Top de fin d’année 2021 Titres et albums

Au moment de clore cette année 2021 et de passer par le sacrosaint réveillon qui me laisse toujours songeur tant je suis surpris de la joie des gens à voir passer le temps, je me réfugie avec plaisir dans un exercice, certes bien peu original, qui m’a toujours été cher: les tops de fin d’année. Plutôt que de m’extasier sur un futur écrit en points de suspension et placé sous la menace du Covid -pffff fichus concerts debout interdits -, j’ai envie de me souvenir de tous les jolis moments musicaux que m’a apportés cette très riche année 2021. Outre le fait que j’ai eu la chance de regoûter aux concerts et festivals, je dois reconnaître que musicalement 2021 restera un bien beau cru. Je vous passe le laïus habituel du tempus fugit et de la frustration de ne pas pouvoir tout écouter, de passer à côté de superbes albums (sensation accentuée par la lecture des différents tops de mes webzines préférés) et je choisis désormais d’aborder avec philosophie le puits sans fond des sorties musicales. Je rajouterai une anecdote qui démontre mon envie toujours intacte de vivre avec la musique et de la partager : après des déboires électriques et un abandon frustrant (ceci mériterait un long récit plein de péripéties), j’ai récupéré une platine qui fonctionne et tous mes vinyles qui -depuis presque 10 ans wtf- avaient trouvé refuge chez l’ami Raf. Une bien mauvaise nouvelle pour mon banquier, je vous l’accorde…. Enfin, cette année 2021 a vu exploser la fréquentation du blog, ce qui n’est pas sans nous donner encore plus envie de continuer. Lecteur régulier ou touriste égaré dans ces contrées, nous te remercions profondément et espérons te retrouver en 2022. J’en profite au passage pour remercier mon acolyte et ami Raf Against The Machine qui continue de nous partager, avec un enthousiasme et une plume inégalables, tous ses coups de coeur.

Vous trouverez ci-dessous un top 20 albums et un top titres avec … 78 titres… Ils me regardaient tous avec leur air de Chat Potté et je n’ai pas pu me résoudre à en choisir 60 cette année. La liste des 78 vous paraîtra vraisemblablement indigeste mais écrire cette liste est une humble manière de leur rendre hommage. Je vous rassure, vous pourrez écouter cette playlist de rêve via le player. Concernant les albums, la France de Thylacine et Terrenoire laisse la première place cette année à l’Allemagne de The Notwist qui n’en finit plus de me toucher de sa grâce inégalée. Peu de nouveaux artistes découverts (Arlo Parks, Kira Skov, Russell Louder et dans une certaine mesure Gaspard Augé), quelques retours inespérés (Clap Your Hands Say Yeah, Sneaker Pimps) et de nombreuses confirmations qu’il serait trop long de citer. Enfin, pour l’anecdote, cette année aurait mérité d’être nommée « l’année Casper Clausen » avec un superbe premier album solo Better Way, un très bel album Windflowers avec son groupe de toujours Efterklang et une très belle participation sur l’album Rone & Friends avec le bijou Closer. N’hésitez pas à piocher de-ci de-là -chaque album amène à l’article du blog – et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à picorer que j’ai pris de plaisir à écouter ces albums et ces titres cette année, enjoy! Bonne année en avance et on se retrouve en 2022 pour de nouvelles aventures musicales !

Top albums 2021:

  1. Vertigo Days de The Notwist
  2. Rone & Friends de Rone
  3. De Película de The Liminanas et Laurent Garnier
  4. Better Way de Casper Clausen
  5. Day/Night de Parcels
  6. New Fragility de Clap Your Hands Say Yeah
  7. Sixty Summers de Julia Stone
  8. Squaring The Circle de Sneaker Pimps
  9. Sand de Balthazar
  10. Monde sensible de Mesparrow
  11. Windflowers d’Efterklang
  12. Yol d’Altin Gun
  13. Collapsed In Sunbeams d’Arlo Parks
  14. Spirit Tree de Kira Skov
  15. Friends That Break Your Heart de James Blake
  16. Humor de Russell Louder
  17. Escapades de Gaspar Augé
  18. Californian Soil de London Grammar
  19. Loving In Stereo de Jungle
  20. Glowing in the Dark de Django Django

Top titres 2021:

  1. Into Love / Stars de The Notwist
  2. Ride Or Die de Boys Noize/Kelsey Lu/Chilly Gonzales
  3. Somethinggreater de Parcels
  4. Hesitating Nation de Clap Your Hands Say Yeah
  5. Que calor! de The Limiñanas/Laurent Garnier/Edi Pistolas
  6. Nos plus belles années de Grand Corps Malade/Kimberose
  7. Le dernier jour du disco de Juliette Armanet
  8. Sixty Summers de Julia Stone
  9. Keep Moving de Jungle
  10. Hold Fast de Django Django
  11. Black Suit de KLON
  12. Hey! de Gaspard Augé
  13. Man Alone (Can’t Stop The Fadin’) de Tindersticks
  14. Apricots de Bicep
  15. The Light de Wax Tailor
  16. Comingback de Parcels
  17. Losers de Balthazar
  18. A l’errance de Rone/Dominique A
  19. Spirals de Django Django
  20. Twist de Mesparrow
  21. Bateaux-Mouches d’Eddy de Pretto
  22. Tranquility Trap de Sneaker Pimps
  23. Went Looking For Trouble de Clap Your Hands Say Yeah
  24. We All Have de Julia Stone/Matt Berninger
  25. Lacrimosa de Gaspard Augé
  26. West de KLON
  27. Used to Think de Casper Clausen
  28. Loose Ends de The Notwist
  29. Ani Kuni de Polo & Pan
  30. Danse de Mesparrow
  31. Rocambole de Gaspard Augé
  32. On A Roll de Balthazar
  33. Immaculate Hearts de Sneaker Pimps/Simonne Jones
  34. Closer de Rone/Casper Clausen/Melissa Laveaux
  35. Thousand Oaks de Clap Your Hands Say Yeah
  36. How Does It Feel de London Grammar
  37. Back To Oz de Sufjan Stevens/Angelo De Augustine
  38. Dance de Julia Stone
  39. In the End de Kira Skov/Steen Jørgensen
  40. Abent Sår d’Efterklang/The Field
  41. Dry Fantasy de Mogwai
  42. A House and a Fire de Loney Dear
  43. Linger On de Balthazar
  44. Force majeure de Gaspar Augé
  45. Where You Find Me de The Notwist
  46. Lord It’s a Feeling de London Grammar
  47. Fire In Me de Julia Stone
  48. Child In The Dark de Sneaker Pimps/Simonne Jones
  49. Say What You Will de James Blake
  50. No Such Thing d’Hayden Thorpe
  51. Pick Me Up de Kira Skov/Stine Grøn
  52. Des gens beaux de Grand Corps Malade
  53. Black Rain de Sneaker Pimps/Simonne Jones
  54. Hope d’Arlo Parks
  55. Ordunun Dereleri d’Altin Gün
  56. Kerber de Yann Tiersen
  57. Le chant de Mesparrow
  58. Saul de The Limiñanas/Laurent Garnier
  59. Innocent Weight de Clap Your Hands Say Yeah
  60. Mute / All things pass de Loney Dear
  61. Lose Your Head de London Grammar
  62. Alien Arms d’Efterklang
  63. Tu n’es pas seul de Mesparrow
  64. Home de Russell Louder
  65. Un de Rone/Alain Damasio/Mood
  66. Who de Julia Stone
  67. House on a Feather d’Efterklang
  68. Paper Room de Sneaker Pimps
  69. Talk About It de Jungle
  70. Saku de Bicep/Clara La San
  71. Cocaine de Lewis Evans
  72. Kara Toprak d’Altin Gün
  73. Night of the Buffalo de Django Django
  74. Sot-l’y-laisse de Rone/Odezenne
  75. Atlas de Bicep
  76. Magic de Polo & Pan
  77. Trifles de Loney Dear
  78. Intro de London Grammar

