Pépite intemporelle n°188 : Run boy run (2013) de Woodkid

71F9C9qszYL._SL1400_Dix ans déjà que cet album-claque nous est tombé dessus. En mars 2013, Yoann Lemoine aka Woodkid livre The Golden Age, son premier album studio. Que dire qui n’aurait déjà été dit de cette galette incroyable, révolutionnaire dans son mixage de sonorités, unique dans ses ambiances sonores, surplombé par la voix hors normes de son créateur ? The Golden Age est bourré de 14 pépites toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Depuis le titre éponyme qui ouvre les hostilités entre lyrisme et intimisme au martial The Other Side qui clôt le voyage, nos oreilles en prennent plein les yeux. On n’oubliera pas non plus le tribal Iron, le bouleversant Boat Song ou le vertigineux Conquest of Spaces. Bref, quelque soit le bout par lequel on attrape The Golden Age, c’est la fessée musicale de haute qualité. Difficile de retenir un titre plus qu’un autre tant, à la manière d’un Kubrick, chaque création en vaut largement une autre. C’est plutôt l’humeur du moment, ou le contexte, qui nous amène à préférer temporairement un morceau plus qu’un autre.

Aujourd’hui, ce sera une question de contexte. Lors de notre petite conférence de rédaction hebdomadaire avec le copain Sylphe, nous avons fait le constat d’une semaine à la fois très dense et qui file à vive allure. Sans trop savoir pourquoi, Run Boy Run de Woodkid m’est venu en tête et ne m’a pas lâché pendant plusieurs heures. Peut-être l’urgence du titre incarnée par les percussions intenses. A moins que ce ne soit la cadence, marquée et pourtant si lumineuse et semblant survoler le temps. Ou encore la conclusion du titre qui ressemble à ce qui transperce le coureur lorsqu’il aperçoit la ligne d’arrivée. Run Boy Run n’est peut-être rien de tout ça, et n’est peut-être simplement qu’un foutu bon morceau de musique qui file le pêchon. On aurait bien tort de s’en priver. Assez parlé, il est temps d’écouter cette petite merveille, à écouter sans aucune modération comme tout Woodkid. En bonus, le clip est une dinguerie de classe visuelle. Run Boy Run !

Raf Against The Machine

Top/Rétrospective de fin d’année 2021 par Raf Against The Machine

Visuel Top 2021Nous y voilà : à la porte de sortie de 2021, pour un passage en 2022. Avant de laisser derrière nous ces douze derniers mois, passons par le marronnier de chaque fin d’année, à savoir le bilan top/flop. Côté flop, je ne m’attarderai pas, puisque l’idée de Five-Minutes est de vous faire partager des coups de cœur, non de dégommer telle ou telle production. Je préfère me concentrer sur ce qui a étayé et marqué, en musique et parfois à la marge, mon année 2021. Sans plus attendre, balayons ensemble ces mois passés, et ce qu’il m’en reste musicalement à l’heure de la fermeture. Dix minutes de lecture, accompagnées d’une soixantaine de minutes d’écoute. D’un bloc ou en picorant, c’est à votre appréciation. Let’s go.

Il est de tradition de faire un top, un petit jeu auquel le copain Sylphe excelle. Il adore faire des classements, et vous en aurez la preuve cette année encore avec son top à lui. Pour ma part, je vous propose un podium albums qui a la particularité de compter quatre places. Selon la phrase convenue, la quatrième place est toujours la pire, la plus rageante, celle de la médaille en chocolat (cela dit de loin la meilleure des médailles). Voici donc, pour éviter cette maudite quatrième place, un podium avec une première place, assortie d’une marche intermédiaire pour une première place bis, puis de deux deuxièmes places. Un podium bien peu commun, dominé assez largement par Thomas Méreur avec The Dystopian Thing, son deuxième album, qui est clairement mon album de l’année 2021. Plein de finesse et de sensibilité, bouillonnant d’émotions et de lumière malgré les temps sombres qu’il décrit, voilà bien un disque que j’attendais et qui a dépassé mes attentes (chronique à relire ici), en clôturant 2021 de la plus belle des façons. Pas très loin derrière, et donc sur cette fameuse place numéro 1 et demi, Low skies de Nebno. Un album musicalement dans l’esprit de The Dystopian Thing : de l’ambient mâtiné d’une créativité sans nom, pour des ambiances toujours plus envoûtantes et un voyage dans des univers dont on ne ressort pas indemne, tout en affichant une unité artistique évidente (chronique à relire par là). Marvel cherche désespérément son multivers au cinéma. Dans le monde musical, Nebno propose un autre multivers qui, lui, fonctionne : il est dans Low skies.

A long way home de Thomas Méreur, sur The Dystopian Thing
Maze de Nebno, sur Low skies

Reste la double deuxième place du podium. Les lauréats ne surprendront aucun habitué de Five-Minutes. D’une part, The shadow of their suns. Le cinquième album studio de Wax Tailor (sixième si on compte By any remixes necessary, album de relectures de By any means necessary) a claqué très fort dès le moins de janvier, et à ouvert les hostilités en plaçant la barre très haut. Disque sombre mais optimiste (comme je l’écrivais dans un Five reasons à relire ici), aussi brillant qu’élégant et obsédant, The shadow of their suns n’a pas faibli en intensité, loin de là. Il reste un très grand album de Wax Tailor, et un gros pavé musical de 2021. D’autre part, et dans un tout autre genre, Est-ce que tu sais ? de Gaëtan Roussel. J’ai toujours été très client du garçon et de ses différents projets Louise Attaque, Tarmac, Lady Sir, et bien sûr ses albums solo. Toutefois, ce dernier opus en date occupe une place particulière pour moi. Il est arrivé à un moment où chaque titre m’a raconté un bout de moi, où chaque mélodie et chaque texte ont résonné d’une façon très personnelle. J’en avais déjà dit beaucoup de bien (à relire par ici), et je pourrais me répéter puissance dix. Album pop intimiste et poétique, chaque seconde qu’il égrène me ramène à toi. Inévitablement, inlassablement, et toujours avec la même force. Sache le, où que tu sois et si tu me lis.

