Rétrospective 2022 de Raf Against The Machine

L’année touche à sa fin, et comme un vieux marronnier, il est de bon ton de regarder un peu dans le rétroviseur. Pas par nostalgie, ni avec des regrets, mais pour voir ce que l’on retient de 2022. Une année du boomerang (voir la petite chronique liée par ici) que je laisse partir tranquillement, pour plonger dans 2023 afin de voir comment 2022 et ses bonnes ondes (oui, il y en a eu) se prolongent. Toutefois, à la porte de cette nouvelle année, partageons une dernière fois ce qui a marqué mon année écoulée sur le plan musical. Une rétrospective forcément subjective : ne hurlez pas s’il n’y a pas votre son de l’année, votre découverte ou le live qui vous a marqué. En revanche, ne vous privez pas de laisser, dans les commentaires, votre top à vous. Five-Minutes, c’est aussi l’envie de partager ainsi quelques minutes de bon son.

Du côté des albums de l’année, une fois n’est pas coutume, j’ai un vrai podium à trois places. Pas quatre comme les années passées où, incapable de choisir, j’avais systématiquement rajouté une marche au podium. Et une fois n’est pas coutume, nous allons remonter les places. Sur la troisième marche, A Light for Attracting Attention, l’album de The Smile. Composé de Thom Yorke (chanteur de Radiohead), Jonny Greenwood (guitariste de Radiohead) et Tom Skinner (batteur chez Sons of Kemet), le groupe a livré au beau milieu de 2022 une galette assez impressionnante de créativité (la chronique est à relire par ici). J’attendais énormément cet album, et j’avoue avoir été très agréablement surpris par la richesse et la variété des compositions, alors que je m’attendais plutôt à un trio rock brut de décoffrage assez basique et uniforme dans les sons.

A la deuxième place, une galette totalement inattendue pour moi : La mémoire du feu du groupe Ez3kiel. Pour tout dire, c’est le copain Sylphe qui a mis ce son dans mes oreilles. Voilà un album concept comme on n’en fait plus. L’histoire d’amour de Diane et Duane qui prend place dans un univers de SF post-apocalyptique. La petite histoire dans la grande, toutes deux narrées au travers de onze titres tour à tour très rock qui décapent ou très doux et intimistes. Des compositions incroyables d’efficacité, surplombées par les voix tout aussi incroyables de Jessica Martin-Maresco et Benjamin Nérot. Un fascinant album que nous avons eu le plaisir de découvrir live. En plus d’un disque impressionnant, Ez3kiel sait aussi conquérir le public sur scène. Une vraie bonne surprise qui a tapé très fort dès janvier 2022.

Mais qui peut bien attraper la plus haute marche du podium ? Aucune surprise pour qui me connaît un minimum ou lit régulièrement ces pages. Sans aucune hésitation, mon album 2022 est Call to Arms & Angels de Archive. Album attendu comme aucun autre de ma part, j’ai plongé dès le jour de la sortie et les premières notes, et chroniqué la bête ici-même. Un peu plus tôt même, puisque j’avais eu la chance de pouvoir écouter l’album quelques jours avant sa sortie, lors d’une soirée-rencontre avec le groupe et quelques fans hardcores tous plus sympathiques les uns que les autres. Call to Arms & Angels est une claque totale et absolue. Un disque qui est pour moi autant une somme de lumières qu’un refuge, un baume autant qu’une pile d’énergie inépuisable. Alors que le groupe venait de fêter ses 25 ans avec la sortie d’un gargantuesque coffret et de Versions, deux albums de remixes, je me demandais (sans en douter) comment le groupe allait pouvoir poursuivre et innover. C’est bien plus que de l’innovation. C’est une réinvention totale pour un groupe qui ne cesse de me bouleverser. Nous aurions dû découvrir tout cela en live en octobre dernier, mais un putain de crabe a attrapé Darius Keeler, reportant d’un an la tournée. Darius va bien (et tant mieux pour lui et ses proches avant tout), Call to Arms & Angels poursuit sa route, et nous retrouverons bientôt Archive sur scène, pour un live qui s’annonce déjà dantesque.

Au-delà de ce top 3 d’albums sortis en 2022, il faut ajouter deux autres galettes, également sorties en 2022 qui ont marqué mon année. On vient de parler d’Archive, un groupe dans lequel officie le génial et sympathique Dave Pen (chant/guitares). Ce dernier a sorti à l’automne The universe is IDK, un EP de sept titres inattendu et assez captivant. J’en ai parlé par ici et vous laisse relire tout le bien que j’en pense. Preuve de la proximité et de l’humilité du garçon ? Suite à cette chronique, j’ai reçu un très gentil mot de remerciements. Autre galette, totalement inattendue elle aussi, Transmissions par le collectif Transmission. Initialement entendue en live au festival HopPopHop en septembre, la prestation m’a scotchée au point de vouloir retrouver ces sensations sur disque. Ce qui tombe bien, puisque ces compositions sont disponibles sur un enregistrement de haute facture qui rend justice à la créativité du collectif (chronique à retrouver ici). Un collectif porté en partie par des membres d’Ez3kiel. On ne se refait pas.

