Ciné-Musique n°13 : The Last of Us (2023) de Gustavo Santaolalla

ab67616d0000b27370f76c0e9a71f567b690f5e8Quitte à enfoncer des portes ouvertes, autant le faire avec classe et sur un sujet qui vend du rêve. Pour la classe, il serait bien prétentieux de ma part de l’avancer : c’est vous seuls qui en êtes juges à la lecture de ces lignes et de ce blog. Pour le sujet qui vend du rêve, en revanche, j’ai moins de doutes. A peine disponible sur Prime video en janvier dernier, la première saison de la série HBO The Last of Us a déchaîné les commentaires, et des plus élogieux. Les neuf épisodes sont aujourd’hui visibles en totalité sur la plateforme. Il est donc possible de se binge-watcher ce qui restera possiblement comme la première adaptation TV d’un jeu vidéo enfin réussie. De sa photo à son casting, en passant par son scénario et sa réalisation, The Last of Us est une pure réussite. Tout comme dans sa version vidéoludique, on suit Joel et Ellie à travers des Etats-Unis (et un monde) ravagé par le cordyceps, un champignon parasite. Ce dernier divise le monde en deux catégories : ceux qui sont infectés, et ceux qui survivent. Vraie plongée dans le post-apocalyptique qui se loge parfois là où on ne l’attendait pas, The Last of Us mélange habilement la grande histoire du monde ravagé et l’intimisme des relations humaines en temps de crise.

La série a l’intelligence d’adapter le jeu vidéo sans chercher à faire du jeu vidéo filmé. C’est là toute sa force, et c’est sans doute pourquoi elle fonctionne aussi bien. Point de séquences gaming qui s’enchainent les unes aux autres, mais plutôt un long film de plusieurs heures (près de 9 donc), chargé de tensions et d’émotions. Un visionnage qui nous amène à nous questionner : si c’était nous, quels choix ferions-nous ? Voilà un point commun entre la série et son inspiration JV. Autre point commun, et pas des moindres, la bande-son de la série. Si on y entend du a-ha, ou encore la voix sépulcrale d’Eddie Vedder, le score original revient à Gustavo Santaolalla et David Fleming. Le même Gustavo Santaolalla qui composa à l’époque les BO des jeux The Last of Us.

Musicien argentin né en 1951, il n’en est pas à son coup d’essai. The Last of Us le ramène sur le devant de la scène, mais on lui doit bon nombre de BO ciné et séries assez mémorables. A commencer par les films d’Alejandro González Iñárritu comme 21 grammes (2003) ou Babel (2006), ou d’autres longs métrages tels que Le secret de Brokeback Mountain (2005). Pour la série The Last of Us, les pépites s’enchaînent épisodes après épisodes, et contribuent ainsi à l’ambiance si particulière qui plane au cours de la saison. La meilleure façon de découvrir tout cela, c’est de vous plonger dans les neuf épisodes de The Last of Us. En guise de mise en bouche, on s’écoute le générique de la série, qui vaut autant par ses qualités graphiques que sa bande-son hors du temps.

Raf Against The Machine

Ciné-musique n°12 : Space Oddity (1969) de David Bowie in Westworld (2020) par The Classic Rock String Quartet (2004)

Westworld_Season_3_Music_from_the_HBO_Series_Bande_OriginaleUn jour, je vous parlerai en détail de la BO de la série TV Westworld, et de comment elle dessine tout le propos et accompagne merveilleusement les trois saisons actuellement disponibles. Tout comme je prendrai le temps de revenir sur The Leftovers et sa BO concoctée par Max Richter. Tout ça, c’est comme la BO de NieR: Automata : des œuvres tellement puissantes, qui m’ont bouleversé et me bouleversent encore aujourd’hui que je ne sais pas vraiment comment en parler comme il faut, et comment ne pas trahir la somme d’émotions qu’il y a dans tout ça. Comme disait Jack Kérouac, « Un jour, je trouverai les mots justes. Et ils seront simples ». Nous n’en sommes pas encore là, et il va vous falloir patienter, le temps que j’écrive des chroniques satisfaisantes à mes yeux. Promis, j’y travaille ! Cela n’empêche pas de tout de même jeter une oreille du côté de Westworld et notamment de sa saison 3 qui recèle de bien beaux morceaux.

Pour resituer rapidement, et sans déflorer, cette grande série de SF, la saison 1 se déroule dans Westworld, un parc d’attractions pour adultes très friqués. Moyennant un ticket d’entrée bien relevé, ces derniers peuvent se plonger dans un Far-West où il est possible de vivre ses plus profondes pulsions et ses plus bas instincts, sans aucune limite. Envie de flinguer à tout va ? C’est possible. De se bourrer la gueule avant de se tabasser allègrement ? C’est possible aussi. De baiser à n’en plus pouvoir, éventuellement des putes ? De jouer un immonde salopard qui baise avec des putes avant de les tabasser, voir de les flinguer ? Tout ça à la fois ? Tout est possible à Westworld, puisque tous les hôtes du parc (qui seraient des PNJ dans un jeu vidéo) sont des robots, ce qui débarrasse le friqué visiteur de tout éventuel scrupule. Des androïdes ultra perfectionnés et si proches de l’humain qu’on fait difficilement la différence. Evidemment, ce joyeux bordel à rupins va se mettre à déconner, et les androïdes se révolter. Rêvent-ils de moutons électriques ? L’histoire ne le dit pas, mais ils aspirent en revanche à une vie humaine, peut-être même à la place des humains dans le monde réel. La saison 2 prolonge ces thématiques en donnant à voir d’autres parcs à thème basés sur le même principe. Quant à la saison 3…

