En ce jeudi qui prend, pour certains, la forme d’un jour férié inaugurant un repos de plusieurs jours, le son qui me vient est atypique dans la carrière des Red Hot Chili Peppers. Groupe de funk rock américain fondé en 1982 (oui, il y a quarante ans…), le quatuor a connu diverses compositions et une foultitude d’albums tous plus énergiques les uns que les autres. Le carton absolu qu’est l’album Blood Suger Sex Magik en 1991 les propulse au sommet de la notoriété mondiale, avec des singles emblématiques comme Give it away ou Under the Bridge. Neuf ans plus tard, tombe dans les bacs Californication, qui marque le retour dans la formation de John Frusciante, à ce jour le meilleur guitariste du groupe. L’album est bourré de pépites et alterne l’énergie originelle du groupe et des moments plus posés mais tout aussi denses. La galette a, de plus, le bon goût de se terminer avec notre pépite du jour.
Road Trippin’ clôt l’ensemble de façon inattendue : une balade acoustique débarrassée de toute batterie pour trois minutes qui invitent autant à la douceur du soleil couchant qu’à prendre la route au petit matin. C’est à la fois paisible et un poil mélancolique, intimiste et propice aux retrouvailles en petit comité, inattendu et diablement efficace. Le texte parle de partir, de quitter la ville, de vivre pleinement le moment, de se vider la tête. De ressentir la vie, de prendre le temps, d’ensoleiller nos heures et de tout oublier sauf l’essentiel. Ce titre est parfait.
Road Trippin’ marque la fin de Californication, mais se trouve aussi être le début d’une jolie virée à faire où vous voudrez, quand vous voudrez, avec qui vous voudrez. Bref, Road Trippin’ est le titre idéal pour entrer dans quelques jours de repos. Et si vous ne faites pas partie de ceux qui bénéficient de ce weekend prolongé, rien ne vous interdit de l’écouter. Road Trippin’ est suffisamment bien fichu pour que vos oreilles et votre corps vous disent simplement merci. Dont acte. On y va ?
Alors que le ciel reste désespérément gris ce dimanche, voilà un son qui va vous permettre de vous lover avec vous-même, tout en regardant la lumière au bout du tunnel. All my tears de Ane Brun affiche dix années au compteur, et fait pourtant partie de ces morceaux absolument intemporels qui fonctionnent en tout lieu et toute époque. Nous avions déjà rencontré Ane Brun sur ce blog, au travers de sa délicate et émouvante reprise de Big in Japan d’Alphaville (une chronique à relire par ici) : la délicatesse d’une guitare folk surplombée de la voix assez magique de l’artiste norvégienne. Cette dernière, qui a débuté sa carrière en 1998, compte à sa discographie pas moins de 12 albums studios, ainsi qu’une poignée de lives, singles et EP. On retrouve également son nom aux BO de séries comme Breaking Bad (oui, le Breaking Bad, excusez du peu), Bones ou encore Wallander. Notre All my tears du jour est tiré de Rarities, paru en 2013 : un album dans lequel Ane Brun a regroupé diverses chansons jamais retenues pour de précédent albums. Une sorte de compilation de B-sides et inédits pourtant de très haut niveau.
Et ce n’est pas All my tears qui nous contredira. En à peine deux minutes, Ane Brun déroule un titre qui s’insinue directement en nous. Selon la même recette que pour la reprise de Big in Japan, c’est uniquement à la force d’une guitare folk et de sa voix que la chanteuse nous émeut. Un titre qui prépare la disparition et le deuil, du point de vue de celle/celui qui ne sera plus là. Ceux qui restent porteront leur peine, mais pour la/le disparue-e, c’est la paix et la sérénité trouvée, loin de ce monde bousculant et trop souvent foutraque et illogique. « The wounds this world left on my soul / Will all be healed and I’ll be whole » : Les blessures de mon âme en ce monde / Seront guéries et je serai saine et sauve. Il y a du mystique et du religieux à fond dans ce texte, là où Ane Brun parle du Créateur, où encore de Jésus, dont le visage lumineux remplacera le soleil et la lune de ce monde.
