Voilà bien un album qui m’aura donné du fil à retordre, tant il m’aura fallu d’écoutes avant de me lancer dans cette review… Au moment d’écrire mes impressions sur le quatrième opus de James Blake, je ne sais pas forcément encore où ma plume va me mener tant cet album suscite chez moi foule d’interrogations et bien peu de certitudes. Paradoxalement, c’est justement parce que je suis rongé par la perplexité que je ressens le besoin d’écrire sur Assume Form… On ne présente plus James Blake depuis le coup de maître de son album éponyme en 2011, rencontre presque fantasmée entre une âme torturée experte en machines et les cendres d’un dubstep qui nous avait offert de beaux moments (#burialforever). Un Overgrown en 2013 confirmant le talent du garçon et The Colour in Anything en 2016 que nous qualifierons pudiquement de mou du genou nous amènent à ce Assume Form dont la pochette semble annoncer une volonté de se livrer pleinement et de se regarder en pleine lumière (#psychanalysedespochettespourlesnuls). Suivez-moi dans la découverte tortueuse d’une âme…
Le morceau d’ouverture éponyme est plutôt rassurant et ouvre brillamment l’album, on retrouve une voix chaude pas trop saturée par l’autotune qui m’évoque celle de Joe Newman, le chanteur d’Alt-J, des notes de piano fugaces, une atmosphère musicale richissime entre synthés et cordes et cette impression de distorsion inquiétante avec la litanie extatique d’un choeur enfantin. La richesse des propositions sur ce morceau est gargantuesque et va clairement contraster avec Mile High, qui met à l’honneur la trap avec Travis Scott en featuring. Le morceau n’est pas mauvais mais est-ce que j’ai vraiment envie de rap saturé d’autotune sur un album de James Blake? Pas vraiment… et même si le rap de Moses Sumney sur Tell Them est plus convaincant et réveille vaguement les fantômes du trip-hop j’ai clairement envie de vite passer à la suite…
La suite c’est un Into the Red pas foncièrement novateur mais dont la douceur cotonneuse est assez savoureuse et amène avec efficacité le très bon Barefoot in The Park qui est pour moi un des sommets de l’album. Un superbe duo de voix grâce à la voix sublime de ROSALIA et des gimmicks en arrière-front qui me rappellent l’univers atypique et candide des soeurs Cocorosie portent humblement le morceau pour un résultat épuré à souhait. Can’t Believe The Way We Flow vient ostensiblement bidouiller sur les plates-bandes de Baths pour un résultat un peu foutraque (#syndromeAnimalCollectivedupauvre), Are You in Love? aurait eu une place de choix sur le premier album et confirme les progrès au chant de James Blake mais bon l’ennui est en train de quelque peu venir pointer son nez…
Heureusement le flow d’André 3000 sur Where is the Catch? vient donner un coup de pied dans cette torpeur dangereuse pour un morceau plus subtil qu’il n’en a l’air avec ses boucles électroniques obsédantes, je préfère de loin cette incursion du rap dans la musique de Blake à Mile High et Tell Them. I’ll Come Too vient ensuite jouer la carte du grand écart artistique avec un morceau dépouillé et brillant, chanté quasiment a capella. James Blake crooner et oui… je vous avais prévenus que cet album aimait brouiller les genres. Finalement là où James Blake me touche le plus c’est lorsqu’il sature ses morceaux de propositions brinquebalantes qui semblent tenir par un sens de l’équilibre mystérieux comme l’illustre si bien Don’t Miss It avec son refrain falsetto inquiétant sorti des limbes, son piano raffiné et cette impression d’une mélancolie qui tourne en rond infiniment. Un moment de pure poésie que Lullaby For My Insomniac prolongera subtilement.
Ce Assume Form est résolument humain, d’une fragilité évidente, quelquefois brillant, quelquefois agaçant mais il confirme que James Blake foisonne encore et toujours de propositions artistiques que je prends plaisir à appréhender.
Sylphe
3 commentaires sur “Review n°22: Assume Form de James Blake (2019)”