Tout juste 50 ans après la sortie de The Dark Side of the Moon de Pink Floyd, est tombé dans les bacs hier vendredi 24 mars 2023 une pépite que l’on désespérait de voir arriver un jour. The Dark Side of the Moon – Live at Wembley Empire Pool, London, 1974 (que nous appellerons Live at Wembley par commodité pour cette chronique) est disponible en CD et vinyle. Inclus dans le méga et hors de prix coffret commémoratif de The Dark Side of the Moon, Live at Wembley est également accessible séparément, pour une quinzaine d’euros en CD et à peine vingt euros en vinyle. Alors que l’on connait déjà par cœur The Dark Side of the Moon et qu’on nous ressort un live vieux de 49 ans, faut-il lâcher ses piécettes dans cette galette ? Assurément oui, et même cinq fois oui. Cinq fois exposées immédiatement et sans tarder.
The Dark Side of the Moon est le meilleur album de Pink Floyd. Le groupe possède à son actif bien d’autres merveilles, mais pas à l’échelle d’un album complet. A saucerful of secrets (1968), Atom heart mother (1970), Echoes (1971) ou encore Shine on you crazy diamond (1975) sont des pépites totales, mais qui ne font pas toujours corps avec le reste de l’album. On pourrait se tourner vers Animals (1977) qui présente une véritable unité, sans pourtant atteindre le niveau de richesse sonore et d’inventivité de The Dark Side of the Moon. Quant à The Wall (1979), c’est évidemment un chef-d’œuvre, mais est-ce vraiment un album de Pink Floyd ? Avec un Roger Waters omniprésent et omnipotent, mais aussi en comptant l’absence de Rick Wright et de ses claviers, il faut se rendre à l’évidence. The Dark Side of the Moon est bien l’album masterpiece de la discographie de Pink Floyd. Et ce Live at Wembley est une excellente occasion d’y replonger.
D’y replonger, et de mesurer la maîtrise musicale du quatuor. Enregistré à Londres les 15 et 16 novembre 1974, Live at Wembley est un témoignage édifiant. Nous sommes un an et demi après la sortie de l’album studio. Pink Floyd possède sa création de bout en bout, et comme jamais. D’autant que The Dark Side of the Moon a déjà été testé et rodé avant sa sortie, lors de divers concerts en 1972 aujourd’hui disponibles en ligne sur toutes les bonnes plateformes de streaming. Ces deux soirs à Wembley sont une forme d’aboutissement. Non seulement The Dark Side of the Moon est à maturité, mais également son interprétation par Pink Floyd. Ecouter ce Live at Wembley, c’est redécouvrir The Dark Side of the Moon live avec de subtiles différences, mais une énergie intacte et assez folle.
Ce Live at Wembley permet également de mettre un point final à un faux débat : Pink Floyd est-il un groupe de studio ou de scène ? Compte-tenu des enregistrements studios, créatifs et tirés au cordeau comme on ne l’imaginerait même plus aujourd’hui (à part peut-être chez Radiohead ou Archive), on est en droit de se dire que sur scène, le groupe perd nécessairement la production et le mixage affinés. Pourtant, toutes celles et ceux qui ont vu, ou ne serait-ce qu’écouté, Pink Floyd sur scène savent que le groupe dégage une puissance live dont bien d’autres artistes pourraient s’inspirer. Live at Wembley met fin à toute interrogation. Pink Floyd livre une interprétation hors sol et hors du temps de The Dark Side of the Moon. Tout est en place. Les quatre musiciens jouent comme un seul et déroulent une somme d’émotions assez dingue.
Ce plaisir musical est renforcé par la qualité de la captation. Là où les lives de 1972 précédemment évoqués et le matériel du coffret The Early Years (sorti en 2016) étaient parfois un peu brouillons, Live at Wembley offre une propreté d’enregistrement live tout bonnement ahurissante. De la première à la dernière seconde, le son Pink Floyd nous explose à la tronche. Pas un défaut sonore ne vient entacher ce live, qui se double d’un mixage lui aussi ahurissant. N’allons pas jusqu’à dire qu’il est meilleur qu’en studio. Il est légèrement différent, et a l’avantage de faire ressortir encore plus les voix, les collages sonores, les claviers de Rick Wright, la batterie de Nick Mason, la guitare de David Gilmour, mais aussi et surtout la basse de Roger Waters. Dans l’intro de Money bien sûr, mais plus encore sur tout l’album. Comme si, avec ce mixage, Pink Floyd envoyait un message caché à son membre fondateur désormais écarté. Comme pour lui dire « Tout est pardonné, tu as bien ton entière place à nos côtés dans le groupe ».
