Pépite intemporelle n°99 : Solo gigolo (2002/2021) de Arno

4764f37856fc727f70b666b8d0c4ab7a-1616509770La meilleure façon de rendre hommage à un musicien qu’on a aimé, c’est de continuer à l’écouter. Longtemps. Toujours. Arno fait partie de ceux-là, du moins dans ma musicographie personnelle. Découvert au gré de ses différents albums, ce grand bonhomme n’a cessé de faire vivre mes oreilles et de m’émouvoir tout en me donnant la patate. Ses créations originales, mais aussi ses reprises diverses et variées, m’ont toujours transporté là où je ne m’attendais pas à aller. C’est bien ce qu’on attend des artistes : s’évader. Le 23 avril dernier, alors que nous étions suspendus à un duel électoral aussi lassant que flippant, la nouvelle de la disparition d’Arno m’a bouleversé. Bien sûr nous le savions malade. Néanmoins, je fais partie de ceux qui ont toujours espéré une reprogrammation de sa dernière tournée annulée (et même deux fois annulée, entre Covid et Crabe). Pour l’avoir vu sur scène lors de la tournée Future Vintage en 2014, j’étais impatient de retrouver ce mélange de poésie et de rock brut.

Ces retrouvailles ne viendront jamais. Toutefois, il nous reste les disques d’Arno. Et quels disques ! Treize albums studios solo, entourés de lives et autres projets musicaux, à commencer par TC Matic. Et à finir par la dernière galette de ce grand monsieur : Vivre, un magnifique piano-voix avec Sofiane Pamart, pour revisiter en toute intimisme quatorze titres de son répertoire. Sorti au printemps 2021, cet opus apparaît aujourd’hui comme un testament crépusculaire. Mais, il sonne aussi comme un des plus beaux disques de ces dernières années, chargé de vie et de l’énergie de rester là, au mépris des pronostics les plus pessimistes. Sensibilité à fleur de peau, voix présente comme jamais, Arno offre de bouleversantes interprétations de chansons dont on croyait tout connaître, et qui revivent ici comme jamais.

L’album Vivre est un tourbillon d’émotions imparables, à commencer par son ouverture. Solo gigolo, initialement disponible sur l’excellent album Charles Ernest (2002) qu’il refermait, sonne originellement comme une chanson de fin de bal. De celles que le groupe entonne à cinq heures du matin, lorsque les derniers présents finissent le dernier verre, en réalisant qu’ils rentreront aussi seuls qu’ils le sont au quotidien. Dans la version piano-voix 2021, la solitude est encore plus marquée, par le dépouillement musical qui ne laisse presque que la voix d’Arno faisant le bilan de la soirée, d’une carrière, d’une vie. « In your head the moon is crying / In my head the sun is shining » : quelle poésie déchirante, quels frissons, quelle chialade… bordel. Tout est là : la poésie mélancolique rock et punk d’Arno, en un titre. Par chance, il y en a treize autres, pour finir sur Putain Putain, comme un ultime pied de nez. Par chance, il y a aussi tous les autres albums, à réécouter sans exception.

A l’écoute ci-dessous, la version piano-voix de Solo gigolo, suivie de la version initiale de 2002. Histoire de comparer, histoire d’un double plaisir, et de mesurer (si ce n’est déjà fait) le grand vide que laisse ce sacré personnage, cet immense artiste, cette personnalité hors normes. A l’heure où je finis ces lignes et où je publie, ses cendres sont dispersées dans la Mer du Nord, au large d’Ostende. Un dernier au revoir à toi Arno, qui disait dans ta dernière interview à la RTBF voici quelques semaines : « J’ai eu de la chance… J’ai eu une belle vie ». Nous aussi avons eu de la chance de t’avoir. Toi qui a rendu nos vies plus belles. Tu voulais qu’une fois parti, on se souvienne de ta musique. Aucune inquiétude, on n’oubliera jamais tout ça. Merci. Infiniment.

Raf Against The Machine

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