Il me faut encore citer cinq albums, cette fois non sortis en 2022 mais qui ont laissé une trace dans ces douze derniers mois. Sorti en décembre 2021, The Dystopian Thing de Thomas Méreur a littéralement ruisselé et accompagné tout 2022 (la review est à retrouver par ici). Le petit frère de Dyrhólaey (2019) est tout aussi magique, envoûtant, prenant et maîtrisé, pour nous emmener dans des voyages et des évasions intimistes au fond de nous-mêmes. Un magnifique album dont je ne me lasse pas. La réédition de Est-ce que tu sais ? de Gaëtan Roussel a apporté trois nouveaux titres à un album sorti en 2021 et déjà parfait. Pas vraiment un opus de 2022, mais une version définitive qui m’a fait replonger directement dans un des disques qui compte le plus pour moi. Autre réédition, celle de () du groupe islandais Sigur Rós. Pour célébrer les 20 ans de cet album incroyable, le groupe le republie ces jours-ci dans une édition anniversaire. Une excellente occasion de (re)découvrir un des groupes les plus fascinants et les plus créatifs de ces dernières années. Autre groupe fascinant : Noir Désir. Si l’intégrale vinyle est annoncée pour janvier 2023 au prix délirant et stratosphérique de plus de 200 euros, on s’arrêtera plutôt sur Comme elle vient – Live à Evry 2002, captation efficace et émouvante du dernier live du groupe. Clôture de la tournée Des visages, des figures, ce concert enregistré le 14 décembre 2002 restera pour toujours la dernière prestation du groupe, au sommet de sa créativité et de son intelligence musicale. Enfin, puisqu’on parle d’ultime prestation, comment ne pas penser au grand Arno, parti en mai 2022, laissant une carrière qui force le respect par son audace, sa diversité, son énergie. Une des meilleures façons de parcourir l’éventail musical de ce grand rocker sensible, c’est de s’écouter Vivre. Un album piano-voix sorti en 2021 et enregistré avec Sofiane Pamart. Tout est délicatesse, sensibilité, énergie, rage de vivre dans ces reprises intimistes de titres plus ou moins connus d’Arno. Avec une version bouleversante et imparable de Solo gigolo qui résonne comme un testament autant qu’un hymne éternel. Les poils putain putain. Avec Arno à nos côtés pour toujours.

La musique occupe une place essentielle pour moi aussi dans les œuvres où elle pourrait passer pour secondaire. Je m’explique. La musique existe et vit pour elle-même, mais j’y suis aussi particulièrement sensible dans les films et les séries, autant que dans les jeux vidéo.

Côté films/séries, trois BO auront marqué mon 2022. The Batman, sorti sur nos écrans en mars dernier, bénéficie d’une bande originale très efficace composée par Michael Giacchino, qui soutient un des grands films de l’année par sa noirceur autant que par sa compréhension de ce qu’est le Batverse. Ce film a marqué mon année, autant que sa BO. Autre moment à retenir : Cyberpunk Edgerunners, ou l’adaptation par Netflix du jeu CyberPunk 2077 de CD Projekt. La série réalise le mélange de l’animé japonais ultraviolent et de l’univers cyberpunk imaginé par Mike Pondsmith. L’occasion toute rêvée pour redécouvrir ce grand jeu malade à la faveur de sa mise à jour consoles next-gen, et se remettre dans les oreilles la super BO du jeu, que l’on retrouve en partie dans la série aux côtés de quelques titres rock bien sentis. Enfin, toujours côté séries, comment ne pas parler de l’ascenseur émotionnel (et donc du scandale) provoqué par Westworld ? Quelques jours après la sortie/diffusion de la saison 4 cet été, nous apprenions que HBO, chaîne à l’origine de la série comme de bien d’autres chef-d’œuvres du petit écran, ne donnerait pas suite et fin à Westworld, en refusant de financer l’ultime saison 5. Nous resterons donc orphelins de la conclusion d’une des plus grandes séries de notre temps, tout en gardant en tête son incroyable BO faite de compositions originales de Ramin Djawadi et de reprises de grands titres rock.

Coté jeux vidéo, deux OST ont ponctué mon 2022. D’une part, les compositions toujours hors du temps et du réel de Keiichi Okabe pour NieR Replicant et NieR: Automata. Ce dernier jeu est ma référence absolue, le jeu parmi les jeux et la BO de jeu parmi les BO de jeux. J’en suis tellement fan et soufflé que je n’ai toujours pas réussi à vous en faire une chronique par ici, faute de trouver les mots justes qui retranscriront ce que me procure ces musiques et ce jeu. Mais, pour reprendre Jack Kérouac (in Les clochards célestes), « Un jour je trouverai les mots justes, et ils seront simples ». Cette année 2022 est celle où j’ai enfin pris le temps de faire NieR Replicant, jeu grand frère et préquel de Nier: Automata. Si le jeu m’a moins marqué, tout en étant un super moment vidéoludique, sa BO m’a tout autant retourné et j’ai passé de longues heures à réécouter les compositions de Replicant et Automata. D’autre part, 2022 aura aussi été l’année du décès de Ryan Karazija, chanteur du groupe Low Roar dont les morceaux ont été largement mis en avant par Hideo Kojima dans son chef-d’œuvre Death Stranding. Une BO là aussi hors du temps, tout comme le jeu qu’elle accompagne. Et, à la survenue de cette triste nouvelle, relancer Death Stranding et réécouter Low Roar. Dont cet incroyable I’ll keep coming.

Objet inclassable et non classé de 2022 qui mérite pourtant amplement de figurer ici, le coffret PJ Harvey B-sides, Demos and Rarities constitué de 6 galettes vinyles et pas moins de 59 titres. Histoire de parachever la réédition depuis 2020 de l’ensemble de sa discographie, la chanteuse nous a gratifiés à l’automne de cette dantesque rétrospective de sa carrière, au travers de morceaux à découvrir ou redécouvrir. Un coffret dont j’avoue n’avoir pas encore fait le tour, tant il est riche, dense et passionnant. En proposant son contenu dans l’ordre chronologique de la carrière de PJ Harvey, il permet aussi de mesurer l’évolution et la créativité artistiques d’une artiste à nulle autre pareille.

