Review n°93: La mémoire du feu d’EZ3kiel (2022)

Je tiens le coup de coeur de ce début d’année 2022 et le futur vinyle qui viendra enrichir maEz3kiel La mémoire du feu collection ! J’ai déjà une belle histoire commune avec nos voisins tourangeaux d’EZ3kiel (#teamOrleans, #teamregionCentre) et de nombreux flashes me parcourent quand je pense à eux: un titre sombre et brillant déroulant une liste qui fait honte à l’humanité (l’étouffant Versus sur le deuxième opus Barb4ry), deux albums sublimes aux antipodes l’un de l’autre avec l’éthéré Naphtaline en 2006 et le post-rock pachydermique de Battle Field en 2008 qui se verront brillamment réunis dans Naphtaline Orchestra en 2012 pour une création scénique visuelle de haut vol que j’ai eu la chance de voir. Paradoxalement, je suis moins connaisseur du dernier album studio LUX sorti en 2014 et j’ai l’impression de déterrer une boîte secrètement enfouie, en espérant qu’elle n’ait pas perdu ses saveurs premières. Ce nouvel opus, qui tient son titre d’une nouvelle de Caryl Férey, s’est construit dans une formule élargie autour de Johann Guillon et Stéphane Babiaud avec Nicolas Puaux (Narrow Terence, Narco Terror), Benjamin Nerot (The Healthy Boy, Belone Quartet), Jean Baptiste Fretray (Grauss Boutique, Ultra Panda) et Jessica Martin-Maresco (Le Grand Sbam, Pili Coït). Le résultat est un véritable album-concept qui illustre avec brio cette nouvelle et la relation amoureuse de Diane et Duane, possédant une vraie force narrative qui n’est pas sans rappeler la démarche de Laurent Garnier et The Liminanas pour De Pelicula. Véritable album somme, il croise les sonorités post-rock habituelles avec une folk surprenante et des textes parlés, les nouvelles voix donnant encore plus de corps à l’ensemble. Voilà un album qui, fidèle à son titre, laisse des traces indélébiles. Je vous invite à suivre avec moi les aventures de Duane et Diane…

Le morceau d’ouverture Diaphane frappe fort d’emblée avec son post-rock sombre qui est sublimé par cette voix taillée à la serpe de Benjamin Nérot. Le résultat est puissant et pose la rencontre de Diane et Duane dans un contexte apocalyptique. Jessica Martin-Maresco vient ensuite dans Les amants d’antan apporter une touche de douceur avec une électro aux sons aquatiques et un texte parlé. Vous rajoutez le morceau instrumental L’absolu sombre et cinétique à souhait, réveillant les souvenirs de Battle Field, et vous obtenez un trio inaugural qui résume les grandes directions de l’album.

Les moments forts en émotions ne vont cesser de s’enchaîner au rythme de cette passion dévorante qui unit les deux personnages. De la surprenante folk douce et nostalgique m’évoquant Malajube de Les galions oubliés à l’instrumental et épique Serpent corail en passant par la rage de Rouge sang et son brutal martèlement de drums ou encore la débauche de synthés de Les spirales ascendantes, un vrai désir de vie et d’amour/destruction se dégage de ce superbe roman d’anticipation musical. A une époque où le format album est de plus en plus en danger et où les plateformes musicales amènent à l’éparpillement des titres à renfort de playlists, ce choix fort est savoureux et, à l’instar de De Pelicula, une réussite totale ! De mon côté, je suis en train de réécouter la discographie d’EZ3kiel et vais rapidement me plonger dans la littérature de Caryl Férey, cela devrait persuader les derniers indécis à se confronter à ce très beau La mémoire du feu, enjoy!

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 1. Diaphane – 4. Les galions oubliés – 6. Serpent corail – 2. Les amants d’antan

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°89: Lovely Head de Goldfrapp (2000)