On adhère ou pas au propos religieux, mais la sensibilité est bien ailleurs et au-delà de toute croyance. Le refrain, notamment, dont le texte et son interprétation, tout en délicatesse, sont bouleversants : « It don’t matter where you bury me / I’ll be home and I’ll be free / It don’t matter anywhere I lay / All my tears be washed away » (Peu importe où tu m’enterres / Je serai chez moi et je serai libre / Peu importe où je repose / Toutes mes larmes seront séchées). Loin d’être une chanson déprimante et noire, All my tears est un putain de baume, un titre lumineux et apaisant comme on en fait rarement, une douceur absolue qui pose des choses et repose l’esprit. Un peu comme l’est Maybe you are de Asaf Avidan (dont nous avions parlé jadis dans une autre chronique à relire par là), et que je vous remets en écoute juste après All my tears. Voilà deux chansons qui abordent des sujets profonds et sensibles, tout en les sublimant et en réussissant à nous en dire des choses simples et très touchantes, à travers simplement une guitare et une voix (et quelle double voix). Sans plus attendre, place à la douceur et à la sensibilité.
Du haut de ses 45 ans de carrière (oui, depuis 1978) et de ses 57 ans (oui, déjà), Richard Melville Hall aka Moby n’en finit plus de nous délivrer des compositions qui sont aujourd’hui inscrites dans l’inconscient collectif. Qu’il s’agisse de l’énergique Honey, du délicat Porcelain, du viscéral Natural blues (tous trois sur l’incontournable album Play en 1999), ou encore du pop électro We are all made of stars et du groovy Extreme ways, titre BO de la saga cinéma Jason Bourne (présents eux sur 18 en 2002), nombre de ses morceaux sont devenus presque instantanément des classiques. Et nous ne regardons là que deux albums. On pourrait encore citer l’excellent Hotel (2005), ou plus récemment Reprise (2021), publié sur le prestigieux label Deutsche Grammophon habituellement dédié à la musique classique. Dans cet opus, Moby réenregistre 14 titres avec le Budapest Art Orchestra, démontrant ainsi la richesse et la profondeur de ses compositions. La démonstration n’est plus à faire. Moby est un grand artiste, et nous l’allons voir en revenant sur l’album 18 et In this world, un de ses titres phares.
Titre d’ouverture de 18, In this world nous cueille d’entrée de jeu par un sample vocal de Lord, don’t leave me des Davis Sisters, groupe américain de gospel fondé en 1947 et qui officia jusqu’au début des années 1980. Le sample se mêle à la voix de Jennifer Price. La voix est puissante, pénétrante, subtile, imparable. Tout comme la musique de Moby. L’alliance est parfaite. Mais la perfection ne s’arrête pas à ces samples. Moby ajoute des notes de claviers et des percussions en arrière fond, avant de plaquer une rythmique dans laquelle programmation et piano communient. C’est brillant. Mais la brillance va encore plus loin. Dès la vingtième seconde, et comme une récurrence, une nappe de synthés vient soutenir l’ensemble. Cette nappe de synthés, nous la connaissons déjà. Nous l’avons déjà entendue. C’était 3 ans plus tôt, déjà chez Moby, sur l’album Play.
Plus précisément, dans le titre My weakness (chronique d’il y a quelques temps, à relire par ici), qui refermait l’album Play. Souvenez vous de ce merveilleux morceau, qui débutait lui aussi par des voix, mais bien plus aériennes et mystérieuses que le sample de In this world. La nappe de synthés dont nous parlons arrive à partir de 1 minute 10 dans My weakness et accompagnera pendant près de 2 minutes ce voyage hors de toute réalité. Comme un clin d’œil à ceux qui suivent, Moby reprend dans In this world et en ouverture de 18 cette nappe de synthés qui refermait Play. My weakness/In this world : comme un message subliminal. Ce monde qui est le nôtre, qui sait nous donner des forces et la force, mais qui est aussi notre faiblesse (weakness).
