Voilà plusieurs semaines que le dernier album Every Loser d’Iggy Pop tourne en boucle chez moi et que je tente de me convaincre difficilement que l’iguane a bien 75 ans… J’ai déjà eu la chance de voir Iggy en festival au Printemps de Bourges dans une autre vie, la vie où il était torse nu et manquait à tout moment de dégainer la banane car le monsieur a une forte tendance à l’exhibitionnisme. Sa carrière avec les Stooges ou en solo est gargantuesque et je me suis littéralement perdu dans sa discographie au point d’abandonner le compte de ses albums… J’ai longtemps hésité à écrire une review sur Every Loser, puis je me suis ravisé, ne me sentant pas les épaules pour le chroniquer, par respect pour les fans de la première heure qui auraient perçu ma relative méconnaissance de la discographie de l’icône rock qu’il est.
L’homme sait s’entourer et l’on retrouve Chad Smith des Red Hot Chili Peppers, Duff McKagan des Guns N’Roses, Stone Gossard de Pearl Jam et Taylor Hawkins des Foo Fighters entre autres… Désolé pour le name-dropping mais il est bon de montrer que participer à un album d’Iggy Pop reste un graal ultime pour tout musicien rock qui se respecte. Le résultat est un condensé d’énergie rock de 11 titres et 36 minutes qui me laisse pantois, les années semblent n’avoir pas de prise sur l’iguane et cette voix tout droit sortie d’outre-tombe fait toujours le même effet… J’ai choisi le tube en puissance Strung Out Johnny qui aborde l’addiction à la drogue (oui très surprenant), les guitares sont de sortie et le chant monte en puissance, prenant presque une teinte plus pop. Le clip est barré, Iggy Pop a priori doit sa ligne à une consommation accrue de fruits, bref tout est en place, enjoy !
Après 2022, ses 12 mois et tous ses bons sons partagés ici, il est grand temps de basculer en 2023 (comment ça on est déjà le 13 janvier ?). En commençant par souhaiter à tous nos lecteurs une excellente nouvelle année, pleine de bonnes choses, de santé et d’amour. Et puisqu’on parle d’amour, pourquoi ne pas fêter cette première chronique de 2023 avec un titre plein de love ? Avec élégance et distinction, comme toujours sur Five-Minutes. Whole lotta love (littéralement « Tout plein d’amour ») est sans doute ce qu’on fait de plus éloigné de toutes les bluettes et déclarations d’amour guimauves. On est là face à presque 5 minutes de pure énergie en tout genre, incandescentes et fortement sexualisées. La chanson ouvre Led Zeppelin II, deuxième album du groupe Led Zeppelin emmené par Robert Plant (chant) et Jimmy Page (guitare). Un album qui contient d’autres pépites comme The lemon song, Heartbreaker ou encore Moby Dick et son incroyable solo de batterie par John Bonham. Pourtant, c’est bien Whole lotta love qui met une baffe monumentale en ouvrant la galette et semble irriguer de toute son insolence le reste de l’album.
Whole lotta love est une adaptation de You need love du bluesman Willie Dixon, titre auquel Robert Plant ajoute quelques passages. Mis à part son titre somme toute assez sage (qui ne voudrait pas « Tout plein d’amour » ?), c’est plutôt ce qu’on trouve en fouillant un peu qui érotise l’ensemble. L’original de Willie Dixon contient déjà des paroles sans équivoque avec le « way down inside » (« tout au fond de toi »). Led Zeppelin va un peu plus loin en ajoutant au beau milieu du titre des cris vocaux d’orgasme se mêlant à d’autres moins évidents (mais tout aussi explicites) joués au thérémine par Jimmy Page pendant la montée psychédélique, sonore et jouissive du pont de milieu de la chanson. Comme s’il en fallait encore, les dernières paroles sont tout aussi électriques et font référence au Back Door Man (autre titre blues de Willie Dixon, repris cette fois par les Doors en 1967 pour une version tout aussi sexuelle que Whole lotta love) : « Shake for me girl, I wanna be your back door man » (Secoue-toi pour moi, je veux être ton homme de la porte de derrière). Tout un programme.
