Review n°117: Player Non Player d’Agar Agar (2023)

       Le duo composé de Clara Cappagli et Armand Bultheel, alias Agar Agar, aime prendre son temps comme ils Agar Agar Player Non Playerl’affirment dans une interview accordée aux Inrocks « On a besoin d’accueillir certaines propositions pour se les approprier et ne pas être dans un dialogue immédiat avec ce que l’on vit. » Dans une époque de l’immédiateté poussée à son paroxysme, la démarche est pour le moins à contre-courant. Le premier album The Dog and the Future (apprécié et chroniqué par ici pour l’inauguration des Five-Titles) date donc déjà de 2018 et c’est avec une véritable impatience que je me lance dans ce Player Non Player, album-concept qui est la bande-son du jeu vidéo du  même nom créée par un ami d’Armand, Jonathan Coryn. Un jeu vidéo au concept assez original où l’on incarne un personnage qui arrive sur une île et rencontre des personnages énigmatiques qu’il va aider à accomplir leurs rêves, la progression du jeu débloquant les clips musicaux interactifs d’Agar Agar.

      Le morceau d’ouverture Grass nous emmène d’emblée en territoire connu avec ses synthés brumeux, ses beats de fond et cette voix d’une nonchalance toujours aussi sensuelle et séduisante. Les synthés d’Armand Bultheel sonnent toujours aussi eighties et on perçoit tout l’amour des consoles 8-bits, à l’image d’un groupe comme Crystal Castles. The visit creuse le même sillon dans une version cependant un peu plus pop uptempo, les synthés rappelant les débuts de Calvin Harris. On retrouvera cette électro-pop attendue et riche de contrastes dans l’excellent morceau final It’s Over dont la mélancolie est particulièrement poignante.

      Néanmoins, ce Player Non Player se présente davantage comme un vrai patchwork d’inspirations diverses qui peut déstabiliser. Ainsi Trouble se présente-t-il comme un vrai casse-tête électronique qui part dans tous les sens et qui a dû se montrer particulièrement complexe à produire, dans la foulée Odile nous propose une belle plage de douceur, aussi belle qu’inattendue, contrastant avec l’intermède d’une minute 45 Dragon, électro dépouillée et languissante qui ferait penser à un morceau caché du Third de Portishead. Accrochez-vous car l’auditeur ne va pas cesser d’être trimballé dans de multiples univers: Dragonlie est un de mes morceaux préférés avec son trip-hop désincarné et cette froideur esthétique d’une grande beauté qui contraste à merveille avec Crave et ses 2 minutes angoissantes qui croisent l’univers de The Knife avec le goût du 8 bits de Crystal Castles. Ce Crave me déplaît et me met mal à l’aise et je retrouve avec plaisir la douceur de Fake names qui s’impose comme le plus bel exemple d’électrop-pop inventive d’Agar Agar.

     L’électro-pop plus attendue de No Pressure, le featuring de Zombie-Chang qui apporte un texte en japonais bien senti sur Dude on Horse et la sublime plage contemplative Plaine qui ramène aux étendues balayées par le vent de Boards Of Canada confirment ce plaisir jouissif à explorer des contrées variées. Même si ce Player Non Player m’a demandé plusieurs écoutes pour appréhender son aspect protéiforme, je ne peux que vous engager à savourer l’inventivité d’Agar Agar, enjoy !

 

Sylphe

Review n°116 : Fishing for accidents (2023) de Wax Tailor

Cover-FishingForAccidents-3000_1b83cea1-d504-484d-a22c-2577457be02d_700xDeux ans après l’excellent et percutant The shadow of their suns (2021), Wax Tailor (aka Jean-Christophe Le Saoût) est de retour dans les bacs avec Fishing for accidents. Sorti le 10 février dernier, ce nouvel et septième opus parvient de nouveau à nous étonner. Tout en s’inscrivant dans la continuité des sons de son créateur, il renoue avec l’esprit des premiers albums, et notamment de Tales of the forgotten melodies (2005), pierre fondatrice de la carrière de Wax Tailor. Un disque qui n’a donc rien d’un accident, et qui apporte son lot d’énergie et d’émotions autant qu’il bouleverse. Au fil de ses 12 titres et de ses 38 minutes, le musicien nous embarque dans un voyage dont il a le secret, en mixant allègrement samples musicaux et vocaux, mais aussi en convoquant moult featurings comme pour toujours élargir un peu plus sa famille et ses horizons musicaux. Que trouve-t-on dans Fishing for accidents, et pourquoi faut-il absolument l’écouter ? Décryptage de l’objet et de ses pépites, sans attendre.

Tout commence par des présentations. Craftsman, premier titre de l’album, s’ouvre par un collage de deux samples vocaux : « I forgot to introduce myself / Tailor you remember me ? ». Comme si on avait oublié ce cher Wax Tailor, Craftsman parmi les craftsmen. Le Craftsman, c’est l’artisan, le bricoleur de génie. Celui qui transforme en beauté tout ce qu’il touche. Pas celui qui cloue trois planches en espérant économiser le prix d’un étagère Ikea, pas non plus celui qui sortirait un album tous les 6 mois depuis 9 ans en mode usine à sons. Non, Wax Tailor c’est plutôt l’artiste artisan qui, depuis 2005, habille et décore notre intérieur musical de ses créations. Craftsman nous le rappelle avec style et simplicité, sur un son qui pourrait accompagner une scène de Ghost Dog.