Pour aller un peu plus loin, rappelons nous que My weakness illustrait une des plus belles scènes (peut-être la plus belle) de la série X-files. A savoir le dénouement du double épisode Délivrance (10e et 11e au cœur de la saison 7). Fox Mulder y apprend enfin ce qui est arrivé à sa sœur mystérieusement disparue des années plus tôt. Loin de tout délire d’enlèvement extraterrestre, la réponse est bien plus terre à terre et dramatique. Or, que voit-on dans le clip de In this world ? Une poignée de petites créatures extraterrestres qui tentent, tant bien que mal, d’établir un contact avec la Terre et ses habitants, bien indifférents à la présence de ces êtres venus d’ailleurs. In this world et son clip en 2002 feraient-ils, eux aussi, un clin d’œil à cet épisode fondamental de X-files sorti lui à la charnière 1999-2000 ? D’un monde à l’autre, rien n’est moins sûr, mais j’ai envie de le penser.
Il est désormais grand temps de laisser la place à la musique : In this world, accompagné de My weakness pour se le remettre en tête si besoin. Et pour retrouver, d’un titre à l’autre, cette nappe de synthés si envoûtante et hors du temps.
Envie d’une petite pépite feelgood en ce dimanche ? On a ça en stock. On en a même un bon paquet, duquel nous allons sortir aujourd’hui New soul de Yael Naim. Premier single et succès immédiat de l’artiste franco-israélienne, cette chanson contient déjà tout le talent d’une auteure-compositrice qui nous ravit à chaque création. Si New soul est très connoté pop-folk, Yael Naim commence par étudier la musique classique durant une dizaine d’années, avant de se tourner vers un savant mélange de pop/folk/jazz. A partir de 2000 (soit à peine âgée de 22 ans), elle participe à des projets divers comme la comédie musicale Les Dix Commandements ou encore la BO du film Harrison’s Flowers, tout en sortant un premier album dès 2001, In a Man’s Womb. L’année 2004 sera déterminante pour elle : elle commence à travailler avec David Donatien, pour aboutir en 2007 à l’album Yael Naim porté par le single New soul.
N’y allons pas par quatre chemins : New soul est une pépite de douceurs et de couleurs. L’ouverture se fait sur des accords de piano, vite rejoints par la jolie voix de Yael Naim. Viennent ensuite se greffer d’autres instruments et musiciens pour une ritournelle collective pop/folk qui me fait immanquablement penser à l’esprit qui régnait lors de la tournée 1975 de Bob Dylan. Celle-là même qui est retracée dans le très chouette documentaire Rolling Thunder Revue de Martin Scorsese (dont nous avions parlé voici quelques temps, à relire ici). Ce n’est pas le clip de New soul qui me fera changer d’avis, notamment dans sa deuxième moitié avec l’arrivée desdits musiciens. Ces images se confondent dans ma tête avec quelques-unes du film de Scorsese.
Le texte apporte lui aussi son lot de douceurs. Yael Naim y alterne paroles réalistes sur un monde étrange où l’apprentissage de donner et recevoir est parfois délicat, et mots rassurants qui contrebalancent ce constat par petites touches : de la sérénité, une note d’espérance, une main. Autant dire de la lumière. Quant au clip (déjà évoqué), c’est lui aussi une petite merveille que je vous laisse revoir ci-dessous. Lorsque les images collent et répondent ainsi à la musique, on peut parler de multi-pépite.
Ceci est New soul de Yael Naim, dont vous pouvez écouter les autres compositions. Il n’y a vraiment pas grand-chose à jeter dans la carrière de cette artiste, qui sait aussi nous toucher au travers de reprises assez magnifiques. On se souvient notamment de son Quand on a que l’amour de Brel en 2015 (suite aux attentats du 13 novembre), ou plus récemment de sa version du Chant des partisans. Mais c’est une autre histoire, dont nous reparlerons peut-être. Pour l’heure, écoutons New soul dans la plus grande des douceurs.