L’ensemble deviendra rapidement un standard absolu du groupe, autant pour son énergie et ses qualités musicales rock que pour le parfum vénéneux que le morceau dégage. Joué durant des années dans à peu près toutes les prestations du groupe, parfois dans d’interminables versions longues comme un orgasme qu’on retarde pour mieux le laisser venir, Whole lotta love est un titre chaud comme la braise, dévastateur, profondément connoté. Le genre de morceaux entré dans les annales depuis des années et jusqu’à la nuit des temps. Tant que les hommes et les femmes aimeront le rock, l’amour et le sexe, ils écouteront Whole lotta love.
Cerise sur le gâteau ? Whole lotta love est sorti en 1969, année érotique. Quant à la pochette du disque, regardez bien. On en le voit pas au premier coup d’œil mais il y a bien un gros Zeppelin gonflé qui flotte sur l’album. Il vous faut encore des explications après ça ? Si non, passons à l’écoute et à la démonstration, son à l’appui. Si oui.. et bien passons à la dernière preuve que seront l’écoute et la démonstration, son à l’appui. Whole lotta love !
Non nous n’avons pas fait une croix sur la musique aujourd’hui après le match légendaire vécu hier et sa cruelle issue… Le sport et la musique ont comme dénominateur commun la capacité à faire ressentir des émotions d’une rare intensité, n’en déplaise aux pisse-froid qui dénoncent l’absence de valeurs dans le sport et les dérives de l’argent dans une volonté de simplifier les faits à l’excès… J’ai donc besoin d’un bon son à partager et j’ai ce qu’il me faut avec ce Long LiveStrange de Gaz Coombes, ancien leader vocal du groupe Supergrass. Son quatrième opus Turn The Car Around dont est tirée la pépite du jour sortira le 23 janvier et j’ai du retard à rattraper car je ne me suis jamais trop penché sur cette carrière solo.
Rythmique obsédante en fond qui rappelle Cage The Elephant, ruptures de rythme subtiles, voix feutrée, le titre aborde avec un regard un brin amusé l’étrangeté du monde qui nous entoure. Un morceau addictif que je ne cesse d’écouter en boucles depuis deux semaines, à savourer sans aucune modération, enjoy ! A noter un clip surprenant qui n’a pas dû coûter trop cher en figurants !
Nous voici à moins d’un mois de quitter 2022. Certes, l’année n’est pas encore terminée, mais comme un bon marronnier on se prépare à faire la rétrospective de ces 12 derniers mois. Ici, vous trouverez bientôt nos classiques Tops, qui récapituleront ce qui nous a musicalement marqué. Ailleurs, ce seront les évènements marquants de ce monde. Tout ce qui a pu nous saisir à un moment ou un autre. Elle est pas belle cette année 2022 ? Chaque mois de décembre depuis quelques années, on se dit peu fâchés de quitter l’année pour embrasser la suivante sous le gui. Et puis ? Un festival. On n’est jamais déçus des 12 mois qui suivent les 12 précédents. Me concernant, je crois que ça dure surtout depuis 2015. Oui, 7 ans déjà que l’année suivante est toujours plus régalante que la suivante. Notre 2022 qui court vers sa fin n’échappe pas à la règle. Pourtant, elle plus encore que les autres m’a fait remettre sur la platine Year of tha Boomerang de Rage Against The Machine. Vous vous demandez pourquoi ? Réfléchissons quelques lignes ensemble.