Il faut enfin s’arrêter sur l’objet en lui-même. Disponible donc dans un coffret hors de prix dont je ne dirai rien du contenu (ne l’ayant pas eu entre les mains), mais aussi à l’unité, Live at Wembley est un bien bel objet pour tout collectionneur. Le vinyle s’offre une pochette gatefold de grande qualité, et contient les textes des chansons imprimés à l’intérieur, plus deux posters eux aussi de toute beauté signés Ian Emes et Gerald Scarfe (celui-là même qui œuvrera graphiquement sur The Wall). Ainsi que le disque vinyle bien sûr. Je ne parle que du 33 tours : offrez vous cette édition plutôt que le CD si vous pouvez vous le permettre. Vous profiterez ainsi d’un enregistrement de très haute tenue, mais aussi d’une grande pochette conçue à partir d’illustrations dessinées en 1973 par George Hardie. En bref, un objet qualitatif sur tous les plans.
Live at Wembley de Pink Floyd est un incontournable. Pour les fans du groupe, il est indispensable en tant que témoignage musical, pièce de collection et moyen supplémentaire de replonger dans le génie de The Dark Side of the Moon. Pour les amateurs de musique et historiens, il est un témoignage essentiel de ce que fut Pink Floyd et de ce qui se créait au cœur des années 1970. Pour les collectionneurs, il est une captation longtemps souhaitée, et aujourd’hui disponible pour une somme tout à fait correcte. En un mot comme en cent : foncez.
Il est grand temps d’écrire ma chronique hebdomadaire, et si vous en avez lu le titre, vous voyez déjà la pirouette que je vais faire. Il est grand temps… et hop un titre avec le mot temps dedans, en anglais pour faire un peu stylé. It’s time ! Retour 50 ans en arrière, avec un ultra classique comme on n’en fait plus. Tout a déjà été dit et écrit sur Dark Side of the Moon de Pink Floyd. Paru le 1er mars 1973 aux Etats-Unis et le 23 mars 1973 (on reviendra sur cette date) au Royaume-Uni, ce huitième album studio est la concrétisation du son Pink Floyd en gestation depuis la galette studio de Ummagumma (1969), puis Atom Heart Mother sur l’album éponyme en 1970 et Echoes sur Meddle en 1971. Un rock progressif qui expérimente les sonorités, une production studio léchée et tirée au cordeau avec notamment un mixage quadriphonique, un concept sonore qui conduit à l’évasion totale. Les 43 minutes et 10 titres de l’album forment comme un seul et même morceau qui déroulerait ses différents mouvements. Figurant dans le top 25 des albums les plus vendus de tous les temps, Dark Side of the Moon est resté 736 semaines dans le classement des albums du Billboard, de 1973 à 1988. On pourrait aligner les chiffres à l’envi, le constat est bel et bien là. Au-delà des ventes, des chiffres de production, Pink Floyd publie en 1973 un album majeur de l’histoire de la musique, dont le succès et les qualités ne se sont jamais démentis depuis.
Difficile de scinder Dark Side of the Moon en titres séparés, tant l’unité et la cohérence musicales sont évidentes. On peut toutefois s’arrêter sur une composition plutôt qu’une autre, comme on préfèrerait dans les Quatre saisons de Vivaldi le Printemps à l’Eté, ou l’ouverture des Noces de Figaro chez Mozart au reste de l’œuvre. En quatrième position de Dark Side of the Moon se trouve Time. Le morceau s’ouvre sur de multiples sonneries d’horloge avant de dérouler une longue intro de près de 2 minutes 30. C’est ensuite un titre assez classiquement pop-rock qui s’installe, pour s’amenuiser petit à petit et nous amener vers le formidable The Great Gig in the Sky qui conclut la face A. Ceux qui connaissent l’album savent que les 5 titres de la face B seront encore plus impressionnants. Il n’y a rien à jeter dans Dark Side of the Moon. Pas une seconde de trop, pas un son inutile ou raté. Même si j’ai une infinie passion pour Animals (1977), je reconnais en Dark Side of the Moon un chef-d’œuvre qui me fascine à chaque fois. Ne serait-ce que pour Time, apparemment un anodin titre rock qui prend toute sa mesure au cœur de cet album de légende.
