Pépite intemporelle n°131 : In this world (2002) de Moby

71XuIr3zLsL._SL1300_Du haut de ses 45 ans de carrière (oui, depuis 1978) et de ses 57 ans (oui, déjà), Richard Melville Hall aka Moby n’en finit plus de nous délivrer des compositions qui sont aujourd’hui inscrites dans l’inconscient collectif. Qu’il s’agisse de l’énergique Honey, du délicat Porcelain, du viscéral Natural blues (tous trois sur l’incontournable album Play en 1999), ou encore du pop électro We are all made of stars et du groovy Extreme ways, titre BO de la saga cinéma Jason Bourne (présents eux sur 18 en 2002), nombre de ses morceaux sont devenus presque instantanément des classiques. Et nous ne regardons là que deux albums. On pourrait encore citer l’excellent Hotel (2005), ou plus récemment Reprise (2021), publié sur le prestigieux label Deutsche Grammophon habituellement dédié à la musique classique. Dans cet opus, Moby réenregistre 14 titres avec le Budapest Art Orchestra, démontrant ainsi la richesse et la profondeur de ses compositions. La démonstration n’est plus à faire. Moby est un grand artiste, et nous l’allons voir en revenant sur l’album 18 et In this world, un de ses titres phares.

Titre d’ouverture de 18, In this world nous cueille d’entrée de jeu par un sample vocal de Lord, don’t leave me des Davis Sisters, groupe américain de gospel fondé en 1947 et qui officia jusqu’au début des années 1980. Le sample se mêle à la voix de Jennifer Price. La voix est puissante, pénétrante, subtile, imparable. Tout comme la musique de Moby. L’alliance est parfaite. Mais la perfection ne s’arrête pas à ces samples. Moby ajoute des notes de claviers et des percussions en arrière fond, avant de plaquer une rythmique dans laquelle programmation et piano communient. C’est brillant. Mais la brillance va encore plus loin. Dès la vingtième seconde, et comme une récurrence, une nappe de synthés vient soutenir l’ensemble. Cette nappe de synthés, nous la connaissons déjà. Nous l’avons déjà entendue. C’était 3 ans plus tôt, déjà chez Moby, sur l’album Play.

Plus précisément, dans le titre My weakness (chronique d’il y a quelques temps, à relire par ici), qui refermait l’album Play. Souvenez vous de ce merveilleux morceau, qui débutait lui aussi par des voix, mais bien plus aériennes et mystérieuses que le sample de In this world. La nappe de synthés dont nous parlons arrive à partir de 1 minute 10 dans My weakness et accompagnera pendant près de 2 minutes ce voyage hors de toute réalité. Comme un clin d’œil à ceux qui suivent, Moby reprend dans In this world et en ouverture de 18 cette nappe de synthés qui refermait Play. My weakness/In this world : comme un message subliminal. Ce monde qui est le nôtre, qui sait nous donner des forces et la force, mais qui est aussi notre faiblesse (weakness).

Pour aller un peu plus loin, rappelons nous que My weakness illustrait une des plus belles scènes (peut-être la plus belle) de la série X-files. A savoir le dénouement du double épisode Délivrance (10e et 11e au cœur de la saison 7). Fox Mulder y apprend enfin ce qui est arrivé à sa sœur mystérieusement disparue des années plus tôt. Loin de tout délire d’enlèvement extraterrestre, la réponse est bien plus terre à terre et dramatique. Or, que voit-on dans le clip de In this world ? Une poignée de petites créatures extraterrestres qui tentent, tant bien que mal, d’établir un contact avec la Terre et ses habitants, bien indifférents à la présence de ces êtres venus d’ailleurs. In this world et son clip en 2002 feraient-ils, eux aussi, un clin d’œil à cet épisode fondamental de X-files sorti lui à la charnière 1999-2000 ? D’un monde à l’autre, rien n’est moins sûr, mais j’ai envie de le penser.

Il est désormais grand temps de laisser la place à la musique : In this world, accompagné de My weakness pour se le remettre en tête si besoin. Et pour retrouver, d’un titre à l’autre, cette nappe de synthés si envoûtante et hors du temps.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°87 : My weakness (1999) de Moby

71AZeY5TqRL._SL1300_Après le bouleversant Human de Thomas Méreur sorti la semaine dernière, on se fait un grand coup d’œil dans le rétroviseur pour remonter en 1999 et retrouver un autre titre d’une sensibilité poignante. My weakness est le dix-huitième et dernier titre de l’album Play de Moby, également connu sous le nom de Richard Melville Hall. Cet artiste new-yorkais n’a cessé, depuis ses débuts en 1978, d’explorer différents univers musicaux, de la techno au rock alternatif en passant par l’électro. C’est toutefois en 1999, soit plus de 20 ans après ses débuts, qu’il explose à l’international avec Play, galette au succès planétaire qui approche les dix millions d’exemplaires vendus. Chaque titre est un carton, repris en maintes circonstances. Mettez ça dans les oreilles de n’importe qui, il y aura toujours un « Ah mais ça je connais ! » ou encore « c’est trop cool ce son ». Au terme de la grosse heure que dure Play, et après un voyage musical chargé de styles et d’émotions, My weakness nous attend.