Sylphe

Top/Rétrospective de fin d’année 2021 par Raf Against The Machine

Visuel Top 2021Nous y voilà : à la porte de sortie de 2021, pour un passage en 2022. Avant de laisser derrière nous ces douze derniers mois, passons par le marronnier de chaque fin d’année, à savoir le bilan top/flop. Côté flop, je ne m’attarderai pas, puisque l’idée de Five-Minutes est de vous faire partager des coups de cœur, non de dégommer telle ou telle production. Je préfère me concentrer sur ce qui a étayé et marqué, en musique et parfois à la marge, mon année 2021. Sans plus attendre, balayons ensemble ces mois passés, et ce qu’il m’en reste musicalement à l’heure de la fermeture. Dix minutes de lecture, accompagnées d’une soixantaine de minutes d’écoute. D’un bloc ou en picorant, c’est à votre appréciation. Let’s go.

Il est de tradition de faire un top, un petit jeu auquel le copain Sylphe excelle. Il adore faire des classements, et vous en aurez la preuve cette année encore avec son top à lui. Pour ma part, je vous propose un podium albums qui a la particularité de compter quatre places. Selon la phrase convenue, la quatrième place est toujours la pire, la plus rageante, celle de la médaille en chocolat (cela dit de loin la meilleure des médailles). Voici donc, pour éviter cette maudite quatrième place, un podium avec une première place, assortie d’une marche intermédiaire pour une première place bis, puis de deux deuxièmes places. Un podium bien peu commun, dominé assez largement par Thomas Méreur avec The Dystopian Thing, son deuxième album, qui est clairement mon album de l’année 2021. Plein de finesse et de sensibilité, bouillonnant d’émotions et de lumière malgré les temps sombres qu’il décrit, voilà bien un disque que j’attendais et qui a dépassé mes attentes (chronique à relire ici), en clôturant 2021 de la plus belle des façons. Pas très loin derrière, et donc sur cette fameuse place numéro 1 et demi, Low skies de Nebno. Un album musicalement dans l’esprit de The Dystopian Thing : de l’ambient mâtiné d’une créativité sans nom, pour des ambiances toujours plus envoûtantes et un voyage dans des univers dont on ne ressort pas indemne, tout en affichant une unité artistique évidente (chronique à relire par là). Marvel cherche désespérément son multivers au cinéma. Dans le monde musical, Nebno propose un autre multivers qui, lui, fonctionne : il est dans Low skies.

A long way home de Thomas Méreur, sur The Dystopian Thing
Maze de Nebno, sur Low skies

Reste la double deuxième place du podium. Les lauréats ne surprendront aucun habitué de Five-Minutes. D’une part, The shadow of their suns. Le cinquième album studio de Wax Tailor (sixième si on compte By any remixes necessary, album de relectures de By any means necessary) a claqué très fort dès le moins de janvier, et à ouvert les hostilités en plaçant la barre très haut. Disque sombre mais optimiste (comme je l’écrivais dans un Five reasons à relire ici), aussi brillant qu’élégant et obsédant, The shadow of their suns n’a pas faibli en intensité, loin de là. Il reste un très grand album de Wax Tailor, et un gros pavé musical de 2021. D’autre part, et dans un tout autre genre, Est-ce que tu sais ? de Gaëtan Roussel. J’ai toujours été très client du garçon et de ses différents projets Louise Attaque, Tarmac, Lady Sir, et bien sûr ses albums solo. Toutefois, ce dernier opus en date occupe une place particulière pour moi. Il est arrivé à un moment où chaque titre m’a raconté un bout de moi, où chaque mélodie et chaque texte ont résonné d’une façon très personnelle. J’en avais déjà dit beaucoup de bien (à relire par ici), et je pourrais me répéter puissance dix. Album pop intimiste et poétique, chaque seconde qu’il égrène me ramène à toi. Inévitablement, inlassablement, et toujours avec la même force. Sache le, où que tu sois et si tu me lis.

The light de Wax Tailor, sur The shadow of their suns
Tout contre toi de Gaëtan Roussel, sur Est-ce que tu sais ?

Sorti de ce podium à quatre places, bien d’autres sons ont occupé mon année. Il faut pourtant faire un tri, faute de quoi je vous embarque pour plusieurs heures de lecture et d’écoute. Un tri facilité en retenant deux albums découverts en 2021, mais ne contenant pas du matériel de 2021. Subtil. The Rolling Thunder Revue de Bob Dylan est une belle découverte, appuyée par le visionnage du film éponyme de Martin Scorsese disponible sur Netflix. Ce dernier retrace le retour sur scène de Bob Dylan en 1975, après presque dix années d’absence live. Documentaire et album se complètent magnifiquement : l’émotion magnétique des images de Dylan et de sa troupe en tournée se retrouve dans les enregistrements, et réciproquement. Il en résulte un témoignage musical à la fois bouleversant et de haute qualité, dont j’avais déjà dit le plus grand bien voici quelques mois (à relire ici). Avec, au cœur de tout ça, une version habitée de The lonesome death of Hattie Carroll, mais aussi un échange puissant et humain (dans le documentaire) entre Bob Dylan et Joan Baez sur eux-mêmes et leur histoire commune. L’évidence mise à nu d’un lien profond, dans sa plus simple expression et son plus simple appareil. Je ne m’en suis toujours pas remis.

The lonesome death of Hattie Carroll de Bob Dylan, sur The Rolling Thunder Revue

Autre album de 2021 qui rassemble des sons du passé, At the BBC de Amy Winehouse (chronique à retrouver ici). Ou la sortie officielle, propre et parfaitement masterisée, d’enregistrements entre 2003 et 2009, soit la période la plus puissante d’Amy Winehouse. On y retrouve des versions live de titres connus, d’autres moins, et quelques reprises comme celle de I heard it through the grapevine avec Paul Weller. Si l’on connaissait déjà bon nombre de ces versions, l’album sorti cette année est l’occasion de tout rassembler en un seul endroit, et de se faire une plongée dans les traces des meilleures prestations scéniques d’une immense artiste partie bien trop tôt.