La saison 3 déjoue tous les plans et tout ce qu’on pouvait attendre de la série. Saison déconcertante pour certains, fascinante pour d’autres. Je suis de la deuxième team, tellement j’ai trouvé intelligent le virage pris. Une série menée par Jonathan Nolan (frère de) et Lisa Joy (femme du précédent et donc belle-sœur de) et produite par le J. J. Abrams. Ce dernier et Jonathan Nolan avait déjà sévi avec Person of Interest, série plus profonde qu’il n’y paraît, bien qu’on pût la voir sur TF1. Comme quoi. Westworld enfonce le clou bien plus loin sur la question de l’intelligence artificielle et de ce qui fait de l’Homme un Homme. Thématiques SF classiques mais parfaitement traitées, et à ce jour 28 épisodes portés par une BO de furieux, composée par Ramin Djawadi.

Le garçon a déjà une palanquée de BO à son actif, au cinéma comme pour la TV. Citons en vrac Pacific Rim (le premier, le seul et l’unique, pas la daube qui suit), Iron Man, Uncharted, ou encore Game of Thrones, Person of interest et The Strain. Pour Westworld, il a intelligemment mêlé des compositions originales (le générique est une pure merveille) et des reprises de titres archi connus, dans des arrangements souvent inattendus. Dès la saison 1, on entendra ainsi du Radiohead, les Stones, Nirvana ou encore Amy Winehouse revus et corrigés. En saison 3, ça continue à déboîter sec et à toucher en plein cœur, avec en plus des titres par leur propres interprètes, ou relus par d’autres. En témoigne cette version piano-cordes de Space Oddity. Peut-être un des plus beaux morceaux de David Bowie, et à mon goût dans le Top 5 (voire 3) de ce très grand artiste. Je suis dingue de cette chanson qui me transperce à chaque écoute. La version cordes est à mettre au crédit de The Classic Rock String Quartet, qui s’est fait une spécialité de reprendre des grands artistes rock en formation musique de chambre. Cette interprétation, disponible sur The Bowie Chambre Suite (2004), apporte une dose supplémentaire d’émotions par son minimalisme intimiste. J’en ai déjà trop dit, car cette petite merveille se passe presque de tout commentaire. Il faut juste l’écouter et se laisser emporter. Et comme on aime nos lecteurs (oui vous !) sur Five-Minutes, on vous rajoute la version originale par Bowie himself (à écouter au casque pour bien capter le mixage multipiste de malade). Les poils et la chialade, puissance 2.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°11 : I’m shipping up to Boston (2005) des Dropkick Murphys in Les Infiltrés (2006) de Martin Scorsese

Capture d’écran 2022-03-17 à 18.15.35Alors que l’on redécouvre au cinéma la trilogie Infernal Affairs vingt ans après sa sortie, à la faveur d’une ressortie en version restaurée 4k, on peut aussi se replonger dans deux enfants spirituels des films de Alan Mak et Andrew Law. Les trois longs métrages hong-kongais suivent l’existence de deux infiltrés sur une dizaine d’années : l’un au sein de la police, l’autre dans les triades de Hong Kong. Si le genre vous tente un tant soit peu, foncez sur ce triptyque qui a marqué non seulement le début des années 2000, mais aussi l’univers vidéoludique et le cinéma occidental. Infernal Affairs a en effet largement semé dans Sleeping Dogs, jeu vidéo très efficace sorti en 2012 sur PS3, puis en version polishée et définitive en 2014 sur PS4. On y incarne Wei Shen, policier infiltré dans les triades, pour un GTA-like dense et captivant de par l’environnement où l’on évolue. Entre la nécessité de sans arrêt jouer sur un fil et divers retournements de scénario, voilà bien un titre qui ne peut nier sa filiation avec Infernal Affairs.

Du côté du cinéma occidental, Martin Scorsese s’empare du sujet dès 2006 pour réaliser Les infiltrés. Un film policier de haute volée, qui oppose la mafia irlandaise et la police dans la ville de Boston. On retrouve Matt Damon en flic mais issu du milieu mafieux et qui n’a pas réellement coupé les ponts, et Leonardo DiCaprio en flic infiltré issu d’un milieu assez huppé tout en ayant dans son arbre généalogique quelques spécimens de truands. Autant dire qu’il n’y a rien de manichéen dans Les infiltrés, et qu va rapidement s’engager un jeu de dupes dont personne ne sortira indemne. No spoil évidemment, je vous laisse découvrir cette petite merveille si vous ne la connaissez pas. Outre son scénario diablement ficelé et ses interprètes au sommet de leur forme (oui, même Matt Damon) sous la caméra du maître Scorsese, c’est une énorme énergie rock qui se dégage du film. Si le réalisateur a choisi Howard Shore pour la BO de son film, il est aussi allé chercher son thème principal chez les Dropkick Murphys.