Enfin, comme de petites ritournelles pop-folk-rock, je ne peux pas refermer 2022 sans mentionner Angus & Julia Stone. Leur dernier album studio Snow remonte à 2017, et leur dernière production à 2021 avec la BO du jeu vidéo Life is strange – True colors (que je reconnais ne pas avoir encore fait, il m’est donc impossible de pouvoir légitimement en parler). Pourtant, ces deux là m’accompagnent depuis quelques années, plus précisément depuis un jour de 2010 où j’ai découvert leur album Down the way et leur folk-rock, pour ne plus jamais trop m’en éloigner. L’année 2022 a fait que j’ai plus réécouté Angus & Julia Stone que d’autres années. Comme pour me glisser dans une bulle de sérénité. Comme du son qu’il fait bon partager au cœur de cette bulle.

Un dernier mot sur 2022 : notre Five-Minutes a encore progressé, aussi bien en nombre de vues avec plus de 21 250 (15 231 en 2021) qu’en nombre de visiteurs avec près de 15 100 (10 613 en 2021). Mes presque derniers mots de rétrospective 2022 iront donc à vous, lecteurs réguliers ou plus ponctuels, qui nous faites la gentillesse de venir suivre notre modeste et humble aventure bloguesque, pour quelques minutes de bon son. Merci infiniment à vous.

Last but not least, mon dernier coup de projecteur musical avant de refermer 2022 sera pour mon ami et compère de Five-Minutes. Sylphe, merci pour ta passion musicale, cette aventure Five-Minutes, ton indéfectible soutien en tout temps. Ton amitié.

Prenez soin de vous, bons derniers jours de 2022, et rendez-vous de l’autre côté en 2023 pour une nouvelle année de pépites et découvertes musicales.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°105 : Somebody’s down, somebody’s name (1995/2022) de PJ Harvey

PJ-Harvey-annonce-un-coffret-de-faces-B-de-demos-9050180.Autant dire les choses directement : alors que la reprise et la rentrée nous ont déjà noyés sous des tonnes de boulot et des journées interminables, c’est sans doute la meilleure news de la semaine. Quoi donc ? L’annonce de la sortie prochaine d’un coffret PJ Harvey fait d’inédits, de démos et de faces B. Sobrement intitulé B-Sides, Demos and Rarities, l’objet contiendra pas moins de 59 titres répartis sur, au choix, 3 CD ou 6 vinyles, joliment glissés dans des pochettes avec photos inédites de Maria Mochnacz, collaboratrice de longue date. Avec cette sortie assez dantesque couvrant la totalité de sa carrière depuis Dry (1992) jusqu’à The Hope Six Demolition Project (2016), la chanteuse britannique aux multiples talents et facettes clôt son projet de longue haleine de réédition de toute son œuvre. Rappelons en effet que, depuis le printemps 2020, tous les albums ont bénéficié d’une nouvelle sortie en vinyle et CD, chacun accompagné de son jumeau miroir contenant les démos de chaque titre. On notera au passage que cette première grand annonce était intervenue en pleine première vague/confinement covidesque, ce qui n’avait pas manqué de nous redonner le sourire. Deux ans plus tard, PJ Harvey nous apporte de nouveau joie et bonheur.

Les 59 titres composant le coffret ont tous été passés à la moulinette de John Parish, complice de longue date de notre PJ Harvey préférée, accompagné de l’ingénieur John Mitchell. En d’autres termes, la garantie d’un mastering de haute volée pour profiter de ces pépites que l’on a hâte de découvrir, à commencer par les 14 titres jamais publiés auparavant. La dame ne faisant pas les choses à moitié, trois titres sont d’ores et déjà disponibles. A la fois pour nous faire patienter, mais aussi nous allécher autour de ce coffret d’anthologie pour lequel, ne nous mentons pas, on est déjà turbo chaud. Disponibles donc dès à présent, les démos de Dry et Missed, deux titres tirés de Rid of me (1993), deuxième album studio. Petite subtilité : Dry est bien le titre du premier album studio, mais la chanson Dry n’apparait que sur Rid of me. L’occasion de redécouvrir ces deux morceaux dans des versions plus dépouillées et brutes que celles de l’album.

Trois titres avons nous dit : Somebody’s down, somebody’s name est quant à lui tiré de To bring you my love (1995), plus exactement du single Down by the water dont il était la B-side. Un son déjà en évolution par rapport aux deux première galettes, bluesy et nerveux à souhait, qui laisse entrevoir l’impressionnante carrière à venir de PJ Harvey. Après avoir dégusté chacun des albums réédités, ce coffret constituera à la fois une prolongation de ces 11 galettes et un éclairage supplémentaire en forme de visite des coulisses de la carrière d’une des artistes les plus fascinantes de notre temps. Le coffret sera disponible le 4 novembre prochain. La hype est totale, et si ce n’est pas (encore) votre cas, en écoute ci-dessous les trois premiers extraits dont on vient de parler. Le rock, c’est maintenant.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°92 : Sleep to dream (1996) de Fiona Apple