I heard it through the grapevine par Amy Winehouse feat. Paul Weller sur At the BBC

Autres temps, autres lieux : 2021 a aussi été l’année du retour annoncé d’Archive pour l’année prochaine. Là encore, aucune surprise pour les lecteurs assidus du blog, tant ce groupe est pour moi une référence absolue et indéboulonnable. Si le douzième album studio Call to Arms & Angels ne sortira qu’en avril 2022, il a été précédé par deux singles d’une rare efficacité. Daytime coma est une plongée de plus de dix minutes dans l’état d’esprit et les déchirements sociétaux covidesques (pépite à relire par ici), tandis que Shouting within est un modèle de rage et de colère intérieures, sous couvert d’intimisme (pépite à relire par là). Ajoutons à cela Super 8, premier extrait de la BO qui accompagne le documentaire en lien avec ce nouvel album, et la hype est absolument totale. Je trépigne chaque jour de hâte d’être au 8 avril 2022, et donc je me gave d’Archive pour patienter (qui a dit « comme d’habitude » ? J’ai entendu, ne vous cachez pas 😉 ).

Super 8 de Archive

Gaming, cinéma et au-delà

Au-delà des albums, il s’est aussi passé bien des choses en 2021. Dans le domaine numérique/vidéoludique, je retiendrai trois moments très marquants. Tout d’abord, l’expo virtuelle/en ligne proposée par Radiohead, à l’occasion des vingt ans du dyptique Kid A/Mnesiac, devenue KID A MNESIA (chronique disponible ici). Elle se visite comme un jeu vidéo en vue à la première personne. La plongée visuelle, sonore et musicale dans cette KID A MNESIA EXHIBITION (disponible gratuitement rappelons-le) est une vraie expérience de folie pour tout fan du groupe, mais aussi pour tout amateur de musique et de création multimédia. A voir absolument, tout comme il est indispensable de réécouter KID A MNESIA pour mesurer le potentiel créatif de Thom Yorke et de ses compères.

Trailer de la KID A MNESIA EXHIBITION de Radiohead

Ensuite, du côté jeux vidéo, comment ne pas parler de Death Stranding et de sa double BO à couper le souffle ? Oui, j’ai enfin pris le temps de faire et de terminer le dernier jeu d’Hideo Kojima, à la faveur de la Director’s cut sortie à l’automne 2021. Quelle claque côté jeu ! Une aventure qui ne serait pas ce qu’elle est sans le score original de Ludvig Forssell, ni sans les chansons de Low Roar, Silent Poets ou encore Woodkid. L’ambiance est prenante et totalement envoûtante. Cette double BO y joue un rôle majeur et peut s’écouter indépendamment. La marque des grandes. Enfin, autre BO de jeu vidéo, celle de NieR Replicant, dont le remake est sorti en 2021, pour un jeu initialement paru en 2010 : l’occasion de réenregistrer et de redécouvrir de magnifiques compositions. NieR: Automata avait déjà frappé très très fort en 2017, tant sur le plan du jeu en lui-même que de la BO. NieR Replicant (qui est sorti et se passe chronologiquement avant Automata) confirme que la franchise NieR est, à mes yeux et mes oreilles, au-dessus de tout ce qui se fait en matière de jeux vidéo et d’OST, et de très loin. Par le maître Keiichi Okabe.

Once there was an explosion de Ludvig Forssell, sur l’OST de Death Stranding
I’ll keep coming de Low Roar, tiré de l’OST de Death Stranding
Snow in summer, tiré de l’OST de NieR Replicant

Petite cerise vidéoludique musicale (oui, ça fait finalement quatre moments marquants et non plus trois, ne boudons pas notre plaisir) : la BO de Deathloop, dont on a parlé pas plus tard que la semaine dernière. Si le titre Déjà vu par Sencit feat. Fjøra est un petit plaisir assez jouissif, le jeu en lui-même et le reste de l’OST le sont tout autant. On reparle sans doute en 2022 de cette BO rock/jazz 60’s/70’s. En termes de cohérence jeu/musique, ça se pose là bien comme il faut. A l’image de Space Invader de Tom Salta, une composition qui n’a rien à envier à Lalo Schifrin.

Déjà Vu de Sencit feat. Fjøra, tiré de l’OST de Deathloop
Space Invader de Tom Salta, tiré de l’OST de Deathloop

Enfin, je ne peux pas terminer cette subjective et non exhaustive rétrospective 2021 sans faire un crochet par le monde du cinéma. Si ce dernier a payé cher (comme bien d’autres secteurs) le prix d’une épidémie qui n’en finit plus, je retiens tout de même deux moments qui m’ont marqué. D’un côté, le retour de l’univers Matrix avec Matrix Resurrections, qui est le quatrième volet de la saga sans l’être vraiment. Aucun spoil à craindre ici. Je ne dévoilerai rien de ce film que j’ai beaucoup aimé, mais qui risque d’en dérouter plus d’un. Si j’en parle, c’est pour son générique de fin qui reprend habilement le Wake up de Rage Against The Machine (entendu à la fin du premier Matrix), mais dans une version revue par Brass Against et Sophia Urista. Oui, Sophia Urista, celle-là même qui a défrayé la chronique voici quelques semaines, après avoir uriné sur un fan lors d’un concert. Toujours est-il que, la chanteuse s’étant platement excusée depuis, pendant que le fan en question se disait sur les réseaux sociaux ravi de l’expérience, on se concentrera sur le titre musical, à la fois reprise fidèle et référence tout en n’étant pas vraiment le titre de base. Comme un clin d’œil méta à ce qu’est possiblement le film. Mais toujours une putain de boule d’énergie. Rage Against The Machine forever, Brass Against & Sophia Urista enfoncent le clou avec brio et un flow qui n’a pas à rougir de la comparaison avec celui de Zach de la Rocha.

