Five Titles n°30 : Radiohead

Capture d’écran 2023-02-15 à 16.20.35Un Five Titles pour le moins original cette semaine : alors que nous réservons généralement cette rubrique à l’extraction de cinq titres d’un même album pour vous donner envie d’en écouter le reste, nous allons plutôt partir sur un top 5. Étrange idée ? Pas tout à fait. Voici quelques semaines, j’ai vu passer et répondu sur Twitter à un petit jeu consistant à donner son top 5 des titres de Radiohead, tout album confondu (Twitter où, je le rappelle, vous pouvez nous suivre dans nos pérégrinations bloguesques et culturelles en rejoignant nos deux comptes @sylphe45 et @BatRafATM). Ce top 5 Radiohead fut une sacrée difficulté : comment extraire de la discographie du groupe seulement cinq titres au beau milieu de cette avalanche de pépites depuis le premier album Pablo Honey en 1993 ? Trente ans que la bande de Thom Yorke nous accompagne, avec à ce jour une carrière parfaite. Pas un mauvais album, pas un titre à jeter. Après les plutôt rock Pablo Honey et The Bends (1995) que j’aime beaucoup, OK Computer (1997) fut la claque absolue dont je ne suis toujours pas remis. En 2000 et 2001, le diptyque Kid A / Amnesiac (aujourd’hui réuni dans le triple vinyle Kid A Mnesia sorti en 2021) fait entrer le groupe dans une nouvelle dimension artistique, en venant prolonger OK Computer tout en éclatant tous les repères.

Les quatre albums suivants, respectivement Hail to the thief (2003), In Rainbows (2007), The King of limbs (2011) et A Moon Shaped Pool (2016), installent définitivement Radiohead au panthéon du rock et de la musique des 20 et 21e siècles. Dès lors, comment ne retenir que cinq titres ? Tout simplement en les laissant venir, spontanément. Quels sont les morceaux qui me viennent et qui vibrent le plus en moi lorsqu’on me parle de Radiohead ? Réponse immédiatement, ici-bas, ici même.

  1. Paranoid Android (sur OK Computer) : titre rock, étiré, déconstruit, hors de toute norme single et radiophonique, Paranoid Android est un bijou de création qui alterne moments intimistes, dépressifs, planants, et explosions rock. Tout Radiohead est là, et si un jour il ne fallait en garder qu’un, le voilà.
  2. Like Spinning Plates (sur Amnesiac) : je peine à trouver les mots justes pour décrire l’effet que me fait cette chanson. Notamment dans sa version ‘Why us ?’, entendue sur le live I might be wrong en 2001, et disponible sur Kid A Mnesia. A écouter, tout simplement. Une des merveilles musicales de notre temps.
  3. Fake Plastic Trees (sur The Bends) : balade rock quasi acoustique qui empile les émotions comme les couches musicales, portée par la voix déchirée et déchirante de Thom Yorke. Là encore, une musicalité presque hors du temps.
  4. Motion Picture Soundtrack (sur Kid A) : quasi titre de clôture du chef-d’œuvre Kid A, un titre sans aucune guitare ni aucun attribut rock pour une mélodie aérienne qui monte très très haut à la faveur de chœurs quasi mystiques. En découvrant Kid A pour la première fois, et en le refermant avec ce morceau, des vagues d’émotions encore intactes aujourd’hui.
  5. Climbing up the walls (sur OK computer) : pour son travail sur le son, les dizaines d’artefacts et de glitches sonores (écoutez moi ça au casque je vous en prie), ce titre est une pépite d’écriture. Trois minutes contenues et posées en tension, pour finir sur un mur de guitares et de cordes déchirant, avant de s’échouer dans trente secondes de retombées. La transition avec No Surprises sur ce même OK Computer.

Vous aurez donc aujourd’hui non pas cinq minutes mais cinq titres de bon son fournis par une des plus grands groupes que la musique nous ait offert. On ne fait que relayer et vous partager ça, en attendant la review de fin de semaine qui concernera un autre grand musicien dont le dernier et bouleversant album est sorti vendredi dernier (spoiler/indice : on peut émouvoir avec des platines).

(Visuel by Stanley Donwood pour Radiohead)

Raf Against The Machine

Five reasons n°38 : A light for attracting attention (2022) de The Smile

THE-SMILE-a-light-fro-attracting-attentionLa chronique du jour pourrait bien vous apporter le sourire (voilà, elle est faite d’entrée de jeu avec gros sabots, on n’y reviendra pas) : avec son premier album intitulé A light for attracting attention, The Smile enchante nos oreilles et se place assez directement en bonne place pour figurer sur le podium 2022. Certes, nous ne sommes qu’en juin et il reste une moitié d’année à passer. Tout est donc encore possible et l’inattendu peut survenir à tout instant pour nous attraper. Telles des élections législatives qui ouvrent grand les portes à l’extrême brun, on n’est jamais au bout de nos surprises en ce bas monde. Mais je digresse, à défaut de dégraisser. Revenons à du bon son en nous rappelant que, quand plus rien ne va, il reste la musique. Et en égrenant cinq bonnes raisons de découvrir The Smile et sa galette.