On a tous été saisis dès février avec l’attaque de la Russie sur l’Ukraine, et le conflit qui perdure désormais. Pas une semaine ne passe depuis sans qu’on se demande si la planète ne va pas s’auto-vitrifier. A peine deux mois plus tard, la France s’offre une élection présidentielle ahurissante où l’on voit monter un peu plus l’extrême-droite. Sans se douter que, quelques semaines plus tard, elle fera son entrée massive et tonitruante à l’Assemblée Nationale. On n’est pas bien là ? Non, on n’est pas bien. Heureusement, nous avons passé un été frais et serein. Oups, non. Coups de chaud à répétition, feux de forêt cauchemardesques en France, mais aussi en Europe et en Afrique du Nord. On se remettra à l’automne avec une Coupe du Monde de Football apaisée et éthique. Oups, non plus. Si ces quelques grands évènements ne sont pas un retour de boomerang d’ambiguïtés géopolitiques, de manque de courage politique, de complaisance envers les idées les plus nauséabondes que l’Homme peut véhiculer, d’alertes environnementales niées depuis des décennies, de prééminence du pognon sur l’humain, je ne vois pas ce que ça peut -être d’autre.
Heureusement, le boomerang apporte parfois aussi quelques notes de positif et d’espoir. Un Brésil qui éjecte son président extrémiste, une population iranienne qui dit non, des salopards de mecs qui tombent les uns après les autres pour avoir fait les pires saloperies à des femmes, une rédaction jeux vidéo qui se saborde avec dignité suite à son rachat et recueille tous les honneurs de son lectorat (oui Gamekult 2002-2022, respect à toi)… Parfois le boomerang ramène de la merde, parfois il nous réserve de belles surprises et quelques notes de lumière.
Lumière comme dans ce titre de clôture de Evil Empire, deuxième album de Rage Against The Machine. Pas ma galette préférée du quatuor, mais un opus qui contient tout de même des brûlots absolus tels que Bulls on parade ou Without a face. Et Year of tha Boomerang qui nous claque en pleine tronche ses 4 minutes, pour nous laisser sonnés mais heureux de tant d’énergie, de conviction et d’intransigeance. On se retrouve en 2023 pour lancer une nouvelle fois le boomerang ? Pas tout à fait. On a encore l’année musicale à récapituler. C’est pour bientôt. En attendant, si vous avez un peu la rage, mettez beaucoup Year of the Boomerang dans vos oreilles.
Une chronique Five-Minutes peut tenir à peu de choses. Parfois longuement mûrie et réfléchie, parfois plus spontanée, elle a toujours pour objectif de partager un moment et un bon son. Celle d’aujourd’hui n’échappe pas à la règle et, si elle aurait pu relever de la catégorie « mûrement pensée », elle s’inscrit toutefois dans la seconde. Notre son du jour est d’un intemporalité évidente, mais il m’est revenu dans les oreilles de façon un peu inattendue alors que j’échangeais quelques messages avec un copain sur la beauté de ce monde (non). Spoiler : nous étions en train de discuter de toutes les tristes immondices qui nous entourent, entre la nature dont tout le monde semble se contrefoutre et préférer la saloper, le racisme ouvertement exprimé dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale, ou encore la connerie humaine en général. Vaste programme dépressif à nous rendre plus asociaux et misanthropes qu’on ne l’est déjà. Nous avons cherché une lueur d’espoir, que j’ai modestement résumé par un « Heureusement qu’il y a la musique ». Ce à quoi le garçon m’a répondu par l’envoi d’un lien simplement ponctué d’un « Genre ça ».
Le lien en question, c’était cette pépite totale du jour. Untitled #1 est le titre d’ouverture du troisième album de Sigur Rós nommé (). Pas vraiment de titre pour cet opus qui fait suite au déjà excellent Ágætis byrjun (1999), en relevant encore le niveau. Si le groupe islandais s’était déjà montré on ne peut plus créatif, cette troisième galette enfonce le clou de la poésie sonore et de l’évasion maximale. Sur de grandes nappes sonores quasi hors du temps, le chanteur Jónsi pose sa voix de falsetto pour des mélodies qui défient les lois du temps et de l’espace. Sans doute un des plus beaux albums au monde, () est une claque absolue autant qu’une bulle pour se réfugier du monde et arriver à le supporter.