My weakness est une sorte de berceuse aérienne, un moment de flottement final sur les nuages, un gros shoot de sérénité qui parcourt tout le corps. La première minute du morceau envoie en boucle des chœurs qui rappellent, coté frissons, le God Yu Tekem Laef Blong Mi de la BO du film La ligne rouge. Au cœur de trois heures de film prenantes et sans issue, ce morceau venait illuminer l’ensemble de ses voix d’enfants, espoirs de l’humanité. Les voix de My weakness ont ce même effet sur la clôture de l’album, tout en étant soutenues par quelques sons et scratches électros, ponctués de rires et voix d’enfants. C’est déjà très beau, mais le titre va plus loin en ajoutant, à partir de 1’10, des nappes de synthés qui convoquent immédiatement les moments les plus vibrants d’un Angelo Badalamenti servant les images de Lynch dans un Twin Peaks ou un Lost Highway. Une ambiance sonore de chez Moby qui préfigure aussi les moments les plus envoûtants du Mulholland Drive sorti deux ans plus tard : un chef-d’œuvre sublimé par sa BO. Puis, les synthés se taisent pour laisser les trentes dernières secondes aux chœurs et aux voix d’enfants, de nouveau. Sublime.

Pour tout dire, et puisque l’on parle de BO, je suis retombé sur ce titre voici quelques jours, à la faveur d’un énième revisionnage de la série TV X-files. Neuf saisons originelles, plus deux ultérieures dans les années 2010, à suivre les enquêtes et pérégrinations des agents du FBI Mulder et Scully. Série TV hors normes, fondatrice à bien des égards autant que bourrée de références et d’hommages, X-files est aussi le parcours initiatique et humain de deux égarés : Dana Scully, en constante quête d’elle-même, de croyances et de sens de sa vie ; Fox Mulder, traumatisé par la mystérieuse disparition de sa jeune sœur à l’enfance, la séparation de ses parents, un personnage névrosé en quête de réponses et de paix intérieure, tout autant que de mise en accord avec lui-même. Il est commun de dire que X-files a plusieurs fin. La première en fin de saison 5, lorsque les tournages se déplacent de la région de Vancouver en Californie : la série arrive à la fois à la fin d’un grand arc narratif, notamment via un long métrage cinéma, et change d’identité visuelle au grand dam de bon nombre de fans. La troisième, en fin de saison 7, lorsque Mulder quitte la série, laissant ainsi Scully esseulée et désormais sans moitié humaine et intellectuelle. La quatrième en fin de saison 9 (2002), lorsqu’on pense l’aventure définitivement close. On retrouvera pourtant le duo et son univers au milieu des années 2010 pour deux mini-saisons revival.

Les plus observateurs d’entre vous auront remarqué que je n’ai pas parlé de la deuxième fin. Peut-être la seule et la vraie, qui se place en plein milieu de la saison 7, avec le double épisode Délivrance (10e et 11e) : au terme d’une enquête à la fois lente, pesante et envoûtante, Mulder découvre enfin ce qui est arrivé à sa petite sœur des années plus tôt. Sa quête prend fin, mais c’est surtout la paix qu’il trouve dans les dernières minutes de l’épisode. Enfin dirait-on, tant le personnage s’est montré torturé, secoué par des questionnements existentiels, perdu parfois. Longue ellipse télévisuelle me direz-vous ? Oui, mais tout cela pour expliquer que cet épisode se clôt, précisément, au son de My weakness (à regarder ci-dessous, avec un gros Spoiler alert toutefois). La série et ce moment ne pouvaient trouver meilleur accompagnement musical, le morceau de Moby ne pouvait trouver meilleure illustration visuelle. Fox Mulder est enfin apaisé et délivré, et nous avec lui. Après presque sept années à porter ses douleurs et ses traumas, il peut passer à la suite de sa vie et nous avec, tant on a pu s’identifier à son parcours. Avec lui, on se relâche et on se détend. On se remet à regarder l’avenir. Au son de cette merveille absolue qu’est My weakness.

My Weakness de Moby
SPOILER ALERT – LA scène finale de Délivrance (X-files ép. 10-11) au son de My weakness

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°42: Natural Blues de Moby (1999)

Voilà peut-être un de mes 10 meilleurs albums de tous les temps que ce sublime Play qui Mobyaura irradié de mille feux mes belles années d’étudiant. Avant cette déflagration sonore de 1999, je ne connais pas grand chose des belles années electro/techno de Richard Melville Hall à part I Like to Score et sa version du thème de James Bond qui m’avait alors marqué. Rien ne m’avait donc préparé à ce Play et sa ribambelle de titres qui me font briller les yeux de plaisir (Porcelain, Why Does My Heart Feel so Bad?, Natural Blues, Everloving, My Weakness…). Plus d’une 1 heure inspirée par les dieux, un moment de magie plein d’émotions assez indescriptible et que, tout du moins, je ne souhaite pas tenter de décrire par peur de dénaturer l’ensemble.

Le titre du jour Natural Blues qui reprend les paroles de Trouble so hard de Vera Hall (1937) s’impose comme un morceau incantatoire, espèce de blues désincarné né sur les cendres d’un XXème siècle vivant ses derniers instants. Voilà un morceau addictif qui me donne la furieuse envie de réécouter  Play, sommet d’une carrière très riche, enjoy!

Sylphe