En activité depuis 1996, la formation américaine de punk rock celtique déverse une énergie qu’on a connu jadis dans de folles et interminables soirées lycéennes/étudiantes au fin fond d’un pub enfumé et chargé de houblon. Un son qui rappelle parfois celui de The Pogues, dans son côté foutoir festif rock. Dix albums studio au compteur pour les Dropkick Murphys, et notamment The Warrior’s Code en 2005, qui leur apportera le succès commercial. Pas seulement commercial puisque Scorsese, en fin mélomane et grand connaisseur rock, saura repérer le titre I’m shipping up to Boston pour mettre le feu à ses Infiltrés. Sans ce thème énergique, rageux et inoubliable, le film de Scorsese aurait-il été le même ? Dans sa qualité et sa globalité, oui sans doute. Toutefois, le rock incendiaire des Dropkick Murphys apporte sa dose de tabasco dans une sangria déjà bien relevée. Voilà une nouvelle preuve de la fusion Scorsese/Rock, que l’on retrouve depuis des décennies au fil de films aussi géniaux que Les Affranchis, Casino, ou encore de projets autour de Bob Dylan. Prêts à mettre un peu le bordel et à prolonger la St Patrick ?

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°10 : The Batman (2022) de Matt Reeves/Michael Giacchino

news_13642Enfin sorti hier 2 mars après des mois d’attente et d’impatience, The Batman de Matt Reeves a déjà mis presque tout le monde d’accord. Affichant à ce jour un 8,9/10 chez IMDb (plus de 21 000 avis), 86% chez Rotten Tomatoes et un double 4,3/5 spectateurs et 3,9/5 presse du côté d’Allociné, les dernières aventures cinématographiques du Dark Knight font presque l’unanimité. Il faut dire que le film est une immense réussite artistique, doublée d’une adaptation franchement convaincante. Tout spectateur qui s’attendra à une histoire de super-héros ponctuée de blagounettes lourdingues sera bien déçu. En effet, The Batman joue la carte du retour aux sources du personnage : un détective impulsif et de haute volée, qui se plonge dans une enquête d’une grande noirceur, tant dans son propos que dans l’esthétique. Une série de crimes violents et énigmatiques frappe la ville de Gotham, déjà submergée par la violence. La police est dépassée, bientôt rejointe par un Batman/Bruce Wayne encore jeune, mais surtout névrosé et dépressif au plus haut point. Robert Pattinson (totalement bluffant et excellent dans le rôle) campe un Bruce Wayne enfermé dans le choc jamais surmonté de la perte de ses parents, et dans un désespoir existentiel qui l’amène à tout donner pour Gotham.

Esthétiquement, The Batman mélange les influences et les clins d’œil, empruntant notamment au Se7en de David Fincher sous bien des aspects et se jouant dans une ville détrempée de pluie. La direction photo est quasi irréprochable, avec bon nombre de plans incroyables qu’on croirait tirés de comics. La nuit est omniprésente : sur trois heures de film, on doit voir le jours dix minutes en cumulé (et encore je suis large). Batman est une créature de la nuit, et Matt Reeves la replace dans son élément. Pour qui a envie de se plonger dans un thriller dark très 90’s assez magnifiquement réalisé et interprété, aucune hésitation à avoir : The Batman est le film qu’il vous faut. Les esprits chagrins qui doutaient de Robert Pattinson en seront pour leurs frais. Ce dernier déploie une qualité de jeu qui se rapproche bien plus de Cosmopolis ou Tenet que de Twilight. Les secondes rôles sont parfaits. Quant à l’ambiance globale noire, inquiétante et désespérée dont on a déjà parlée, elle est aussi soutenue par une bande son à couper le souffle.

Pour la bande originale de The Batman, Matt Reeves a fait appel à Michael Giacchino. Un nom qu’on ne présente plus, tant il a composé de thèmes mémorables pour le cinéma et la télévision depuis une vingtaine d’années. Lost, Fringe, Les Indestructibles, Mission Impossible 3, Jurassic World, Star Trek, Rogue One… c’est lui, et la liste est loin d’être exhaustive. On pourrait toutefois y ajouter ses précédentes collaborations avec Matt Reeves, notamment pour le très efficace Cloverfield, et les excellents La planète des singes : l’affrontement et La planète des singes : Suprémacie. Les deux compères se retrouvent pour un score qui laissera des traces. Basées sur des sons, des bruitages, des boucles minimalistes, des cordes grinçantes, les compositions de Michael Giacchino contribuent à la noirceur et l’inquiétante ambiance de The Batman, tout en sachant exploser et se faire plus intenses et fournies lorsque le film s’emballe. A aucun moment on ne se rend compte que la musique est là, tout simplement parce qu’elle s’insinue sans prévenir et fait totalement corps avec les images. Déjà en grande réussite sur leurs collaborations précédentes, les deux artistes atteignent ici une osmose naturelle et d’une foudroyante efficacité. Je défie quiconque de se débarrasser rapidement du thème principal en sortant du film.

Au-delà du score de Michael Giacchino, la plus grande trouvaille de Matt Reeves est peut-être d’injecter dans la BO de son film des morceaux déjà existants que l’on attendait pas. Je ne prendrais que deux exemples, sans spoiler quoique ce soit, et surtout pour ne pas vous en dévoiler trop. D’un côté, un Ave Maria qui ouvre notamment le film, pour une scène inaugurale d’une rare efficacité. De l’autre, Something in the way de Nirvana, pour éclairer à plusieurs reprises le désespoir ambiant. Pouvait-on mieux choisir, lorsqu’en plus on a droit à un Robert Pattinson se confondant parfois avec un Kurt Cobain revenu d’entre les morts qui incarnerait un Bruce Wayne totalement habité par ses angoisses névrotiques ?