The light de Wax Tailor, sur The shadow of their suns
Tout contre toi de Gaëtan Roussel, sur Est-ce que tu sais ?

Sorti de ce podium à quatre places, bien d’autres sons ont occupé mon année. Il faut pourtant faire un tri, faute de quoi je vous embarque pour plusieurs heures de lecture et d’écoute. Un tri facilité en retenant deux albums découverts en 2021, mais ne contenant pas du matériel de 2021. Subtil. The Rolling Thunder Revue de Bob Dylan est une belle découverte, appuyée par le visionnage du film éponyme de Martin Scorsese disponible sur Netflix. Ce dernier retrace le retour sur scène de Bob Dylan en 1975, après presque dix années d’absence live. Documentaire et album se complètent magnifiquement : l’émotion magnétique des images de Dylan et de sa troupe en tournée se retrouve dans les enregistrements, et réciproquement. Il en résulte un témoignage musical à la fois bouleversant et de haute qualité, dont j’avais déjà dit le plus grand bien voici quelques mois (à relire ici). Avec, au cœur de tout ça, une version habitée de The lonesome death of Hattie Carroll, mais aussi un échange puissant et humain (dans le documentaire) entre Bob Dylan et Joan Baez sur eux-mêmes et leur histoire commune. L’évidence mise à nu d’un lien profond, dans sa plus simple expression et son plus simple appareil. Je ne m’en suis toujours pas remis.

The lonesome death of Hattie Carroll de Bob Dylan, sur The Rolling Thunder Revue

Autre album de 2021 qui rassemble des sons du passé, At the BBC de Amy Winehouse (chronique à retrouver ici). Ou la sortie officielle, propre et parfaitement masterisée, d’enregistrements entre 2003 et 2009, soit la période la plus puissante d’Amy Winehouse. On y retrouve des versions live de titres connus, d’autres moins, et quelques reprises comme celle de I heard it through the grapevine avec Paul Weller. Si l’on connaissait déjà bon nombre de ces versions, l’album sorti cette année est l’occasion de tout rassembler en un seul endroit, et de se faire une plongée dans les traces des meilleures prestations scéniques d’une immense artiste partie bien trop tôt.

I heard it through the grapevine par Amy Winehouse feat. Paul Weller sur At the BBC

Autres temps, autres lieux : 2021 a aussi été l’année du retour annoncé d’Archive pour l’année prochaine. Là encore, aucune surprise pour les lecteurs assidus du blog, tant ce groupe est pour moi une référence absolue et indéboulonnable. Si le douzième album studio Call to Arms & Angels ne sortira qu’en avril 2022, il a été précédé par deux singles d’une rare efficacité. Daytime coma est une plongée de plus de dix minutes dans l’état d’esprit et les déchirements sociétaux covidesques (pépite à relire par ici), tandis que Shouting within est un modèle de rage et de colère intérieures, sous couvert d’intimisme (pépite à relire par là). Ajoutons à cela Super 8, premier extrait de la BO qui accompagne le documentaire en lien avec ce nouvel album, et la hype est absolument totale. Je trépigne chaque jour de hâte d’être au 8 avril 2022, et donc je me gave d’Archive pour patienter (qui a dit « comme d’habitude » ? J’ai entendu, ne vous cachez pas 😉 ).

Super 8 de Archive

Gaming, cinéma et au-delà

Au-delà des albums, il s’est aussi passé bien des choses en 2021. Dans le domaine numérique/vidéoludique, je retiendrai trois moments très marquants. Tout d’abord, l’expo virtuelle/en ligne proposée par Radiohead, à l’occasion des vingt ans du dyptique Kid A/Mnesiac, devenue KID A MNESIA (chronique disponible ici). Elle se visite comme un jeu vidéo en vue à la première personne. La plongée visuelle, sonore et musicale dans cette KID A MNESIA EXHIBITION (disponible gratuitement rappelons-le) est une vraie expérience de folie pour tout fan du groupe, mais aussi pour tout amateur de musique et de création multimédia. A voir absolument, tout comme il est indispensable de réécouter KID A MNESIA pour mesurer le potentiel créatif de Thom Yorke et de ses compères.

Trailer de la KID A MNESIA EXHIBITION de Radiohead

Ensuite, du côté jeux vidéo, comment ne pas parler de Death Stranding et de sa double BO à couper le souffle ? Oui, j’ai enfin pris le temps de faire et de terminer le dernier jeu d’Hideo Kojima, à la faveur de la Director’s cut sortie à l’automne 2021. Quelle claque côté jeu ! Une aventure qui ne serait pas ce qu’elle est sans le score original de Ludvig Forssell, ni sans les chansons de Low Roar, Silent Poets ou encore Woodkid. L’ambiance est prenante et totalement envoûtante. Cette double BO y joue un rôle majeur et peut s’écouter indépendamment. La marque des grandes. Enfin, autre BO de jeu vidéo, celle de NieR Replicant, dont le remake est sorti en 2021, pour un jeu initialement paru en 2010 : l’occasion de réenregistrer et de redécouvrir de magnifiques compositions. NieR: Automata avait déjà frappé très très fort en 2017, tant sur le plan du jeu en lui-même que de la BO. NieR Replicant (qui est sorti et se passe chronologiquement avant Automata) confirme que la franchise NieR est, à mes yeux et mes oreilles, au-dessus de tout ce qui se fait en matière de jeux vidéo et d’OST, et de très loin. Par le maître Keiichi Okabe.