Goldfrapp est une référence qui revient sous ma plume régulièrement mais je n’ai jamais écritGoldfrapp Felt Mountain une ligne sur la discographie de Will Gregory et la charismatique Alison Goldfrapp. Cette pépite intemporelle du soir ouvre donc le bal de la découverte de la carrière des Anglais avec le premier opus Felt Mountain sorti en 2000. Découverte par Tricky, Alison Goldfrapp est clairement marquée par le courant trip-hop qui parcourt l’Angleterre industrielle depuis la fin des années 90. Ce Felt Mountain est ainsi un bijou plein de grâce, une version champêtre et un brin ésotérique de Portishead qui se dresse dans la droite lignée de la prêtresse Björk. Qu’elle soit orchestrée avec brio et portée par les cordes (Paper Bag, Pilots), plus déstructurée (le très Portishead Human) ou épurée à souhait (Felt Mountain), le son touche au plus profond. Deux perles se distinguent au sein de cet écrin, la vaste odyssée électronique Utopia et le titre choisi pour ce soir, le morceau d’ouverture Lovely Head. Ce premier contact avec le son de Goldfrapp nous met face à un univers aussi inquiétant qu’esthétique. Les sifflements deviennent obsédants, le travail sur la voix d’Alison Goldfrapp est très riche entre tentation jazzy et discordance électronique. A savourer sans modération aucune, enjoy!

 

Et le titre Utopia en bonus…
Sylphe

Review n°92: GHOSTS ON TAPE de Blood Red Shoes (2022)

La première review 2022 portera donc sur un album résolument rock… Le duo issu de BrightonBlood Red Shoes GHOSTS ON TAPE Blood Red Shoes, composé de Laura-Mary Carter et Steven Ansell, oeuvre ensemble depuis son premier opus Box of Secrets en 2008. Je ne suis clairement pas un fin connaisseur de ce groupe et ne connais pas les trois premiers opus signés sur V2 Records. Je reste néanmoins sur des impressions plutôt positives avec le très bon Get Tragic de 2019 qui commençait à entamer un virage plus électronique après le trop frontal à mon goût et noisy Blood Red Shoes de 2014. La réalité est d’une simplicité imparable, l’écoute de ce sixième opus GHOSTS ON TAPE ne m’a pas permis de sortir indemne. Le son est frontal, les thématiques très sombres instaurent un climat anxiogène qui met mal à l’aise, les deux voix alternent et se complètent assez bien (je reconnais tout de même une préférence pour la voix de Laura-Mary Carter) et il se dégage un vrai plaisir instantané. Certains percevront du Nine Inch Nails, d’autres dont je fais partie auront l’impression que Goldfrapp a tenté de se faire passer pour The Kills. Je vous invite dans cette promenade nocturne de 10 titres acérés comme des griffes, en ignorant volontairement trois intermèdes d’une trentaine de secondes sans aucun réel intérêt.

Le morceau d’ouverture  COMPLY (oui sur cet album, on hurle volontiers, même dans les titres…) est brillant dans sa composition. Partant sur une petite mélodie au piano assez inquiétante qui laisse monter la tension, la voix éraillée semblant provenir d’outre-tombe de Steven Ansell assène avec puissance la volonté de ne plus se plier et se soumettre. Les choeurs accompagnent la montée avant de laisser la place à la mélodie initiale pour donner l’impression que la vie est un cycle éternel et que la révolte est impossible. Les deux morceaux suivants, MORBID FASCINATION et MURDER ME, me plaisent tout particulièrement et fonctionnent sur une recette identique: sonorités âpres, rythmique inquiétante et voix envoûtante. J’ai vraiment l’impression d’entendre du Goldfrapp qui aurait laissé traîner ses doigts dans la prise et le résultat est excellent.

GIVE UP rappelle, quant à lui, la rage des débuts avec un rock uptempo frontal qui suinte l’urgence par tous les pores. La batterie tabasse et la voix hurle, puis le silence au bout de deux minutes… La deuxième partie antinomique du morceau choisit la carte d’une instrumentation électronique aux frontières de l’ambient. Le résultat est surprenant et peut paraître un brin artificiel, bref je suis encore dans l’expectative vis-à-vis de ce morceau. SUCKER propose ensuite une rythmique downtempo et je retrouve les ambiances vénéneuses des brillants premiers albums trip-hop de Goldfrapp, influence assez incontestable de l’album.

La deuxième partie de l’opus perd cependant quelque peu en intensité : la guitare de BEGGING rappelle le rock emo de Placebo, I LOSE WHATEVER I OWN croise les fantômes de Muse et The Kills alors que DIG A HOLE et FOUR TWO SEVEN font davantage de concessions à une pop-rock de qualité mais moins dans l’esprit de l’album à mon goût. Finalement, je choisis plutôt de garder l’excellent I AM NOT YOU, brillant pendant de COMPLY qui révèle toute la puissance de cette rage à peine contenue.