Après Leiji Mastumoto, décédé en février dernier, le Japon a perdu ces derniers jours un autre grand artiste. Ryūichi Sakamoto s’en est allé le 28 mars dernier. Si ce nom ne vous dit rien, nous allons resituer un peu le personnage, en nous focalisant sur deux temps musicaux majeurs de la carrière de ce grand monsieur. A la fois musicien, compositeur, producteur, chef d’orchestre et acteur, Ryūichi Sakamoto voit le jour en 1952 à Tokyo. Très inspiré par la musique impressionniste de Debussy et Ravel, mais aussi la pop rock des Beatles et des Stones, Sakamoto suit des cours à l’Université des beaux-arts et de la musique de Tokyo. Il y étudie tout à la fois la composition, la musique ethnique et la musique électronique. Musique électronique qui, dans le courant des années 1970, prend précisément son essor via le développement des synthétiseurs comme les incontournables Moog. Ryūichi Sakamoto sort dès 1975 de premiers enregistrements, sur lesquels il travaille comme claviériste ou arrangeur.
Il faut se transporter en 1978 pour voir naître le groupe fondamental et fondateur de la carrière de Sakamoto. Le Yellow Magic Orchestra publiera 8 albums studios entre 1978 et 1983, auxquels il faut ajouter un neuvième en 1993. L’essentiel des pépites du Yellow Magic Orchestra se situe donc à la charnière des années 1970 et 1980, avec des morceaux comme Tong Poo (1978), Technopolis (1979) ou encore Nice Age (1980). Si vous n’avez jamais entendu parler de ce trio, dites vous qu’il a été porteur de l’essor de l’électro sous différentes formes : électropop, synthpop, ambient house et electronica. Influencé par la musique de Kraftwerk, le Yellow Magic Orchestra est précisément à l’Orient ce que le groupe allemand fut à l’Occident dans le développement de l’électro. Le Yellow Magic Orchestra mis en sommeil, Ryūichi Sakamoto poursuivra dès les années 1980, et jusqu’aux années 2010, une foisonnante carrière au cours de laquelle il n’aura de cesse de repousser les explorations électro en allant jusqu’au rap et la house music dans les années 1990, tout en travaillant aussi autour des musiques du monde avec, par exemple, deux albums de bossa nova au début des années 2000.
En Occident, Ryūichi Sakamoto est également connu pour une autre facette de sa carrière : celle de compositeur de musiques de films. A commencer par Furyo (1984), dans lequel Sakamoto tient également un des rôles principaux face à David Bowie. C’est pourtant ses talents de musicien qui seront récompensés, puisque la BO de Furyo décrochera le BAFTA de la meilleure musique de film. On écoutera ci-dessous le magnifique thème Merry Christmas, Mr. Lawrence en version originale (parfaite synthèse du double travail électro/musiques du monde), mais aussi interprété en piano solo par maître Sakamoto himself. Tout simplement magique. Quatre années plus tard, c’est l’Oscar de la meilleure musique de film qui récompense Ryūichi Sakamoto pour la BO du Dernier empereur de Bertolucci. Si l’on retient les BO de ces deux films, on peut aussi se souvenir de celles d’Un thé au Sahara (1990), Talons aiguilles (1992), Snake eyes (1998) ou plus récemment Babel (2006) et The Revenant (2015), cette dernière en collaboration avec Alva Noto. Autant de compositions diverses qui donnent un aperçu du pléthorique travail de Sakamoto au fil de ses années de carrière.
Une œuvre emplie de pépites, que vous pouvez aller découvrir en piochant ce que bon vous semble. Il faut des heures et des heures d’écoute pour faire le tour de la question, et mesurer la perte artistique que représente la disparition de Ryūichi Sakamoto. Comme pour tous les artistes disparus, le plus bel hommage consiste à faire vivre leur travail. Nous y apportons ici une infime et modeste contribution, en vous donnant à écouter deux titres du Yellow Magic Orchestra, puis le magnifique thème de Furyo. Bonne écoute, et merci maître Sakamoto.