Le titre d’ouverture Untitled #1 illustre brillamment ce constat, en se faisant mélange de douceur et de mystère porté par les mots de Jónsi. Mots que l’on ne cherchera pas à comprendre, puisque l’album tout entier est enregistré en Vonlenska, une langue inventée en totalité par le chanteur. Est-ce essentiel de comprendre le texte ? Non, pas quand la voix et les sons qui l’entourent portent autant d’émotions. Le morceau se suffit à lui-même, et sans plus tarder nous allons en profiter dans une version live quelque peu différente de l’enregistrement originel, mais tout aussi envoûtante. Puisque le bonheur des oreilles est total, on vous drope les deux version, histoire de comparer et de doubler le plaisir.
Et, si l’ambiance vous attrape autant que nous chez Five-Minutes (Sigur Rós figure vraiment très haut dans notre panthéon musical), courez donc écouter la totalité de (). Un album qui ressort d’ailleurs pour ses 20 ans, en version remasterisée et augmentée de 3 B-sides et 3 démos. Ne vous privez pas de cet album hors du temps qui nous permet de continuer à vivre dans ce temps.
En 2002, Noir Désir boucle la tournée de son dernier album Des visages, des figures. Commencé un an plus tôt, ce marathon scénique s’achève à l’Agora d’Evry le 14 décembre 2002 et donne aujourd’hui lieu à un album intitulé Comme elle vient. Vingt ans déjà que le plus grand groupe de rock français s’est tu, autant dire une éternité. Depuis, le monde a poursuivi son évolution, pour le meilleur comme pour le pire. 2002, c’est notamment l’année de l’accession de l’extrême-droite au second tour d’une élection présidentielle en France. La quasi-majorité des Français dit non à ce cauchemar bien réel, et Noir Désir s’en fait une des voix parmi tant d’autres. Pour qui a eu la chance d’assister à un des concerts de l’entre-deux tours, il reste en mémoire l’incandescence de ce refus, et des salles qui reprennent en cœur les Bérurier Noir pour scander que « la jeunesse emmerde le Front National ». C’était il y a vingt ans. Autant dire une éternité.
Comme elle vient sort pile vingt années après cette ultime et mémorable tournée. Ultime, puisque Noir Désir se désagrègera quelques mois plus tard. Mémorable parce qu’elle laisse entrevoir la mue du groupe et ses nouveaux horizons. Lorsque sort Des visages, des figures (le 11 septembre 2001, comme si cette dernière aventure de Noir Désir devait être marquée du sceau des tristes coïncidences), on mesure déjà l’évolution musicale de la formation. L’album offre un son à la fois plus posé mais pas moins tendu. Sous ce faux calme bouillonne toujours Noir Désir. Même si les très énervés et brutaux Tostaky et 666.667 Club sont un peu laissés de côté, des titres comme L’appartement, A l’envers à l’endroit ou Bouquet de nerfs suintent de tensions grinçantes à la limite du malaise. Alternant avec d’autres morceaux plus rock comme Le grand incendie, Son style 1 ou Lost, l’ensemble se révèle diablement excitant en ouvrant totalement les portes à de nouvelles pistes artistiques pour le groupe. Jamais il n’aura été aussi créatif et musical, jamais il n’aura développé autant d’émotions variées. Des visages, des figures se conclut en outre sur le morceau de bravoure qu’est L’Europe : un duo de plus de 23 minutes avec Brigitte Fontaine doublé d’une virée musicale aujourd’hui encore étourdissante d’intelligence.
Nous voilà donc, deux décennies plus tard, avec entre les mains et entre les oreilles ce Comme elle vient, conclusion de la tournée 2022 de Noir Désir. Avertissement important : cet album n’est en rien la réédition du Noir Désir en public sorti en 2005. Ce dernier représentait, en 24 titres, une compilation des meilleures versions enregistrées sur la totalité de la tournée. Les 56 concerts de la tournée avaient été captés, en prévision de ce témoignage somme. Les membres du groupe en ont ensuite tiré la substantifique moelle, pour obtenir un panorama de cette virée live. Comme elle vient épouse une autre logique, en livrant la captation du dernier concert donné à Evry le 14 décembre 2002. Il est donc logique de ne pas y retrouver des titres non joués ce soir-là, et tout aussi logique que la tracklist ne corresponde pas à celle de Noir Désir en public. Dès lors, si l’on possède déjà celui-ci, faut-il craquer pour celui-là qui sort aujourd’hui 28 octobre ?