Vous lirez sur le web beaucoup de critiques assez virulentes de ce GHOSTS ON TAPE, je vous invite fortement à vous faire votre propre avis car il y a vraiment des morceaux puissants sur cet opus, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 1. COMPLY – 3. MURDER ME – 2. MORBID FASCINATION – 9. I AM NOT YOU – 6. SUCKER

 

 

Sylphe

Pépite du moment n°107 : Fear there & everywhere (2022) de Archive

Et de trois : après Daytime coma et Shouting within, les londoniens d’Archive nous gratifient depuis quelques jours d’un troisième single extrait de Call to arms & angels, leur douzième album studio à paraître le 8 avril prochain. Fear there & everywhere ressemble à un titre rock presque pop d’à peine 4 minutes, avec une structure classique couplets/refrain. Serait-il le plus faible des trois titres ? Absolument pas. Derrière ses faux airs de titre formaté, ce nouveau single suinte Archive à pleines oreilles, et nous rappelle ce que va être Call to arms & angels : un album écrit, composé et enregistré durant la grande pandémie covidesque de ce début de 21e siècle. Le prophétique 21st century schizoid man (1969) de King Crimson résonne en toile de fond. Jamais nous n’avons été autant divisés, séparés, isolés les uns des autres sans vision de l’avenir, et jamais nous n’avons autant eu envie d’être ensemble à pouvoir se projeter sereinement dans un futur lumineux. Ecartelés par toutes ces contradictions, nous sommes depuis maintenant près de deux ans dans une sorte d’attente en suspension de jours meilleurs. Daytime coma entamait le sujet avec ses 14 minutes apocalyptiques, Shouting within enfonçait le clou avec cette rage intérieure à hurler en silence pendant des heures.

Fear there & everywhere apporte un troisième angle sur la question, avec un titre puissant et tendu. Dès les premières minutes, basse et batterie semblent plomber le climat, avant de se voir superposer guitares, synthés, voix. Tout ceci dans une rythmique aussi entêtante que lancinante. Et un texte qui raconte l’infiltration de la peur partout, autour de nous comme au fin fond de nos moindres recoins. Une peur qui éteint la lumière, qui pourrit jusqu’à nos bulles privées, avec laquelle il n’est pas/plus possible de vivre. Impossible de ne pas relever la référence directe du titre au mielleux Here there & everywhere (1966) des Beatles (à écouter ci-dessous après le Archive, en mode deux salles/deux ambiances). Pas que dans le titre d’ailleurs, puisque la chanson des Beatles raconte d’une façon presque mièvre la présence paisible de l’aimée, et la présence auprès d’elle. Histoire de vivre une vie de doux bonbon sucré, lovés dans un amour immortel et sirupeux. En somme, l’exacte sensation contraire du titre d’Archive.

Fear there & everywhere est un titre d’une noirceur absolue. Il n’y a pas une once d’espoir là-dedans, pas même dans le clip qui l’accompagne. Les images ont beau être colorées et dynamiques, c’est surtout une impression de se faire engloutir par ces visions qui nous attrapent. Jusqu’à la saturation, l’étouffement sous le masque omniprésent dans notre quotidien, et la permanence d’images qui s’effritent sans que l’on puisse y faire quoique ce soit. Alors, me direz-vous, pourquoi donc aller se plonger dans une ambiance aussi dark et dépressive ? Pour la catharsis. C’est ce qui peut nous sauver, et c’est ce qu’Archive fait de mieux. Souvenons-nous de l’efficacité de Controlling crowds (2009), album bourré de sons stressés et de cris hantés, de boucles sonores et textuelles jusqu’à l’étourdissement. C’est précisément la force de cet exceptionnel double album qui donnait (et donne toujours) l’envie et l’énergie de tenir et de lutter. Call to arms & angels arrive dans deux mois et demi, et ce sera un double CD/triple vinyle. On ne va préjuger de rien, mais ces trois premiers extraits, sur 17 titres au total, laissent imaginer un opus de très haute volée. La hype est totale. Plus que jamais.