Once there was an explosion de Ludvig Forssell, sur l’OST de Death Stranding
I’ll keep coming de Low Roar, tiré de l’OST de Death Stranding
Snow in summer, tiré de l’OST de NieR Replicant

Petite cerise vidéoludique musicale (oui, ça fait finalement quatre moments marquants et non plus trois, ne boudons pas notre plaisir) : la BO de Deathloop, dont on a parlé pas plus tard que la semaine dernière. Si le titre Déjà vu par Sencit feat. Fjøra est un petit plaisir assez jouissif, le jeu en lui-même et le reste de l’OST le sont tout autant. On reparle sans doute en 2022 de cette BO rock/jazz 60’s/70’s. En termes de cohérence jeu/musique, ça se pose là bien comme il faut. A l’image de Space Invader de Tom Salta, une composition qui n’a rien à envier à Lalo Schifrin.

Déjà Vu de Sencit feat. Fjøra, tiré de l’OST de Deathloop
Space Invader de Tom Salta, tiré de l’OST de Deathloop

Enfin, je ne peux pas terminer cette subjective et non exhaustive rétrospective 2021 sans faire un crochet par le monde du cinéma. Si ce dernier a payé cher (comme bien d’autres secteurs) le prix d’une épidémie qui n’en finit plus, je retiens tout de même deux moments qui m’ont marqué. D’un côté, le retour de l’univers Matrix avec Matrix Resurrections, qui est le quatrième volet de la saga sans l’être vraiment. Aucun spoil à craindre ici. Je ne dévoilerai rien de ce film que j’ai beaucoup aimé, mais qui risque d’en dérouter plus d’un. Si j’en parle, c’est pour son générique de fin qui reprend habilement le Wake up de Rage Against The Machine (entendu à la fin du premier Matrix), mais dans une version revue par Brass Against et Sophia Urista. Oui, Sophia Urista, celle-là même qui a défrayé la chronique voici quelques semaines, après avoir uriné sur un fan lors d’un concert. Toujours est-il que, la chanteuse s’étant platement excusée depuis, pendant que le fan en question se disait sur les réseaux sociaux ravi de l’expérience, on se concentrera sur le titre musical, à la fois reprise fidèle et référence tout en n’étant pas vraiment le titre de base. Comme un clin d’œil méta à ce qu’est possiblement le film. Mais toujours une putain de boule d’énergie. Rage Against The Machine forever, Brass Against & Sophia Urista enfoncent le clou avec brio et un flow qui n’a pas à rougir de la comparaison avec celui de Zach de la Rocha.

Wake up de Rage Against The Machine par Brass Against feat. Sophia Urista

De l’autre, c’est avec une grande tristesse que j’ai appris voici quelques jours la disparition du réalisateur canadien/québécois Jean-Marc Vallée. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que c’est l’homme derrière C.R.A.Z.Y. (2005), Dallas Buyers Club (2013), Wild (2014), ou encore les séries Big Little Lies (2017) et Sharp Objects (2018). Autant de réalisations brillantes et touchantes, toujours assorties d’une bande son incroyable. Jean-Marc Vallée était un cinéaste féru de musiques, qui se définissait ainsi : « Je crois que je suis un DJ frustré qui fait des films ». Cette frustration a eu du bon, et nous a permis de vivre des films et séries toutes plus humaines et touchantes les unes que les autres, grâce à un sens pointu des images soutenu par une pertinence musicale toujours impressionnante. En témoigne Demolition (2015), son dernier long métrage en date, avant qu’il ne se tourne vers les séries TV. A mes yeux son film le plus bouleversant, tant dans ce qu’il raconte que dans la façon de le dire, de le mettre en images et en musiques. Sans doute parce que, comme plus récemment l’album de Gaëtan Roussel, Demolition est arrivé à un moment clé de ma vie où il a résonné puissamment. Au point d’être un film majeur à mes yeux, pour m’avoir fait prendre conscience de multiples choses, et très possiblement pour m’avoir sauvé la vie. Tout simplement. La chialade et la lumière en même temps. Merci infiniment pour tout ça, et si vous n’avez jamais vu/écouté Demolition, foncez (comme sur toute l’œuvre de Jean-Marc Vallée).

Bruises de Dusted, tiré de la BO de Demolition

Impossible de conclure sans un mot sur le blog lui-même. L’année 2021 a été pour Five-Minutes l’année de tous les chiffres. Nous avons multiplié par trois depuis l’an dernier le nombre de vues mais aussi le nombre de visiteurs sur le blog. Avec le copain Sylphe, on ne court pas après les chiffres et les statistiques. Chaque semaine, on écrit avant tout pour mettre en avant et partager un son qui nous plaît, nous touche. Ne nous mentons pas, on écrit aussi pour être lus. Alors, découvrir en cette fin d’année que la fréquentation de notre modeste et humble Five-Minutes a triplé, c’est une sacrée récompense et sans doute la meilleure motivation pour continuer cette chouette aventure. Merci à toi mon ami Sylphe. Merci infiniment à vous toutes et tous, de passage ou lectrices et lecteurs plus réguliers. Merci de venir partager quelques minutes de bon son de temps en temps avec nous. Likez, commentez, et n’hésitez pas à nous faire connaître autour de vous. Rendez-vous en 2022 pour bien d’autres sons. Ce sera avec un immense plaisir. Merci à vous, du fond du cœur.