Wake up de Rage Against The Machine par Brass Against feat. Sophia Urista

De l’autre, c’est avec une grande tristesse que j’ai appris voici quelques jours la disparition du réalisateur canadien/québécois Jean-Marc Vallée. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que c’est l’homme derrière C.R.A.Z.Y. (2005), Dallas Buyers Club (2013), Wild (2014), ou encore les séries Big Little Lies (2017) et Sharp Objects (2018). Autant de réalisations brillantes et touchantes, toujours assorties d’une bande son incroyable. Jean-Marc Vallée était un cinéaste féru de musiques, qui se définissait ainsi : « Je crois que je suis un DJ frustré qui fait des films ». Cette frustration a eu du bon, et nous a permis de vivre des films et séries toutes plus humaines et touchantes les unes que les autres, grâce à un sens pointu des images soutenu par une pertinence musicale toujours impressionnante. En témoigne Demolition (2015), son dernier long métrage en date, avant qu’il ne se tourne vers les séries TV. A mes yeux son film le plus bouleversant, tant dans ce qu’il raconte que dans la façon de le dire, de le mettre en images et en musiques. Sans doute parce que, comme plus récemment l’album de Gaëtan Roussel, Demolition est arrivé à un moment clé de ma vie où il a résonné puissamment. Au point d’être un film majeur à mes yeux, pour m’avoir fait prendre conscience de multiples choses, et très possiblement pour m’avoir sauvé la vie. Tout simplement. La chialade et la lumière en même temps. Merci infiniment pour tout ça, et si vous n’avez jamais vu/écouté Demolition, foncez (comme sur toute l’œuvre de Jean-Marc Vallée).

Bruises de Dusted, tiré de la BO de Demolition

Impossible de conclure sans un mot sur le blog lui-même. L’année 2021 a été pour Five-Minutes l’année de tous les chiffres. Nous avons multiplié par trois depuis l’an dernier le nombre de vues mais aussi le nombre de visiteurs sur le blog. Avec le copain Sylphe, on ne court pas après les chiffres et les statistiques. Chaque semaine, on écrit avant tout pour mettre en avant et partager un son qui nous plaît, nous touche. Ne nous mentons pas, on écrit aussi pour être lus. Alors, découvrir en cette fin d’année que la fréquentation de notre modeste et humble Five-Minutes a triplé, c’est une sacrée récompense et sans doute la meilleure motivation pour continuer cette chouette aventure. Merci à toi mon ami Sylphe. Merci infiniment à vous toutes et tous, de passage ou lectrices et lecteurs plus réguliers. Merci de venir partager quelques minutes de bon son de temps en temps avec nous. Likez, commentez, et n’hésitez pas à nous faire connaître autour de vous. Rendez-vous en 2022 pour bien d’autres sons. Ce sera avec un immense plaisir. Merci à vous, du fond du cœur.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°102 : Déjà Vu (2021) de Sencit feat. Fjøra

91SdIGXDDwL._SS500_« On est pas bien là ? Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland… »* Non mais franchement, je vous le demande : on est pas bien là ? A quelques heures d’entrer dans les fêtes de fin d’année, et tout juste poursuivis par une saloperie de virus qui nous prend bien la tête depuis maintenant presque deux ans. On est pas bien là ? Avec nos plus de 80 000 cas déclarés par jour, autant dire des chiffres jamais atteints. On est pas bien là, au creux de notre 5e vague ? Tu la sens l’odeur de confinement ? L’odeur de l’incertitude qui te conduit à ne faire absolument aucun projet ? On est pas bien là, avec cette sensation de revivre la même fin d’année que 2020 ? Si tout ça n’était pas d’une tristesse et d’une morosité sans nom, ça en serait presque intrigant et drôle. Cette impression de déjà-vu, cette putain de boucle covido-temporelle qui donne envie de rebooter la Matrice pour voir si les mêmes anomalies et les mêmes bugs se reproduisent. Après tout, pourquoi ne pas en rire, et pourquoi ne pas jouer avec cette idée de répétition, de boucle infinie ? C’est sans doute l’idée qui est venue aux développeurs du studio Arkane Lyon, que l’on connaît déjà pour les excellents Dishonored, et le non moins excellent Prey.

Le dernier-né des jeux vidéo du studio se nomme Deathloop (sorti en septembre 2021, édité par Bethesda) et plonge le joueur dans une boucle temporelle qu’il va falloir briser. Un peu comme si on avait mis dans le mixer Bill Murray et son jour de la marmotte, James Bond et Austin Powers. Le résultat est brillant. Outre son concept assez génialement décliné, Deathloop doit beaucoup à sa direction artistique très 60’s, mais aussi à sa BO qui fonctionne parfaitement au fil des heures de jeu. Disponible sur à peu près toute les plateformes, elle regroupe pas moins de 59 titres et différents artistes, tout en mélangeant allègrement rock psyché, blues, country et ambiances feutrées. On y reviendra possiblement et plus en détails dans un Ecoute ce jeu, lorsque votre serviteur aura poncé Deathloop et bien exploré les différents thèmes qui s’y cachent. Au milieu de cette grosse BO se trouve Déjà Vu, un des trois titres de Sencit. Le nom ne vous dit rien ? Moi non plus, jusqu’à ce que j’aille faire un tour sur le site officiel. Sencit, c’est des compositions pour Toy Story 4, John Wick 3, Maniac (excellente mini-série bien perchée), Guardians on the Galaxy (le récent jeu), Making a murderer, Inception ou encore l’excellent Ex_Machina. On fait pire comme carte de visite. Sur Déjà Vu, on entend aussi Fjøra (de son vrai nom Alexandra Petchovski), chanteuse canadienne originaire de Macédoine. Son premier album Onyx (2021) fleure bon la pop inspirée par Lady Gaga.

Le mélange Sencit/Fjøra accouche ici d’un titre extrêmement James Bondien. Déjà Vu sonne comme un générique de 007, avec son démarrage lent et posé, qui explose et prend toute son ampleur vocale comme musicale sur le refrain. Voilà une pépite qui n’est pas tout à fait du moment, puisque nous l’avions découverte lors d’un trailer de Deathloop voici quelques mois. Toutefois, voilà une vraie pépite, qui laisse imaginer ce qu’aurait donné le générique d’un Bond des années Brosnan ou Craig (au hasard Goldeneye ou Skyfall) s’il avait été interprété par Shirley Bassey. Déjà Vu contient tous les ingrédients du générique pop qui fonctionne parfaitement. Le titre va comme un gant à Deathloop, dans lequel je m’empresse de retourner. Parce que, quitte à être coincé dans un jour épidémique sans fin, autant s’en jouer et en faire un amusement. On est pas bien là ?

* Evidemment piqué à Depardieu dans Les Valseuses

Visuels du jeu Arkane Lyon/Bethesda

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°101: Le dernier jour du disco de Juliette Armanet (2021)

Il faut reconnaître que je passe souvent la fin d’année les yeux rivés dans le rétroviseur, occupé àJuliette Armanet Brûler le feu réécouter les bons sons de l’année écoulée… Je vais ainsi bientôt m’atteler à confectionner les tops de cette année 2021 qui est un fort bon cru. Cependant, afin que vous ne déclenchiez pas une alerte enlèvement en raison de mon silence ces derniers temps, je vous partage un titre que vous serez, à n’en pas douter, très nombreux à connaître. Cela fait plus d’un mois que Le dernier jour du disco m’obsède par la beauté de ses paroles et surtout l’évidence mélodique. C’est frais, spontané, faussement évident et absolument impossible à ne pas fredonner en cette période complexe où l’on souhaiterait plutôt le dernier jour du covid… Après un premier album Petite amie brillant en 2017 porté par des titres plus intimistes comme L’amour en solitaire et L’Indien, Brûler le feu sorti il y a un mois tout pile mérite amplement d’être écouté s’il est à l’image de ce single addictif. A plus tard pour le bilan de 2021, enjoy !