Crédit image d’illustration : capture tirée du clip by Joyrider pour Archive

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°106: Shooting Stars de Woolfy (2021)

Découverte totale pour moi ce soir avec Simon James alias Woolfy, un Anglais basé à LosWoolfy Shooting Stars Angeles qui se définit sur son Bandcamp, non sans humour, comme un troubadour indie-dance et disco. Il possède à son actif plusieurs albums en collaboration avec Projections mais vient seulement de sortir son premier EP Shooting Stars le 3 décembre dernier. Titre pour le moins remarqué car, sur cet EP, nous pouvons retrouver 2 remixes dont un de Django Django tout simplement… Le morceau phare de l’album est une belle plongée féérique dans l’indie-dance qui nous transporte en douceur, porté par des sonorités aériennes et des clochettes qui font immédiatement penser à Eels. La guitare sur la fin donne encore plus d’épaisseur à un titre envoûtant qui devient vite addictif. Et vous ça vous tente de tenter le versant indie-pop de Four Tet ? Enjoy !

 

Sylphe

Five Titles n°26: Troie de Malik Djoudi (2021)

Je continue encore aujourd’hui à regarder dans le rétroviseur cette belle année musicale 2021Malik Djoudi Troie avant de me tourner définitivement vers 2022 et ses premières perles qui tombent depuis 2 semaines (Bonobo, Ez3kiel, FKA twigs, Cat Power entre autres). Vous connaissez sûrement la voix fluette et androgyne de Malik Djoudi qui se fait avec humilité et discrétion sa place depuis 2 albums, le dernier album Tempéraments (2019) lui ayant permis d’être nommé aux Victoires de la musique dans la catégorie « Album révélation ». Ce troisième album produit par Renaud Létang (Feist, Emilie Simon, Jarvis Cocker…) ne déroge pas à la règle et révèle toute la sensibilité de Malik Djoudi qui, en 35 petites minutes et 12 titres perçus comme des instantanés de vie intérieure, me touche particulièrement. Je n’arrive pas à me retirer de l’esprit une image obsédante qui résume pour moi parfaitement cet album : ce Troie, c’est la rencontre parfaite entre la sensibilité poétique de Terrenoire et le groove électronique de Parcels. Je vous invite à découvrir 5 titres qui devraient illuminer votre dimanche brumeux…

  1. Le titre d’ouverture Où tu es est mon morceau préféré. Voix feutrée et chant plein d’émotions, instrumentation électronique vaporeuse, surprise finale avec les drums, on croirait ce titre tout droit sorti de Les Forces contraires de Terrenoire, ce qui n’est pas un mince compliment de ma part…
  2. Point sensible démontre, quant à lui, la force pop qui se dégage de la musique de Malik Djoudi. Une pop subtile et léchée où la basse de Parcels semble s’inviter. On notera le flow atypique de Lala &ce en featuring qui donne encore plus de valeur à l’ensemble.
  3. Douleur, morceau plus sombre, brille par la beauté de ses textes – « J’étais ton stand de tirs,/tu m’as laissé couché/T’as posé ton étendard de manière frénétique/J’ai encore le corps qui grésille » – et nous offre une très belle introspection.
  4. Vis la me plaît par son contraste entre des couplets sombres et un refrain plus lumineux qui vise à un hédonisme salvateur.
  5. Je finirai avec le dernier featuring de l’album, Philippe Katerine, sur Eric. Morceau résolument pop, à la rythmique uptempo, je ne vois pas de plus bel hommage à peine déguisé à l’inclassable auteur de La Banane.

Sur ce, je vous laisse, 2022 m’attend, enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°88 : A tout moment la rue (2009) de Eiffel

A_tout_momentQuittons quelques minutes l’actualité musicale, mais pas nécessairement l’actualité tout court, avec un son qui affiche déjà plus de 12 ans au compteur mais qui tabasse toujours autant. A tout moment la rue vient tout droit du quatrième album studio d’Eiffel, groupe de rock français formé en 1998 autour de Romain Humeau. La formation, toujours en activité, affiche des influences multiples et diverses, de Brel à Sixteen Horsepower en passant par dEUS ou les Stooges, sans oublier bien sûr les Pixies et Noir Désir. Les Pixies pour l’énergie rock, mais aussi parce que le groupe tire son nom d’Alec Eiffel, une des chansons du groupe. Noir Désir, parce que l’influence de feu les Bordelais est évidente jusque dans les intonations de voix de Romain Humeau. A commencer par ce A tout moment la rue qui est possiblement un des titres les plus marqués Noir Désir du répertoire d’Eiffel.

