une vitesse de croisière. Le son est gras, le son est rugueux, à l’image du riff post premier couplet (1:12 dans la version proposée). Plus électrique, plus animal, plus rageux. Plus efficace à mon goût, n’en déplaise aux puristes des Who (1:39 dans l’enregistrement originel). Ça défonce tout et rien que pour ces quelques secondes là je pourrais écouter le titre en boucle. Ce que j’ai d’ailleurs fait en écoutant un nombre incalculable d’interprétations live de Baba O’Riley par Pearl Jam. A chaque fois c’est la même baffe rock. Alors oui parfois la voix de Vedder chevrote et ne vaut pas celle de Daltrey, et oui la reprise écourte un peu le titre. Perso, je m’en fous un peu. Tant que le rock m’envoie du rock, je prends et je pardonne les quelques petites faiblesses, tant que l’énergie est là. Au-delà, c’est finalement la même chose parce qu’on a là deux fucking groupes rock qui envoient le bouzin. The Who ont créé la matière première, d’une efficacité redoutable et sans laquelle Pearl Jam n’aurait rien eu à reprendre, avec la puissance et la sincérité qui les caractérisent.

Je vous laisse vous faire un double shoot. De mon côté, j’ai S16, le nouveau Woodkid, à écouter. Oui, il ne sort que demain, mais comme chez Five-Minutes on est motivés et en précommande constante, la double galette a eu la bonne idée d’arriver aujourd’hui. En parlant précos, novembre s’annonce déjà comme assez dantesque en sorties. Ça tombe plutôt bien : on va passer de longs moments confinés, autant le faire en musique.

Raf Against The Machine