Il y a 3 jours, le premier album éponyme d’Emilie Simon fêtait ses 20 ans… ce qui n’est pas sans nous rajeunir, il va sans dire. Un album sublime qui croise à merveille les cendres du trip-hop et une voix angélique qui séduit par sa douceur quasi-enfantine. J’avais déjà parlé du très beau morceau d’ouverture Désert ( à relire par ici) et l’actualité musicale m’amène à y jeter de nouveau une oreille pleinement séduite. Emilie Simon a en effet opté pour un choix très audacieux et sort une version revisitée de cet opus initial avec ES pour surprendre ses fans de la première heure, dont je suis, mais aussi malheureusement confirmer un ralentissement artistique assez incontestable. Tant Emilie Simon a pu me séduire avec la BO de La Marche de l’empereur ou ses albums Végétal et The Big Machine, tant depuis Franky Knight j’ai du mal à me laisser emporter par ses nouveaux albums. Un EP Mars on Earth 2020 (brièvement abordé par ici) composé pendant le confinement avait laissé un espoir mais je dois reconnaître que cet ES propose une ligne directrice assez déprimante qui brise la pureté de l’album initial. Peut-être que de multiples écoutes feront évoluer cette triste première impression et je ne peux que le souhaiter car Emilie Simon mérite mieux. Je vous invite à vous faire votre propre avis, à travers le titre Secret dans ses deux versions, enjoy !
Alors que le temps de tout caser dans une semaine écoulée m’a encore manqué, voici venu le temps non pas des rires et des chants (#référencedevieux), mais d’un petit son tranquille pour accompagner votre dimanche matin. Je ne vais pas aller chercher bien loin puisque notre pépite du jour s’intitule Sunday Morning. Morceau paru en 1967 sur l’album The Velvet Underground and Nico dudit groupe The Velvet Underground, Sunday Morning est à bien des égards une particularité. Pour qui connaît l’album complet, cette petite balade quasi comptine étonne. Au regard du groupe d’une part. The Velvet Underground, c’est l’ombrageux Lou Reed, le parfois inquiétant John Cale, épaulés par les discrets Sterling Morrison et Moe Tucker. La formation s’augmente ici de Nico, imposée par Andy Warhol au groupe qui accompagne alors sa performance Exploding Plastic Inevitable. La voix grave et sépulcrale de Nico ajoute à la noirceur vénéneuse du Velvet. Dès lors, trouver un Sunday Morning au milieu de tout ça a de quoi étonner.
D’autant que, d’autre part, l’album est plutôt sombre. Si c’est bien Sunday Morning qui ouvre la galette, on assiste ensuite à un enchaînement de titres renfermés et torturés, à l’image de I’m waiting for the man, Venus in furs (un titre que je trouve fascinant) ou Heroin. Le disque n’en reste pas moins une référence rock absolue, et un passionnant voyage dans l’univers du Velvet qui, soyons honnêtes, ne fera jamais mieux. Ne serait-ce que pour cette pochette mythique créée par Warhol, ornée d’une banane que l’on peut peler et qui laisse apparaître un fruit rose et ferme. Rappelons aussi que cet album ne fut pas diffusé en radio, étant considéré comme trop cru (aussi cru que la banane sur la pochette). Et qu’il fut un échec commercial, alors qu’il est aujourd’hui porté aux nues. The Velvet Underground and Nico occupe par exemple la 13e place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi en 2003 par le magazine Rolling Stone.
Vous pouvez donc courir (ré)écouter cette merveille du début à la fin. Pour vous mettre en appétit, et pour se faire du bien, on écoute Sunday Morning, pépite à laquelle j’ajoute mon autre pépite de l’album, à savoir Venus in furs. Deux salles, deux ambiances. Un même plaisir.
Après avoir écouté du 50 ans d’âge la semaine dernière, réduisons un peu la voilure pour revenir presque 30 ans en arrière. En 1994 plus précisément, pour nous replonger dans l’excellent Ill Communication des Beastie Boys. Pour leur quatrième album, Michael « Mike D » Diamond, feu Adam « MCA » Yauch et Adam « Ad-Rock » Horowitz mélangent hip-hop, punk rock et sonorités jazz. Ce mix aventureux pourrait tourner à la catastrophe. Entre les mains des Beastie Boys, l’ensemble constitue un des meilleurs albums du groupe. D’un titre à l’autre parmi les 20 qui constituent la galette, on navigue entre titres à chiller, ambiance plus vénère et flow hip-hop jazzy. C’est plutôt dans cette dernière case qu’on rangerait Sure Shot, titre inaugural de Ill Communication et pépite énergique et énergisante comme on n’en fait plus.