Vont ensuite s’enchainer trois types de morceaux, pour un voyage somme toute assez feutré : les sons très low-tempo hip-hop, les étrangetés freaks et les mélodies capiteuses.

Du côté du low-tempo hip-hop, on relèvera Searchin, Home, Just rock on, Let them know et No more magical. Soit une bonne partie de l’album. Chacun de ces 5 titres recèle sa petite touche individuelle. Home par exemple déroule une grosse et très présente ligne de basse sur laquelle se colle une ambiance distordue, tandis que Just rock on pose un groove plus tranquille pour chiller après plusieurs titres troublants. No more magical, quant à lui, sera le onzième et avant-dernier titre de l’album. Un low-tempo pour porter un flow diablement efficace tout juste interrompu par de langoureux « No more magical ». Wax Tailor fait ce qu’il a toujours su faire. Du hip-hop, qui se fait pourtant plus intimiste sur cet opus. On n’est plus sur les House of Wax (sur Hope & Sorrow en 2007), The sound (sur Dusty rainbow from the dark en 2012) ou même Keep it movin (sur The shadow of their suns en 2021). Ici le low-tempo hip-hop se fait moins groovy, plus déconstruit, mais terriblement captivant et troublant.

Le trouble, c’est précisément ce qu’apportent les titres que nous regrouperont sous la bannière étrangetés freaks. Font partie de ceux-là That good old tomorrow, Freaky circus, et Forbidden cabinet. Ces trois morceaux apportent une couleur très nouvelle dans le son Wax Tailor. That good old tomorrow sonne comme un pied de nez au sépia « C’était mieux avant », en étant plutôt un « C’était mieux demain » (le meilleur étant à venir, rappelons-le). Sur un rythme de valse lente, Wax Tailor brouille les époques et les pistes. Et si le meilleur moment, c’était maintenant ? Freaky circus nous emmène dans un cabinet des curiosités sonores, en mixant un flow efficace et des samples qui évoquent une BO de Tim Burton et un film joyeux de David Lynch (oui, j’ai bien dit ça). Quant à Forbidden cabinet, c’est une avalanche de samples vocaux parfaitement mixés sur une trame musicale toujours plus intrigante. Ces trois titres, respectivement en 3e, 6e et 7e position sur la galette, tombent à point nommé pour nous surprendre et nous emmener là où on ne pensait pas aller.

Précisément, là où ne pensait pas aller, c’est dans un troisième univers avec Come with me et Shaman in your arms. Placés tous deux en 4e position des faces A et B, ils se parlent l’un à l’autre. Victoria Bigelow dans le premier, Jennifer Charles (de Elysian Fields) dans le second : deux voix féminines, langoureuses, envoutantes et captivantes. Voilà bien deux titres qui font penser très fort à Twin Peaks et ses scènes capiteuses à souhait. Comme deux bulles respiratoires autant que séduisantes, l’un et l’autre offrent un moment en suspension. Une sorte de Red Room dans laquelle on se poserait et s’abandonnerait, avant de reprendre le voyage.

Un voyage qui, vous l’aurez compris, n’a rien d’un gros son mal dégrossi. Wax Tailor livre ici un album d’une richesse et d’une finesse assez bouleversantes. Une fois de plus, il brouille nos attentes et les frontières musicales en mélangeant avec grand talent du low-tempo hip-hop (sa marque de fabrique) et divers univers qui trouvent pourtant une cohérence évidente. A aucun moment on ne se demande ce qu’est ce melting-pot sonore. En revanche, à chaque seconde et chaque titre, on frissonne d’émotions et de plaisir face à cette intelligence artistique qui, une fois encore, me laisse admiratif et captivé. Comme à son habitude, Wax Tailor convoque une longue liste de featurings parfaitement choisis, selon le climat qu’il veut donner à chacune de ses compositions.

Fishing for accidents est un magnifique album, qui se clôt sur The final note. Une conclusion au voyage, construite sur quelques notes de pianos et une nappe de cordes traînante. Un peu comme s’il était tard dans la nuit, au fin fond d’un bar lynchien, et que nous avions rêvé les 38 minutes qui viennent de passer. L’album est pourtant bien là, avec de plus une pochette absolument somptueuse réalisée par Hanako Saïto, artiste japonaise qui a notamment collaboré avec Tarantino sur Kill Bill. Tourné autant vers ses prédécesseurs (à commencer par Tales of the forgotten melodies) que vers l’avenir et de nouvelles pistes musicales, Fishing for accidents est la très belle surprise de ce début 2023. Après un excellent The shadow of their suns puissant mais assez sombre, Wax Tailor démontre une nouvelle fois ses talents de Craftsman avec ce nouvel opus tout aussi excellent que ses albums précédents. Procurez vous d’urgence cette merveille si ce n’est déjà fait : voilà un sérieux prétendant au podium 2023.