FionaApple_1996_Tidal_coverVoici quelques jours, nous sommes remontés en 1995 pour réécouter Miossec. Restons à la même époque pour remettre dans nos oreilles Tidal (1996), le premier bien bel album de Fiona Apple, et Sleep to dream son titre d’ouverture. Née à New-York en 1977, cette musicienne et chanteuse mène depuis ce premier opus une carrière marquée par cinq albums aussi surprenants que passionnants, mais aussi un certain refus (voire un refus certain) de l’industrie musicale et une personnalité plutôt affirmée. Notamment en 1997, lorsqu’elle reçoit du haut de ses vingt ans un MTV Award pour le meilleur clip avec celui de Sleep to dream : une cérémonie où elle qualifie la chaîne et l’industrie musicale de « monde de conneries ». Des prises de position qui lui vaudront quelques dissensions avec les maisons de disque. Tout cela ne l’empêche pas de faire son chemin, porteuse d’un courant musical qualifié d’avant-pop : la contraction d’avant-garde et de pop, ce qui laisse entrevoir une musique à la fois accessible et populaire, tout en se montrant expérimentale et novatrice.

Prenez n’importe lequel des disques de Fiona Apple, et vous comprendrez tout de suite. A commencer par son premier album précité, Tidal. Dix titres d’une grande efficacité, portés par un piano omniprésent qui s’entoure bien souvent d’autres instruments, et la voix à la fois douce et puissante de l’artiste. Si cet album contient le single Shadowboxer, ainsi que les excellents Criminal ou encore Never is a promise, il s’ouvre sur Sleep to dream. Une trame musicale basée durant les trente premières secondes sur une inquiétante batterie, pour accompagner Fiona Apple dont la voix rappelle instantanément celle de PJ Harvey. Avant de basculer dans la suite du titre, pour un voyage musical qui pose une vraie identité artistique. Au milieu d’influences évidentes telles que Billie Holiday, Tori Amos ou donc PJ Harvey, voilà une musicienne qui développe un univers artistique très personnel et cohérent, sachant aller de la plus douce des ballades aux ambiances les plus intrigantes. Sleep to dream est une excellente façon d’aborder ses disques. Petit bonus, on s’écoute aussi Criminal (que j’adore) et le mélancolique Never is a promise. Ensuite, si ça vous plait, libre à vous d’écouter tout Tidal, puis les quatre autres disques de cette grande artiste.

Raf Against The Machine

Top de fin d’année 2020

Voilà une catégorie que l’on alimente bien peu souvent sur Five-Minutes. Et pour cause. Il est néanmoins venu le jour de la dépoussiérer pour regarder une dernière fois dans le rétro. Oui, 2020 s’achève et on ne la regrettera pas. On l’a dit et redit : rarement année aura été aussi minable et à chier, sur à peu près tous les plans. Réussissant même à faire jeu égal avec ma 2015 à titre perso, et la surpassant de très loin si je regarde la globalité des faits, en faisant preuve d’altruisme. Donc 2020 casse-toi, on a hâte de passer à la suivante, même si, à bien y regarder, 2021 pourrait être assez grandiose également, puisque rien ne laisse espérer un twist encourageant dont le destin aurait le secret. Quoiqu’il en soit, s’il y a tout de même quelques bricoles à tirer de 2020, certaines se situent dans nos oreilles. Ça tombe bien, on est sur Five-Minutes et voici donc venu le moment de mettre en avant ce qui m’a accompagné (et bien souvent permis de tenir) dans cette misérable année.

Précision : la plupart des albums/titres évoqués ont fait l’objet d’un article sur le blog, lisible en cliquant dessus lorsqu’ils sont mentionnés. Et après chaque paragraphe, pour respirer, des pépites à écouter. Une rétrospective à parcourir/lire/écouter à votre rythme, comme bon vous semble.

2020 et son podium à 5 marches

De façon classique, je pourrais faire un Top 10 des albums de l’année, mais je préfère que l’on réécoute quelques bouts de galettes qui ont réussi à me toucher au-delà du raisonnable. Une sorte de Top 2020 totalement subjectif, où l’on n’écoutera pas que du 2020 d’ailleurs. En premier lieu (ou sur la première marche si vous préférez), il y a sans grande surprise Woodkid et son deuxième LP S16. Album sublime autant qu’il est sombre et pénétrant, voilà bien un disque qui a secoué ma fin d’année 2020. Quelques mois plus tôt, Woodkid avait déjà marqué l’été, avec Woodkid for Nicolas Ghesquière – Louis Vuitton Works One, soit plusieurs de ses compositions pour les défilés de mode Louis Vuitton. Deux moments musicaux incontournables pour moi, et qui placent cet artiste tout en haut. Woodkid succède donc à Thomas Méreur qui nous avait gratifié en octobre 2019 de son Dyrhólaey. Un album instantanément propulsé « Mon disque de l’année 2019 », mais qui, pour tout dire, a également beaucoup tourné en 2020. Parce qu’il est arrivé fin 2019. Et aussi parce qu’il est exceptionnel.

Juste derrière ces deux artistes, et sorti dans les mêmes moments que le EP Louis Vuitton de Woodkid, le EP Air de Jeanne Added, accompagné de son long et magnifique court métrage, a également bouleversé ma fin de printemps. En 8 titres, dont l’exceptionnel et imparable If you could let me be, voilà un opus de très haute volée qui concentre tout le talent de Jeanne Added, tout en allant un peu plus loin dans l’idée de concept EP. Comme un long morceau d’une trentaine de minutes, construit en plusieurs mouvements. Toujours sur le podium, sans place précise, le retour gagnant de Ben Harper le mois dernier avec Winter is for lovers : un album total instrumental et minimaliste, interprété uniquement sur une lap-steel guitare. Le résultat est inattendu et bluffant, de la part d’un grand musicos qui s’était, à mon goût, montré moins créatif ces dernières années. Autre opus sur le podium, tout aussi inattendu et bluffant : Trésors cachés & Perles rares, proposé par CharlElie Couture. Relecture et réinterprétation de titres anciens un peu oubliés ou restés dans des tiroirs, ce LP arrivé finalement assez vite après Même pas sommeil (2019) confirme, si besoin était, le talent et la créativité du bonhomme. Ainsi que sa capacité à se réinventer sans cesse. Ce qui est bien, finalement, en grande partie ce qu’on attend des artistes.