The Batman est un vrai film réfléchi, construit, réussi, brillant, ultra-fidèle au matériau comics de base, et follement addictif. Après trois heures passées dans la salle (qui d’ailleurs ne se voient pas passer), l’envie de replonger est quasi-immédiate. La cohérence artistique du film est renversante, et la BO tient largement sa place dans cette réussite. Et dire que The Batman n’est que le premier d’une trilogie annoncée.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°9 : Who did that to you ? (2012) de John Legend

Django_Unchained_Bande_OriginaleSi la pépite intemporelle du jour vous dit quelque chose, c’est très possiblement pour l’avoir entendue en accompagnement musical d’un des plus grands films de ces dernières années. Nous y reviendrons très vite. Who did that to you ? a été composée précisément pour ce film, par un John Legend totalement inspiré. Musicien en activité depuis plus de vingt ans, il s’illustre dans les registres mêlés de la soul et du R’n’B, ce qui a donné lieu à des collaborations avec des Lauryn Hill, Jay-Z, ou encore Alicia Keys, excusez du peu. Le garçon est également à la tête d’une flopée de singles et d’albums sous son propre nom. Multi-récompensé notamment aux Grammy Awards, Golden Globes et Oscar, on tient là un artiste productif et qui ne manque pas de prestance.

En témoigne la pépite du jour. Who did that to you ? est un savant mélange de soul et de blues, teinté de gospel. Rien d’étonnant à cela, vu que John Legend a été plongé dès son plus jeune âge dans la musique par ses parents, chrétiens pratiquants. Ses premiers contacts musicaux ont été les chansons chrétiennes et le gospel. Who did that to you ? respire ces influences, tant dans la composition que le texte. Côté partition, ça groove et c’est mené comme les meilleurs morceaux soul de l’histoire, avec un vrai frisson. L’utilisation en intro d’un sample du viscéral et vénéneux The right to love you (1966) du groupe soul/funk The Mighty Hannibal ne fait que renforcer la puissance musicale du titre de John Legend.

Une force et une rage contenue à fleur de peau qui se décline aussi dans les paroles de Who did that to you ? Il est ici question de colère, de Dieu, et de la promesse d’une vengeance à la hauteur du mal fait à l’aimée. Composée spécialement pour Django Unchained (2012), septième film de Quentin Tarantino, cette chanson est sans doute un des morceaux qui colle le plus au propos film. Comme toujours chez Tarantino, il est question de revanche, et même ici de revanche multiple : racisme, esclavagisme, discrimination sociale, sexisme. Et la recherche de la liberté absolue, tant pour ses personnages que pour son propre cinéma. Tarantino développe tout ça avec brio dans l’univers du western, pour un résultat marquant et, sans doute, un de ses meilleurs films. Intéressant par ailleurs de voir que Django Unchained s’inspire et fait référence à Django (1966) de Sergio Corbucci, et qu’un des titres les plus efficaces de sa BO sample et s’inspire d’un autre titre, lui aussi de 1966.

Il ne reste plus qu’à (re)voir Django Unchained pour (re)visionner la scène qu’accompagne notre pépite musicale, et notamment le regard en gros plan qui dit tout à 2h31 pile. La boucle est bouclée. Et jamais n’aura été aussi présente l’idée que Tarantino fait coïncider images et musiques percutantes. Du grand son, du grand ciné : Who did that to you ? au cœur de Django Unchained, pour un moment d’anthologie, et l’introduction des parfaites quinze dernières minutes d’un film parfait. Intense et jouissif.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°8 : Under the Silver Lake (2018)

Cette semaine, je vous propose un Ciné-Musique un peu particulier. Il ne s’agit pas de revenir sur un score original, mais plutôt de mettre en avant deux titres qui avaient déjà leur petite vie avant d’intégrer la BO de Under the Silver Lake en 2018.

Under the Silver Lake, c’est quoi ? (question rhétorique pour les personnes qui ne l’ont pas vu, si vous le connaissez, vous savez. Quoique). Un film réalisé par David Robert Mitchell, qui commence comme un thriller hitchcockien, se termine comme une leçon de vie tout en passant par des moments surréalistes et lynchiens à souhait. Porté par la prestation de l’excellent Andrew Garfield, qui assure tout de même mieux dans ce rôle de Sam que dans la peau de Peter Parker (je dis ça, mais c’était avant de voir le reboot avec Tom Holland finalement), Under the Silver Lake ne mérite pas que l’on déflore son intrigue. En raconter plus, ce serait vous priver de l’expérience ciné qui vous attend, des rebondissements dans l’intrigue, de la galerie de personnages brillamment interprétés par un chouette casting… bref ce serait vous gâcher un beau moment de ciné.

Tout au plus, pourrait-on dire que Under the Silver Lake est accompagné d’une BO bicéphale. D’un côté, un score original de haute tenue, composé par Disasterpeace à qui on doit pas mal de BOs de jeux vidéo comme Fez, Hyper Light Drifter ou Mini Metro. De l’autre, une tracklist de titres préexistants qui ponctuent ce long métrage de près de 2h20 sans aucun temps mort. On pourrait détailler chaque titre entendu, mais là encore je vous laisse le plaisir de parcourir cette tracklist efficace au fil du film.

En revanche, attardons-nous sur une scène majeure à mes yeux. Elle intervient au bout d’une heure de film et constitue, en quelques minutes et deux titres, une charnière importante mais aussi un condensé de ce qu’est le personnage de Sam (aka Andrew Garfield donc). Sans rien spoiler, la scène se déroule dans une soirée privée en marge d’un concert privé où notre Sam s’est retrouvé invité par hasard, un peu comme Tom Cruise dans Eyes Wide Shut. La nature de la soirée n’est pas tout à fait la même, mais les deux scènes ont en commun de révéler au spectateur dans quelle ambiguïté se trouve le personnage. Ici coincé entre deux époques (l’adolescence et l’âge adulte) autant qu’entre deux états (l’euphorie insouciante et sexuelle, puis la redescente), Sam se cherche au cours de ce thriller/parcours initiatique.