N’y allons pas par quatre chemins : la réponse est oui. Si vous êtes un inconditionnel et inconsolable fan de Noir Désir, vous vous procurerez Comme elle vient tel un complétiste compulsif. Si vous êtes amateur de rock et de bon son, vous plongerez aussi. Enfin, si vous n’avez que faire de Noir Désir, et/ou que vous voyez là une sombre démarche mercantile éhontée, il est probable que vous ayez déjà arrêté de lire cette chronique. Ou que, tout simplement, vous ne soyez même pas arrivé jusqu’à cette page du blog !
Comme elle vient pose ce que Noir Désir était devenu sur scène en 2002, peut-être plus encore que Noir Désir en public. Après la compilation de moments choisis et réellement fascinants, on accède ici à un soir en live avec le groupe, qui plus est à sa toute fin. Et l’on redécouvre ce mix et ce dosage parfaits entre moments posés et faussement apaisés, et explosions rock comme on ne les espérait plus. D’un côté, l’ouverture avec Si rien ne bouge, puis Septembre en attendant, Le fleuve, ou encore Des armes. De l’autre, Les écorchés, La chaleur ou Tostaky dans une de ses plus belles et furieuses interprétations. Noir Désir manipule l’énergie comme jamais, en nous balançant à la gueule sa fougue, tout en se ressourçant dans des moments finalement tout aussi incandescents. Le résultat est brillant, et se conclut avec le titre éponyme Comme elle vient. Un dernier salut, un baroud d’honneur en forme d’ultime explosion dans lequel la formation jette ses dernières forces.
A écouter l’ensemble, ce sont des paquets d’émotions qui remontent et nous submergent. Des frissons, du feu, et des larmes aussi de (re)vivre les derniers instants de la meilleure formation rock française, et d’un des plus grands groupes de tous les temps. Comme elle vient nous permet de mesurer, une fois de plus, le vide béant laissé par la disparition de Noir Désir. Voilà un enregistrement qui dépasse toutes les catégories et les cases, pour ne plus être simplement du rock et devenir l’expression d’un art. Comme elle vient est une galette absolument indispensable, qui se paye le luxe d’être disponible sur toutes les bonnes plateformes de streaming, mais aussi physiquement en CD et vinyle. Chez Five-Minutes, on est adeptes de toutes ces formes, mais on a grand plaisir à acheter l’objet, surtout quand il est aussi percutant que ce Comme elle vient. Disponible en diverses éditions, dont certaines avec pochettes alternatives et vinyles colorés, l’album bénéficie en outre d’un pressage de haute qualité avec un remastering de très haute tenue qui rend justice au son Noir Désir.
Aussi incontournable que génial, Comme elle vient se doit d’être dans vos oreilles, et plus si affinités, à savoir dans votre discothèque. Pas encore convaincus ? Voici trois titres en écoute pour vous décider. Les 12 autres vous attendent chez votre disquaire préféré.
« J’ai douté des détails / Jamais du don des nues ».
Après presque deux semaines d’absence, retour aux affaires en ce dimanche automnal avec un vrai bon son, qui plus est inattendu. The universe is IDK offre en 7 titres une excellente dose de ce que le rock britannique a offert de meilleur depuis qu’il existe. Ni plus, ni moins. Aux commandes de cet EP de haute volée, Dave Pen. Si le nom ne vous dit rien de prime abord, sachez que le garçon est une des voix d’Archive (ça faisait longtemps que je n’en avais pas parlé !), mais aussi un des membres fondateurs de BirdPen. En plus d’être un chanteur et musicien de grande talent, Dave Pen est aussi un grand sportif en run/trail. Une discipline sportive qu’il écume au gré des courses les plus folles, comme par exemple fin août l’UTMB (Ultra Trail Mont Blanc) : 170 kilomètres, du dénivelé et des passages en altitude au-dessus de 2 500 mètres. Je m’égare, ou si peu. Retenons que Dave Pen compile les talents, auxquels on peut ajouter son compte Instagram truffé de photos souvent géniales. Tout ceci est enrobé d’une grande discrétion et d’une humilité qui force le respect.