Raf Against The Machine

Son estival du jour n°38 : Prologue (2021) de Woodkid

Disponible dès aujourd’hui vendredi 6 août sur toutes les bonnes plate-formes de streaming, Prologue est la composition originale de Woodkid pour les Jeux Olympiques de 2024 à Paris. Pour les chanceux qui seront à Paris dimanche 8 août, direction le Trocadéro pour la clôture des JO de Tokyo, mais aussi pour écouter live ce Prologue (et d’autres belles choses). Woodkid donnera un concert gratuit où vos oreilles vont en prendre plein les tympans. Pour les autres, le titre est donc dispo partout à l’écoute : 6 minutes 34 de Woodkid aérien, puissant, percutant, choral. Prologue est une fulgurance qui emporte tout sur ton passage. Foncez écouter cette merveille absolue.

Raf Against The Machine

Top de fin d’année 2020

Voilà une catégorie que l’on alimente bien peu souvent sur Five-Minutes. Et pour cause. Il est néanmoins venu le jour de la dépoussiérer pour regarder une dernière fois dans le rétro. Oui, 2020 s’achève et on ne la regrettera pas. On l’a dit et redit : rarement année aura été aussi minable et à chier, sur à peu près tous les plans. Réussissant même à faire jeu égal avec ma 2015 à titre perso, et la surpassant de très loin si je regarde la globalité des faits, en faisant preuve d’altruisme. Donc 2020 casse-toi, on a hâte de passer à la suivante, même si, à bien y regarder, 2021 pourrait être assez grandiose également, puisque rien ne laisse espérer un twist encourageant dont le destin aurait le secret. Quoiqu’il en soit, s’il y a tout de même quelques bricoles à tirer de 2020, certaines se situent dans nos oreilles. Ça tombe bien, on est sur Five-Minutes et voici donc venu le moment de mettre en avant ce qui m’a accompagné (et bien souvent permis de tenir) dans cette misérable année.

Précision : la plupart des albums/titres évoqués ont fait l’objet d’un article sur le blog, lisible en cliquant dessus lorsqu’ils sont mentionnés. Et après chaque paragraphe, pour respirer, des pépites à écouter. Une rétrospective à parcourir/lire/écouter à votre rythme, comme bon vous semble.

2020 et son podium à 5 marches

De façon classique, je pourrais faire un Top 10 des albums de l’année, mais je préfère que l’on réécoute quelques bouts de galettes qui ont réussi à me toucher au-delà du raisonnable. Une sorte de Top 2020 totalement subjectif, où l’on n’écoutera pas que du 2020 d’ailleurs. En premier lieu (ou sur la première marche si vous préférez), il y a sans grande surprise Woodkid et son deuxième LP S16. Album sublime autant qu’il est sombre et pénétrant, voilà bien un disque qui a secoué ma fin d’année 2020. Quelques mois plus tôt, Woodkid avait déjà marqué l’été, avec Woodkid for Nicolas Ghesquière – Louis Vuitton Works One, soit plusieurs de ses compositions pour les défilés de mode Louis Vuitton. Deux moments musicaux incontournables pour moi, et qui placent cet artiste tout en haut. Woodkid succède donc à Thomas Méreur qui nous avait gratifié en octobre 2019 de son Dyrhólaey. Un album instantanément propulsé « Mon disque de l’année 2019 », mais qui, pour tout dire, a également beaucoup tourné en 2020. Parce qu’il est arrivé fin 2019. Et aussi parce qu’il est exceptionnel.

Juste derrière ces deux artistes, et sorti dans les mêmes moments que le EP Louis Vuitton de Woodkid, le EP Air de Jeanne Added, accompagné de son long et magnifique court métrage, a également bouleversé ma fin de printemps. En 8 titres, dont l’exceptionnel et imparable If you could let me be, voilà un opus de très haute volée qui concentre tout le talent de Jeanne Added, tout en allant un peu plus loin dans l’idée de concept EP. Comme un long morceau d’une trentaine de minutes, construit en plusieurs mouvements. Toujours sur le podium, sans place précise, le retour gagnant de Ben Harper le mois dernier avec Winter is for lovers : un album total instrumental et minimaliste, interprété uniquement sur une lap-steel guitare. Le résultat est inattendu et bluffant, de la part d’un grand musicos qui s’était, à mon goût, montré moins créatif ces dernières années. Autre opus sur le podium, tout aussi inattendu et bluffant : Trésors cachés & Perles rares, proposé par CharlElie Couture. Relecture et réinterprétation de titres anciens un peu oubliés ou restés dans des tiroirs, ce LP arrivé finalement assez vite après Même pas sommeil (2019) confirme, si besoin était, le talent et la créativité du bonhomme. Ainsi que sa capacité à se réinventer sans cesse. Ce qui est bien, finalement, en grande partie ce qu’on attend des artistes.

