Review n°65: Mesdames de Grand Corps Malade (2020)

Décidément cette fin d’année est bien riche… Voilà bien 2 mois (l’album date du 11 septembre) queGrand Corps Malade cet album tourne en boucle à la maison, mes filles étant sous le charme de ce Mesdames de Grand Corps Malade. J’ai toujours aimé le flow rocailleux et le slam de Grand Corps Malade depuis ses premiers albums Midi 20 en 2006 et Enfant de la ville en 2008, slam d’autant plus brillant qu’il est porté par des textes finement ciselés… Ce n’est pas un hasard s’il m’est déjà arrivé dans mon travail (#mysteredutravail) d’étudier la richesse de titres comme Saint-Denis.

Malgré tout mon intérêt pour Grand Corps Malade, je dois reconnaître que je n’ai pas écouté avec attention un de ses albums depuis longtemps. J’avoue avoir trouvé quelque peu facile de prime abord de faire un album mettant à l’honneur les femmes en cette période de lutte pour leurs droits  (que je soutiens au passage bien sûr, évitons donc le procès d’intention) et restais circonspect face au principe des duos étendu à tout l’album… et puis j’ai véritablement pris le temps d’écouter ce septième opus. On retrouve la justesse des textes, entre poésie et humour décalé, avec un petit quelque chose en plus d’indéfinissable. Les femmes qui ont collaboré apportent toutes une sensibilité qui donne du caractère à l’ensemble et Quentin Mosimann, entre piano et synthés, sublime le tout par sa production musicale. On se retrouve avec 10 titres d’une grande beauté, 10 tranches de vie, 10 perles à assembler pour créer le plus beau collier à offrir. Je vous invite à me suivre dans cette expédition aux confins de la joaillerie.

Le morceau d’ouverture Mesdames explicite le projet en dressant un véritable éloge des femmes et en saluant leur courage. Les mots sont justes -« Et si j’apprécie des deux yeux quand tu balances ton corps/ J’applaudis aussi des deux mains quand tu balances ton porc » – et le piano de Mosimann accompagne avec pudeur le chant de Grand Corps Malade. Seul titre sans voix féminine, on peut néanmoins savourer sur la fin le chant plein d’émotions de MosimannDerrière le brouillard vient ensuite souligner le besoin viscéral de chanter pour surmonter les épreuves de la vie. Le flow percutant de GCM qui contraste délicieusement avec les qualités d’interprète de Louane (qui se révèle à mes oreilles), l’ambiance plus électro, tout est précis et d’une grande justesse. Chemins de traverse, en featuring avec Julie et Camille Berthollet, creusera plus tard dans l’album le même sillon en montrant que le métier de chanteur s’impose presque plus qu’il ne se choisit. Un de mes morceaux préférés de l’album tant le violon et le violoncelle des deux prodiges illuminent le titre en se mariant parfaitement aux sonorités électros… Le message final comme un clin d’oeil -« Si tu te sens enrôlé par le système/N’oublie pas que c’était juste un chemin de traverse » – rappelle l’humilité qui définit si bien Grand Corps Malade.

Après Louane, c’est la voix sensuelle de Laura Smet qui va illuminer Un verre à la main. Ce titre au pouvoir narratif incontestable, nous raconte avec pudeur un instant fugitif, une rencontre avortée entre deux êtres. Les synthés sont inquiétants, le tempo ralenti avant le riff de la guitare électrique final et l’ensemble n’est pas sans m’évoquer un certain Benjamin Biolay. Le morceau retranscrit brillamment ces ambiances nocturnes entre interdit et frustration, comme le fera le titre final Je ne serai que de trop en featuring avec Amuse Bouche qui magnifie la rencontre d’un soir… Passé Un verre à la main, Une soeur offre un bel instant dédié à la relation frère-soeur. Certes je ne suis pas le premier admirateur du timbre de Véronique Sanson mais je ne peux que m’incliner face à la beauté du texte plein d’humanité, « Dans la famille on parle pas beaucoup mais on s’aime solide l’air de rien » ou encore « Il paraît qu’on choisit pas sa famille, moi je la choisirai elle sans hésitation ».

Pour limiter l’excès d’émotions, Pendant 24h vient enfoncer les stéréotypes hommes-femmes en jonglant entre dénonciation et humour décalé. Je suis séduit par l’ambiance électro et le flow hip-hop de Suzane. Je ne résiste pas à la tentation de vous donner 2-3 extraits: « Je serai romantique avec les meufs/ Sur tinder/Pas de dick pick/Des coeurs de toutes les couleurs », « Je veux découvrir enfin le singulier bonheur/De réussir à faire un créneau en une demi-heure/Comprendre enfin la passion sincère, sans censure/ De regarder sur internet pendant des heures des chaussures. », « J’pisserai sur le trottoir/ Comme le p’tit chien de la voisine/ C’est l’avantage/ De la physiologie masculine ». Voilà un morceau à l’humour décapant qui contraste avec le bijou d’émotion qui suit Mais je t’aime. Ce morceau touchant sobrement accompagné par le piano qui révèle les talents d’interprète de Camille Lellouche montre avec simplicité et retenue à quel point l’amour est un sentiment complexe, puissant et fragile à la fois. Je vous invite à savourer à leur juste mesure les paroles de ce titre…

Il me reste deux perles aux couleurs opposées pour finir ce collier… D’un côté la noirceur d’Enfants du désordre qui s’impose comme un Petit Frère du XXIème siècle, morceau dénonçant les conditions de vie difficiles vécues par les enfants porté par l’âpreté du chant d’Alicia. Ce « Tais-toi et bouffe » acéré que n’aurait pas renié Gaël Faye résonne fort et fait vaciller… A côté de cette perle noire, c’est le blanc cassé de Confinés qui nous rappelle avec humour l’épisode du premier confinement en confrontant l’expérience du père quarantenaire à celle de sa fille adolescente représentée par Manon Roquera, la lauréate 2019 du Trophée Slam à l’école.

Vous aimez les textes d’une grande humanité et humilité? Mesdames vous attend désormais… Ne les faites pas trop attendre, sous peine de finir seul le verre à la main…Enjoy!

Sylphe

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