Sylphe

Five reasons n°34 : Low skies (2021) de Nebno

a3121430303_16Les plus attentifs d’entre vous auront relevé, dans la review de The Dystopian Thing la semaine dernière, une allusion-référence de Thomas Méreur à Nebno. L’envie nous a pris de retourner écouter un peu plus attentivement le travail musical de cette artiste suisse. Low skies, sorti en octobre dernier, est le deuxième album de Nebno, précédemment connu sous le nom de Manon (puisque Manon Schlittler elle s’appelle). Son premier opus Streams était sorti voici deux ans, à quelques jours de distance de Dyrhólaey, premier album de Thomas Méreur. A se plonger dans Low skies, on y retrouve des liens artistiques avec The Dystopian Thing, notamment dans les ambiances sonores. Il y a parfois des coïncidences de calendrier. Il y a aussi et surtout des musiciens qui savent faire du son, et du beau son. Nebno en fait partie, et nous allons voir sans plus tarder cinq bonnes raisons d’écouter ce deuxième album envoûtant.

  1. Low skies est au moins aussi beau que Streams. Cela veut dire quoi ? Si vous connaissez le premier album de Nebno, vous allez retrouver la magie sonore qui l’illuminait. Si vous ne connaissez pas, il est grand temps de prendre un moment pour découvrir les deux disques de cette artiste. Et de plonger dans des ambiances très aériennes, oniriques et vaporeuses. Low skies est un pur voyage sonore, sensitif et sensuel. Il suffit de lancer l’album, de fermer les yeux et de se laisser porter par le piano, les nappes de synthés et les mélodies.
  2. Le sens de la mélodie, voilà précisément une des forces de Nebno et de ce Low skies. Oubliez les mélodies attendues et faciles sur le classique schéma intro/couplets/refrain. Nebno construit chacune de ses compositions comme une petite épopée qui part d’un point A pour aller à un point B, mais en prenant des chemins que l’on imagine même pas. Aucune ligne droite, aucune facilité, pour une musique pourtant hyper abordable et qui fascine directement. On se laisse porter par chacun des sept titres de l’album, chacun avec son ambiance, et l’on arrive au terme des 35 minutes sans s’en apercevoir tout en ayant la sensation d’avoir visité mille paysages.
  3. La variété des ambiances : sans doute l’autre force de la musique de Nebno. Aucune lassitude, aucune répétition. One to one débute comme un pur son 80’s new-wave avant de s’envoler, et Distance m’a baladé au cœur d’une forêt elfique. Quant à Maze (le bien nommé), il m’a égaré dans un dédale sans fin, mais terriblement excitant au point d’en rechercher la sortie sans la souhaiter pour rester profiter encore un peu du mystère. Je ne vous raconte pas tout et ne dévoile pas toutes les images mentales qui me sont venues, car chacun se fera son décor et son périple. Disons simplement que Low skies offre en un peu plus d’une demi-heure bien plus de rêve(s) que certaines longues, pénibles et prétentieuses propositions artistiques. Dans un sens, Low skies me rappelle le magnifique Air de Jeanne Added sorti au début de l’été 2020.
  4. Il vous faut d’autres raisons ? Soit. Non contente de proposer des mélodies joliment écrites, composées et mises en images mentales, Nebno ponctue sa musique de mille et un petits bruits, cliquetis, sonorités qui enrichissent et densifient ses morceaux. A ce titre, j’ai particulièrement aimé Eyote, ou encore Maze. On y retrouve tous les petits artefacts et glitches sonores qui m’avait fait adorer ISAM (2011) d’Amon Tobin. Toutefois, si ce dernier livrait un album assez sombre et parfois inquiétant, Nebno renverse la tendance avec un disque lumineux et dense. Et, pour profiter pleinement de ce jeu de sonorités qui rehaussent les morceaux, je vous conseille fortement d’écouter Low skies au casque.
  5. Enfin, ce Five Reasons ne serait pas complet sans évoquer la voix de Nebno. En cela, son travail se rapproche de celui de Thomas Méreur pour l’omniprésence et la mise en avant de la voix. Une voix saisissante, captivante et d’une pureté incroyable que Nebno exploite sous tous les angles. Mélodie principale, collages vocaux, murmures, chuchotements : rien n’est laissé au hasard, pour un résultat de toute beauté. On est loin des chanteuses à voix puissante qui envoient du volume. Nebno est bien plus subtile, tout en manipulant de la plus intelligente des façons une voix qui rappelle parfois Tori Amos, mais exploitée sous bien plus de facettes. Il en résulte des morceaux dans lesquels le vocal s’inscrit au cœur de la musique, comme un instrument supplémentaire qui apporte sa propre couleur mélodique.

Low skies est un très bel album, totalement happant. Je ne peux que vous conseiller de faire le voyage, tant la (dé)charge émotionnelle qui se dégage de ses 35 minutes fait du bien. Et si cela ne vous suffit pas, dites vous qu’il y a aussi Streams, le premier album de Nebno. Ce serait moche de passer à côté de si beaux moments musicaux, et d’aller s’égarer dans les daubes infâmes qui irriguent parfois les bacs des disquaires. En un mot comme en cent : écoutez Nebno, bon sang !

Low skies est disponible à l’écoute sur les plateformes de streaming, et en vente numérique sur Bandcamp : https://nebno.bandcamp.com/album/low-skies

Raf Against The Machine

Review n°90 : The Dystopian Thing (2021) de Thomas Méreur

a4171817291_10Presque tout pile deux années après Dyrhólaey, sorti en octobre 2019, Thomas Méreur est de retour avec son deuxième album The Dystopian Thing. Pour tout lecteur régulier de Five-Minutes, aucune surprise si je dis que c’est un des albums que j’attendais le plus cette année. Disons même que c’est l’album que j’attendais le plus. Dyrhólaey m’avait envoûté et embarqué par sa somme d’émotions et son intimisme (pour les retardataires, la review est toujours dispo par ici), au point de se hisser quasi instantanément et durablement à la place n°1 de mon année musicale 2019. Comme si cela ne suffisait pas, c’est un disque qui s’est bonifié avec le temps et qui m’accompagne depuis. Au point d’avoir joué un rôle majeur dans la survie de mon moral pendant le printemps et l’été 2020, au cours de longs mois de confinement forcé. Au-delà de ces circonstances particulières, j’ai tissé des liens et un rapport très particuliers à la musique de Thomas Méreur. The Dystopian Thing sort aujourd’hui 10 décembre. L’heure est venue de savoir si le garçon évite le piège du deuxième album, et si sa musique reste sur le haut du panier. Interrogation réthorique : harder, better, faster, stronger, The Dystopian Thing est une pure merveille qui prolonge et confirme le talent aussi insolent qu’incontournable de son auteur. Balade au cœur de l’album, éclairée par Thomas Méreur himself.