« A chacun de nos souffles / Au moindre murmure des bas-fonds » ouvre cette pépite tendue comme une journée en établissement scolaire sous protocole sanitaire. Si vous trouvez que ça démarre calmement, rassurez-vous, ça ne va pas durer. Ce sont rapidement une basse omniprésente et ronflante, accompagnée par une batterie obsédante, qui vont étirer l’intensité de la chanson jusqu’à une mise en tension extrême. Et la voix de Romain Humeau qui, tout au long des 4 minutes 30, déroule un texte nerveux, puissant, incandescent, sans concession. A tout moment la rue bouscule avec cœur et conviction un système devenu incompréhensible et insupportable. A tout moment la rue est un pavé, un brûlot, une claque rebelle qui remet les choses à leur juste place : « A bien compter le monde est X fois plus nombreux / Que ces 300 familles qui sur la rue ont pignon / A tout moment elle peut aussi dire non ».

Ce titre sent le souffre, la révolte, le ras-le-bol, l’envie de tout envoyer chier et vient côtoyer d’autres pépites comme La rage de Keny Arkana, n’importe quel titre de Rage Against The Machine (disons Calm like a bomb ou Know your enemy), ou encore Le feu de No One Is Innocent. Pépite intemporelle parce qu’elle date de (déjà) 2009, donc pas dans l’actualité musicale directe, mais terriblement actuelle et terriblement d’actualité en ce 13 janvier 2022. Pas grand-chose de plus à ajouter. A tout moment la rue est un titre qui s’écoute et se vit comme une prémonition et comme un espoir. Comme une putain de boule d’énergie rageuse pour traverser un bordel sans nom. Comme un gigantesque coup de pied au cul qu’on se prend pour avancer, et qu’on donne pour dégager les médiocres. « A tout moment la rue peut aussi dire non » : c’est maintenant.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°105: Magic Escape de José (2021)

Le début d’année est souvent propice à des mea culpa masqués, des moments où nous prenonsJosé Primeiro Disco conscience que certains albums nous ont échappé. Je regrette ainsi de ne pas avoir croisé plus tôt le premier album Primeiro Disco de José que je viens de réécouter avec plus d’attention. Album plus intimiste qui met à l’honneur la langue portugaise, il s’éloigne avec simplicité et talent des premières influences rock de José Reis Fontão, le leader vocal d’un groupe pour lequel j’ai beaucoup d’estime, Stuck in the Sound. Sans trop vouloir m’éloigner de la pépite du moment initiale, je pense au passage que l’album Pursuit sorti en 2012 devrait être déclaré d’utilité publique pour son énergie incandescente… Le titre du jour Magic Escape démontre toute la richesse de l’album en se tournant davantage vers les dance-floors. Lente montée électronique agrémentée d’une litanie robotisée, le titre possède une puissance cinématique imparable et une tension sous-jacente assez jouissive. L’explosion finale tant attendue ne survient pas pleinement et les cordes emmènent le titre sur une planète ambient inexplorée pour mon plus grand plaisir. A écouter sans modération, enjoy !

Sylphe

Review n°91: Fever Dreams de Villagers (2021)

Pour cette première review de 2022, je vais me permettre de revenir vers un album sorti fin aoûtVillagers Fever Dreams qui a illuminé mon automne et aurait vraisemblablement mérité de figurer dans mes tops de fin d’année. Il faut cependant se rendre à l’évidence qu’il est impossible de fixer dans le marbre un top tant il est en perpétuelle évolution. Rendons donc hommage au cinquième album studio de Villagers (en français, ça perd pas mal de son charme d’aimer un groupe qui s’intitule Villageois non?) qui confirme que Conor O’Brien et toute sa clique irlandaise ont encore beaucoup à nous offrir, 10 ans après leur premier opus Becoming a Jackal. Sans être fondamentalement un fan de la première heure -manière subtile ou non pour dire que je ne connais pas les premiers albums -, je reste sur de très bonnes impressions avec l’excellent The Art Of Pretending To Swim (2018) qui démontrait une volonté de faire évoluer la folk intimiste des débuts. Pour cet album de nouveau signé sur leur label de toujours Domino Records, Villagers a eu le nez fin avec le choix de David French au mixage de l’album, lui qui a déjà oeuvré pour The XX, Caribou ou encore Arlo Parks dernièrement. La pochette de l’album donne elle aussi envie de voyager sous le regard bienveillant de la Grande Ourse mais cette introduction commence à se faire trop longue et il est temps d’aller se laisser bercer par ces rêves enfiévrés…