(Visuel pochette par Hanako Saïto)

Raf Against The Machine

Review n°115: Cool It Down de Yeah Yeah Yeahs (2022)

Je continue de regarder 2022 dans le rétroviseur aujourd’hui avec un opus sorti le 30 septembre dernier, à savoir le cinquième album studio de Yeah Yeah Yeahs Cool It Down. Le groupe composé de Brian Chase (batterie), Nick Zinner (guitares et claviers) et surtout Karen O. au chant avait retrouvé la scène pour quelques dates en 2017 mais le dernier album Mosquito remonte déjà à 2013, une éternité dans le monde musical actuel… J’ai déjà parlé de ce groupe américain dans ce blog, en particulier de leur troisième album It’s Blitz! (2009) qui, en plus de posséder une des plus belles pochettes all-time, est un bijou d’électro-pop sensuelle et électrisante. Pendant cette pause, Karen O. n’a pas chômé et a, entre autres, marqué mon année 2019 avec Lux Prima, un album composé avec Danger Mouse (à relire par ici) qui montrait l’énergie intacte qui l’animait encore.

Pour l’anecdote, nous retrouvons dans les paroliers de ce Cool It Down le leader charismatique de TV on the Radio, David Sitek… a priori tous les voyants sont au vert pour passer un bon moment qui risque cependant d’être un peu court (8 titres et seulement 32 minutes). Le morceau d’ouverture Spitting Off the Edge of the World va nous rassurer d’emblée avec sa basse pachydermique et ses synthés omniprésents, la rythmique tout en langueur sublimée par la voix de Perfume Genius, dont le featuring apporte une vraie plus-value au morceau, nous envoûte et laisse avec délices la place à un refrain électrisant qui donne plus de complexité au titre. Lovebomb va ensuite surfer sur un empilement de nappes de synthés contemplatives, Karen O joue la carte d’une sensualité digne d’Alison Goldfrapp avec ses interjections (ses ah quoi !) avant de démontrer une belle sérénité sur une fin mettant en avant le spoken word. Le morceau laisse entrevoir une fragilité qui n’est pas sans me laisser insensible, pour rester dans l’euphémisme. Wolf referme brillamment le tryptique initial dans une veine plus habituelle qui rappelle It’s Blitz!, le refrain addictif est puissant et cette bombinette électro-pop fait mouche avec une grande facilité. En un peu plus de 12 minutes, Yeah Yeah Yeahs vient de réanimer toute sa palette d’influences et la pause de 9 ans paraît déjà un bien lointain souvenir.

Fleez et sa guitare électrique plus rock est peut-être le morceau de l’album qui me touche le moins, j’ai du mal à percevoir la ligne directrice et le chant paraît un brin facile… Heureusement, Burning ne va pas me laisser le temps de cogiter bien longtemps en restant dans la veine électro-pop de Wolf, le titre est tout en contrastes et ruptures tout en débordant d’énergie, plus subtil qu’il n’y paraît avec des cordes bien senties. La sensualité à fleur de peau de Blacktop offre une belle plage de sérénité, Different Today propose une électro-pop primesautière et plus légère qui illumine la fin de l’album avant de finir sur un très beau moment d’émotion, Mars, dont le spoken word nous transperce. En 32 petites minutes, ce Cool It Down vient de prendre place aux côtés de It’s Blitz! pour enrichir une discographie déjà bien séduisante, enjoy!

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 1. Spitting Off the Edge of the World – 5. Burning – 3. Wolf

Sylphe

Review n°114: Reset de Panda Bear & Sonic Boom (2022)

Les premières semaines de janvier ou l’art de revenir sur les albums oubliés de l’année précédente… A ma gauche, nousPanda Bear & Sonic Boom - Reset avons Noah Lennox, alias Panda Bear, connu pour sa carrière solo mais aussi pour son projet collectif hallucinogène Animal Collective. A ma droite, trône Peter Kember alias Sonic Boom qui a formé avec Jason Pierce le groupe Spacemen 3 avant une rupture assez brutale. Alors que ce dernier a trouvé le succès à travers le projet Spiritualized, Peter Kember s’est davantage tourné vers la production pour des groupes comme Beach House, MGMT (époque Congratulations) ou encore Panda Bear lui-même pour ses albums Tomboy (2011) et Meets The Grim Reaper (2015). Les accointances musicales entre les deux sont évidentes et vont se matérialiser dans un projet commun sous le soleil réconfortant du Portugal où ils résident désormais.

Ce premier opus commun Reset semble avoir pour objectif de réactualiser la pop californienne des années 60 voire le doo-wop. On retrouve ainsi de nombreux samples dans cet album, le Three Steps To Heaven d’Eddie Cochran pour Gettin’ to the Point, Denise de Randy & The Rainbows pour Edge of the Edge ou The Drifters pour Livin’ in the after. Le résultat est un subtil mélange entre aspirations électroniques et une pop solaire qui réchauffera les coeurs des plus frileux. Le morceau d’ouverture Gettin’ to the Point avec sa guitare psyché initiale résume finalement assez bien le projet avec l’impression qu’Animal Collective aurait mis ses synthés au service d’une pop toujours sur un fil, entre nostalgie évidente et volonté de reconstruction. Go on creuse le même sillon et on ne peut qu’être sous le charme de la voix de Panda Bear qui me rappellera à de nombreuses reprises dans l’album la voix d’un autre ours, Daniel Rossen, le chanteur de Grizzly Bear.