1. Se plonger dans A light for attracting attention avec The Smile, c’est l’occasion de retrouver le travail de Thom Yorke. En effet, le trio musical est construit autour du chanteur de Radiohead et rassemble Jonny Greenwood (guitariste du même Radiohead) ainsi que Tom Skinner (batteur du groupe de jazz Sons of Kemet). Thom Yorke et sa créativité accompagnent nos années depuis près de 30 ans maintenant. Depuis qu’un beau jour de 1993 est tombé entre nos mains Pablo Honey, premier opus de Radiohead. On n’a jamais vraiment décroché de la proposition artistique du garçon et de ses différents projets, ni de sa voix hors normes avec laquelle il sait autant inquiéter que faire voyager.

2. The Smile, ce n’est évidemment pas du Radiohead, ni du Atoms for Peace, pas plus que du Thom Yorke solo. C’est néanmoins un peu de tout cela. A light for attracting attention rappelle parfois la période KID A/MNESIAC comme avec The same, mais sait aussi nous évoquer l’excellente BO de Suspiria composée par Thom Yorke, avec un titre cinématographique comme Pana-vision. Titre qui vient d’ailleurs quasiment clôturer la sixième et ultime saison de Peaky Blinders de sa mystérieuse et troublante élégance. Un peu plus loin, le titre Thin thing pourrait être une sorte de synthèse musicale de toutes ces étapes de carrière.

3. Comme dans tout bon groupe, chaque membre apporte sa pierre à l’édifice. Impossible de ne pas reconnaître le toucher de guitare de Jonny Greenwood dans des titres comme The opposite ou Skrting on the surface. La vraie touche de nouveauté, c’est l’introduction dans l’équipe de Tom Skinner, batteur de jazz. Tout en ne jouant pas spécifiquement jazz, il apporte un groove et une finesse de jeu spécifique à ce genre musical, ainsi que des rythmiques inhabituelles. Il en résulte un album étonnamment plus varié que ce à quoi je m’attendais. Initialement présenté comme un trio guitare/basse/batterie, avec comme fer de lance le single très punk-rock You will never work in television again, The Smile révèle une richesse créative que je n’espérais même pas. Le travail sur les ambiances sonores est assez exceptionnel, comme dans Speech bubbles (gros travail sur les cordes) ou Open the floodgates, un titre très aérien et planant.

4. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : The Smile sait aussi nous rappeler ses origines rock et Thom Yorke nous remémorer les années premières de Radiohead. Qu’il s’agisse de The opposite ou encore de We don’t know what tomorrow brings, le trio sait jouer sur la corde nostalgique, pour livrer des morceaux qui pourraient se trouver dans la faille temporelle entre The Bends (1995) et OK Computer (1997). Mention particulière aux lignes de basse qui ouvrent plusieurs titres et savent aussi se montrer diablement efficaces au creux des mélodies, toujours avec une âpreté rock du meilleur effet.

5. Il résulte de ce shaker musical un très grand album. Outre sa diversité et son inventivité, A light for attracting attention dévoile aussi une cohérence évidente à l’écoute, alors qu’un tel patchwork d’influences et de genres pourrait virer à la catastrophe. Cette nouvelle aventure discographique et scénique est menée de main de maîtres par le trio Yorke/Greenwood/Skinner. Dernière raison dans la raison : A light for attracting attention est disponible depuis le 17 juin dernier en vinyle. Un objet de toute beauté, et notamment sa pochette, avec des visuels de Thom Yorke et Stanley Donwood, fidèle compère et presque quatrième membre du groupe. Pour tout collectionneur ou amateur de belles pièces musicales, cet album de The Smile est aussi un indispensable.

A light for attracting attention est un disque phare dans cette année 2022 et en ces temps quelque peu troublés, voire troubles. C’est une disque qui fait du bien. Il encourage à l’unité et à la lumière, en dépit du bordel et de l’angoisse de notre époque. The Smile exprime tout cela en musiques, et le fait diablement bien. Après Call to Arms & Angels d’Archive sorti voici quelques semaines, A light for attracting attention est un autre album de notre temps, pour nous aider à le traverser et à survivre. C’est ambitieux, mais ça fonctionne et c’est déjà beaucoup.

Raf Against The Machine