Ouvre les yeux et écoute

Cette année 2020 a aussi été marquée par des BO de très haute volée, dans des genres différents, qui ont tourné en boucle par chez moi. Blood Machines de Carpenter Brut accompagne le film éponyme de Seth Ickerman. Ce nouvel opus confirme toute la maîtrise synthwave de l’artiste, pour un travail collaboratif qui rend hommage au ciné SF des années 80 et à ses BO tout autant qu’à l’univers cyberpunk. Dans un tout autre style, mais pour rester dans la SF, 2020 aura vu la réédition dans un magnifique coffret 4 LP de l’OST du jeu vidéo NieR: Automata, et de ses préquels NieR Gestalt/Replicant. Sortis respectivement en 2017 et 2010, et donc accompagnés de leurs BO, on ne peut pas dire que ce soit du très neuf. Cependant, la réédition vinyle a été l’occasion pour moi de découvrir toutes ces compositions hallucinantes de Keiichi Okabe, tout comme le confinement du printemps m’a permis de plonger dans Nier: Automata pour découvrir, 3 ans après sa sortie, un jeu qui se place direct dans mon Hall of Fame du JV. Plaisir à venir : le printemps 2021 verra la sortie du remake PS4 de NieR Replicant, histoire de compléter la saga. Côté JV toujours, difficile de ne pas mentionner l’OST de Persona 5, sorti en 2016 au Japon et en 2017 ailleurs, et bénéficiant d’une version Royal depuis 2019 (Japon) et mars 2020 chez nous. Un jeu d’exception qui dégueule la classe à chaque instant, et sa BO n’y est pas pour rien. Enfin, sans m’attarder car j’en ai parlé pas plus tard que la semaine dernière, la BO de l’anime Cowboy Bebop, elle aussi excellente dans son genre, a bien accompagné ces derniers jours de 2020, à la faveur là aussi d’une chouette réédition.

Des rééditions et du plaisir renouvelé

Transition toute trouvée pour revenir, justement, sur quelques rééditions importantes en 2020, notamment sur le support vinyle. Certains diront que ce dernier retrouve ses lettres de noblesse, alors qu’en vrai il ne les a jamais perdues. Number one : PJ Harvey et l’entame de la réédition de sa complète discographie. Les festivités ont débuté mi-2020 avec Dry, et se poursuivent toujours à l’heure actuelle. On attend pour fin janvier Is this desire ? et sa galette de démos. Oui, c’est l’originalité et la beauté de cette campagne de réédition : chaque album solo est accompagné du pressage parallèle des démos de chaque titre. En bref, des ressorties de haute qualité, sur le fond comme sur la forme. Même combat chez Pink Floyd, avec le retour en version augmentée et remixée/remasterisée du live Delicate Sound of Thunder. Une prestation de très haute volée qui se voit magnifiée d’un packaging du plus bel effet, mais surtout d’un son nettoyé et retravaillé pour rééquilibrer l’ensemble et ressusciter les claviers de Rick Wright sans qui Pink Floyd ne serait pas Pink Floyd. Fascinant et indispensable. Tout comme Gainsbourg en public au Palace, republié en septembre dernier en double LP 40 ans après sa première sortie. Un nouveau mixage là encore, qui fait la part belle à l’essence même du son reggae adopté à l’époque par Gainsbourg : basse bien ronde et percussions détachées bien mises en avant, pour accompagner la voix de Gainsbourg qu’on n’a jamais aussi bien entendue pour cette captation.

Les incontournables, hors du temps

Voilà ce qui ressort de mon année musicale 2020, ce qui fait déjà de quoi occuper une bonne poignée d’heures. Toutefois, ce top de l’année serait bien incomplet si je n’évoquais pas des hors temps/hors catégories qui m’ont largement accompagné pendant ces 12 mois. A commencer par Archive, encore et toujours. Le groupe n’en finit pas de me coller à la peau, et ce n’est certainement pas le duo 2019-2020 qui va changer les choses. Pour rappel, les londoniens ont entamé en 2019 la célébration de leurs 25 années d’existence, avec dans l’ordre la sortie d’un méga coffret sobrement intitulé 25, puis une tournée dantesque et toujours sobrement intitulée 25 Tour qui a donné lieu à un album 25 Live offert en ligne. Clôture des festivités en cette fin 2020 avec Versions (août 2020), un album d’auto-relecture de 10 titres, puis Versions: Remixed (novembre 2020), ou 11 titres revisités presque du sol au plafond. Archive toujours donc, tout comme Hubert-Félix Thiéfaine et la totalité de sa discographie. J’avais fait de Petit matin 4.10 heure d’été (2011) un son estival, mais au-delà ce sont tous les titres de HFT qui reviennent régulièrement m’emporter, me porter ou me supporter (au choix du mood).

Et pour quelques pépites de plus…

Question mood justement, la plongée dans les archives de Five-Minutes m’a permis de voir que j’avais chroniqué deux fois, sans m’en apercevoir, Where is my mind ? (1988) de Pixies : une fois en Five Reasons, une autre en Reprise Ça ne trompe pas, puisque c’est un titre qui me hante depuis des années, dans sa version originale comme dans ses multiples reprises, et qui a bien trouvé sa place en 2020. Et puisqu’on en est à des titres récurrents et persistants, je pourrais terminer en citant en vrac Bright lies (2017) de Giant Rooks, Cornerstone (2016) de Benjamin Clementine, Assassine de la nuit (2018) d’Arthur H, Indigo Night (2018) de Tamino ou encore Sprawl II (Moutains beyond moutains) (2010) d’Arcade Fire.

Nous arrivons au bout de cette virée dans mon 2020 musical, en même temps que nous atteignons le bout de l’année. Un peu plus tôt dans la journée, Sylphe a livré un gargantuesque double top 2020 fait de 20 albums et 60 titres. Je vous invite évidemment à y plonger, histoire de passer en 2021 avec du bon son. Avant de laisser 2020, un grand merci à vous tous qui nous lisez régulièrement ou plus épisodiquement, puisque comme l’a expliqué Sylphe, nous avons doublé la fréquentation du blog cette année. Voilà qui fait très chaud au cœur et qui nous incite à poursuivre l’aventure ! Une aventure dans laquelle j’ai plongé voici quelques années à l’invitation de Sylphe, et que je peux bien remercier lui aussi très chaleureusement : si ce monde, qu’il soit de 2020 ou pas, reste supportable et vivable, c’est grâce à quelques potos comme lui et à la musique. Five-Minutes réunit les deux. On vous retrouve en 2021 ?