Ouvre les yeux et écoute

Cette année 2020 a aussi été marquée par des BO de très haute volée, dans des genres différents, qui ont tourné en boucle par chez moi. Blood Machines de Carpenter Brut accompagne le film éponyme de Seth Ickerman. Ce nouvel opus confirme toute la maîtrise synthwave de l’artiste, pour un travail collaboratif qui rend hommage au ciné SF des années 80 et à ses BO tout autant qu’à l’univers cyberpunk. Dans un tout autre style, mais pour rester dans la SF, 2020 aura vu la réédition dans un magnifique coffret 4 LP de l’OST du jeu vidéo NieR: Automata, et de ses préquels NieR Gestalt/Replicant. Sortis respectivement en 2017 et 2010, et donc accompagnés de leurs BO, on ne peut pas dire que ce soit du très neuf. Cependant, la réédition vinyle a été l’occasion pour moi de découvrir toutes ces compositions hallucinantes de Keiichi Okabe, tout comme le confinement du printemps m’a permis de plonger dans Nier: Automata pour découvrir, 3 ans après sa sortie, un jeu qui se place direct dans mon Hall of Fame du JV. Plaisir à venir : le printemps 2021 verra la sortie du remake PS4 de NieR Replicant, histoire de compléter la saga. Côté JV toujours, difficile de ne pas mentionner l’OST de Persona 5, sorti en 2016 au Japon et en 2017 ailleurs, et bénéficiant d’une version Royal depuis 2019 (Japon) et mars 2020 chez nous. Un jeu d’exception qui dégueule la classe à chaque instant, et sa BO n’y est pas pour rien. Enfin, sans m’attarder car j’en ai parlé pas plus tard que la semaine dernière, la BO de l’anime Cowboy Bebop, elle aussi excellente dans son genre, a bien accompagné ces derniers jours de 2020, à la faveur là aussi d’une chouette réédition.

Des rééditions et du plaisir renouvelé

Transition toute trouvée pour revenir, justement, sur quelques rééditions importantes en 2020, notamment sur le support vinyle. Certains diront que ce dernier retrouve ses lettres de noblesse, alors qu’en vrai il ne les a jamais perdues. Number one : PJ Harvey et l’entame de la réédition de sa complète discographie. Les festivités ont débuté mi-2020 avec Dry, et se poursuivent toujours à l’heure actuelle. On attend pour fin janvier Is this desire ? et sa galette de démos. Oui, c’est l’originalité et la beauté de cette campagne de réédition : chaque album solo est accompagné du pressage parallèle des démos de chaque titre. En bref, des ressorties de haute qualité, sur le fond comme sur la forme. Même combat chez Pink Floyd, avec le retour en version augmentée et remixée/remasterisée du live Delicate Sound of Thunder. Une prestation de très haute volée qui se voit magnifiée d’un packaging du plus bel effet, mais surtout d’un son nettoyé et retravaillé pour rééquilibrer l’ensemble et ressusciter les claviers de Rick Wright sans qui Pink Floyd ne serait pas Pink Floyd. Fascinant et indispensable. Tout comme Gainsbourg en public au Palace, republié en septembre dernier en double LP 40 ans après sa première sortie. Un nouveau mixage là encore, qui fait la part belle à l’essence même du son reggae adopté à l’époque par Gainsbourg : basse bien ronde et percussions détachées bien mises en avant, pour accompagner la voix de Gainsbourg qu’on n’a jamais aussi bien entendue pour cette captation.

Les incontournables, hors du temps

Voilà ce qui ressort de mon année musicale 2020, ce qui fait déjà de quoi occuper une bonne poignée d’heures. Toutefois, ce top de l’année serait bien incomplet si je n’évoquais pas des hors temps/hors catégories qui m’ont largement accompagné pendant ces 12 mois. A commencer par Archive, encore et toujours. Le groupe n’en finit pas de me coller à la peau, et ce n’est certainement pas le duo 2019-2020 qui va changer les choses. Pour rappel, les londoniens ont entamé en 2019 la célébration de leurs 25 années d’existence, avec dans l’ordre la sortie d’un méga coffret sobrement intitulé 25, puis une tournée dantesque et toujours sobrement intitulée 25 Tour qui a donné lieu à un album 25 Live offert en ligne. Clôture des festivités en cette fin 2020 avec Versions (août 2020), un album d’auto-relecture de 10 titres, puis Versions: Remixed (novembre 2020), ou 11 titres revisités presque du sol au plafond. Archive toujours donc, tout comme Hubert-Félix Thiéfaine et la totalité de sa discographie. J’avais fait de Petit matin 4.10 heure d’été (2011) un son estival, mais au-delà ce sont tous les titres de HFT qui reviennent régulièrement m’emporter, me porter ou me supporter (au choix du mood).