C’est dans cette grande discrétion que Dave Pen a composé tranquillement à la maison les 7 titres de The universe is IDK. En une demi-heure à peine, vous allez croiser de multiples clins d’œil à quelques grands noms, comme autant d’influences avouées. Negative ouvre l’EP et ses guitares aériennes évoquent assez vite The Smiths. Avec toutefois une voix qui fait penser à un certain David Bowie. Une touche Bowie encore plus évidente sur DIY SOS, croisée avec un soupçon d’Iggy Pop période Lust for life, et une pincée de Bryan Ferry. Tomorrow in light constitue la première pause tranquille après trois titres plutôt tendus et nerveux. Ce morceau permet à Dave Pen de développer son incroyable voix, en rappelant The empty bottle d’Archive dans la démonstration vocale. Humminbird est peut-être le titre le plus inquiétant, en croisant une trame musicale entre les Lou Reed les plus sombres et les Bowie les plus synthés/machines. Une fois encore, la voix de Dave Pen contraste l’ensemble avec une lumière et une puissance imparables. Standing wave est une parenthèse instrumentale de toute beauté, avant l’étonnant dernier titre. I’ll never know est un acoustique de la plus belle épure, qui vient réveiller chez nous le souvenir musical de l’excellent Animals de Pink Floyd. Avec en prime la voix de Dave Pen qui s’approche étonnamment de celle de Roger Waters.
Au vu de ces multiples et célèbres noms, je vous vois déjà vous interroger : qu’est-ce qui rend The universe is IDK intéressant, et le monsieur ne fait-il que piocher dans l’existant ? Non, Dave Pen ne pique pas d’idées chez les autres. Il leur rend hommage et nous en envoie autant de clins d’œil complices pour mieux partager ses créations. Des créations qui s’inscrivent au-delà des hommages, dans un ensemble très personnel et assez inimitable. De bout en bout, cet EP est fascinant dans les ambiances qu’il déroule, et dans la synthèse musicale qu’il propose. Dave Pen a sans doute écouté bien des artistes au fil des ans, en a absorbé ce qui lui parlait et a digéré le tout. Il en résulte aujourd’hui 7 morceaux tous plus hypnotiques les uns que les autres, liés par une identité musicale faite d’introspection et de lumières. Oui, il y a de l’énergie dans The universe is IDK.
Il y a aussi l’affirmation d’un grand artiste humble, jusque dans le titre du EP. The universe is IDK peut se traduire littéralement par « L’univers est Je ne sais pas », soit une énième variation du « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » de Socrate, ou encore du « La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute » de Desproges. Sans doute la meilleure façon d’aborder l’existence, loin de toute certitude, afin d’être ouvert au champ des possibles et à la recherche de la meilleure version de soi-même. The universe is IDK est, dans tous les cas, la meilleure façon d’aborder les jours actuels, et les suivants. Le EP est disponible uniquement sur Bandcamp en version numérique, pour une malheureuse poignée d’euros (moins de 10 pour tout vous dire). Ne passez pas à coté de ces 7 petites merveilles musicales. Il y a encore quelques jours, le podium des trois albums de 2022 était tout calé. L’arrivée de The universe is IDK vient bousculer l’ordre établi, pour mon plus grand plaisir. Vous êtes encore là ? Foncez donc écouter la dernière merveille de Dave Pen !
