En 1979, après plus de dix années déjà d’une carrière créative et riche de grands albums, Higelin (Jacques de son prénom) publie deux albums consécutifs : Champagne pour tout le monde, et Caviar pour les autres…. Qui deviendront au final un double album, mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est le nombre de pépites que contient ce double opus. Higelin explore tous les genres, avec des titres théâtraux comme Champagne, minimalistes comme Cayenne c’est fini, rock avec 3 tonnes de T.N.T., intimiste comme Je ne peux plus dire je t’aime, ou encore funky avec Le fil à la patte. Pour résumer, Champagne/Caviar est un album somme tout autant qu’un virage dans la discographie Higelin. Après ces albums, l’artiste (car c’en est un immense) continuera à nous trimballer dans son univers foisonnant et sans cesse renouvelé avec une orientation plus pop/chanson française que les expérimentations Areski/Fontaine passées, et que ses années 70 rock.
Tête en l’air est un chouette exemple de ce virage chanson/pop. Le titre parfait en ces temps actuels de froid, de morosité et de lassitude liés à ce fucking Covid. Vous en avez marre ? Moi aussi, mais cette petite ritournelle du grand Jacques va vous éclairer la fin de journée, ou tout autre moment où vous choisirez de l’écouter. Combinant à la fois une mélodie légère et sautillante et un propos printanier qui convoquent 24 images souriantes à la seconde, Higelin balance en 3 minutes 38 un véritable bain de joie. Renvoyant à leur bêtise et à leur tristesse tous les cons de la Terre par la magie d’un sifflotement, on se laisse glisser dans la légèreté contagieuse sans même y penser et sans le vouloir. « Et je crie, et je pleure et je ris au pied d’une fleur des champs (…) Sur la Terre, face au ciel, tête en l’air, amoureux » : c’est bien ce cocktail d’émotions positives sautillantes que l’on trouve dans Tête en l’air.
Ce qui fonctionne surtout à merveille, c’est la combinaison parfaite d’un texte sachant mixer tendresse et grain de folie (du Higelin pur jus) et d’une mélodie enlevée et portée par une guitare festive et une section rythmique savamment dosées. Rien de trop, rien de pas assez. Avec, en ingrédient indispensable, la voix éraillée/écorchée mais tellement humaine de ce grand bonhomme qu’est Jacques Higelin. Vous avez remarqué ? J’écris ça au présent, parce que même si cet inoubliable grand monsieur est parti depuis bientôt 3 ans, il nous a laissé à tous une œuvre profondément touchante par sa poésie, sa variété et son génie terriblement humain, et qui nous accompagne toujours. Je reviens toujours sur un album d’Higelin, parce que j’y trouve toujours un titre qui parle à mes émotions et à mon mood du moment. Actuellement, c’est ce Tête en l’air qui me convient le mieux. Pour toutes les raisons que j’ai déjà dites, et parce que « Y a des allumettes au fond de tes yeux / Des pianos à queue dans la boîte aux lettres / Des pots de yaourt dans la vinaigrette / Et des oubliettes au fond de la cour ».
Raf Against The Machine