Exploitant au maximum le sample de Howlin’ for Judy du flûtiste de jazz américain Jeremy Steig, Sure Shot est un titre obsédant. Dans son rythme d’une part, qui se met en route et se tend sans jamais relâcher l’énergie durant ses 3 minutes 20. Dans son flow d’autre part, que se partagent les Beastie Boys, en semblant ne jamais respirer de la première à la dernière note. Les trois rappeurs se passent et repassent le micro dans un morceau qui sonne comme une profession de foi. Titre d’ouverture parfait pour un album, qui envoie sans délai toute l’énergie nécessaire pour se tarter immédiatement après les 19 autres compositions. Sure Shot fut mon titre de rencontre avec les Beastie Boys, et j’y reviens régulièrement. Dont aujourd’hui, avec partage ici-bas, ici même. Avec en prime le clip, qui fleure bon les années 1990.
Il est grand temps d’écrire ma chronique hebdomadaire, et si vous en avez lu le titre, vous voyez déjà la pirouette que je vais faire. Il est grand temps… et hop un titre avec le mot temps dedans, en anglais pour faire un peu stylé. It’s time ! Retour 50 ans en arrière, avec un ultra classique comme on n’en fait plus. Tout a déjà été dit et écrit sur Dark Side of the Moon de Pink Floyd. Paru le 1er mars 1973 aux Etats-Unis et le 23 mars 1973 (on reviendra sur cette date) au Royaume-Uni, ce huitième album studio est la concrétisation du son Pink Floyd en gestation depuis la galette studio de Ummagumma (1969), puis Atom Heart Mother sur l’album éponyme en 1970 et Echoes sur Meddle en 1971. Un rock progressif qui expérimente les sonorités, une production studio léchée et tirée au cordeau avec notamment un mixage quadriphonique, un concept sonore qui conduit à l’évasion totale. Les 43 minutes et 10 titres de l’album forment comme un seul et même morceau qui déroulerait ses différents mouvements. Figurant dans le top 25 des albums les plus vendus de tous les temps, Dark Side of the Moon est resté 736 semaines dans le classement des albums du Billboard, de 1973 à 1988. On pourrait aligner les chiffres à l’envi, le constat est bel et bien là. Au-delà des ventes, des chiffres de production, Pink Floyd publie en 1973 un album majeur de l’histoire de la musique, dont le succès et les qualités ne se sont jamais démentis depuis.
Difficile de scinder Dark Side of the Moon en titres séparés, tant l’unité et la cohérence musicales sont évidentes. On peut toutefois s’arrêter sur une composition plutôt qu’une autre, comme on préfèrerait dans les Quatre saisons de Vivaldi le Printemps à l’Eté, ou l’ouverture des Noces de Figaro chez Mozart au reste de l’œuvre. En quatrième position de Dark Side of the Moon se trouve Time. Le morceau s’ouvre sur de multiples sonneries d’horloge avant de dérouler une longue intro de près de 2 minutes 30. C’est ensuite un titre assez classiquement pop-rock qui s’installe, pour s’amenuiser petit à petit et nous amener vers le formidable The Great Gig in the Sky qui conclut la face A. Ceux qui connaissent l’album savent que les 5 titres de la face B seront encore plus impressionnants. Il n’y a rien à jeter dans Dark Side of the Moon. Pas une seconde de trop, pas un son inutile ou raté. Même si j’ai une infinie passion pour Animals (1977), je reconnais en Dark Side of the Moon un chef-d’œuvre qui me fascine à chaque fois. Ne serait-ce que pour Time, apparemment un anodin titre rock qui prend toute sa mesure au cœur de cet album de légende.
Album tellement légendaire que, à l’occasion de ses 50 ans, il ressort dans une édition Deluxe le 24 mars prochain (je vous avais dit qu’on reparlerait du presque 23 mars). Une réédition dantesque, une version remasterisée (une fois de plus) agrémentée de nombreux goodies collector et de moult supports. Vinyles, CD, DVD, blu-ray, tout y est pour (re)découvrir Dark Side of the Moon sous toutes ses formes et sous tous les angles. Merci Pink Floyd, et merci aussi le capitalisme : si le contenu du coffret est dantesque, son prix aussi. A 250 € la bête, même les plus passionnés y réfléchiront à deux fois.