Des nouvelles aujourd’hui des Anglais d’Editors qui nous ont offert de superbes albums rock dans les années 2000 – The Back Room en 2005 et An End Has a Start en 2007 en tête qui méritent d’être régulièrement réécoutés – portés par un souffle rock subtil et la charismatique voix de Tom Smith. Je les ai clairement perdus de vue depuis plusieurs années, étant juste tombé par hasard sur la version électronique de leur dernier opus Violence (2018), The Blank Mass Sessions ( petit article en passant par ici). Depuis Blank Mass (un des deux Fuck Buttons) est devenu un membre à part entière du groupe comme le titre de ce septième opus l’explicite (EBM = Editors + Blank Mass…Je sais, vous êtes bluffés par cette équation subtile…) et le virage électronique est pleinement assumé. J’ai longtemps hésité à parler de cet album car mes sentiments sont très partagés, autant il possède quelques titres percutants autant l’enchaînement des 9 titres et ses 52 minutes s’avère assez épuisant… Les doigts sont littéralement restés dans la prise et les rythmiques uptempo nous martèlent, la voix de Tom Smith passant malheureusement quelquefois au second plan… Néanmoins, certains titres surnagent et méritent amplement qu’on en parle.
Le morceau d’ouverture Heart Attack qui traite de la puissance intemporelle du sentiment amoureux d’une manière quelque peu inquiétante -« No one will love you more than I do/I can promise you that/ And when your love breaks I’m inside you/ Like a heart attack » propose un son rock bien lourd. Des drums assourdissants et un refrain puissant donnent une tonalité épique au titre.
Picturesque est ensuite à la limite de la faute de goût avec un gimmick électronique de fond un brin entêtant. Néanmoins la rythmique uptempo, les riffs acérés et ce sentiment d’urgence palpable nous embarquent, comme si on écoutait une version sous acide de Bloc Party.
Kiss me plaît ensuite car ce titre rappelle l’amplitude de malade de la voix de Tom Smith, capable d’aller chercher des notes très hautes. Dommage que la rythmique électro de fond assez monolithique ne la mette pas vraiment en valeur.
Silence rappelle enfin ce que fut Editors sur ses premiers albums. Rythmique downtempo, voix caverneuse, émotion à fleur de peau, une ode au passé déchu.
Educate propose de son côté un son électro-rock plein d’énergie qui résiste à la tentation de tomber dans les excès.
Quelques beaux moments, une sensation globale plus mitigée, la collaboration avec Blank Mass manque quelque peu de légèreté. A vous de vous faire votre propre avis désormais, enjoy !
Les plus attentifs d’entre vous auront d’emblée remarqué une incohérence dans le titre de cette chronique. Comment un morceau de 2004 peut-il être pépite du moment ? En effet, nous sommes toujours bien calés en 2022, entre une pandémie covidesque qui ramène sa fraise pour la huitième édition, un conflit mondial larvé qui n’attend qu’une étincelle pour éclater et une crise économique résultant, entre autres, de la combinaison des deux événements précédents. Tout cela étant le contexte idéal pour voir proliférer théories conspirationnistes, intolérances en tout genre et connerie humaine de la pire espèce. On est pas bien là ? Paisibles ? Bref, je m’égare sur cette année 2022, mais ferait-il meilleur vivre en 2077 ? Je vous vois, le regard perplexe et inquiet. Avec l’impression que j’ai totalement basculé dans une dimension parallèle où 2004, 2022 et 2077 ne sont plus qu’un seule et même année. Pas du tout, mais la pépite musicale de cette chronique nous plonge dans ces trois années. Explication.
En cette année 2022, et très précisément depuis le 13 septembre dernier, Netflix propose dans ses programmes Cyberpunk Edgerunners, série animée américano-japonaise de dix épisodes. L’histoire se passe en 2077, dans cette bonne ville de Night City bien connue des rôlistes et des gamers. Night City, c’est la mégalopole futuriste imaginée comme terrain de jeu dans Cyberpunk 2077, jeu vidéo sorti fin 2020, lui-même inspiré du jeu de rôle sur table Cyberpunk 2020 créé par Mike Pondsmith. Vous comprenez le merdier des dates ? On ne va pas y aller par quatre chemins : Cyberpunk Edgerunners est une vraie réussite. La série reprend les codes visuels du jeu vidéo, avec de nouveaux personnages. L’ambiance crade, criminelle, sexuelle et cyberconnectée de Night City est parfaitement retranscrite. Les scènes d’ultra-violences alternent avec d’autres plus posées qui laissent entrevoir le putain de cauchemar cyberpunk de l’année 2077.