Cette ambivalence est racontée à la fois à l’image par les choix de cadrage et la réalisation de David Robert Mitchell, mais aussi par les deux titres qui s’enchainent à ce moment là. Premier temps, R.E.M. et son What’s the frequency, Kenneth ? qui ouvrait efficacement l’album Monster en 1994. Un son pop-rock débridé qui incarne les soirées ados festives et permet à Sam/Andrew Garfield de se livrer à une prestation de danse alcoolisée et décomplexée. Si ça ne rappelle rien à personne, moi ça me renvoie à des fiestas lycéennes/étudiantes où on ne se posait pas de questions et où il s’agissait surtout de prendre son pied et de faire un peu le mariole, en espérant qu’une jolie fille aurait envie de nous suivre. Ce qui aurait été le cas pour notre Sam version ado, s’il n’était pas rattrapé par la dure réalité. Le jeune homme, sous ses airs d’ado nonchalant et sympathique, est aussi un adulte trentenaire apathique dont le corps le trahit (parfois).

C’est le cas en pleine prestation corporelle, alors que l’extase est bien là et que le plan cul semble à portée de langue. Deuxième temps, White Town et son Your Woman sorti en 1997. Le groupe britannique livre cette année-là un single qui va cartonner plutôt bien, et se voir repris en divers lieux et occasions. On entend Your woman assez furtivement (et dans une version légèrement remixée) lorsque notre Sam est en redescente d’orgasme avorté, mais suffisamment pour en saisir toute la détresse et la mélancolie. Oui, Sam est un homme adulte désœuvré et un peu paumé. Non, il n’a plus 18 ans dans son corps, même s’il y est resté bloqué d’une certaine façon (qui pourrait l’en blâmer ?). C’est une sorte d’égarement qu’on lit sur le visage d’Andrew Garfield à ce moment du film, grandement soutenu par le sample de Your Woman tiré de My woman, un titre jazz de Al Bowlly sorti en 1932. En quelques plans et une poignée de notes, le film nous livre les tiraillements d’un personnage miroir, comme une vision de nous-mêmes, coincés entre deux époques et deux mondes.

La scène ne dure que quelques minutes. Elle est au cœur d’un film qui en contient des dizaines d’autres de ce niveau. Aucune hésitation à avoir face à ce Under the Silver Lake. C’est un film brillant du début à la fin, même après plusieurs visionnages. Avec une BO qui donne envie de ressortir ses vieux albums de lycéens et d’étudiants, de monter le son et de s’y noyer. Quand un film en raconte autant en passant majoritairement par l’image et le son, on est en présence d’un vrai réalisateur. Et on se souvient que tout ça porte un nom : c’est de l’art.

(Et en plus, les 2 clips sont extra)

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°7 : Blood Machines (2020) de Seth Ickerman + Carpenter Brut

affiche_blood_joelle_16-9_c

Visuel  Blood Machines from Bloodmachines.com

Petite interruption de la balade dans le carton à souvenirs, puisqu’on me signale dans l’oreillette que le nouveau Carpenter Brut est sorti, sous la forme de la bande originale de Blood Machines. Qui ? Quoi ? Quand ? Comment et pourquoi ? On rembobine la VHS et on reprend les bases pour mieux comprendre où on en est.

Derrière Carpenter Brut, il y a Franck Hueso. Le garçon débute sa discographie en 2012 avec un premier album de 6 titres sobrement intitulé EP I. Suivront assez logiquement les EP II (2013) et EP III (2015), aujourd’hui regroupés dans le gros album Trilogy. Représentant de la synthwave (genre musical et artistique né dans les années 2010 et très inspiré par les films et la musique des années 1980), Carpenter Brut a même creusé son sillon dans le sous-genre musical darksynth, basé sur le métal, les sonorités sombres et les musiques de films d’horreur. En est logiquement sorti en 2018 l’album Leather Teeth (littéralement les dents en cuir, tout un programme), vraie fausse BO d’un film imaginaire qui aurait tout à fait trouvé sa place dans les vidéo-clubs des 80’s au rayon Horreur.

Transition toute trouvée pour évoluer vers la galette qui nous intéresse aujourd’hui. Plus exactement la galette virtuelle, puisqu’à ce jour Blood Machines OST n’est disponible qu’en version numérique. Le vinyle est annoncé, mais sans date pour le moment. Le nouveau disque de Carpenter Brut est, cette fois, la vraie BO d’un vrai film, lui aussi intitulé Blood Machines. Aux commandes de ce court métrage de 50 minutes, on trouve Seth Ickerman (aka Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard). Si le nom vous dit quelque chose, c’est normal : le titre Turbo Killer (2015) de Carpenter Brut était déjà mis en images par le duo. Ça raconte quoi ? Une sorte de fils illégitime de Mad Max et de K2000 en mode furieux, qui vole au secours d’une beauté brune en transe prisonnière de mystérieux et malfaisants personnages, dans une ambiance sonore plutôt gros son. Comme on est sympas sur Five Minutes, on vous met le clip à déguster sans tarder (avant de reprendre la lecture juste en dessous).