Album tellement légendaire que, à l’occasion de ses 50 ans, il ressort dans une édition Deluxe le 24 mars prochain (je vous avais dit qu’on reparlerait du presque 23 mars). Une réédition dantesque, une version remasterisée (une fois de plus) agrémentée de nombreux goodies collector et de moult supports. Vinyles, CD, DVD, blu-ray, tout y est pour (re)découvrir Dark Side of the Moon sous toutes ses formes et sous tous les angles. Merci Pink Floyd, et merci aussi le capitalisme : si le contenu du coffret est dantesque, son prix aussi. A 250 € la bête, même les plus passionnés y réfléchiront à deux fois.
En revanche, sort séparément (tout en étant inclus dans le coffret) le Live at Wembley Empire Pool enregistré en novembre 1974. Il ne s’agit pas du concert intégral donnant à entendre Echoes en live, ainsi que des pré-versions de Shine on your crazy diamond, Sheep et Dogs, mais du bloc Dark Side of the Moon. Entendez par là que, pour la première fois en vinyle et CD, on va pouvoir écouter la prestation intégrale de Pink Floyd ces soirs-là jouant Dark Side of the Moon en live, de la première à la dernière note. Sensiblement ce que le groupe proposera en 1995 sur son live Pulse, à deux différences notables. D’une part, sur cette tournée, Dark Side of the Moon est joué live, mais pas forcément dans son intégralité selon les soirs. D’autre part, l’enregistrement de 1974 permettra de retrouver le Pink Floyd quasi originel (car point de Syd Barrett), avec Roger Waters dans ses rangs. Ce Live at Wembley Empire Pool sera, lui aussi, disponible le 24 mars prochain, pour un prix autrement plus abordable. Il est fort possible que nous en reparlions bientôt pour décortiquer l’intérêt et la qualité de l’objet.
Pour le moment, il est grand temps de laisser place à la musique. Time et, en bonus, The Great Gig in the Sky qui lui fait suite directement sur l’album.
Après presque deux semaines d’absence, retour aux affaires en ce dimanche automnal avec un vrai bon son, qui plus est inattendu. The universe is IDK offre en 7 titres une excellente dose de ce que le rock britannique a offert de meilleur depuis qu’il existe. Ni plus, ni moins. Aux commandes de cet EP de haute volée, Dave Pen. Si le nom ne vous dit rien de prime abord, sachez que le garçon est une des voix d’Archive (ça faisait longtemps que je n’en avais pas parlé !), mais aussi un des membres fondateurs de BirdPen. En plus d’être un chanteur et musicien de grande talent, Dave Pen est aussi un grand sportif en run/trail. Une discipline sportive qu’il écume au gré des courses les plus folles, comme par exemple fin août l’UTMB (Ultra Trail Mont Blanc) : 170 kilomètres, du dénivelé et des passages en altitude au-dessus de 2 500 mètres. Je m’égare, ou si peu. Retenons que Dave Pen compile les talents, auxquels on peut ajouter son compte Instagram truffé de photos souvent géniales. Tout ceci est enrobé d’une grande discrétion et d’une humilité qui force le respect.
C’est dans cette grande discrétion que Dave Pen a composé tranquillement à la maison les 7 titres de The universe is IDK. En une demi-heure à peine, vous allez croiser de multiples clins d’œil à quelques grands noms, comme autant d’influences avouées. Negative ouvre l’EP et ses guitares aériennes évoquent assez vite The Smiths. Avec toutefois une voix qui fait penser à un certain David Bowie. Une touche Bowie encore plus évidente sur DIY SOS, croisée avec un soupçon d’Iggy Pop période Lust for life, et une pincée de Bryan Ferry. Tomorrow in light constitue la première pause tranquille après trois titres plutôt tendus et nerveux. Ce morceau permet à Dave Pen de développer son incroyable voix, en rappelant The empty bottle d’Archive dans la démonstration vocale. Humminbird est peut-être le titre le plus inquiétant, en croisant une trame musicale entre les Lou Reed les plus sombres et les Bowie les plus synthés/machines. Une fois encore, la voix de Dave Pen contraste l’ensemble avec une lumière et une puissance imparables. Standing wave est une parenthèse instrumentale de toute beauté, avant l’étonnant dernier titre. I’ll never know est un acoustique de la plus belle épure, qui vient réveiller chez nous le souvenir musical de l’excellent Animals de Pink Floyd. Avec en prime la voix de Dave Pen qui s’approche étonnamment de celle de Roger Waters.