Quid de 2004 dans tout ça ? Le générique de la série Cyberpunk Edgerunners. Si la BO efficace est composée de divers titres, dont certains déjà entendus dans le jeu Cyberpunk 2077, le générique va piocher dans du bon rock qu’on aime, avec This Fffire de Franz Ferdinand. Sorti en 2004 (nous y voilà) sur le premier album du groupe, le morceau contient déjà tout le talent de la team Alex Kapranos. Mieux encore, il colle parfaitement à l’ambiance de Cyberpunk Edgerunners. A la base, je n’aurais jamais fait cette association. A l’entendre, c’est d’une évidence et d’une pertinence absolue. On s’écoute donc le This Fffire original, accompagné ensuite de quelques friandises Cyberpunkiennes. Histoire de vous donner envie de plonger dans cet univers de malade, et dans un jeu fascinant en dépit du scandale technique qu’il a représenté à sa sortie.
Autant dire les choses directement : alors que la reprise et la rentrée nous ont déjà noyés sous des tonnes de boulot et des journées interminables, c’est sans doute la meilleure news de la semaine. Quoi donc ? L’annonce de la sortie prochaine d’un coffret PJ Harvey fait d’inédits, de démos et de faces B. Sobrement intitulé B-Sides, Demos and Rarities, l’objet contiendra pas moins de 59 titres répartis sur, au choix, 3 CD ou 6 vinyles, joliment glissés dans des pochettes avec photos inédites de Maria Mochnacz, collaboratrice de longue date. Avec cette sortie assez dantesque couvrant la totalité de sa carrière depuis Dry (1992) jusqu’à The Hope Six Demolition Project (2016), la chanteuse britannique aux multiples talents et facettes clôt son projet de longue haleine de réédition de toute son œuvre. Rappelons en effet que, depuis le printemps 2020, tous les albums ont bénéficié d’une nouvelle sortie en vinyle et CD, chacun accompagné de son jumeau miroir contenant les démos de chaque titre. On notera au passage que cette première grand annonce était intervenue en pleine première vague/confinement covidesque, ce qui n’avait pas manqué de nous redonner le sourire. Deux ans plus tard, PJ Harvey nous apporte de nouveau joie et bonheur.
Les 59 titres composant le coffret ont tous été passés à la moulinette de John Parish, complice de longue date de notre PJ Harvey préférée, accompagné de l’ingénieur John Mitchell. En d’autres termes, la garantie d’un mastering de haute volée pour profiter de ces pépites que l’on a hâte de découvrir, à commencer par les 14 titres jamais publiés auparavant. La dame ne faisant pas les choses à moitié, trois titres sont d’ores et déjà disponibles. A la fois pour nous faire patienter, mais aussi nous allécher autour de ce coffret d’anthologie pour lequel, ne nous mentons pas, on est déjà turbo chaud. Disponibles donc dès à présent, les démos de Dry et Missed, deux titres tirés de Rid of me (1993), deuxième album studio. Petite subtilité : Dry est bien le titre du premier album studio, mais la chanson Dry n’apparait que sur Rid of me. L’occasion de redécouvrir ces deux morceaux dans des versions plus dépouillées et brutes que celles de l’album.
Trois titres avons nous dit : Somebody’s down, somebody’s name est quant à lui tiré de To bring you my love (1995), plus exactement du single Down by the water dont il était la B-side. Un son déjà en évolution par rapport aux deux première galettes, bluesy et nerveux à souhait, qui laisse entrevoir l’impressionnante carrière à venir de PJ Harvey. Après avoir dégusté chacun des albums réédités, ce coffret constituera à la fois une prolongation de ces 11 galettes et un éclairage supplémentaire en forme de visite des coulisses de la carrière d’une des artistes les plus fascinantes de notre temps. Le coffret sera disponible le 4 novembre prochain. La hype est totale, et si ce n’est pas (encore) votre cas, en écoute ci-dessous les trois premiers extraits dont on vient de parler. Le rock, c’est maintenant.