Par son titre, Dyrhólaey nous embarquait au bout des terres islandaises, sur une petite péninsule qui porte ce nom. The Dystopian Thing (littéralement « Le truc dystopique ») propose un autre type de voyage qui pourrait séduire les fans de science-fiction (dont je fais partie), mais l’explication est plus terre à terre, tout en recélant une référence qu’on valide sans réserve : « En fait, nous explique Thomas, c’est un vilain clin d’œil à Thom Yorke qui est, évidemment, ma référence absolue. Quelques mois avant la sortie de son album solo Anima, il y a eu quelques articles dans la presse anglaise où son disque, alors annoncé mais mystérieux, était appelé “the dystopian thing” ainsi qu’il avait sans doute dû y faire référence quand on l’interrogeait dessus. J’ai adoré ce working title et, en clin d’œil/blague, c’est comme ça que j’ai appelé le répertoire où je sauvegardais mes chansons sur mon iMac. Et c’est resté collé à l’album car je trouvais que ça décrivait très bien l’ambiance et l’esprit des paroles, notamment. J’étais très heureux quand j’ai découvert que l’album de Thom Yorke s’appelait Anima au final ! » Et l’on va vite s’apercevoir que la qualité de The Dystopian Thing n’a pas à rougir de ce clin d’œil appuyé à Thom Yorke/Radiohead.

The Dystopian Thing est une digne suite de Dyrhólaey. Ni meilleur, ni plus audacieux, ni plus ambitieux. Il est juste un logique prolongement, autant que l’enrichissement de compositions déjà existantes : « Dyrhólaey avait pris forme très vite au printemps 2018, en deux ou trois mois. Il s’est ensuite écoulé pas mal de temps avant sa sortie officielle. Du coup, j’ai commencé à composer d’autres chansons alors même que le premier disque n’était pas sorti. La plupart des chansons existaient même plus ou moins dès fin 2019. En revanche, contrairement au premier album, j’ai donc un peu plus pris le temps de réfléchir aux morceaux, de les retravailler, d’imaginer de nouvelles choses, d’ajouter des arrangements différents ; de les enrichir, en somme. C’était une approche assez différente de Dyrhólaey que je voulais vraiment brut et épuré. The Dystopian Thing s’est aussi étoffé de différentes expérimentations que j’ai pu mener avec des projets que je mène à côté. » Voilà pourquoi on retrouve dans ce nouvel album un titre d’ouverture tel que By the sea, dont la coloration musicale le rapproche d’un Apex sur Dyrhólaey. Mêmes frissons et mêmes promesses intenses dès les premières notes. En revanche, d’autres morceaux comme Jericho ou Lost in time proposent une exploration musicale nouvelle, avec la présence délicate de synthés qui décuplent la puissance mélodique de l’ensemble. Ce qui frappe dans The Dystopian Thing, c’est l’évidente parenté avec le premier opus, teintée de nouveauté. Autrement dit, Thomas Méreur réalise le tour de magie de nous emmener en terrain connu, tout en proposant de nouveaux paysages sonores. Mais je tourne en rond, et c’est bien lui qui parle le mieux de ce processus créatif : « Dyrhólaey est né d’une petite crise créative où je m’étais englué. J’avais alors besoin et envie de composer avec le strict minimum pour ne pas me perdre dans les méandres des arrangements. Avec cette base musicale forte et bien établie – un piano et des voix -, j’ai pu m’autoriser à ouvrir un peu les possibilités de ce point de vue. Mais je me suis quand même mis des limites : guitare, basse, nappes de violons et piano, pas plus. Du coup, ça m’a permis d’enrichir le son tout en restant dans la lignée du premier album sans m’éparpiller et risquer de me perdre. J’avais notamment très envie d’y mettre de la guitare car c’est mon premier instrument de cœur, avec lequel j’ai appris à composer. »

De nouvelles ambiances sonores

Cet enrichissement des compositions et des arrangements se retrouve par exemple dans Out of the dirt. Le titre apporte une dose de mystère à la limite de l’inquiétant que l’on ne connaissait pas avant, soutenue par des murmures qui s’infiltrent un peu partout. On y retrouve une grosse influence Erik Satie au travers de boucles de piano, mais aussi celle de la bande de Thom Yorke : « Avec Out of the dirt, j’avais envie de “salir” un peu ma musique avec un côté mystérieux, limite oppressant, comme dans Climbing up the wall de Radiohead notamment. Je voulais un peu bousculer ce côté paisible et planant pour provoquer quelque chose de différent. » Out of the dirt est totalement captivant. Voilà un titre qui, dès la première écoute, m’a collé à la cervelle et ne m’a pas lâché depuis. Un peu comme un son qui poisse mais qui envoûte. Une sorte de nouvelle d’Edgar Poe ou de Lovecraft en version sonore, qui perturbe autant qu’elle fascine.

Un peu plus loin, A long way home surprend aussi, mais cette fois par sa lumière éclatante. Le morceau joue énormément sur la répétitivité de courtes boucles électros, sur lesquelles arrive vers 1’20 la voix de Thomas Méreur, pour faire éclater de frissons tout l’ensemble. « A long way home est venu d’une petite expérimentation avec mon piano glissé dans une sorte de loop que j’ai un peu triturée. Ça donne un arpège assez rapide, entêtant et aléatoire que je ne maîtrisais pas vraiment. J’ai trouvé ça vraiment intéressant comme travail même si l’enregistrement des voix n’a pas été simple ! » A long way home a instantanément sonné dans mes oreilles comme une sorte d’Archive dans ce qu’il aurait de plus lumineux et aérien. Une référence que notre artiste du jour ne rejette pas, bien au contraire : « Archive, bien sûr que ça me convient ! Je suis très fan de ce groupe, notamment depuis l’album You all look the same to me. » Et comme par chez nous on est ultra fans de cette galette d’Archive (oui, des suivantes aussi, j’avoue), voilà qui nous parle droit au cœur. Cela dit, d’autres influences avouées sont tout aussi séduisantes : « J’ai effectivement été pas mal inspiré par l’artiste suisse Nebno dont les deux albums sont vraiment incroyables et qui réalise un merveilleux travail sur les atmosphères sonores qui entourent les morceaux. J’avais aussi un peu en tête Mélanie de Biasio et ses ambiances jazzy douces et envoûtantes. »