Everyday joue la carte d’une pop faite de bric et de broc avec une collection de sons en arrière-fond avant que Edge of the Edge frappe fort. Les choeurs sont bien sentis, les harmonies vocales justes et le résultat pourrait s’apparenter à ce morceau feel-good qui pourrait t’aider à entrer pleinement dans cette nouvelle année 2023. Un In My Body à l’instrumentation plus dépouillée, un Whirlpool qui fait davantage la part belle à des synthés aquatiques qui donnent envie de se baigner et de tout oublier (les influences d’Animal Collective sont ici évidentes), un Danger lumineux et d’une grande simplicité, l’album se déroule sans anicroche. Livin’ in the After est ensuite pour moi un des titres majeurs de l’album avec cette plongée surprenante dans le mariachi, les guitares donnant une énergie supplémentaire particulièrement savoureuse. Everything’s Been Leading To This clôt enfin l’album sur une note plus électronique bien sentie.

Sans réelle prise de risque, cette collaboration entre Panda Bear et Sonic Boom fonctionne à merveille et nous permet d’entamer 2023 avec le sourire (oui bon ok on a 5 mois de retard…), enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés) : 4. Edge of the Edge – 8. Livin’ in the After – 6. Whirlpool – 3. Everyday

 

Sylphe

Review n°113: Alpha Zulu de Phoenix (2022)

Des nouvelles aujourd’hui de Phoenix, un groupe marquant de la french touch dans les années 2000, qui mérite d’être régulièrement réécouté pour ses coups d’éclat Wolfgang Amadeus Phoenix en 2009 ou Bankrupt! en 2013 ou l’excellent album des débuts Alphabetical en 2004. Néanmoins, il est assez incontestable que le groupe est en nette perte de vitesse et le dernier opus Ti Amo en 2017 m’a plutôt laissé de marbre… Au moment d’écouter ce septième album Alpha Zulu, je n’ai pas particulièrement d’attente et j’oscille entre la curiosité polie et la sensation bizarre qu’écouter Phoenix en 2022 serait presque un anachronisme. Dernière précision avant d’entamer l’écoute de l’album, je dois reconnaître que j’ai toujours eu beaucoup de difficultés à écrire sur ce groupe mais j’aime persister, bref vous êtes prévenus désormais si vous restez avec moi!

Le morceau d’ouverture Alpha Zulu doit son nom à un épisode vécu par le groupe qui a connu un vol agité au-dessus des montagnes de Belize dans un avion nommé Zulu, avec un pilote ne cessant de répéter Alpha Zulu. Tout cela paraît en effet un brin romancé mais nous ne gagnerons rien à remettre en cause cette justification du titre. Le titre propose une pop déstructurée assez classique où l’on retrouve avec plaisir la voix toujours aussi charismatique de Thomas Mars. Tonight qui fait appel à Ezra Koenig, le chanteur de Vampire Weekend, monte le curseur avec cette ligne de basse addictive et ce refrain survitaminé qui rappelle le pouvoir pop incontestable du groupe. The Only One joue ensuite la carte de sonorités plus aquatiques et oniriques pour un résultat assez classique mais je préfère l’excellent After Midnight, morceau le plus dansant de l’album. Une rythmique uptempo, des synthés omniprésents, une évidence mélodique, le tout n’est pas sans nous rappeler les grands morceaux de The Strokes. La première partie de l’album se clôt sur le très beau et onirique Winter Solstice dont l’instrumentation évoque l’atmosphère de Charlotte Gainsbourg, en particulier son album Rest.

Après une première partie pleine de belles promesses, la deuxième partie de l’album va s’avérer plus (trop) classique. Season 2 et Elixir nagent dans les eaux tièdes d’une pop attendue sur lesquelles nous aimerions voir souffler une brise marine plus riche en arômes. All Eyes on Me va surprendre davantage avec une ambiance plus électro, ce qui devrait logiquement me plaire au vu de mes goûts musicaux (oui l’usage du conditionnel n’est pas rassurant…), mais je dois reconnaître que je suis resté sur le bord de la route. Je n’en dirai pas plus pour ne pas paraître déplaisant… Heureusement, la pop lumineuse d’Artefact et ses guitares « strokiennes » ainsi que le titre final Identical, pop plus subtile, réussissent à contrebalancer un ensemble un peu trop homogène.

Je resterai donc sur cette impression qu’écouter Phoenix en 2022 demeure un anachronisme, néanmoins ce Alpha Zulu reste une belle porte d’entrée pour aller réécouter une discographie brillante, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 4. After Midnight – 2. Tonight – 5. Winter Solstice – 7. Artefact

 

Sylphe

Review n°112 : Transmissions (2022) de Transmission

Capture d’écran 2022-11-04 à 11.29.03Pour qui a eu la chance de passer un moment au festival HopPopHop d’Orléans mi-septembre dernier, il y avait une performance à ne rater sous aucun prétexte : le collectif Transmission, pour une création originale. Nous avions entendu à peu près tout et son contraire avant d’entrer dans la dernière session des quatre programmées : « Sans doute le meilleur moment du festival » versus « C’est particulier, mais c’est intéressant » versus « Il y avait des gens dans la salle qui ont manifestement aimé ». On kille le suspense tout de suite : on a adoré Transmission, et c’est personnellement la meilleure prestation que j’ai vue et entendue durant ce weekend là. Une claque. Transmission est fait de plein de personnes et d’influences différentes. Autour de Johann Guillon et Benjamin Nérot tout droit sortis d’Ez3kiel, on y trouve d’autres artistes : James P Honey aka Dull Fame, Lionel Laquerrière, Félix Classen et Victor Neute. Autant de personnalités différentes qui unissent leur talent au sein de Transmission.