Après la douce introduction Something Bigger et ses 47 secondes intimistes, The First Day révèle d’emblée tout ce que j’aime chez Villagers avec son refrain lumineux sublimé par les cuivres qui contraste à merveille avec un chant dans la retenue et la pudeur. Tous les sons fragiles en fond m’évoquent l’univers féérique d’Eels. Néanmoins, la douceur feutrée de la folk reste centrale dans ce nouvel opus avec Song In Seven qui retranscrit avec grâce une vision apparue au bord de la chaude (!) Mer du Nord. Cet univers faisant la part belle aux cordes se retrouve dans Momentarily, hymne pudique à l’amour qui a ce pouvoir de contrebalancer les douleurs liées au quotidien. Quand les cordes cèdent leur place au piano, c’est le fantôme de Sufjan Stevens qui vient s’inviter. Ainsi la thématique religieuse de Full Faith In Providence accentue-t-elle aisément le parallèle avec notre natif du Michigan alors que le morceau final Deep In My Heart paraît tout droit sorti d’Illinois.

Ce Fever Dreams n’est pas aussi monolithique qu’il peut peut-être paraître sur les premières écoutes. So Simpatico offre ainsi un bel instant mélancolique sublimé par un clip plein de poésie qui redonne foi en l’humanité, Circles In The Firing Line surprend par son univers plus pop-rock, son refrain addictif et son explosion électrique finale alors que Restless Endeavour, longue incantation, est plutôt attiré par le free-jazz extatique. Pour finir, je vous mets au défi de ne pas penser à la pop faussement bancale de MGMT en écoutant le brillant Fever Dreams.

Si vous avez envie de douceur au coin du feu ce soir, ce Fever Dreams de Villagers satisfaira tous vos moindres désirs, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés) : 2. The First Day – 6. Circles In The Firing Line – 4. So Simpatico – 9. Fever Dreams

 

 

Sylphe

Pépite du moment n°104 : You will never work in television again (2021) de The Smile

On ne pouvait pas mieux entrer dans 2022. Alors que je zonais dans ma discothèque et sur internet ces dernières heures à la (re)découverte de sons, voilà que passe sous mes yeux un tweet de Thomas Méreur (oui, celui-là même à qui l’on doit The Dystopian Thing, mon album de l’année 2021 – chronique à relire par ici). Tweet-teaser qui a immédiatement attiré mon attention, et que je ne résiste pas à vous partager ci-dessous.

The Smile avait déjà attiré mon attention en mai 2021, à l’occasion du mythique festival Glastonbury. La formation avait alors fait ses débuts lors du livestream Live at Worthy Farm, avec une prestation haute en couleurs rock et fort efficace. Tout cela est peu étonnant, lorsqu’on regarde d’un peu plus près qui compose le groupe. On y retrouve Thom Yorke et Jonny Greenwood de Radiohead, associés à Tom Skinner, batteur issu du groupe de jazz Sons of Kemet. S’ajoute un quasi quatrième membre en la personne de Nigel Godrich, producteur historique de Radiohead. Pour résumer, The Smile est le nouveau projet spin off de Radiohead by Thom Yorke, aux côté de Atoms for Peace (déjà avec Nigel Godrich), mais aussi de ses albums solos.

Le résultat est très simple mais aussi extrêmement jouissif : du rock brut, direct, très guitareux et surplombé par la voix de Thom Yorke, et produit comme un vieux Radiohead des années 90. Avec une énergie intacte, et même assez surprenante. En témoigne ce single You will never work in television again, mis en ligne voici quelques heures. Le titre avait déjà été joué en mai dernier, mais était depuis indisponible à l’écoute. On peut maintenant profiter de ce morceau post-punk rock noise qui a le bon goût de lorgner sur le Velvet Underground (époque White Light/White Heat), mais aussi sur les Sex Pistols et les Stooges. Exactement l’énergie rock rageuse dont on a besoin pour traverser cette nouvelle période covidesque vraiment super chiante.

Bref : You will never work in television again de The Smile, c’est que du bon ! J’ai désormais très hâte de découvrir l’album, même si date et titre ne sont pas encore connus. En revanche, ce que l’on connaît, ce sont les dates de trois concerts londoniens que proposera The Smile. Les 29 et 30 janvier prochains, vous pourrez suivre un de ces lives en livestream. Les billets seront mis en vente demain vendredi 7 janvier sur le site officiel du groupe (https://www.thesmiletheband.com). Si 2022 propose d’avoir ce pêchon rock pendant 12 mois, à titre perso, je suis assez partant.

Raf Against The Machine