En revanche, sort séparément (tout en étant inclus dans le coffret) le Live at Wembley Empire Pool enregistré en novembre 1974. Il ne s’agit pas du concert intégral donnant à entendre Echoes en live, ainsi que des pré-versions de Shine on your crazy diamond, Sheep et Dogs, mais du bloc Dark Side of the Moon. Entendez par là que, pour la première fois en vinyle et CD, on va pouvoir écouter la prestation intégrale de Pink Floyd ces soirs-là jouant Dark Side of the Moon en live, de la première à la dernière note. Sensiblement ce que le groupe proposera en 1995 sur son live Pulse, à deux différences notables. D’une part, sur cette tournée, Dark Side of the Moon est joué live, mais pas forcément dans son intégralité selon les soirs. D’autre part, l’enregistrement de 1974 permettra de retrouver le Pink Floyd quasi originel (car point de Syd Barrett), avec Roger Waters dans ses rangs. Ce Live at Wembley Empire Pool sera, lui aussi, disponible le 24 mars prochain, pour un prix autrement plus abordable. Il est fort possible que nous en reparlions bientôt pour décortiquer l’intérêt et la qualité de l’objet.
Pour le moment, il est grand temps de laisser place à la musique. Time et, en bonus, The Great Gig in the Sky qui lui fait suite directement sur l’album.
Qu’apprend-on la semaine dernière à la lecture des Inrockuptibles (27 février 2023, lien vers l’article complet en bas de chronique) ? Que le méga succès planétaire Clint Eastwood de Gorillaz repose sur une simple boucle de préréglage sur un instrument de musique électronique. Enfin pas vraiment. C’est plus exactement la rythmique de base et sa coloration traînante si particulière qui sort tout droit d’un Omnichord Suzuki OM-300. Le reste du titre relève du talent de composition de Damon Albarn, leader de Blur, mais aussi créateur (avec Jamie Hewlett) et tête pensante de Gorillaz. Rappelons que ce groupe existe sans exister, puisqu’il est officiellement composé de musiciens virtuels et/ou de fiction. Seul Damon Albarn existe réellement. C’est justement lui qui, récemment invité dans le Zane Lowe Show (podcast diffusé sur Apple Music), a révélé le secret du riff rythmique de Clint Eastwood, single emblématique de Gorillaz, premier album du groupe. Je vous invite à visionner les premiers instants dudit podcast ci-dessous, pour comprendre en quelques secondes. Albarn explique nonchalamment “That’s it. That’s the preset. It’s the Rock 1 preset”, avant de presser un bouton de la machine devant lui. Aucun doute possible, c’est à la note près la base de Clint Eastwood.
Si la révélation a de quoi étonner, elle prête plus à sourire qu’autre chose. Ici, point de soupçon de plagiat ou de sample malhonnêtement détourné. Damon Albarn s’est contenté de travailler autour d’une boucle de préréglage, qui existe depuis des années dans de nombreuses machines vendues dans le monde. Aucune cachotterie ou filouterie. N’importe quel possesseur/utilisateur d’un Omnichord Suzuki OM-300 était à même de découvrir le pot aux roses. Et, fort heureusement, la magie de Clint Eastwood ne repose pas que sur ce riff rythmique. Tout le reste, depuis la voix traînante de Damon Albarn qui s’oppose au flow de Del the Funky Homosapien jusqu’aux nombreuses gommettes musicales qui émaillent le titre, constitue un réel travail de création et de composition. Clint Eastwood et les nombreuses autres pépites qui constituent Gorillaz (dont le génial 5/4 et l’émouvant Latin Simone) font bien de cet album un must-have de toute discothèque. Cette galette constitue l’acte de naissance d’un des groupes les plus captivants de notre temps. Qu’il soit virtuel ou non n’a aucune espèce d’importance. Le duo Damon Albarn/Jamie Hewlett offre depuis plus de 20 ans maintenant un univers musical dont on ne se lasse pas. Retour aux origines avec Clint Eastwood et, dans la foulée, 5/4 pour vous convaincre (si besoin en était) de vous faire tout l’album.