Pour le plaisir, un dernier son culte tiré d’un album total culte (et ce n’est pas Sylphe qui me contredira) : Christmas in Adventure Parks by Get Well Soon. Ou le nom d’un artiste qu’on aimerait être un bon présage pour la suite.

Raf Against The Machine

Review n°61 : S16 (2020) de Woodkid

S16Sept longues années après The Golden Age (2013), premier album brillant et imparable, Yoann Lemoine aka Woodkid revient avec la redoutée et redoutable épreuve du second album. Entre temps, le garçon n’a pas manqué d’activités artistiques, malgré une annonce du retrait de la scène musicale en juillet 2014. Pourtant, dès 2015, Woodkid revient aux affaires en multipliant les créations et collaborations en tout genre et sur divers supports. Pour en arriver, voici quelques jours, à la sortie de S16, un deuxième album studio aussi espéré qu’attendu. Après une semaine d’écoute attentive et approfondie, verdict en cinq (peut-être six) minutes chrono de lecture.

La première chose qui saute aux yeux avec S16, c’est la noirceur qui l’habille. Le contact initial avec un album, outre l’achat, c’est sa pochette. Ici, point de clarté à l’horizon. Autant The Golden Age irradiait de sa blancheur, autant S16 affiche du noir. En quelque sorte, l’inverse chemin d’une Jeanne Added avec un Be sensational (2015) à la pochette sombre, puis un Radiate (2018) bien plus lumineux. Pour son second opus, Woodkid, vêtu de noir, enlace, sur fond noir, une créature noire, possiblement faite de goudron/pétrole et sortie de nulle part. Il l’enlace, ou se blottit dans ses bras : les deux interprétations sont possibles, surtout à l’écoute à venir. On ne le sait pas encore, mais une fois tout l’album absorbé, c’est cette image, et nulle autre, qui vous obsèdera. Comme une correspondance parfaite avec la musique de Woodkid.

L’album, venons-y. S16 n’est pas un album facile, encore moins simpliste. Son prédécesseur The Golden Age explorait une électro-pop épique et lyrique, à grands coups de percussions puissantes, d’envolées grandioses et d’une forme de démesure auditive qui emportait tout sur son passage. Dès la première écoute, il s’offrait pour que l’on puisse y plonger à l’envi, avec une forme de plaisir immédiat sans cesse renouvelable. S16 se place à l’opposé : s’il accroche notre attention dès la première écoute, il faudra en revanche y revenir plusieurs fois pour commencer à y entrer pleinement. C’est un disque épais et dense qui demande du temps, de l’investissement et de la persévérance. Bref, un contraste saisissant avec le monde de l’immédiateté qui est aujourd’hui le nôtre. Ne vous attendez pas à un The Golden Age bis : Woodkid ne ressert pas la même cuisine. Sept années sont passées pour lui, pour nous, et pour le monde. Autant dire une éternité, qui appelle une nouvelle façon d’aborder les choses.

Le simplisme aurait consisté, en effet, à repartir sur la lancée du premier opus, fort de ses 800 000 ventes (oui, oui). Ça aurait sans doute fonctionné, puisque The Golden Age se vend et s’écoute toujours par palettes. Pourtant, S16 emprunte une toute autre voie : celle de la mélancolie, du combat, de l’introspection, de la déconstruction, des ruptures et des cassures. Au printemps dernier (date initiale de sortie de l’album), on avait découvert le premier single Goliath, musicalement impressionnant et accompagné d’un clip assez vertigineux. L’homme contre les machines, la disproportion d’échelles, tout ceci dans un univers industriel renforcé par le visuel du 45 tours : un disque de disqueuse bien affuté. Ce premier extrait racontait un monde en lutte, l’Homme contre la pression et l’oppression, parfois l’Homme contre lui-même. Une sorte de préambule à ce S16 à venir. Oui, c’est bien tout cela dont l’album parle : un environnement chahuté, un monde chaotique fait de secousses et de bousculades.

Ce climat se retrouve pleinement dans les 11 compositions qui forment S16. Goliath ouvre le bal avec ses percussions tourbillonnantes, bientôt complétées par des nappes de programmations dark qui n’ont rien à envier aux moments les plus sombres d’un Blade Runner. Plus que tout, les variations rythmiques sautent aux oreilles. Oubliés les élans pop de 2013, même si déjà Woodkid jouait à l’époque avec les changements de rythmes. Ici toutefois, ces ruptures sont accentuées par des artefacts et des glitches sonores qui viennent raconter que tout est instable et fragile. Pale Yellow est typique de ce mélange cassures mélodiques/sons parasites. Presque tout autant que Highway 27, avec son ouverture percussions et boite à rythmes, qui nous emmènera jusqu’à sa fin (qui est également la fin du premier vinyle) dans une omniprésence de ces rythmes troublants. Entre ces 3 titres, In your likeness et Enemy jouent plutôt la carte de la fausse sérénité. Dans une ambiance beaucoup plus planante, le temps est cependant à l’introspection hypnotique, tout autant que mélancolique. Après ces 5 premiers titres, la claque est déjà puissante. Pourtant, S16 n’a pas livré tous ses secrets, puisqu’il reste un second vinyle et 6 titres à venir.

