Review n°66: We Will Always Love You de The Avalanches (2020)

Afin de conjurer le sort, cette première review de 2021 sera placée sous le signe de l’optimisme avecThe Avalanches 2 l’album remède ultime, le troisième opus des Australiens de The Avalanches We Will Always Love You. Heureusement il n’aura fallu attendre que 4 ans après le second album Wildflower pour avoir des nouvelles de Robbie Chater et Tony Diblasi… En termes de patience, nous avions d’ailleurs déjà beaucoup donné puiqu’il avait fallu attendre 16  ans pour avoir un successeur au bijou inaugural Since I Left You. La pochette de l’album assez angoissante représente le visage d’Ann Druyan, la directrice artistique du Voyager Golden Record, disque destiné aux éventuels êtres extraterrestres afin de leur donner un aperçu sonore de notre Terre. La notion de voyage sonore demeure centrale dans cet album et ce n’est pas un hasard si le producteur Andy Szekeres (moitié de Midnight Juggernauts) est aux commandes tant les sonorités « spatiales » sont sa marque de fabrique. Pour la présentation globale, l’ensemble constitué de 25 titres (mais beaucoup de morceaux extrêmement courts) nous propose plus de 70 minutes de musique avec une multitude de guests, les samples laissant plus leur place aux interprètes, pour ce qui s’apparente à un mix jouissif et hédoniste prenant plaisir à entrecroiser l’électro, la disco, le funk et la pop indie.

Difficile de chroniquer cet album tant il fonctionne comme un mix faussement débridé mais en réalité volontiers homogène. Je vous propose donc plutôt quelques planètes marquantes de cette odyssée musicale spatiale… La planète We Will Always Love You propose une alliance subtile entre une mélodie lumineuse et un son électro lorgnant vers l’urbain à travers la voix de Blood Orange, cette planète toute en clair-obscur contraste avec la lumière aveuglante de The Divine Chord, véritable étoile filante qui célèbre une pop instantanée où la guitare de Johnny Marr et les voix de MGMT nagent dans leur élément. Et que dire du satellite Interstellar qui ne cesse de tourner sur lui-même, porté par le sample obsédant d’Eye In The Sky d’Alan Parsons Project et la voix chaude de Leon Bridges? Un bel instant de poésie spatiale mais nous voilà déjà repartis, nous laissant porter par la poussière d’étoiles de Reflecting Light où la voix de crooner de Sananda Maitreya nous fait fondre de désir quand elle se confronte à la fragilité de Vashti Bunyan

Le voyage spatial se déroule sans accroc et les différents intermèdes donnent du lien à cet enchaînement de paysages variés. Au loin on surprend même une énigme spatiale avec une planète qui danse littéralement Oh The Sunn!, portée par des choeurs extatiques et le funk de Perry Farrell. Cette petite planète enjouée se marie pleinement à l’électro de We Go On, sa ritournelle entêtante et les voix de Cola Boyy et Mick Jones (je vous avais prévenus qu’on croule avec délices sous la multitude de featuring…) On croise un navire allié qui passe à la vitesse de l’éclair, Star Song.IMG, avant de passer dans un tunnel magnétique Until Daylight Comes où l’on perçoit la voix intersidérale et viscérale de Tricky. Nous apercevons au loin trois planètes particulièrement liées: Wherever You Go  et sa structure extrêmement riche où l’on peut croiser Jamie XX à la production, Neneh Cherry et CLPYSO, l’électro/disco de Music Makes Me High qui fait vibrer les parois de notre vaisseau et le bijou Take Care In Your Dreaming, son piano lumineux, son autotune et le rap incisif de Denzel Curry et Sampa The Great qui donne une intensité folle à cette planète tellurique.

Le voyage s’étire et on perd peu à peu conscience du temps qui passe. Les planètes, les sons se percutent, l’électro d’Overcome laisse la place à l’indie-pop de Kurt Vile sur Gold Sky et on se retrouve pris dans un véritable maëlstrom musical. Des flashs nous traversent, le piano d’Always Black et la voix torturée de Pink Siifu, les effluves pop de Running Red Lights où le chanteur de Weezer Rivers Cuomo pose son flow toujours aussi précis, l’électro planante de Born To Lose, tout nous amène vers une chute inéluctable, tant l’attraction terrestre est puissante. Le vaisseau se pose abruptement et on se retrouve sonnés et désemparés, seules les notes de Weightless nous rappellent  que le voyage interstellaire était bien réel… Besoin de fuir notre planète Terre où les brillants pro-Trump s’illustrent encore ce soir par leur vide intersidéral? Il ne vous reste plus qu’à lancer les moteurs de We Will Always Love You, enjoy!

Sylphe