Et du talent dans Transmission, il y en a : dès les premiers sons, nous voilà plongés dans un monde qui se dessine note après note, mot après mot. Dans un savant mélange d’électro et de hip-hop, le sextet dessine un univers sonore nerveux et mélancolique plein de machineries, de bruits de ferrailles, mais aussi de nappes infra-basses et electro-ambient. Comme par exemple dans Mussolini mistress. Il en résulte la fantasmée bande son d’un film à la croisée de Blade Runner et de 8 mile. Transmission est cinématographique dans l’âme. Les premières minutes nous installent dans un univers cyberpunk, violent, dark, parfois cauchemardesque, mais toujours profondément humains par les deux voix qui interviennent tour à tour dans les compositions. A la voix grave et toujours incroyable de Benjamin Nérot répond celle de James P Honey qui déverse un flow généreux et imparable.

Au cœur de Transmission et du dispositif scénique, une cabine téléphonique 3.0. Relique d’un monde passé, l’objet sort tout droit de notre imaginaire post-apocalyptique. Tel un vestige d’un monde où la communication passait par le temps d’attente à la porte de ladite cabine, la patience, mais aussi l’essentiel : avec quelques pièces ou une carte téléphonique (les plus jeunes, ne me regardez pas avec des yeux effarés… oui, ceci a existé), il fallait synthétiser nos échanges, tout en profitant un maximum de ces quelques minutes. C’est quasiment la réussite méta, en plus de la claque sonore, de Transmission. Comme des personnages échoués d’un Fallout ou d’un Death Stranding, les musiciens du groupe entrent tour à tour dans la cabine pour des Calls, qui servent d’intermèdes entre les morceaux comme autant de tentatives de remettre en lien un monde fragmenté. Plus encore, le collectif recrée un lien communicationnel en faisant de cette prestation d’une heure un vrai moment de partage entre la scène et le public. Autre signe qui ne trompe pas : l’espace scénique est central, le public en cercle autour. Reconstituer du tissu social et humain par l’art, c’est bien l’éclatante réussite de Transmission.

Si l’on en parle aujourd’hui, c’est à la faveur de la réécoute du disque Transmissions (sorti le 19 août dernier), ou l’occasion de replonger dans cette création assez incroyable portée par les festivals HopPopHop (Orléans) et Les Rockomotives (Vendôme), sous l’égide de l’association Figures Libres. Disponible chez Figures Libres Records/L’Autre Distribution, le double LP est disponible accompagné de la version CD. Tout ceci pour la modique somme d’une vingtaine d’euros : ne passez pas à côté d’un des albums les plus percutants et enchanteurs de cette année 2022. L’occasion de (re)découvrir des titres assez incroyables tels que Jane Austen (et le flow de Dull Fame qui tabasse), The ebb and the flow (peut-on mettre de la cornemuse dans de l’électro hip-hop et que ça soit génial ? Oui), ou encore Diana folded in half (le cauchemar cyberpunk incarné).

L’album est aussi disponible sur Bandcamp en version numérique, mais faites vous plaisir et soutenez la création artistique : offrez vous ce génial album en physique comme on dit, vous ne regretterez pas le voyage. Et vous bouclerez ainsi la boucle meta en remettant un peu de matérialité dans ce monde parfois trop virtuel et humainement désincarné. Merci Transmission et Figures libres pour tout ça.

L’album en LP + CD est disponible sur le site de Figures Libres Records : https://figureslibresrecords.fr/transmission-2-x-lp-cd/

Le visuel pochette est tiré de la page Bandcamp de Figures Libres, où vous pouvez trouver l’album en numérique, mais aussi l’acheter en version physique : https://figureslibresrecords.bandcamp.com/album/transmission-transmissions

Raf Against The Machine

Review n°111: 9 Pieces de Thylacine (2022)

C’est la tournée de mes chouchous électros français actuellement… Après Les Gordon, c’est au tour de Thylacine deThylacine - 9 Pieces sortir un nouvel album, son cinquième déjà, intitulé 9 Pieces. Depuis 2019 et Roads Vol.1, je prends plaisir à suivre le périple musical de William Rezé qui confronte aussi bien les gens que les sons dans ses voyages sonores. Sur ce puzzle de 9 pièces, certaines sont déjà connues et les lecteurs assidus du blog ont déjà entendu parler de Polar ou Versailles qui ouvrent et ferment l’album de 39 minutes.

Polar offre donc d’emblée une électro puissante avec le bruit des créatures marines en fond, une rythmique assez sombre qui contraste à merveille avec la voix féminine qui a presque quelque chose d’incantatoire. Le résultat est aussi surprenant qu’envoûtant. Les titres suivants vont ensuite nous emmener du côté de cette Turquie à l’identité floue, entre Europe et Proche-Orient. Anatolia est un bijou qui résume musicalement tout ce qu’est la Turquie avec d’un côté les instruments qui représentent les traditions de la Cappadoce et de l’autre les tentations de la techno pour la jeunesse d’Ankara. Duduk (du nom d’un hautbois d’Arménie) et Olatu creusent le sillon de cette électro contemplative qui survole les paysages mélancoliques pour un résultat d’une finesse et d’une justesse inégalables – le piano de Duduk est un exemple imparable. Olatu, qui me fait penser au travail sur les boucles de Les Gordon, propose des sons plus électro-pop et sort quelque peu Thylacine de sa zone de confort. Bosphorus clôt ce voyage turc dans une ambiance plus rythmée et tournée vers les dance-floors, la montée est excitante, tout comme le saxophone habituel de Thylacine qui tente d’insuffler une douce mélancolie à l’ensemble. La musique de Thylacine est à l’image de la Turquie moderne, une terre de contrastes qui se veut un lieu de rencontres.