Au vu de ces multiples et célèbres noms, je vous vois déjà vous interroger : qu’est-ce qui rend The universe is IDK intéressant, et le monsieur ne fait-il que piocher dans l’existant ? Non, Dave Pen ne pique pas d’idées chez les autres. Il leur rend hommage et nous en envoie autant de clins d’œil complices pour mieux partager ses créations. Des créations qui s’inscrivent au-delà des hommages, dans un ensemble très personnel et assez inimitable. De bout en bout, cet EP est fascinant dans les ambiances qu’il déroule, et dans la synthèse musicale qu’il propose. Dave Pen a sans doute écouté bien des artistes au fil des ans, en a absorbé ce qui lui parlait et a digéré le tout. Il en résulte aujourd’hui 7 morceaux tous plus hypnotiques les uns que les autres, liés par une identité musicale faite d’introspection et de lumières. Oui, il y a de l’énergie dans The universe is IDK.
Il y a aussi l’affirmation d’un grand artiste humble, jusque dans le titre du EP. The universe is IDK peut se traduire littéralement par « L’univers est Je ne sais pas », soit une énième variation du « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » de Socrate, ou encore du « La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute » de Desproges. Sans doute la meilleure façon d’aborder l’existence, loin de toute certitude, afin d’être ouvert au champ des possibles et à la recherche de la meilleure version de soi-même. The universe is IDK est, dans tous les cas, la meilleure façon d’aborder les jours actuels, et les suivants. Le EP est disponible uniquement sur Bandcamp en version numérique, pour une malheureuse poignée d’euros (moins de 10 pour tout vous dire). Ne passez pas à coté de ces 7 petites merveilles musicales. Il y a encore quelques jours, le podium des trois albums de 2022 était tout calé. L’arrivée de The universe is IDK vient bousculer l’ordre établi, pour mon plus grand plaisir. Vous êtes encore là ? Foncez donc écouter la dernière merveille de Dave Pen !
Chose promise… voici deux semaines, en toute fin de la review de Call to Arms & Angels, nouvel album d’Archive, nous évoquions une galette bonus : la soundtrack de Super8: A Call to Arms & Angels, le documentaire/making of qui accompagne la sortie de ce douzième opus studio. Evoquions seulement, car nous n’avions pas eu la possibilité de l’écouter pour en parler. Disponible uniquement dans les éditions Deluxe de Call to Arms & Angels* (soit en triple CD, soit en coffret quadruple LP/ triple CD), cette BO est désormais arrivée à la maison. Dix titres supplémentaires pour enrichir l’album, ou le précéder. Peu importe le sens, cette dizaine de morceaux vient s’ajouter au déjà gargantuesque album de dix-sept compositions, pour former, plus que jamais, un disque majeur chez Archive tout autant que pour la musique en général. Pas convaincus ? Petit tout d’horizon en cinq bonnes raisons de replonger.
1. Super8: A Call to Arms & Angels est, selon vos goûts et votre humeur, la galette qui introduira ou complètera Call to Arms & Angels. Excellente introduction, car les dix titres nous plongent d’entrée de jeu dans l’ambiance que l’album développera plus tard. Ecrit, composé, enregistré sous ère Covid et début de sortie de Covid, Call to Arms & Angels dessine un monde déboussolé, destabilisé, mais en vie même s’il est à jamais modifié. La BO du documentaire installe déjà cette ambiance intrigante, voire inquiétante. Il suffit d’écouter Night People pour s’en convaincre, avec son intro à la Pink Floyd des périodes A saucerful of secrets et Ummagumma. Sans compter Throwing stars, titre de conclusion construit comme un patchwork de ce qui nous attend, en sautant d’un éclat de titre à un autre. Le teaser parfait en somme.
2. Super8: A Call to Arms & Angels pourra tout aussi bien compléter son album jumeau. Une fois Call to Arms & Angels parcouru, vous brûlerez d’envie de connaître l’arrière-cuisine de ce chef-d’œuvre, et de passer un moment avec Darius Keeler et ses compères. Pour comprendre leur travail. Pour comprendre les conditions de ce douzième opus. Pour cela, rien de mieux que le documentaire Super8: A Call to Arms & Angels. Malheureusement pas encore disponible en streaming ou à la vente (mais le groupe confie qu’ils y travaillent)**, nous sommes un certain nombre à l’avoir vu malgré tout. Par exemple, le 2 avril dernier en ligne, lors de la géniale soirée de lancement/présentation de l’album, ou encore le 11 mai dernier lors d’une projection/showcase organisée à Paris par le disquaire Ground Control. Le documentaire est passionnant, fortement soutenu par sa BO. Une BO dont on parle aujourd’hui et qui image on ne peut plus efficacement les deux années écoulées et matricielles de Call to Arms & Angels.