Et pour quelques pépites de plus…

Question mood justement, la plongée dans les archives de Five-Minutes m’a permis de voir que j’avais chroniqué deux fois, sans m’en apercevoir, Where is my mind ? (1988) de Pixies : une fois en Five Reasons, une autre en Reprise Ça ne trompe pas, puisque c’est un titre qui me hante depuis des années, dans sa version originale comme dans ses multiples reprises, et qui a bien trouvé sa place en 2020. Et puisqu’on en est à des titres récurrents et persistants, je pourrais terminer en citant en vrac Bright lies (2017) de Giant Rooks, Cornerstone (2016) de Benjamin Clementine, Assassine de la nuit (2018) d’Arthur H, Indigo Night (2018) de Tamino ou encore Sprawl II (Moutains beyond moutains) (2010) d’Arcade Fire.

Nous arrivons au bout de cette virée dans mon 2020 musical, en même temps que nous atteignons le bout de l’année. Un peu plus tôt dans la journée, Sylphe a livré un gargantuesque double top 2020 fait de 20 albums et 60 titres. Je vous invite évidemment à y plonger, histoire de passer en 2021 avec du bon son. Avant de laisser 2020, un grand merci à vous tous qui nous lisez régulièrement ou plus épisodiquement, puisque comme l’a expliqué Sylphe, nous avons doublé la fréquentation du blog cette année. Voilà qui fait très chaud au cœur et qui nous incite à poursuivre l’aventure ! Une aventure dans laquelle j’ai plongé voici quelques années à l’invitation de Sylphe, et que je peux bien remercier lui aussi très chaleureusement : si ce monde, qu’il soit de 2020 ou pas, reste supportable et vivable, c’est grâce à quelques potos comme lui et à la musique. Five-Minutes réunit les deux. On vous retrouve en 2021 ?

Pour le plaisir, un dernier son culte tiré d’un album total culte (et ce n’est pas Sylphe qui me contredira) : Christmas in Adventure Parks by Get Well Soon. Ou le nom d’un artiste qu’on aimerait être un bon présage pour la suite.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°62 : Heela (1996) de PJ Harvey & John Parish

PJLa semaine passée, nous avons écouté et aimé le dernier Ben Harper, empli de douceurs et d’émotions. Changement de décor ce jeudi avec PJ Harvey et une furieuse pépite de 24 ans d’âge : Heela n’a pas vieilli d’un poil et reste d’un efficacité redoutable.

Resituons l’action : en un peu plus de 3 ans (soit depuis 1992), PJ Harvey a dégainé 3 albums d’une puissance folle. Dry (1992) a posé les bases d’un rock sec et intense, Rid of me (1993) s’enrichit du son noisy de Steve Albini, et To bring you my love (1995) enfonce le clou d’une démarche artistique faite à la fois de fureur (contenue ou pas) et de fragilité tendue. Après ces trois opus, la grande question était de savoir où la Britannique du Dorset allait nous emmener, et surtout s’il y aurait une suite aussi captivante que ces premiers albums studios assez imparables. Il faudra attendre 1998 et Is this desire ? pour avoir la réponse. Toutefois, entre-temps, il se passe quelque chose : un album écrit et interprété à 4 mains qui va rapidement trouver sa place sur les platines.

Dance hall at Louse Point tombe dans les bacs en 1996. Avec une surprise : PJ Harvey ne bosse pas en solo. Elle s’est adjoint les services de John Parish. Pas tout à fait un inconnu, tant auprès de PJ que dans le monde musical. Ce musicien et producteur anglais était déjà dans l’aventure To bring you my love comme musicos et producteur, ainsi que sur la tournée qui suit. Au cours des années suivantes, il produira d’autres galettes de PJ Harvey, mais contribuera aussi à la conception de divers albums aux côtés de 16 Horsepower, Eels, Goldfrapp, Dominique A, Dionysos, Arno ou encore Rokia Traoré. Sacrée carte de visite à venir.

Voilà donc les 4 mains qui vont composer, élaborer, fabriquer, interpréter Dance hall at Louse Point. Le résultat est tout simplement excellent. A l’origine composé pour servir de bande-son à une chorégraphie de Mark Bruce, ce LP réussit la prouesse de vivre par lui-même et de se suffire à lui-même. J’ai déjà évoqué ce point par le passé : lorsqu’une bande-son (film, chorégraphie, jeu vidéo) existe par elle-même et s’écoute comme une composition originale à part entière, elle bascule dans la catégorie des pépites que l’on n’hésite pas à faire tourner en boucle. Dance hall at Louse Point est un album de rock plutôt épuré. Pas de grosse fioritures ou d’arrangements pompeux. Ça sent le disque enregistré avec simplicité, sincérité, en mélangeant sons bruts et émotions.

Heela est le 9e titre de cet album, et l’illustration parfaite de cette vision des choses : un morceau clairement blues-rock, mais du blues-rock façon PJ Harvey & John Parish : ça commence avec du riff de guitare qui tape, ça se poursuit avec la voix inimitable de PJ Harvey (bordel cette voix !) posée sur une ligne de basse lourde et ronflante. Tout ceci parsemé de touches de guitare cristallines, pour en arriver au refrain balancé à deux voix décalées. Pile à la moitié, le coup de grâce avec PJ qui perche sa voix très haut pour une boucle vocale qui rappelle direct le « Lick my legs / I’m on fire / Lick my legs / Of desire » de la fin de Rid of me. L’ensemble est à la fois totalement électrique et purement inflammable. Un des titres les plus fiévreux et bandants de PJ Harvey pour une sensualité vénéneuse qui ne laisse pas de marbre malgré les années d’écoute. Heela fonctionne toujours aussi bien et fait partie de ces pépites intemporelles qui ont gardé leurs propriétés incendiaires.