War Dance surprend alors par son âpreté et cette techno martiale -néanmoins pas aussi monolithique qu’elle ne peut le paraître à la première écoute – comme un triste clin d’oeil à l’actualité ukrainienne… Pleyel nous ramène vers une orchestration plus classique, dans la droite lignée de son dernier opus Timeless, pour un résultat tout en tensions d’une grande modernité. La richesse des propositions de ce morceau -qui me fait penser à Aufgang – est proprement hallucinante. Night Train est le morceau le plus frontal de l’album avec une électro débordante d’énergie qui se présente comme la bande-son idéale d’un voyage en train, le titre est peut-être un peu en-dessous en termes d’originalité de la proposition. Versailles clôt enfin avec subtilité l’album en jetant des ponts entre les époques, après avoir jeté des ponts entre les peuples, en s’appuyant sur des instruments, des mécanismes et des objets du château de Versailles. Le résultat confirme la volonté sur la deuxième partie de l’album de mettre en avant des ambiances plus dansantes. S’il y a bien quelque chose que Thylacine sait parfaitement faire, c’est nous faire voyager -dans les époques, les contrées, les genres musicaux – dans notre fauteuil, le casque vissé sur les oreilles… Enjoy !

 

Sylphe

Review n° 110 : Comme elle vient – Live à Evry 2002 (2022) de Noir Désir

Comme-elle-vient-Live-2002En 2002, Noir Désir boucle la tournée de son dernier album Des visages, des figures. Commencé un an plus tôt, ce marathon scénique s’achève à l’Agora d’Evry le 14 décembre 2002 et donne aujourd’hui lieu à un album intitulé Comme elle vient. Vingt ans déjà que le plus grand groupe de rock français s’est tu, autant dire une éternité. Depuis, le monde a poursuivi son évolution, pour le meilleur comme pour le pire. 2002, c’est notamment l’année de l’accession de l’extrême-droite au second tour d’une élection présidentielle en France. La quasi-majorité des Français dit non à ce cauchemar bien réel, et Noir Désir s’en fait une des voix parmi tant d’autres. Pour qui a eu la chance d’assister à un des concerts de l’entre-deux tours, il reste en mémoire l’incandescence de ce refus, et des salles qui reprennent en cœur les Bérurier Noir pour scander que « la jeunesse emmerde le Front National ». C’était il y a vingt ans. Autant dire une éternité.

Comme elle vient sort pile vingt années après cette ultime et mémorable tournée. Ultime, puisque Noir Désir se désagrègera quelques mois plus tard. Mémorable parce qu’elle laisse entrevoir la mue du groupe et ses nouveaux horizons. Lorsque sort Des visages, des figures (le 11 septembre 2001, comme si cette dernière aventure de Noir Désir devait être marquée du sceau des tristes coïncidences), on mesure déjà l’évolution musicale de la formation. L’album offre un son à la fois plus posé mais pas moins tendu. Sous ce faux calme bouillonne toujours Noir Désir. Même si les très énervés et brutaux Tostaky et 666.667 Club sont un peu laissés de côté, des titres comme L’appartement, A l’envers à l’endroit ou Bouquet de nerfs suintent de tensions grinçantes à la limite du malaise. Alternant avec d’autres morceaux plus rock comme Le grand incendie, Son style 1 ou Lost, l’ensemble se révèle diablement excitant en ouvrant totalement les portes à de nouvelles pistes artistiques pour le groupe. Jamais il n’aura été aussi créatif et musical, jamais il n’aura développé autant d’émotions variées. Des visages, des figures se conclut en outre sur le morceau de bravoure qu’est L’Europe : un duo de plus de 23 minutes avec Brigitte Fontaine doublé d’une virée musicale aujourd’hui encore étourdissante d’intelligence.

Nous voilà donc, deux décennies plus tard, avec entre les mains et entre les oreilles ce Comme elle vient, conclusion de la tournée 2022 de Noir Désir. Avertissement important : cet album n’est en rien la réédition du Noir Désir en public sorti en 2005. Ce dernier représentait, en 24 titres, une compilation des meilleures versions enregistrées sur la totalité de la tournée. Les 56 concerts de la tournée avaient été captés, en prévision de ce témoignage somme. Les membres du groupe en ont ensuite tiré la substantifique moelle, pour obtenir un panorama de cette virée live. Comme elle vient épouse une autre logique, en livrant la captation du dernier concert donné à Evry le 14 décembre 2002. Il est donc logique de ne pas y retrouver des titres non joués ce soir-là, et tout aussi logique que la tracklist ne corresponde pas à celle de Noir Désir en public. Dès lors, si l’on possède déjà celui-ci, faut-il craquer pour celui-là qui sort aujourd’hui 28 octobre ?