Important d’avoir en tête ce Turbo Killer, puisque Blood Machines en est la suite. On y retrouvera Mima, cette jeune femme délivrée de sa prison pyramidale, dans une histoire dont le pitch envoie plutôt du lourd : « Deux chasseurs traquent une machine qui tente de s’émanciper. Après l’avoir abattue, ils assistent à un phénomène mystique : le spectre d’une jeune femme s’arrache de la carcasse du vaisseau comme si elle avait une âme. Cherchant à comprendre la nature de ce spectre, ils entament une course-poursuite avec elle à travers l’espace. » (site officiel Bloodmachines.com). Le spectre de la jeune femme, c’est justement Mima, dont on a fait, assez fortement ému, la connaissance dans Turbo Killer. Vous suivez ?

Blood Machines fait dans la science-fiction, entre cyberpunk et space opera. Entre Blade Runner et Star Wars version dark, avec une touche du John Landis du clip de Thriller en 1983. Là encore, logique pour un duo qui a pondu un premier film Kaydara (2011) se déroulant dans l’univers du Matrix des Wachowski (si ça vous tente, Kaydara est visible via ce lien). Blood Machines est visuellement ambitieux et très alléchant (voir la bande-annonce ci-dessous), mais pour le moment impossible à voir légalement en France : aucun distributeur ne s’est manifesté pour diffuser ce qui semble être une petite pépite, bien que le site officiel nous promette des nouvelles pour bientôt. En revanche, ce sera dispo pour les backers du Kickstarter le 20 mai prochain, et ça débarque dès le lendemain 21 mai sur Shudder, la plate-forme de streaming d’AMC Networks. Prenons donc notre mal en patience. Et pour patienter, quoi de meilleur que de s’écouter la BO de Blood Machines ? (#l’artderetombersursespiedsenfind’article)

Disponible donc à l’achat (5 malheureux euros sur Bandcamp, c’est donné !) et en streaming depuis quelques jours, le versant sonore et musical de Blood Machines regroupe 13 titres, pour une durée totale de 36 minutes. Oui, 36 minutes pour un film qui en fait 50, ça veut dire que la place laissée à l’ambiance sonore est très grande. Quelle ambiance me direz-vous ? A l’image des influences visuelles de Seth Ickerman, Carpenter Brut conduit sa BO sous deux influences majeures. On alterne entre du Giorgio Moroder un peu vénère (comme dans le Blood Machines Theme) et du Vangelis de Blade Runner ou du Benjamin Wallfisch/Hans Zimmer de Blade Runner 2049 (sur une bonne partie du reste de l’album). Deux ambiances qui se répondent d’un morceau à l’autre, quand elles ne se croisent pas au sein d’un même titre. Ce qui, entre nous soit dit, colle totalement à ce que l’on connait de ce Blood Machines. D’un côté, du synthé ronflant et boosté par une batterie qui tabasse, histoire de bouger son corps. De l’autre, du synthé balancé par nappes aériennes, fantomatiques et parfois inquiétantes, comme pour nous plonger dans un monde que l’on frisonne de connaitre tout en n’ayant aucune envie d’y vivre.

Blood Machines OST c’est tout ça à la fois, et bien plus encore : le son Carpenter Brut est évidemment présent et immédiatement identifiable, au-delà de toute influence déjà évoquée. C’est excellent, comme toujours. Le seul problème de cet album ? Nous donner furieusement envie de voir (enfin) ce Blood Machines, mais aussi d’occuper nos journées de confinement en se refaisant une bonne partie de nos références musicales et cinématographiques SF/Cyberpunk. Comme effets secondaires, on a connu bien pire. En un mot comme en cent : foncez !

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°6 : Assume the position (2013/2017) de Lafayette Gilchrist (in The Deuce)

Au 3e jour de confinement, inutile de préciser que, comme toujours, la musique m’est d’un grand secours. Pas pour supporter l’enfermement, mais plus largement pour continuer à respirer, comme c’est le cas depuis maintenant des poignées d’années. C’est pourtant par un biais un peu détourné que je suis retombé sur notre bon son du jour, puisque cette étrange période aura au moins le mérite de me permettre de replonger dans des séries TV laissées de côté.

Après avoir binge-watché l’excellente 5e saison de Peaky Blinders, je viens d’attaquer la saison 3 de The Deuce. Petit tour d’horizon : en 3 saisons, l’essor et la légalisation de l’univers et l’industrie du cinéma porno à New-York et ses liens avec le monde de la prostitution, depuis le début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1980. Tout ceci sur fond de trafic de drogues, explosion de l’immobilier, épidémie de SIDA et vie nocturne sur The Deuce, surnom de la 42e rue de Manhattan, entre Broadway et la 8e avenue. Vendu comme ça, on comprendra que ça n’est pas pour tout le monde. La série est déconseillée au moins de 16 ans, montre crument de la drogue, du sexe et parfois des moments particulièrement glauques.

Mais (car il y a un mais), The Deuce est également passionnante, dans sa formidable reconstitution de l’époque et dans l’attachement que l’on va rapidement avoir pour l’ensemble des personnages : aucun manichéisme, tous ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font, tout comme ils auraient de bonnes raisons de ne pas le faire. La galerie d’acteurs est démentielle, à commencer par Maggie Gyllenhaal et James Franco. Les qualités de la série n’ont rien d’étonnant, lorsqu’on sait que David Simon est aux commandes de The Deuce. David Simon, c’est The Wire (Sur écoute en français), Treme, Show me a hero ou encore très récemment la mini-série America’s Plot, adaptation du roman de Philippe Roth. Le premier épisode, disponible depuis quelques jours, est excellent et laisse augurer, une fois encore, un brillant moment de télévision.