Autour de Heela, l’album Dance Hall at Louse Point contient 11 autres pépites. PJ Harvey, c’est un peu le système des poupées russes : des morceaux pépites rassemblés dans des albums pépites, eux-mêmes contenus dans la carrière pépite d’une artiste pépite. Je vous l’accord, ça ne sent pas l’objectivité. Mais filez écouter Heela et le reste de l’album, vous ne le regretterez pas si vous appréciez ce son. Autre bonne raison de reparler de ce disque : longtemps indisponible, il l’est de nouveau à la faveur de la réédition progressive de toute la discographie de PJ Harvey, en CD comme en vinyle. Vous n’avez donc plus aucune excuse si la tentation vous saisit. Et si vous venez d’écouter le dernier album de NZCA LINES, chroniqué récemment par l’ami Sylphe et que vous avez terminé en dansant nus chez vous comme sa chronique le suggérait, restez à poil et lancez Heela avec le son à fond. Et profitez.

Raf Against The Machine

Five Reasons n°21 : Dry (1992) de PJ Harvey

DryC’est l’heure de la livraison hebdomadaire, et même de la grosse livraison ce jeudi. Puisqu’on est un peu moins actifs par ici ces derniers temps (mais ce n’est que passager, rassurez-vous !), ça mérite qu’on charge un peu la mule à chaque passage. La semaine dernière, on était sur du lourd avec le Gimme Shelter des Stones. On jour les prolongations avec un retour en 5 actes sur ce qui est sans aucun doute l’un des meilleurs albums rock de l’univers : Dry de PJ Harvey.

  1. Dry est le premier album de PJ Harvey (Polly Jean Harvey en version complète). La galette qui nous permet, en 1992, de découvrir ce petit bout de femme sorti du Dorset. Du haut de ses 23 balais, elle balance alors ces 11 titres qui marquent le début d’une carrière assez oufissime : 9 excellents albums au compteur, 11 si on ajoute les 2 en collaboration avec John Parish, 13 si on ajoute les 4-track Demos (1993, du 2e album Rid of me) et les Peel Sessions 1991-2004, 14 si on ajoute encore All about Eve, BO de l’adaptation scénique en 2019 du film éponyme de Mankiewicz sorti en 1950. Dry ouvre donc cette riche discographie avec 41 minutes d’un rock sec, tendu, vénéneux, sans aucune concession et malgré tout riche d’une énergie maboule.
  2. Ouverture des hostilités avec Oh my lover, sorte de lamentation rock désespérée qui pourrait donner envie de ne pas aller plus loin. C’est torturé et d’une noirceur impénétrable, mais c’est porté par une basse sonore bien mise en avant, des riffs de guitare rageux, et une batterie qui sait raconter les choses. Et surtout, c’est emmené par la voix de PJ Harvey qui, en un seul et premier titre, expose le matos : voilà, je sais monter dans les aigus, je sais rester dans les graves en allant y chercher le petit grain râpeux quant il faut. Et cette voix, j’en fais un peu ce que je veux, en jouant avec les lignes mélodiques. C’est brillant, ça dure 3 minutes 57 et c’est le premier titre en écoute ci-dessous.
  3. Au milieu de la virée Dry, nous tombe dessus le 6e titre Sheela-Na-Gig. On a déjà pris bien cher tellement l’énergie rock des cinq premiers morceaux nous a éprouvés mais hypnotisés. Et voilà que PJ Harvey lâche un titre d’apparence plus pop dans sa construction : petit intro, couplets, refrain. Titre qui n’est pop que dans sa construction, et encore. Une putain de déferlante rockeuse oui : ça tabasse à la rythmique, ça riffe à la six cordes et, encore, la voix de PJ Harvey, dont on pensait avoir tout découvert en 5 titres. Erreur fatale ! Les choses ne font que commencer, dans cet album comme pour les années à venir. Sheela-Na-Gig est le 2e titre à écouter.
  4. On reprend à peine son souffle avec Plants and Rags, rythmiquement parlant, parce que côté ambiance du morceau c’est loin d’être la joie et la sérénité, comme viendra le confirmer le violon torturé qui accompagne la fin du morceau. Et juste derrière, Foutain aurait pu être le titre de fin. Il ressemble à une fin d’album. Mais non : PJ Harvey choisit de nous achever avec Water, démentielle conclusion d’un album de folie et 3e morceau en écoute. Et de l’eau, on en a besoin après cette traversée aride d’une contrée rock inconnue, terriblement novatrice et hyper bandante. En plus, c’est drôle de finir par Water un album qui s’appelle Dry.
  5. Combien de fois j’ai écouté cet album ? Aucune idée, mais j’y reviens régulièrement depuis sa sortie. Peut-être le PJ Harvey que j’écoute le plus. Et aussi un des rares albums parfaits à mes yeux : pas une seconde à jeter. Un album à retrouver très prochainement en réédition vinyle. Oui, c’est l’annonce musicale du mois (easy) : toute la discographie de PJ Harvey rééditée en vinyles dans les 12 prochains mois. Les originaux étant introuvables, ou à des prix insaisissables, voilà une occasion rêvée pour (re)découvrir cette exceptionnelle musicos. Mais ce n’est pas tout : chaque album sera accompagné d’un second contenant les démos de chaque titre. Une sorte de galette miroir qui donne la fringale. Surtout lorsqu’on découvre la démo de Sheela-Na-Gig (4e titre à écouter), voix/guitare folk, qui donne à la fois une nouvelle couleur et une autre énergie à ce morceau. Et cette voix putain !