N’y allons pas par quatre chemins : la réponse est oui. Si vous êtes un inconditionnel et inconsolable fan de Noir Désir, vous vous procurerez Comme elle vient tel un complétiste compulsif. Si vous êtes amateur de rock et de bon son, vous plongerez aussi. Enfin, si vous n’avez que faire de Noir Désir, et/ou que vous voyez là une sombre démarche mercantile éhontée, il est probable que vous ayez déjà arrêté de lire cette chronique. Ou que, tout simplement, vous ne soyez même pas arrivé jusqu’à cette page du blog !

Comme elle vient pose ce que Noir Désir était devenu sur scène en 2002, peut-être plus encore que Noir Désir en public. Après la compilation de moments choisis et réellement fascinants, on accède ici à un soir en live avec le groupe, qui plus est à sa toute fin. Et l’on redécouvre ce mix et ce dosage parfaits entre moments posés et faussement apaisés, et explosions rock comme on ne les espérait plus. D’un côté, l’ouverture avec Si rien ne bouge, puis Septembre en attendant, Le fleuve, ou encore Des armes. De l’autre, Les écorchés, La chaleur ou Tostaky dans une de ses plus belles et furieuses interprétations. Noir Désir manipule l’énergie comme jamais, en nous balançant à la gueule sa fougue, tout en se ressourçant dans des moments finalement tout aussi incandescents. Le résultat est brillant, et se conclut avec le titre éponyme Comme elle vient. Un dernier salut, un baroud d’honneur en forme d’ultime explosion dans lequel la formation jette ses dernières forces.

A écouter l’ensemble, ce sont des paquets d’émotions qui remontent et nous submergent. Des frissons, du feu, et des larmes aussi de (re)vivre les derniers instants de la meilleure formation rock française, et d’un des plus grands groupes de tous les temps. Comme elle vient nous permet de mesurer, une fois de plus, le vide béant laissé par la disparition de Noir Désir. Voilà un enregistrement qui dépasse toutes les catégories et les cases, pour ne plus être simplement du rock et devenir l’expression d’un art. Comme elle vient est une galette absolument indispensable, qui se paye le luxe d’être disponible sur toutes les bonnes plateformes de streaming, mais aussi physiquement en CD et vinyle. Chez Five-Minutes, on est adeptes de toutes ces formes, mais on a grand plaisir à acheter l’objet, surtout quand il est aussi percutant que ce Comme elle vient. Disponible en diverses éditions, dont certaines avec pochettes alternatives et vinyles colorés, l’album bénéficie en outre d’un pressage de haute qualité avec un remastering de très haute tenue qui rend justice au son Noir Désir.

Aussi incontournable que génial, Comme elle vient se doit d’être dans vos oreilles, et plus si affinités, à savoir dans votre discothèque. Pas encore convaincus ? Voici trois titres en écoute pour vous décider. Les 12 autres vous attendent chez votre disquaire préféré.

« J’ai douté des détails / Jamais du don des nues ».

Raf Against The Machine

Review n°109 : The universe is IDK (2022) de Dave Pen

Capture d’écran 2022-10-23 à 11.38.21Après presque deux semaines d’absence, retour aux affaires en ce dimanche automnal avec un vrai bon son, qui plus est inattendu. The universe is IDK offre en 7 titres une excellente dose de ce que le rock britannique a offert de meilleur depuis qu’il existe. Ni plus, ni moins. Aux commandes de cet EP de haute volée, Dave Pen. Si le nom ne vous dit rien de prime abord, sachez que le garçon est une des voix d’Archive (ça faisait longtemps que je n’en avais pas parlé !), mais aussi un des membres fondateurs de BirdPen. En plus d’être un chanteur et musicien de grande talent, Dave Pen est aussi un grand sportif en run/trail. Une discipline sportive qu’il écume au gré des courses les plus folles, comme par exemple fin août l’UTMB (Ultra Trail Mont Blanc) : 170 kilomètres, du dénivelé et des passages en altitude au-dessus de 2 500 mètres. Je m’égare, ou si peu. Retenons que Dave Pen compile les talents, auxquels on peut ajouter son compte Instagram truffé de photos souvent géniales. Tout ceci est enrobé d’une grande discrétion et d’une humilité qui force le respect.

C’est dans cette grande discrétion que Dave Pen a composé tranquillement à la maison les 7 titres de The universe is IDK. En une demi-heure à peine, vous allez croiser de multiples clins d’œil à quelques grands noms, comme autant d’influences avouées. Negative ouvre l’EP et ses guitares aériennes évoquent assez vite The Smiths. Avec toutefois une voix qui fait penser à un certain David Bowie. Une touche Bowie encore plus évidente sur DIY SOS, croisée avec un soupçon d’Iggy Pop période Lust for life, et une pincée de Bryan Ferry. Tomorrow in light constitue la première pause tranquille après trois titres plutôt tendus et nerveux. Ce morceau permet à Dave Pen de développer son incroyable voix, en rappelant The empty bottle d’Archive dans la démonstration vocale. Humminbird est peut-être le titre le plus inquiétant, en croisant une trame musicale entre les Lou Reed les plus sombres et les Bowie les plus synthés/machines. Une fois encore, la voix de Dave Pen contraste l’ensemble avec une lumière et une puissance imparables. Standing wave est une parenthèse instrumentale de toute beauté, avant l’étonnant dernier titre. I’ll never know est un acoustique de la plus belle épure, qui vient réveiller chez nous le souvenir musical de l’excellent Animals de Pink Floyd. Avec en prime la voix de Dave Pen qui s’approche étonnamment de celle de Roger Waters.