Et quels titres ! Reactor ouvre le second disque avec des chœurs qui rappellent le travail de Woodkid pour Louis Vuitton/Nicolas Ghesquière ayant donné lieu à une galette dont nous avions parlé voici quelques semaines. Le Suginami Junior Chorus (chœur japonais composé exclusivement d’enfants) apporte une énergie lumineuse inattendue qui relance l’album et l’enrichit encore, au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Ce Reactor m’a clairement fait penser à la BO de NieR: Automata, peut-être la plus belle soundtrack du plus grand jeu vidéo de tous les temps. Rien que ça. Drawn to you enchaîne avec, une fois encore, ce rappel aux collaborations Louis Vuitton/Nicolas Ghesquière renforcé par les cordes orientalisantes. Se greffent toutefois de nouveaux glitches et artefacts sonores, semblables à ceux de Pale Yellow. Un titre somme, avant les trois suivants qui nous plongent dans un dépouillement presque total. Shift, So handsome hello et Horizons into battlegrounds jouent la carte voix/piano/programming. Shift est aérien, posé, presque lumineux. So handsome hello remet les percussions en avant pour se faire parfois inquiétant. Horizon into battlegrounds pourrait être une fin d’album, en mariant la voix de Woodkid à un piano qui ruisselle en gouttelettes magiques. C’est pourtant Minus Sixty-One qui fermera le voyage, avec le retour du Suginami Junior Chorus. Ce dernier titre s’ouvre calmement, pour monter en puissance et aller vers une intensité émotionnelle pour laquelle vous n’êtes pas prêts. Pas plus que je ne l’étais.

S16 est donc un album de l’instabilité, du chaos, de la bousculade, du combat, de l’équilibre. Mais il est également un album puissant, riche, complexe et émotionnellement ravageur. Deux raisons à cela. D’une part, les compositions de Woodkid foisonnent de trouvailles et d’inventivité. C’était déjà le cas avec The Golden Age, mais ce S16 monte encore en gamme. Vos oreilles vous diront merci pour ce travail d’orfèvre, cette minutie du détail sonore où rien n’est laissé au hasard. Aucun son en trop, ni aucun manquant. Tout est d’une justesse absolue et réveille des sensations parfaitement dosées tout autant que des émotions puissantes. Les compositions bénéficient en outre d’un programming rigoureux et imparable, de percussions exceptionnelles mais aussi d’instruments plus classiques comme des cordes et bois. Tout ce qui fait la richesse de la musique de Woodkid est sublimé par le mélange de ces ingrédients. D’autre part, le dernier instrument dont nous n’avons pas encore parlé, mais ô combien précieux et fondamental : la voix de Woodkid. Bordel, quelle voix ! Depuis les graves les plus ronds et puissants aux notes les plus hautes, le musicien utilise sa voix comme jamais. Il dessine des lignes mélodiques incroyables qui viennent se mêler aux compositions musicales, pour offrir une démonstration hallucinante de ses talents, et un paysage sonore encore inexploré.

Vous l’aurez compris : S16 est une véritable claque. En 2013, The Golden Age avait déjà tapé très haut. Sept années plus tard, Woodkid remet le couvert. A ce jour, c’est très possiblement mon meilleur album 2020 ever. Il faut croire que la mi-octobre est propice aux bijoux musicaux et aux albums parfaits. L’an dernier, c’était Dyrhólaey de Thomas Méreur (18 octobre 2019). Cette année, le S16 de Woodkid, tombé dans les bacs le 16 octobre. Ce disque est magistral et incontournable, pour ce qu’il raconte du parcours musical de son auteur/compositeur, pour ce qu’il dit de notre époque et du monde tel qu’il évolue, mais aussi pour son incroyable profondeur d’écoute. Après de multiples passages sur la platine, S16 se découvre encore et toujours, sans facilité mais sans non plus se cacher de quoique ce soit. C’est tout simplement un disque d’une richesse incommensurable qui ne fait que commencer son existence.

Je ne peux rien vous dire d’autre que de foncer, en sachant que, peut-être, S16 ne s’offrira pas immédiatement à vous. Il mérite la persévérance pour en explorer toutes les richesses. Là où il se pose, ce nouveau son de Woodkid est entêtant, permanent, obsédant, et saura venir se loger durablement dans chacun des recoins de vous. Comme le visuel de la pochette, véritable obsession/invitation, en fin de compte, au réconfort dans les bras de l’autre.

Raf Against The Machine

Son estival du jour n°22 : Woodkid for Nicolas Ghesquière – Louis Vuitton Works One (2020) de Woodkid

Ce vendredi 24 juillet, de bien belles choses sortent dans les bacs : le nouvel EP Air de Jeanne Added (dont nous avons parlé ici bas), la réédition du Dry de PJ Harvey (dont nous avons parlé ici même) accompagnée du LP Dry – Demos (excellent), et un EP de Woodkid longuement intitulé Woodkid for Nicolas Ghesquière – Louis Vuitton Works One. De quoi s’agit-il donc ?

Dans l’attente des singles Goliath (à paraître vendredi prochain 31 juillet, le copain Sylphe y avait consacré une pépite) et Pale Yellow (à venir le 21 août), mais aussi d’un futur album, voilà 6 titres et une bonne demi-heure de bon son à se mettre entre les oreilles. Nicolas Ghesquière, directeur artistique des collections féminines chez Vuitton, et Woodkid collaborent pour l’accompagnement musical des défilés depuis la saison automne-hiver 2017. Ce Works One regroupe une sélection de morceaux entendus depuis 3 ans.