La chose la plus frappante dans The Dystopian Thing, c’est de ressentir la créativité à la fois spontanée et libre mais hyper chiadée qui s’en dégage. Comme c’était déjà le cas sur Dyrhólaey, une écoute distraite du disque laisserait penser à des compositions faciles et sans efforts. Il n’en est rien, puisque le processus créatif de Thomas Méreur débute sur de la libre recherche, avant de basculer sur un travail d’orfèvre, une sorte de dentelle musicale de tous les instants : « Pour le processus d’écriture en lui-même, j’avoue que je ne sais pas trop ce qui se passe ! Je me mets derrière mon piano et puis je laisse mes doigts jouer dessus simplement, tester des accords. Parfois c’est un petit arpège, parfois juste un accord unique et je travaille autour pour construire quelque chose. C’est une recherche, mais j’ai l’impression qu’elle mène à extirper des sons et des mélodies qui sont déjà là, quelque part dans ma tête… Ensuite, la voix vient vraiment au feeling. Les harmonies et les arrangements arrivent après : au fil des écoutes, j’ai parfois l’impression d’entendre au loin ce qu’il faudra ajouter au morceau et j’essaie alors de retranscrire ces sensations qui me viennent. » Il suffit d’écouter Human, Unsaid ou encore Devious time pour illustrer ces propos. Chaque note, chaque petit artefact sonore, chaque arrangement tombe pile au bon moment, dans une finesse absolue.

La voix au cœur des compositions

En réalité, au cœur de ce processus créatif, se trouve un élément fondamental qui lie les 11 titres de l’album : la voix de Thomas Méreur. Sur Dyrhólaey, certains morceaux étaient instrumentaux. Point de ça pour le deuxième opus, sur lequel les voix sont omniprésentes. Oui, j’ai bien écrit les voix : même si ne résonne que celle de Thomas Méreur, le travail de polyphonies et d’équilibrage est poussé au maximum. Résultat, cette voix sortie de nulle part qui sait nous emmener à peu près partout nous transperce de beauté durant les 45 minutes que dure The Dystopian Thing. « Je crois que j’assume de plus en plus ma voix et mon penchant pour les polyphonies, explique Thomas. C’est vraiment quelque chose qui me fait vibrer. Même quand j’écoute de la musique, j’ai souvent tendance à vouloir placer des secondes voix dessus, à ajouter une mélodie en parallèle qui viendra enrichir la première. Je trouve que ça donne beaucoup de relief à une chanson ». Voilà l’idée : donner du relief à des compositions qui n’en manquent déjà pas, en superposant des mélodies vocales. Un titre comme This far gagne alors une épaisseur musicale et émotionnelle incroyable.

Et côté émotions, Thomas Méreur sait y faire. Si son premier album m’avait bouleversé, The Dystopian Thing enfonce le clou. On y retrouve cette capacité à nous emmener très loin, tout en se retrouvant avec soi-même dans une bulle intime et introspective. Durant les 45 minutes de l’album, j’ai souri, j’ai frissonné, j’ai pleuré. Des images et des souvenirs me sont venus, convoqués par les différents titres. Des moments de vie, des moments à vivre. Passés, présents et à venir. Des retrouvailles imaginaires avec des fantômes du passé que je n’ai jamais oubliés, ou jamais vraiment laissés partir. Des envies d’autres fantômes pas encore rencontrés, d’esprits lumineux, humains, naturels et enveloppants. Je suis parti très loin avec The Dystopian Thing, avant parfois d’être rattrapé par moi-même et de me réfugier au plus profond de moi. Ces musiques m’apportent aussi un regard sur le monde et sur la vie. Elles me donnent de l’apaisement, de l’espoir, de l’énergie, et rendent mes journées plus supportables et mes nuits moins insomniaques. Un paquet d’émotions à fleur de peau, une sensibilité exacerbée, affichées par Thomas Méreur lui-même : « Je suis quelqu’un d’assez sensible, mais qui ne le montre pas du tout aux autres – dans mon quotidien, je veux dire. J’ai toujours beaucoup de retenue et une pudeur presque maladive. J’imagine que la musique est une manière pour moi d’évacuer et faire ressortir les émotions que je cache habituellement ou même dont je ne suis pas toujours très conscient. » On retrouve aussi, tout au long de l’album, un rapport essentiel à la nature, incarné notamment par Human. « Je suis extrêmement sensible à l’écologie et au changement climatique, précise Thomas. J’avais vraiment envie d’aborder ces thèmes et c’est le fil rouge de tout l’album, à travers mon regard assez pessimiste d’ailleurs… Quasiment toutes les chansons abordent plus ou moins ces sujets, de différentes manières. » Ecouter Human, et par extension The Dystopian Thing, c’est aussi regarder la Terre depuis le ciel en observant ce que l’Homme, qui peut être le plus grand des génies comme le pire des salopards, est capable de faire de son bien le plus précieux. Touchant et bouleversant album. Une claque émotionnelle totale.

Le Méreur reste à venir

The Dystopian Thing est disponible à l’écoute dès ce 10 décembre sur toutes les bonnes plateformes de streaming, mais aussi et surtout à l’achat sur le Bandcamp du label Shimmering Moods Records, « un label néerlandais qui existe depuis pas mal d’années et qui est plutôt spécialisé dans l’ambient tirant parfois vers l’expérimental. Le catalogue est vraiment très riche et varié et j’ai vraiment beaucoup de chance d’avoir pu sortir mon album chez eux. » L’album est en vente en version numérique mais aussi en CD, avec en plus un visuel de pochette de toute beauté. Pour la version physique, ne trainez pas : tous les exemplaires proposés en précommande à compter du 3 décembre s’étant envolés en quelques heures, le label en represse quelques exemplaires qui devraient eux aussi partir très vite. Alors, heureux Thomas Méreur ? « Plus qu’heureux, oui !! Et franchement surpris ! C’est vraiment incroyable. Depuis deux ans, j’ai toujours du mal à réaliser ce qui se passe. Avec Dyrhólaey, j’ai déjà eu des retours fantastiques et l’album a beaucoup voyagé. Il s’est passé plein de choses suite à ça, mais je ne réalise toujours pas vraiment, je crois. » Et pourtant, la réalité est bel et bien là. Tous les voyants sont au vert, avec des compositions incroyables qui me fascinent au plus haut point, un deuxième album sold out avant même d’être sorti, et des projets en quantité pour poursuivre cette belle aventure.

