Pépite intemporelle n°116 : Un temps pour tout (2008) de Vincent Delerm

71+On4zvFvL._SL1500_Après le coup de vieux filé par le copain Sylphe dans sa dernière chronique, je vais aussi vous piquer un peu la timeline en remontant quasiment quinze années en arrière. Cette année 2008, le mois de novembre voit arriver le quatrième album de Vincent Delerm sobrement intitulé Quinze chansons. Clin d’œil à Leonard Cohen et ses Ten new songs ou Randy Newman avec son 12 songs, le titre de l’album invite surtout à découvrir les nouvelles compositions d’un garçon qui séduit autant qu’il peut être détesté. Sans attendre, plaçons nous dans la première catégorie. Depuis son premier album, Vincent Delerm me raconte avec un sens du détail imagé et cinématographique une succession de petites histoires qui touchent juste. Lorsqu’est sorti Quinze chansons, j’étais assez impatient, d’autant que Les piqûres d’araignée sorti deux ans plus tôt m’avait un peu laissé sur ma faim. Album bourré de pépites, il m’avait pourtant moins convaincu dans sa globalité. Quinze chansons replace la barre très haut, avec dès l’ouverture Tous les acteurs s’appellent Terence qui sent bon Hollywood des années 1950. Émotions directes du cinéphile/historien, et les yeux fermés à voir défiler mille scènes réelles ou imaginaires. Émotions et sourires qui se poursuivront pendant 37 minutes, avec, à l’entrée du dernier tiers, la pépite de douceurs de la galette.

Dixième titre de l’album, Un temps pour tout est une petite merveille. Cela tient peut-être à la délicate mélodie légèrement rythmée qui sait se suspendre pour mieux nous rattraper. A moins que ce ne soit pour le texte, finement et réalistement écrit, et ce qu’il raconte. Des instants saisis lors d’un trajet à deux en voiture qui est bien plus qu’un trajet, en forme d’un court-métrage mémoriel qui convoque en nous des images mentales. Des souvenirs ou moments vécus lors de ce genre de trajet-bulle, chargé de détails visuels et sensoriels, de sourires.

Il y a bien Un temps pour tout : pour écouter Vincent Delerm, pour aimer « votre visage à la lumière du péage », pour moduler « le son de la modulation », pour « votre main dans mon cou », pour « vos théories sur les autoroutes la nuit », pour « vos yeux près des miens flous ». En parler et mettre trop de mots sur cette chanson, c’est déjà la gâcher et ne pas lui laisser la place d’exister pleinement. Vous allez donc lancer la lecture ci-dessous, et vous laisser porter. Libre à vous, évidemment, de ne pas aimer. Mais, puisqu’il y a Un temps pour tout, écoutez ces 2 minutes 38, puis laissez venir votre avis.

Ensuite, puisqu’il y a Un temps pour tout, nous laisserons le temps jouer son rôle et faire venir à nous les moments qu’il nous réserve. Dont ceux où seront « vos yeux près des miens flous ».

(Photo de pochette : Virginie Aussiètre)

Raf Against The Machine

Five reasons n°5 : Danser sur la table de Vincent Delerm (2016)

Changement de dernière minute sur Five-Minutes : je pensais vous parler d’un des grands albums de l’année 2018, mais ce sera pour plus tard, genre la semaine prochaine (#l’artduteasing!). Comme la semaine passée, au fil de mes tweets, je (re)découvre des sons, dont un bien beau titre de Vincent Delerm, Danser sur la table, à la faveur d’un tweet de Vincent Dedienne. J’ai réécouté ça dans un moment de suspension, et voilà (au moins) 5 raisons pour lesquelles je vous invite à faire de même.

  1. C’est une chanson de Vincent Delerm, et si son travail vous touche, ce titre synthétise bien des choses que l’on aime chez lui : une trame musicale présente et discrète à la fois, un texte subtil, un poil mélancolique, un peu énigmatique et pourtant très clair.
  2. C’est une chanson que l’on a envie de dédier à tous ces gens qui vivent leur vie sans jamais danser sur la table, avec parfois quelques accidents de la vie, dans une discrétion mêlée de pudeur. Tous ces gens qui recèlent des trésors d’humanité et dont on ne peut plus se défaire une fois qu’on les a rencontrés.
  3. C’est une résonance avec Les gens qui doutent (1977), un titre d’Anne Sylvestre repris, justement, par Vincent Delerm sur son album live A la Cigale (2007), accompagné par Albin de la Simone et Jeanne Cherhal. « J’aime les gens qui doutent / Les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer », un texte magnifique que j’adore, qui parle de fragilité et de sensibilité humaine.
  4. Ce sont quelques minutes qui me plongent dans un état de tiédeur mentale par ce froid mercredi de décembre. Quelques minutes que j’ai écoutées un grand thé vert fumant à la main. En me disant que, sans doute, « Et ma vie passera / Et ma vie incroyable / Et je vivrai comme ça / Sans danser sur la table ». Parce que oui, on peut vivre et se satisfaire de mille et uns petits plaisirs de la vie, sans être un va-t-en guerre ou une grande gueule. Sans esbroufe.
  5. C’est une chanson qui m’a fait relancer et réécouter tout l’album A présent (2016), dont elle est tirée. Un disque où j’ai retrouvé de bien belles choses, et je vous invite à faire de même. Pour vous y inciter, je vous propose ci-dessous la version studio, mais aussi l’interprétation live piano-voix tout en nuances de Vincent Delerm et Vincent Dedienne de ce Danser sur la table.

Joyeux Noël à tous, et profitez-en bien, tout comme de la vie : nul besoin de Danser sur la table pour se sentir vivant et se laisser envahir par un certain esprit de Noël.

Bonus de Noël : Les gens qui doutent repris par le trio de rêve… parce que je ne résiste pas 🙂

Raf Against The Machine