Une autre des qualités de The Deuce, et pas des moindres, c’est sa bande-son. Assez imparable au long des 3 saisons, du fait de l’ambiance de l’histoire et de l’époque traversée qui permet d’entendre plein de très bonnes choses (dont beaucoup que je ne connaissais pas). C’est très varié, depuis le funk et le glam-rock des années 70 au disco du tournant 70’s-80’s, en passant par le rock synthétique et les boîtes à rythmes du milieu des 80’s. Au total, autour de 200 titres différents répertoriés au long de 25 épisodes.

Il y a toutefois un titre inamovible et inaltérable qui résonne en fin de chaque épisode, totalement anachronique par rapport à la série puisque datant de 2013 : Assume the position, composé et interprété par Lafayette Gilchrist. Qui donc ? Lafayette Gilchrist, pianiste et compositeur de jazz né en 1967 aux Etats-Unis. Le garçon est alternativement à la tête d’un octet/nonet appelé les New Volcanoes, et du trio Inside Out. Artiste pluri-formations pour une musique pluri-influences, qui déclarait en 2005 au Baltimore Sun : « I come from hip-hop culture, […] I’m not a rapper. I’m not a DJ. I’m not a dancer. But I feed off of all that. » Assume the position apparaît une première fois sur l’album piano solo The view from here (2013) et révèle effectivement un univers riche et varié.

A la fin de chaque épisode de The Deuce, c’est pourtant une relecture de 2017 de Assume the position que l’on entend. Relecture par les New Volcanoes, disponible sur l’album Compendium (2017). Une interprétation radicalement différente de celle de 2013, qui fait la part belle à la rythmique, aux cuivres et aux chorus. On ne va pas se mentir, ça sent très très fort l’ambiance New Orleans qui était déjà présente dans Treme, autre grande série de David Simon où le bon son débordait à chaque coin d’épisode. Assume the position respire le club de jazz bon enfant, le festoche tranquille où on retournera bientôt entre potes écouter du bon son et boire des pintes, en toute décontraction et sérénité.

En attendant, bon kif sur ce Assume the position et d’autres titres de Lafayette Gilchrist. Je vous laisse, y a The Deuce qui m’attend.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°5 : Interstellar (2014) de Hans Zimmer

Interstellar_Bande_OriginaleBien content de vous retrouver en ce tout début d’année. La petite bafouille du jour portera sur une bande originale (BO) incontournable, d’un film non moins incontournable, dont j’ai eu envie de vous parler à la faveur de deux faits. Le premier, c’est d’avoir déniché cette BO en vinyle dans les bacs d’un de mes disquaires favoris, alors que je pensais ne jamais la trouver, du moins à un prix décent. Le second fait, c’est l’actualité et ses joyeusetés diverses et variées, qui me font une fois encore me demander si notre planète tiendra le coup, et dans combien de temps il faudra envisager d’aller voir ailleurs si l’air est plus respirable.

Interstellar (2014) de Christopher Nolan, c’est exactement ça. Pour mémoire, et en guise de pitch pour les malheureux qui n’auraient pas encore vu cette merveille, rappelons la situation de départ. Dans un futur (très) proche, la Terre crève de toutes les saloperies que ce gros con d’être humain a pu faire pendant des décennies. L’air y est lourd, la vie pesante et limitée. Tout ceci symbolisé par cette poussière qui, petit à petit, recouvre ce monde et assèche les espoirs de lendemains meilleurs. Trouvaille visuelle et narrative de génie. Dans ce contexte, une équipe d’astronautes entame un périple spatial afin de trouver une autre planète habitable pour l’homme.

Le reste appartient à un visionnage que je saurais que trop vous conseiller. Film ambitieux et intelligent d’un des grands réalisateurs de notre temps (et d’un des plus grands réalisateurs tout court), Interstellar est un moment de cinéma comme on en fait rarement. Hommage appuyé à un 2001: L’odyssée de l’espace, ou encore à Solaris, ce film traite non seulement son sujet, mais se permet aussi un voyage humain qui explore une émouvante relation père-fille. Tout comme Ad Astra l’année dernière revisitait la relation père-fils, mais c’est une autre histoire.

Et, tout comme dans le chef-d’œuvre de Kubrick, il fallait bien une BO à la hauteur des images proposées. Pour la cinquième fois de sa filmographie après Batman Begins, The Dark Knight, The Dark Knight rises et Inception, Christopher Nolan confie la baguette à Hans Zimmer. Compositeur prolifique et aujourd’hui archi-connu pour ses BO des Pirates des Caraïbes (mais pas que), Zimmer nous avait déjà impressionné les oreilles en sublimant The Dark Knight, à travers des sons et détournements d’instruments ravageurs pour accompagner notamment le Joker.

Pour Interstellar, on entre dans une autre dimension, sans aucun mauvais jeu de mots. Le score proposé par Zimmer mélange des sons incroyables, en superposant des nappes de cordes, voire de l’orchestre entier, et un piano d’une incroyable profondeur, puis introduisant des synthés et un orgue. Ce dernier constitue sans doute la trouvaille maîtresse du compositeur, en permettant d’élargir le spectre musical et en donnant à ses thèmes une ampleur et une profondeur inattendues. C’est ainsi que l’on retrouve dans la BO à la fois l’intimité et la promiscuité des relations humaines filmées, et l’immensité des profondeurs spatiales et des paysages à perte de vue.

