Reprise du jour n°10 : Louie Louie (1957/1993) de Richard Berry par Iggy Pop

415SV1ETGDLVoilà un moment que nous n’avons pas exploré le champ des reprises en tout genre. On se rattrape sans plus tarder en se penchant sur Louie Louie, classique du rock qui connut moult versions depuis sa naissance en 1957. Nous n’allons pas toutes les égrener : pour cela, il faudrait presque un blog complet consacré à ce seul morceau. Néanmoins, attardons nous sur 3 versions et demi de la chanson. Pourquoi demi ? Nous l’allons voir sous peu. Pour resituer l’action, Louie Louie a été écrite et interprétée originellement par Richard Berry et son groupe d’alors The Pharaohs. Richard Berry le musicien américain né en 1935 et décédé en 1997, et non pas le comédien français qui mange des yaourts Sveltesse face caméra. Louie Louie paraît initialement en face B du 45 tours You are my sunshine, et raconte l’histoire d’un marin qui explique à un barman nommé Louie qu’il doit partir en Jamaïque retrouver sa fiancée. Le titre est très marqué par un rythme calypso. Face B et rythm and blues aux sonorités des caraïbes : autant dire que rien ne prédestinait Louie Louie à devenir le classique rock que l’on connaît. C’est cette première version disponible ci-dessous à l’écoute.

Il faudra attendre 1963 et une reprise par The Kingsmen pour voir Louie Louie glisser tranquillement mais sûrement sur le terrain rock. Le groupe, originaire de Portland et considéré comme précurseur du garage rock, revisite le titre en y injectant de la guitare électrique, de la basse, une batterie et un chant bien plus rugueux que celui de Richard Berry. Un chant parfois marmonné par Jack Ely, chanteur de la formation. Ce dernier, n’ayant pas saisi toutes les paroles, fait parfois du yaourt (finalement, on y revient), et laisse penser aux autorités qu’il chante en réalité des obscénités. La chanson fera même l’objet d’une enquête du FBI en 1964. Autres temps, autres mœurs. Si le FBI avait su, à l’époque, que Louie Louie serait plus tard revisité par un des groupes et son chanteur des plus provocants, il aurait rangé son enquête fissa.

Au cœur des années 1970, Iggy Pop & The Stooges vont s’approprier Louie Louie sur l’album Metallic KO (1976). C’est la demi version dont je parlais plus haut. Non pas qu’elle soit minime ou faite à moitié. Le son est bien celui des 70’s rock. Radicalement plus sec et électrique que celui de The Kingsmen, il fait entrer le titre dans ce qu’il y a de plus punk avant l’heure et de plus sauvage. Surtout, cette interprétation préfigure celle qu’en donnera Iggy Pop en 1993 sur son album American Cæsar. Dans un joyeux bordel rock fait de guitares saturées surplombées par une voix inimitable, le chanteur américain défenestre littéralement la douce et chaloupée version originelle de Richard Berry. Si on vous demande un jour ce que c’est le rock, voilà possiblement un début de réponse : un titre initialement paru en face B d’un 45 tours qui vit sa vie depuis maintenant 66 ans au gré des reprises et revisites en tout genre. Dans le respect de l’original, en ajoutant à chaque fois une énergie brute et vitale que les anciens n’avaient pas envisagé ou osé. La rock attitude, c’est maintenant et c’est ici.

Son estival du jour n°74 : Rough and rowdy ways (2020) de Bob Dylan

Bob-Dylan-Rough-and-Rowdy-WaysUne fois n’est pas coutume : le son estival du jour sera fait d’un album entier. Soixante dix minutes de musique à se caler entre les oreilles, pour ce qui est sans doute un des plus beaux disques de ces dernières années. Rough and rowdy ways est le trente-neuvième (et dernier en date) album studio de Bob Dylan. Sortie en 2020, la galette renoue avec ce que le poète et prix Nobel de littérature a fait de mieux. Dans un savant mix de blues et folk à la fois crépusculaire et intimiste, Dylan apporte la preuve que, à presque quatre-vingt ans alors (il en a quatre-vingt-un aujourd’hui), il est encore largement capable de nous surprendre. Sa voix, horripilante pour certains mais magique pour moi et bien d’autres, n’a pas été aussi magnétique depuis des années. Elle se pose sur des balades dépouillées, ou encore sur du rythm and blues plus marqué.

Rough and rowdy ways oscille constamment entre ces deux ambiances. D’un côté False prophet, Goodbye Jimmy Reed ou encore Crossing the Rubicon. De l’autre, My own version of you, Black rider ou Key West (Philosopher pirate). Au milieu, somme de ces deux facettes, un album diablement envoûtant qui peut s’écouter le matin avec le café du réveil, en journée dans la torpeur estivale, ou le soir au soleil couchant avec une bière fraîche. Cerise sur le gâteau déjà délicieux : Rough and rowdy ways est construit comme jadis Highway 61 revisited (1965) ou Blonde on blonde (1966), à savoir une flopée de titres tous plus réussis les uns que les autres, avant de se conclure sur un long morceau de plus de dix minutes. Le génial Desolation row sur Highway 61 revisited, le bouleversant Sad-eyed lady of the lowlands pour Blonde on blonde, et ici Murder most foul, long poème musical de dix-sept minutes faisant référence à l’assassinat du président Kennedy.

Chaque titre de Rough and rowdy ways peut s’apprécier isolément, comme autant de sons estivaux du jour. C’est pourtant en écoutant l’intégralité de l’album qu’on apprécie le mieux les dix pépites livrées par Dylan. Histoire de vous mettre un peu l’eau à la bouche, on écoute le très bluesy False prophet, suivi de Key West (Philosopher pirate), avant de revenir au rythm and blues de Goodbye Jimmy Reed, un titre qui rappelle les plus belles heures de Blonde on blonde, et notamment Leopard-skin pill-box hat. C’est juste ci-dessous. Montez le son et profitez. Vous êtes sur Five-Minutes (et merci une nouvelle fois de venir nous visiter et nous lire).

Raf Against The Machine