3. Super8 : A Call to Arms & Angels vaut aussi pour son parti pris exclusivement instrumental (ou quasi). A l’exception de quelques voix très ponctuelles dans Fall outside, Is this me ou encore Throwing stars, le groupe n’a bossé que sur des pistes instrumentales. Un choix qui permet de mesurer pleinement le potentiel d’Archive à composer des titres et sons complètement dingues. Créer de telles ambiances totalement saisissantes, enveloppantes, pénétrantes, uniquement sur la base d’instruments, n’est pas donné à tout le monde. Call to Arms & Angels fait la part belle au travail sur les voix comme aux compositions. Ici, tout repose sur les synthés, les rythmiques, les guitares. Comme pour nous rappeler aussi que, jadis, Archive composa une efficace BO : celle du film Michel Vaillant (2003). Si le long métrage est dispensable, voire oubliable, la BO de très haute volée envoie le bouzin (#commediraitSylphe). Archive, un vrai groupe complet de musiciens et de chanteurs/chanteuses qui sait tout faire.
4. Loin de moi l’idée de pousser à l’achat, mais Call to Arms & Angels sans ce disque supplémentaire Super8: A Call to Arms & Angels n’est pas vraiment complet. Les deux se répondent et sonnent en miroir. Me vient la même remarque que lors de la chronique de l’édition Deluxe de Est-ce que tu sais ?, dernier album de Gaëtan Roussel. Une fois l’album de base écouté, on se demande ce que l’on pourrait bien ajouter. Une fois la galette bonus dévorée, on se demande comment on a pu faire sans ces titres supplémentaires. Idem pour Radiohead et son KID A/MNESIA sorti l’an dernier. L’œuvre n’est complète que lorsqu’on peut l’apprécier dans son entièreté. Un ensemble qui, dans le cas de Call to Arms & Angels, pourrait bien se compléter d’un Rarities, qu’on rêve déjà de trouver en merchandising sur la tournée à l’automne : Darius Keeler a confié le 7 mai dernier sur Instagram, lors d’un jeu de questions réponses avec les fans, qu’existent encore dix à quinze titres composés mais non intégrés à l’album.
5. Une cinquième raison est-elle bien nécessaire (#astucedugarsquimanqued’idéepourfinir) ? Oui (#jenemanquepasd’idéefinalement) : soundtrack qui accompagne le documentaire éponyme, Super8: A Call to Arms & Angels se paie le luxe d’être écoutable en toute indépendance. Lecteurs habitués de Five-Minutes, vous connaissez ma position sur les BO : lorsque ces dernières existent à part entière, comme un album total et indépendant, c’est qu’on tient là de la pépite high level. Et c’est ici le cas. Procurez-vous d’urgence Call to Arms & Angels en Deluxe, et vous aurez sous la main à la fois un des plus grands albums de tous les temps, mais aussi une BO fascinante à écouter jusqu’à plus soif. Vous avez déjà acheté l’album en version simple ? Rachetez-le. Franchement, deux exemplaires d’un chef-d’œuvre, ça se défend. Et si vous arrivez à mettre la main sur le coffret Deluxe vinyle, vous y gagnerez en plus un objet de fort belle facture, limité à 1 100 exemplaires monde (du moins si j’en crois la numérotation du mien). Fan d’Archive, collectionneur de vinyles ou simple amateur de beaux objets musicaux, vous ne pouvez pas passer à côté.
Vous l’aurez compris : depuis que j’ai découvert la version Deluxe de Call to Arms & Angels, incluant la soundtrack du documentaire Super8: A Call to Arms & Angels, impossible de voir dans cette édition autre chose que la forme ultime et supérieure de ce qui trône déjà comme le disque de l’année 2022. Forme ultime certes, mais forme définitive ? Rien n’est moins sûr. Si un volume d’inédits pointe le bout de son nez, il y a fort à parier que le bon iencli que je suis se fera avoir. Mais, se faire avoir avec des sons pareils, c’est du plaisir quotidien ultra-jouissif.