Au vu de ces multiples et célèbres noms, je vous vois déjà vous interroger : qu’est-ce qui rend The universe is IDK intéressant, et le monsieur ne fait-il que piocher dans l’existant ? Non, Dave Pen ne pique pas d’idées chez les autres. Il leur rend hommage et nous en envoie autant de clins d’œil complices pour mieux partager ses créations. Des créations qui s’inscrivent au-delà des hommages, dans un ensemble très personnel et assez inimitable. De bout en bout, cet EP est fascinant dans les ambiances qu’il déroule, et dans la synthèse musicale qu’il propose. Dave Pen a sans doute écouté bien des artistes au fil des ans, en a absorbé ce qui lui parlait et a digéré le tout. Il en résulte aujourd’hui 7 morceaux tous plus hypnotiques les uns que les autres, liés par une identité musicale faite d’introspection et de lumières. Oui, il y a de l’énergie dans The universe is IDK.

Il y a aussi l’affirmation d’un grand artiste humble, jusque dans le titre du EP. The universe is IDK peut se traduire littéralement par « L’univers est Je ne sais pas », soit une énième variation du « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » de Socrate, ou encore du « La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute » de Desproges. Sans doute la meilleure façon d’aborder l’existence, loin de toute certitude, afin d’être ouvert au champ des possibles et à la recherche de la meilleure version de soi-même. The universe is IDK est, dans tous les cas, la meilleure façon d’aborder les jours actuels, et les suivants. Le EP est disponible uniquement sur Bandcamp en version numérique, pour une malheureuse poignée d’euros (moins de 10 pour tout vous dire). Ne passez pas à coté de ces 7 petites merveilles musicales. Il y a encore quelques jours, le podium des trois albums de 2022 était tout calé. L’arrivée de The universe is IDK vient bousculer l’ordre établi, pour mon plus grand plaisir. Vous êtes encore là ? Foncez donc écouter la dernière merveille de Dave Pen !

Raf Against The Machine

Review n°108: Nuances de Les Gordon (2022)

Afin de démarrer cette nouvelle semaine sous les meilleurs auspices, je vous propose d’allerLes Gordon - Nuances prendre des nouvelles d’un artiste qui me tient particulièrement à coeur, Les Gordon. C’est suite à l’un de ses concerts que nous avons décidé avec mon acolyte Raf Against The Machine de relancer la machine Five-Minutes et ses deux premiers albums, La en 2018 (chroniqué ici) et ALTURA en 2020 (chroniqué ici) ont confirmé toutes les belles promesses entraperçues en live. Ce nouvel opus Nuances, sorti sur son propre label Morning Crash Records, est dans la droite lignée des albums précédents dans sa volonté d’instaurer des atmosphères électronica d’une grande douceur avec une forme de nostalgie latente. Le son tout en boucles et choeurs féminins est immédiatement reconnaissable, l’originalité résidant ici dans les nombreux featurings (Sauvane, ACES, Marie-Gold, LENPARROT, Anika) qui ouvrent sur de nouvelles atmosphères. Vous prenez les influences asiatiques du Talkie- Walkie d’Air, le sens du collectif du Rone & Friends et vous obtenez les 14 titres lumineux de Nuances.

Le morceau d’ouverture Vertiges déploie langoureusement les ailes de cette électronica intemporelle entre boucles et choeurs féminins lancinants pour un résultat hautement réconfortant. Enid & Rebecca vient ensuite apporter une section rythmique qui donne un côté plus électro-pop à l’ensemble, c’est assez imparable au niveau de la mélodie et ce n’est pas sans rappeler Polo & Pan. Fog surprend davantage par son électro déstructurée toute en ruptures qui se permet d’aller piocher quelques sons synthétiques du côté de la techno mais la plus âpre incartade est de courte durée avec Somewhere qui joue dans la foulée la carte de la ritournelle poétique sublimée par la belle voix suave de Sauvane. Le morceau aurait amplement eu sa place sur le dernier album de Rone

La rythmique affirmée de Knight & Car associée aux harmonies vocales de haut vol fait de ce titre une invitation à errer sur les dance-floors, sans renier son ADN Les Gordon explore avec subtilité un nouvel univers qui n’est pas sans rappeler Thylacine. Un Coconut assez classique dans son approche digne d’Air, la trap incisive de la rappeuse canadienne Marie-Gold sur Sinon je die et l’électro un peu foutraque de Pyromaniac proposent des directions affirmées assez diverses mais peinent davantage à complètement me convaincre. Je préfère les sonorités orientales de Midnight, la voix chaude de LENPARROT sur Mango ou l’excellent Thoughts qui brille par son atmosphère nocturne. Sauvane s’illustre une seconde fois, cette fois en français, sur Aube alors que le morceau final The Rest est le pendant parfait de l’ouverture Vertiges dans cette volonté de nous emmener dans des boucles éthérées, sublimées par les cordes. On peut noter une dernière collaboration de haut vol avec Anika sur Another Time pour une électro brumeuse qui me rappelle les dernières productions de London Grammar.

En 14 titres et 47 minutes, Les Gordon prolonge brillamment son humble ascension électronique avec ce Nuances qui porte divinement bien son nom, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés) : 4. Somewhere – 12. Thoughts – 2. Enid & Rebecca – 5. Knight & Car – 9. Midnight

 

Sylphe