Autant dire que tout ça est attendu de pied ferme : Dry et son Dry – Demos sont annoncés pour le 24 juillet, Rid of Me et son 4-Track Demos pour le 21 août. Et tous quatre en précommande à ce jour. C’est de la bonne came, c’est du lourd, c’est du rock. C’est la vie. Foncez.

 

 

 

Raf Against The Machine

 

Ciné – Musique n°4 : Peaky Blinders – The Official Soundtrack (2019)

81tQd0EHs9L._SS500_Cette fois-ci, c’est bon : alors que la semaine dernière j’avais attendu désespérément mon disque, je l’ai désormais en mains et en oreilles, et peux donc vous en parler ! Vous parler de quoi exactement ?

D’un côté, Peaky Blinders la série TV. Apparue en 2013 et créée par Steven Knight, cette audacieuse série est visible dans nos contrées sur ARTE (et aussi sur Netflix pour les plus dépensiers). Avec au compteur 5 saisons de 6 épisodes chacun, voilà de quoi plonger dans le Birmingham de 1919, et des années qui suivent. Au menu : les aventures et magouilles en tout genre de Thomas Shelby, dangereux et magnétique chef du gang familial des Peaky Blinders, brillamment interprété par Cillian Murphy.

Alors oui, on est en plein monde télé, alors que j’annonce un Ciné-Musique. Arnaque ? Mensonge ? Non, parce que Peaky Blinders pourrait bien être une suite de 5 films de 6 heures chacun, ou bien encore un très long métrage de 30 heures. La série est ambitieuse, brillamment tournée, magnifiquement interprétée. Chaque plan et chaque scène sont cinématographiques. Du niveau d’un Gangs of New York, Peaky Blinders brouille les frontières et nous embarque sur le petit écran là où bien des films ont du mal à nous traîner.

De l’autre côté, Peaky Blinders la BO. L’autre moyen très malin pour la série de brouiller les pistes. Où comment claquer régulièrement des morceaux hors du temps, en tout cas hors du temps contemporain des événements narrés. Autrement dit, Peaky Blinders ne s’illustre pas musicalement par des morceaux début 20e siècle, mais en allant piocher dans le répertoire blues-rock des années 90 à aujourd’hui. C’est extrêmement malin : la série et ses personnages sont rock à souhait, avec parfois une noirceur vénéneuse qui confine à une sensualité moite qu’on ne ressent que dans les bons concerts qui font bander la vie.

Cette BO de rêve dure depuis 5 saisons donc, et il est désormais possible d’en retrouver un large éventail avec la sortie de Peaky Blinders – The Official Soundtrack, à la fois en double CD et triple LP. A notre que la version vinyle part très vite chez tous les bons disquaires, et qu’il ne vous faut pas tarder si l’objet vous tente. Objet de fort belle facture d’ailleurs, avec une pochette gatefold au graphisme magnifique, emplie de 3 galettes bourrées d’excellents sons. Trois catégories : des extraits de dialogues (façon BO de Tarantino) entre les morceaux, des compositions tirées du score original et pléthore de morceaux rock qui apportent leur pierre à l’édifice.

Tout ce qu’on aime y passe : je ne reviendrai pas sur le Red Right Hand de Nick Cave qui ouvre chaque épisode, et dont j’avais dit un mot voici quelques semaines (à relire d’un clic ici). Outre Nick Cave, on retiendra du PJ Harvey avec notamment son To bring you my love d’outre-tombe, Radiohead et Pyramid Song, Dan Auerbach avec The Prowl ou encore Joy Division et le renversant Atmosphere. Bien sûr il y a un tas d’autres choses à écouter, et si ce premier aperçu ne vous suffit pas, dites-vous qu’il y a aussi du Anna Calvi, du Queens of the Stone Age, du Black Sabbath, du Black Rebel Motorcycle ou du Idles.

J’avoue que ce gros disque tourne beaucoup en ce moment. Autant Peaky Blinders a été un fucking great moment of TV pour moi, autant cette BO est jouissive à souhait et possède cette faculté des grandes BO de vous ramener directement dans le film rien qu’en l’écoutant. Voilà donc une Official Soundtrack explosive, au moins autant qu’un Thomas Shelby à qui on aurait fait un coup pourri. Voilà une bande son que je trouve tout aussi efficace que celles de Tarantino, pour ce qu’elle colle à la peau de la pellicule qu’elle accompagne. Avec en plus un anachronisme qui, loin d’être un gadget attirant qui retombe comme un soufflé, se révèle être une trouvaille diablement efficace pour soutenir un propos entêtant et venimeux.

Ultime pirouette et argument définitif : la BO s’ouvre sur le Red Right Hand de Nick Cave, pour se clore sur une fiévreuse et désabusée reprise de Ballad of a thin man (initialement écrite et interprétée par Bob Dylan) par Richard Hawley. D’un titre à l’autre, de Dylan à Cave, il n’y a qu’un pas, tant  l’un pourrait piquer des choses à l’autre, et réciproquement. Une façon de boucler la boucle, pour un univers et une série pas tout à fait achevés : deux saisons restent à venir, pour emmener nos yeux et nos oreilles jusqu’en 1939. D’ici là, jetez vous sur les cinq premières saisons (si ce n’est déjà fait), et, évidemment, listen to this fucking record, by order of the Peaky fucking Blinders 🤘 !

Raf Against The Machine