*Edit du 27/05/2022 : Depuis aujourd’hui, Super8: A Call to Arms & Angels est également disponible en streaming à l’écoute sur toutes les bonnes plateformes. Soit à l’achat en Deluxe, soit à l’écoute en streaming, vous n’avez plus aucune excuse pour passer à côté 🙂
**Edit du 28/05/2022 : C’est au tour du film Super8: A Call to Arms & Angels d’être disponible ! Le documentaire est visible en streaming sur Youtube, et ça se passe en suivant ce lien https://youtu.be/XZ_2kQ8me9o
Déjà une semaine qu’il est sorti, et huit journées d’écoutes en boucle : Call to Arms & Angels, douzième album studio canonique d’Archive, est enfin disponible après une longue année d’attente et de communication ultra maîtrisée. Album canonique, car depuis 2016 et The False Foundation, rien à se mettre sous la dent, malgré le coffret et la tournée 25, ou encore Rarities et Versions. Vous me direz que ça fait tout de même de quoi faire. Certes. Je vous rétorquerai qu’après le triple tir Axiom (2014), Restriction (2015) et donc The False Foundation, le collectif britannique Archive avait vogué vers son quart de siècle d’existence en alternant tournée anniversaire et revisites de leur répertoire. En somme, du toujours très qualitatif, mais rien de très innovant. Au cœur du printemps 2021, le groupe commence à teaser sur un nouvel album, nom de travail #archive12. Par une savante distillation d’indices, notamment sur internet et les réseaux sociaux, Archive a su faire monter l’attente comme jamais. Le résultat est-il à la hauteur ? Que vaut ce Call to Arms & Angels ? Parcourons ensemble les 17 titres de ce triple vinyle/double CD, pour comprendre en quoi on tient là, très possiblement, le disque de l’année 2022 et sans doute un des meilleurs opus du groupe, mais aussi un album majeur pour la musique.
Call to Arms & Angels est le fruit d’un long travail débuté fin 2019, juste après la conclusion de la tournée 25. Archive s’apprête alors à replonger en mode écriture/création. Sauf que, quelques semaines plus tard, une inattendue pandémie fait son apparition, et provoque confinement et isolement de chacun. Les membres du groupe n’y échappent pas. Suivent deux années pourries (disons les choses clairement) pendant lesquelles Darius Keeler et sa bande vont littéralement bouillonner d’idées et de créativité. Comme si le COVID, dans son empêchement à être ensemble, avait par ailleurs décuplé le potentiel de chacun. Call to Arms & Angels est un album sombre et profondément covidesque, à la fois dans ce qu’il raconte, mais aussi comme un témoignage de ce que furent nos vies et la créativité artistique pendant ces deux longues années.
L’album du retour et des retrouvailles
Comme un clin d’œil, les premières secondes de l’album laissent entendre une tonalité d’appel visio, qui perdurera en fond durant tout le premier titre. Ces fameux appels visios qui, pendant des mois, ont symbolisé à la fois notre isolement, et la possibilité de rester en contact. C’est à cela que nous invite Archive : se retrouver. Avec un premier titre, Surrounded by ghosts (Entouré de fantômes), qui permet de faire connaissance sans attendre avec Lisa Mottram, la nouvelle et renversante recrue voix du groupe. C’est bien ce qu’on a tous vécu : des semaines à être entourés de personnes fantomatiques qui nous ont manqué, mais aussi des journées et des journées à voir partir, par centaines, des êtres humains vers le monde des fantômes. Un titre faussement paisible, puisque si le son est aérien et posé, le propos est sec et violent. Peut-être est-ce pour ça que la transition vers Mr. Daisy se fait si naturellement. Voilà un deuxième morceau rock et tendu, guitares en avant pour porter la voix, toujours incroyable, de Pollard Berrier. Ce même Pollard qui enchaîne avec Fear there and everywhere, dont nous avions déjà parlé par ici lors de sa sortie en single. La plongée dans le mauvais rêve se poursuit, et ce n’est pas Numbers qui nous fera mentir. De deux titres très rock, on passe à un autre plus speed, bien plus électro aussi, dans la droite ligne de ce que l’on a pu trouver sur Restriction et The False Foundation. En seulement quatre morceaux, Archive a déjà balayé quatre styles et mis tout le monde d’accord. La puissance de ces premières minutes dévastatrices nous remémore le cauchemar covidesque dont on peine à sortir encore aujourd’hui.