Le film est brillant, sa BO époustouflante. Petit aperçu ci-dessous en 3 morceaux, mais ne vous privez pas d’aller en écouter d’autres, voire toute la BO. Ou de regarder le film qui va avec. Une recommandation pour finir : n’écoutez pas ça sur de malheureux haut-parleurs minuscules qui vont crachoter. Soit vous écoutez au casque, soit vous envoyez le bouzin sur des enceintes qui rendront grâce à ce score magistral. Dans un cas comme dans l’autre, fermez les yeux et laissez vous embarquer. Le voyage en vaut la peine.

Raf Against The Machine

Ciné – Musique n°4 : Peaky Blinders – The Official Soundtrack (2019)

81tQd0EHs9L._SS500_Cette fois-ci, c’est bon : alors que la semaine dernière j’avais attendu désespérément mon disque, je l’ai désormais en mains et en oreilles, et peux donc vous en parler ! Vous parler de quoi exactement ?

D’un côté, Peaky Blinders la série TV. Apparue en 2013 et créée par Steven Knight, cette audacieuse série est visible dans nos contrées sur ARTE (et aussi sur Netflix pour les plus dépensiers). Avec au compteur 5 saisons de 6 épisodes chacun, voilà de quoi plonger dans le Birmingham de 1919, et des années qui suivent. Au menu : les aventures et magouilles en tout genre de Thomas Shelby, dangereux et magnétique chef du gang familial des Peaky Blinders, brillamment interprété par Cillian Murphy.

Alors oui, on est en plein monde télé, alors que j’annonce un Ciné-Musique. Arnaque ? Mensonge ? Non, parce que Peaky Blinders pourrait bien être une suite de 5 films de 6 heures chacun, ou bien encore un très long métrage de 30 heures. La série est ambitieuse, brillamment tournée, magnifiquement interprétée. Chaque plan et chaque scène sont cinématographiques. Du niveau d’un Gangs of New York, Peaky Blinders brouille les frontières et nous embarque sur le petit écran là où bien des films ont du mal à nous traîner.

De l’autre côté, Peaky Blinders la BO. L’autre moyen très malin pour la série de brouiller les pistes. Où comment claquer régulièrement des morceaux hors du temps, en tout cas hors du temps contemporain des événements narrés. Autrement dit, Peaky Blinders ne s’illustre pas musicalement par des morceaux début 20e siècle, mais en allant piocher dans le répertoire blues-rock des années 90 à aujourd’hui. C’est extrêmement malin : la série et ses personnages sont rock à souhait, avec parfois une noirceur vénéneuse qui confine à une sensualité moite qu’on ne ressent que dans les bons concerts qui font bander la vie.

Cette BO de rêve dure depuis 5 saisons donc, et il est désormais possible d’en retrouver un large éventail avec la sortie de Peaky Blinders – The Official Soundtrack, à la fois en double CD et triple LP. A notre que la version vinyle part très vite chez tous les bons disquaires, et qu’il ne vous faut pas tarder si l’objet vous tente. Objet de fort belle facture d’ailleurs, avec une pochette gatefold au graphisme magnifique, emplie de 3 galettes bourrées d’excellents sons. Trois catégories : des extraits de dialogues (façon BO de Tarantino) entre les morceaux, des compositions tirées du score original et pléthore de morceaux rock qui apportent leur pierre à l’édifice.

Tout ce qu’on aime y passe : je ne reviendrai pas sur le Red Right Hand de Nick Cave qui ouvre chaque épisode, et dont j’avais dit un mot voici quelques semaines (à relire d’un clic ici). Outre Nick Cave, on retiendra du PJ Harvey avec notamment son To bring you my love d’outre-tombe, Radiohead et Pyramid Song, Dan Auerbach avec The Prowl ou encore Joy Division et le renversant Atmosphere. Bien sûr il y a un tas d’autres choses à écouter, et si ce premier aperçu ne vous suffit pas, dites-vous qu’il y a aussi du Anna Calvi, du Queens of the Stone Age, du Black Sabbath, du Black Rebel Motorcycle ou du Idles.

J’avoue que ce gros disque tourne beaucoup en ce moment. Autant Peaky Blinders a été un fucking great moment of TV pour moi, autant cette BO est jouissive à souhait et possède cette faculté des grandes BO de vous ramener directement dans le film rien qu’en l’écoutant. Voilà donc une Official Soundtrack explosive, au moins autant qu’un Thomas Shelby à qui on aurait fait un coup pourri. Voilà une bande son que je trouve tout aussi efficace que celles de Tarantino, pour ce qu’elle colle à la peau de la pellicule qu’elle accompagne. Avec en plus un anachronisme qui, loin d’être un gadget attirant qui retombe comme un soufflé, se révèle être une trouvaille diablement efficace pour soutenir un propos entêtant et venimeux.

Ultime pirouette et argument définitif : la BO s’ouvre sur le Red Right Hand de Nick Cave, pour se clore sur une fiévreuse et désabusée reprise de Ballad of a thin man (initialement écrite et interprétée par Bob Dylan) par Richard Hawley. D’un titre à l’autre, de Dylan à Cave, il n’y a qu’un pas, tant  l’un pourrait piquer des choses à l’autre, et réciproquement. Une façon de boucler la boucle, pour un univers et une série pas tout à fait achevés : deux saisons restent à venir, pour emmener nos yeux et nos oreilles jusqu’en 1939. D’ici là, jetez vous sur les cinq premières saisons (si ce n’est déjà fait), et, évidemment, listen to this fucking record, by order of the Peaky fucking Blinders 🤘 !

Raf Against The Machine