Pas de perspective de scène à l’heure actuelle, à la fois en raison de cette fucking épidémie, mais aussi parce que cela nécessiterait d’« être 2 ou 3 sur scène pour retranscrire les morceaux tel qu’il faudrait. » En revanche, plusieurs pistes fort alléchantes qui n’étonnent pas vraiment. Puisque The Dystopian Thing ouvre des portes en enrichissant l’univers musical de Thomas Méreur, ce dernier prévoit d’enrichir ses compositions en ouvrant, précisément, d’autres portes : « J’ai un album 100% piano qui est prêt et que j’aimerais sortir l’année prochaine. J’ai aussi quelque chose de beaucoup plus ambient/drone qui pourrait venir, et puis une collaboration avec Caminauta, une merveilleuse musicienne d’Uruguay, avec qui on travaille tout doucement sur un projet d’album. » Enfin, rappelons que Thomas Méreur est aussi Amaebi, grand fan de jeux vidéo et journaliste chez Gamekult.com (#lesitederéférence) pour des tests et une chronique Juste un doigt (sur le jeu mobile) que je ne saurais que trop vous conseiller. Crossover évident, la musique/les BO de jeux vidéo. « C’est effectivement un grand rêve pour moi de réussir à mêler mes deux passions. Je travaille en ce moment sur la BO de Facettes et c’est vraiment hyper inspirant de composer à partir d’un vrai support, d’habiller des images et d’imaginer ce qu’elles peuvent dégager musicalement. Et si tout va bien, j’aurais dans quelques mois une autre très très belle surprise à dévoiler de ce côté ».

En résumé, « j’ai pas mal de projets en cours. Limite un peu trop ! Il faut que j’essaie de me recentrer un peu, mais c’est tellement enthousiasmant tout ça. Bref, j’ai de quoi faire ! » Et tant mieux pour ce garçon aussi talentueux que chaleureux. D’ici là, nous aussi avons de quoi faire, avec ce The Dystopian Thing : un album à vous procurer de toute urgence et à écouter en boucle tellement il fait du bien au corps, à l’esprit, à la vie. Il est arrivé juste à temps pour concourir à mon podium 2021, et autant lever le suspense tout de suite : il est dessus, et sur la première marche. Le top de fin d’année sera l’occasion d’y revenir. 2021 avait très bien commencé avec The shadow of their suns de Wax Tailor, un autre grand disque. Elle se termine de la plus belle des manières, avec un album indispensable, magnifiquement écrit, réalisé et interprété. Si vous ne devez en acheter qu’un seul cette année, le voilà. Dans ce monde qui respire bien trop souvent la crasse, la connerie humaine, l’intolérance, le gâchis et les idées nauséabondes, il existe ce magnifique The Dystopian Thing. Ce serait totalement incompréhensible de ne pas s’y plonger.

Un immense merci à Thomas Méreur pour sa disponibilité lors de nos échanges, et pour m’avoir permis de découvrir en avant-première The Dystopian Thing, afin de préparer cette chronique. Merci à toi.

Raf Against The Machine

Review n°89: Day/ Night de Parcels (2021)

En 2018 arrivent ces cinq Australiens installés à Berlin placés sous la protection de Daft PunkParcel Day Night qui a produit leur premier single… On connaît la suite avec le raz de marée du premier album Parcels qui brille par sa maturité et la finesse de ses influences (à lire ou relire par ici pour les nostalgiques). Je ne vous ferai pas l’injure de vous affirmer que ce deuxième opus était pour le moins attendu et nous sommes copieusement servis avec un double album concept de plus d’1h30 à une époque où le format dépasse rarement les 45 minutes. Deux parties clairement définies, le funk classieux de Day d’un côté et l’intimité plus sombre de Night de l’autre, une qualité de production touchant au sublime, des cordes magnifiées par le magicien Owen Pallett et une véritable volonté de se renouveler, nous tenons à coup sûr un album marquant de cette fin d’année.

Le premier disque s’ouvre sur un LIGHT qui s’épanouit dans la douceur contemplative propre à l’électronica, les cordes d’Owen Pallett se mariant à merveille avec une atmosphère plus jazzy. Nous retrouvons sur la fin du morceau ces harmonies vocales et ces choeurs si caractéristiques du groupe. Free par la suite va continuer à creuser ce sillon jazzy avec son piano subtil en fond dans un morceau entrelaçant les thématiques habituelles de l’amour et de la liberté. C’est finalement Comingback qui va nous ramener sur les plages ensoleillées du premier album avec sa pop uptempo débridée qui donne envie de piquer une tête sans songer une seule seconde au risque de l’hydrocution. Les choeurs, la montée finale sublimée par les drums, tout paraît d’une grande évidence. La ligne de basse digne de Balthazar de Theworstthing, l’inquiétant interlude Inthecity et la pop un peu trop sirupeuse de NowIcaresomemore nous amènent vers le bijou de l’album Somethinggreater qui brille par sa coolitude et sa puissance mélodique. Les influences (Daft Punk et Phoenix en têtes) sont parfaitement assimilées et le résultat addictif ! L’instrumentation jazzy de Daywalk nous aide à reprendre nos esprits avant que la douceur d’Outside s’impose comme le plus beau moment d’émotion de l’opus. Ca sonne comme du Alt-J apaisé et je me laisse emporter sans même m’en rendre compte, je me sens une victime si facile mais bon ces cordes finales tout de même… Ce premier disque que nous pouvons facilement rattacher au premier album confirme la finesse et la subtilité des Australiens.

L’unité du deuxième disque est plus difficile à percevoir, une véritable volonté de sortir des sentiers battus se dégage. Je suis plus désarçonné par ce Night et vous donne un simple aperçu pour vous donner l’envie d’explorer… Nous pouvons donc retrouver de la pop orchestrale plus sombre avec Neverloved, la pop disco de Famous perçue comme un anachronisme aussi savoureux qu’improbable ou encore une électro/ambient plus conceptuelle digne de Casper Clausen avec Nightwalk. Sur ce deuxième disque, j’ai un coup de coeur pour LordHenry et sa disco hédoniste toute en rupture ainsi que la douceur et le dépouillement de Thefear qui est un superbe pendant plus sombre d’Outside. La référence qui me traverse régulièrement l’esprit c’est Son Lux pour vous donner une petite idée de l’originalité de ce deuxième disque…

Le cap de ce deuxième album est donc passé haut la main pour Parcels avec ce Day/Night aussi beau qu’aventureux dont la richesse nécessitera de nombreuses écoutes pour en saisir toute la quintessence, enjoy!

Sylphe

Pépite du moment n°100: Surrounded By Spies de Placebo (2021)

Placebo est incontestablement un groupe qui me tient à coeur, la preuve en est avec la playlistPlacebo Never Let Me Go les concernant publiée sur ce blog et à relire/réécouter par ici. Du coup, l’annonce d’un nouvel album fait toujours plaisir, d’autant plus que l’attente commence à être longue, Loud Like Love datant déjà de 2003… En septembre dernier, le premier single Beautiful James du huitième album studio intitulé Never Let Me Go (date de sortie, le 25 mars 2022) annonçait déjà de belles choses, ce qui vient d’être confirmé par le deuxième titre sorti le 19 novembre dernier Surrounded By Spies. On retrouve toute l’intensité et la rage du chant de Brian Molko qui nous assène des phrases répétées inlassablement, une batterie juste et la montée en puissance habituelle qui fait parfaitement mouche. Sans être un titre foncièrement novateur, voilà du baume au coeur et l’espoir d’un futur album de qualité, enjoy !

 

Sylphe