C’est Holly Martin qui apporte le baume nécessaire avec Shouting within (précédemment chroniqué par ici), comme une première bulle respiratoire. Une simple illusion, pour un titre de nouveau faussement apaisé, qui relate en réalité les hurlements intérieurs d’un esprit troublé. Qui n’a pas ressenti ça un jour ? Qui n’a pas hurlé intérieurement d’ennui, de peur, de colère, pendant son confinement ? Shouting within raconte ces moments. Avant de passer la main à une première pièce maîtresse de l’album, Daytime coma. Premier extrait rendu public et déjà chroniqué ici également, il permet à Archive de renouer avec des morceaux longs, alambiqués et construits sur de multiples variations. Ce coma diurne a été inspiré à Dave Pen par ses sorties dans la ville déserte, les gens aux fenêtres, fantômes dans la cité éteinte. Un monde post-apocalyptique qui ne dit pas son nom, mais qui nourrit les quatre mouvements de ce quart d’heure torturé, éprouvant, mais hypnotique et magistral.
Vient ensuite Head heavy (Tête lourde), parfait prolongement de Daytime coma. Un titre très Pink Floyd qui rappellera par exemple un Shine on you crazy diamond, avec des nappes de synthés très travaillées et empilées soigneusement pour accueillir la voix de Maria Q. A ce stade de l’album, j’étais déjà conquis, mais c’était sans compter sur Enemy, autre pièce maîtresse du disque, et probablement son climax. Le titre est divisé en deux, pour une sorte de longue intro de quatre minutes où se superposent piano et violon mélancoliques, corne de brume en guise d’alerte, nappes de synthés aériennes, et la voix de Pollard qui inlassablement répète un « Come on enemy I see you / Come on enemy I feel you ». Et la menace, sournoise et omniprésente, qui monte. Pour se densifier et se violenter à mi-chemin, par une entrée de la section rythmique, amenée par des sons de plus en plus distordus, et des voix inquiétantes. La seconde partie est une folie absolue de tensions, faite d’innombrables superpositions sonores et d’un jeu vocal sur « Come on enemy / Come on into me ». A l’image de Bullets (sur Controlling crowds en 2009) où se mélangeaient « Personal responsability / insanity ». La bataille a eu lieu, on en sort épuisé et exsangue en y ayant laissé beaucoup d’énergie, mais aussi en transe de tant de créativité. Métaphore d’Archive traversant la pandémie.
Comme un nouveau répit, Every single day se pare d’arrangements pop-rock entre Lennon et Bowie, avant de replonger dans Freedom, un nouveau titre à l’improbable construction. D’abord un long couplet quasi hip-hop et scandé, qui nous rappelle que jadis Rosko John officia dans Archive. Avant un refrain qui rappelle le Free as a bird de Lennon, tout en se mélangeant avec des nappes de synthés et collages sonores en tout genre. Mais la vraie audace arrive au bout de quatre minutes, lorsque Archive colle une deuxième chanson dans la chanson, en mode piano-voix. Un mouvement musical d’une beauté transperçante, à peine ponctué de quelques notes de synthés complémentaires. Peut-être pour nous préparer à All that I have, un autre six minutes voix-piano-programmations d’un intimisme bouleversant, parfois aggravé de quelques sombres nappes. La palette de l’album s’élargit encore. Il pourrait presque s’arrêter là tant on est déjà comblés. Sauf que, chers Five-minuteurs, il reste six titres, et pas des moindres.
Un album profondément humain
Frying paint reprend la main de l’électro, avec là encore une construction audacieuse. Longue intro faite de collages sonores avant l’arrivée du chant de Pollard pour un titre bluesy dans ses couplets, et plus pop dans le refrain. Un titre furieusement groovy, avant de se laisser totalement hypnotiser par We are the same, dernier extrait publié voici quelques semaines. Qui sommes-nous après cette expérience de pandémie ? Qui avons-nous été pendant ? Sommes-nous si différents les uns des autres dans les temps sombres ? Magistrale chanson sur la différence et nos similitudes, sur ce qui fonde notre communauté humaine et nos aspirations, au-delà de nos peurs les plus viscérales. Et finalement, à la sortie de tout ce grand bazar, nous voilà vivants. Alive, comme un chœur de ressuscités ou jamais vraiment disparus. A moins que ce ne soit les Archive qui nous fassent entendre, voix unies, leur existence au-delà de tous les empêchements rencontrés. Oui, le groupe est bel et bien en vie, et Everything’s alright : encore un titre d’accalmie sonore autour de Pollard et de boucles vocales. On monte haut, très haut, on prend de la distance, là où, enfin, tout va bien. Disons mieux. Et, une fois encore, l’album pourrait s’arrêter là.