A l’exception du Carol N°1 d’une minute qui ouvre le bal, les 5 autres titres prennent le temps de dérouler chacun une ambiance différente. Mention spéciale à Seen that face before, qui nous permet d’apprécier l’incroyable et magnifique voix de Woodkid, mais aussi à On then and now, avec un featuring de l’actrice Jennifer Connelly. Un titre musicalement tout en rupture pour une ambiance futuriste SF assez fascinante. Quant à Standing on the horizon, qui clôt le EP, je vous laisse découvrir son envoûtante et enveloppante puissance orientale.

Ce 6 titres m’a furieusement rappelé Kalia de Chapelier Fou, dont on a parlé il y a quelques jours (à relire d’un clic). Musicalement c’est assez différent, mais la démarche est semblable : collaborer à une forme artistique hors de la musique, histoire de croiser les visions et de faire voler en éclats les frontières, pour une appréhension globale de l’art. Une approche bienvenue dans une époque qui voudrait, parfois, trop cataloguer et ranger les choses/gens dans des cases. Et qui nous permet aussi (moi le premier) de découvrir des domaines que je ne serais jamais allé explorer de moi-même (oui j’avoue, la mode et Louis Vuitton, c’est assez loin de moi).

En bref, une pépite woodkidienne qui était déjà disponible sur les plateformes de streaming, et qui se paye aujourd’hui le luxe (#LeLuxe #LouisVuitton #vousl’avez?) d’un pressage en vinyle vert extrêmement sobre et stylé, mais en édition limitée : si ça vous tente, ne tardez pas. Reste à espérer que ce Works One soit annonciateur d’autres volumes car, franchement, du son de cette qualité, on en veut bien un peu plus.

Une vidéo défilé + musique avec le Seen the face before évoqué plus haut.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°65: Goliath de Woodkid (2020)

Voilà déjà 7 ans que nous attendons fébrilement des nouvelles de Yoann Lemoine, alias Woodkid, qui nous a littéralement soufflés avec son coup de maître The Golden Age… Un album que je vous invite régulièrement à réécouter tant le souffle épique et la puissance lyrique se sont rarement aussi judicieusement entrelacés. Des titres comme Iron, Run Boy Run, I Love You ou encore The Shore touchent au sublime et, pour certains, sont illustrés par de brillants clips, écrins graphiques en noir et blanc. Je me suis permis de vous mettre en lien son concert à Fourvière en 2013 pour ceux qui sont en manque de frissons…

Il y a une petite semaine, Woodkid a lancé son premier éclaireur d’un deuxième album dont le nom n’a pas encore filtré. Ce Goliath illustré pour la première fois par un clip en couleurs est très sombre, les envolées au chant de Woodkid tentant désespérément de trouer ce ciel noir comme la cendre. On retrouve toute la puissance cinétique propre au lyonnais qui amène à s’interroger sur le rôle de l’Homme qui se trouve dépassé par sa volonté de maîtriser les éléments… L’Age d’or est fini, mais pour Woodkid il ne fait que perdurer pour notre plus grand plaisir, enjoy!

Sylphe

Review n°34: Dune de Canine (2019)

Pour cette première review après un bien bel été, je vous propose un petit flash-back enCanine février avec le premier album Dune de Magali Cotta, alias Canine, que j’écoute en boucle depuis une semaine. Clairement c’est un superbe opus qui figurera avec fierté dans mon top des meilleurs albums 2019 tant l’univers de Canine est extrêmement séduisant et riche en émotions. Je vous propose de me suivre dans cette découverte sensorielle qui ne devrait pas vous laisser indemmes…

Le morceau d’ouverture Laughing nous offre d’emblée des éléments fondateurs de l’album: la voix grave et androgyne de Canine qui n’est pas sans me rappeler la sublime chanteuse Planningtorock et l’orchestration très soignée avec les violons bien sentis et le piano. Le morceau se déploie majestueusement, les choeurs instaurant un dialogue plein de douceur avec la voix principale clairement mise en avant. Ce titre plein de belles promesses est suivi d’un Fight plus destructuré où les percus viennent appuyer judicieusement un sentiment d’urgence qui vient subrepticement prendre le pouvoir. Vient alors le premier gros coup de coeur de l’album avec Bienveillance qui, comme son nom l’indique, met à l’honneur la langue française. L’orchestration est d’une grande beauté qui m’évoque The Golden Age de Woodkid, la tonalité plus pop et rythmée rappelle la sensualité de La Femme pour un résultat d’une très grande beauté.

Passé le phrasé plus hip-hop de Glow qui déborde d’une énergie viscérale, Dune m’inflige la deuxième claque monumentale de l’album. Orchestration croisant Woodkid et Craig Armstrong, duo sublime de voix et explosion électronique digne d’un Stromae, voilà un titre à faire se hérisser les poils… Une sorte de Emilie Simon extravertie…  Le bel interlude Hill Top et Home qui met parfaitement en valeur la voix androgyne de Canine comme dans Laughing nous amènent en douceur vers le bijou Ventimiglia, mariage tout en subtilité d’une orchestration d’une grande richesse et d’une voix pleine de nuances. Le résultat est d’une beauté assez inexprimable. Un Twin Shadow et un Forgiveness qui me rappellent par certains côtés l’énergie d’Arcade Fire, un Sweet Sway  dans la droite lignée hip-hop de Glow et Fight, la douceur dépouillée de Temps qui laisse place à une urgence électronique aussi surprenante qu’obsédante et la fin énigmatique de Jardin (qui sonne cependant un peu trop comme du Mylène Farmer…) permettent incontestablement de classer ce Dune dans la catégorie des chefs d’oeuvre de 2019, celle où se délassent au soleil Thylacine et Fat White Family. Enjoy!

Sylphe