Pourtant, il lui reste deux temps majeurs à nous livrer. The Crown expose plus de huit minutes d’explorations électros et de samples. « Can you hear me now ? / Can you see me now ?”, comme si Archive avait besoin de nous crier que ce putain de bijou d’album est enfin sorti. Avant de nous laisser sur Gold, une dernière pépite (ok, elle était facile). De nouveau construit autour de collages, le morceau évolue lentement vers une sorte de Dark Side of The Moon, et surtout vers une émotion créative à fleur de peau, portée par les voix de Dave Pen et Maria Q. Une fois encore, près de huit minutes pour dérouler seconde après seconde, l’inattendu. Et pour quatre dernières minutes denses, aériennes, envoûtantes, construites sur une interminable boucle d’arpèges qui semblent ne jamais vouloir s’arrêter.
Et qui s’arrête pourtant en suspendant son vol, après une heure et quarante cinq minutes d’un voyage absolument incroyable. Call to Arms & Angels est un album majeur dans la discographie d’Archive, mais aussi pour la musique. Il ne cède jamais à la facilité et réussit la prouesse de nous surprendre en n’étant jamais là où on l’attend. Un son, un rythme qui change, un second titre dans le même titre : tout est fait pour nous surprendre à la première écoute, mais aussi après. L’album ne s’épuise jamais, malgré sa longueur et sa densité. Archive aligne les pépites comme autant de créations imparables, pour une ensemble d’une folle cohérence qui se découvre petit à petit, à chaque minute, mais aussi à chaque écoute. N’allez pas croire que vous ferez rapidement le tour de ce disque. J’en suis facilement à la vingtième écoute, et je continue à découvrir des sons, des variations, des émotions nichées là où elles ne se révèlent pas toutes en même temps.
Audace, créativité et document historique
Est-ce pour autant le meilleur Archive ? Depuis Controlling Crowds assurément. Treize années après ce double album puissant, cohérent et d’une rare intensité, le collectif frappe extrêmement fort. With us until you’re dead (2012) était brillant, mais n’était qu’une prolongation de Controlling Crowds. Axiom (2014) est un énorme album, mais restreint à une des branches musicales d’Archive. Enfin, Restriction et The False Foundation manquaient peut-être d’une pincée de cohérence et de variété. Et avant ? Avant, il y a Londinium (1996), album originel et hors-normes avec son univers trip-hop bristolien. Tellement hors-normes qu’il est pour moi à part dans la discographie d’Archive. Comparable à aucun autre, parce qu’ils basculeront dès Take My Head dans le rock électro/progressif. Les suivants sont de vraies claques à chaque fois et restent des disques fabuleux. Toute la discographie d’Archive est une référence absolue pour moi, mais Call to Arms & Angels surprend par son audace. Archive se permet un triple album avec dix-sept titres, dont plusieurs dépassent les huit minutes et sont construits hors de toute structure classique couplets/refrains. Archive ose expérimenter et nous embarquer dans une expérience sonore et sensitive, porté notamment par le travail du discret mais toujours efficace Danny Griffiths. A l’heure du formatage et des créations cloisonnées et sages, voilà qui fait un bien fou.
Call to Arms & Angels surprend aussi par la diversité de ses ambiances, d’un morceau à l’autre. Grâce à cette variété, chacun des titres de Call to Arms & Angels décrit musicalement une des facettes de cette trouble période pandémique. L’album alterne l’intimisme le plus strict, nous mettant face à nous-mêmes à espérer les autres, et des ambiances déchirées et violentées à en devenir complètement dingue. A l’écoute du disque surgissent des images mentales et sensorielles de ce que l’on a traversé, et de ce que l’on traverse encore. Call to Arms & Angels raconte deux années de ce siècle, aussi inattendues que bouleversantes, au sens où elles auront chamboulé nos vies comme jamais. L’enfermement, la solitude, l’isolement et l’exacerbation des travers de ce monde sont venus exploser tous nos repères. Archive raconte la vie sous pandémie. Ce que l’on croyait ne voir que dans les meilleurs récits de SF post-apocalyptique nous est finalement tombé dessus sous une forme que l’on ne soupçonnait pas. Combien d’entre nous sont restés des semaines, voire des mois, face à eux-mêmes, coupés de toute relation sociale ? Combien d’entre nous n’en sont jamais réellement sortis ? Combien d’entre nous y sont encore enfermés et n’ont toujours pas renoué avec une vie sociale du monde d’avant ? Combien d’entre nous n’ont pas encore retrouvé le frisson et la chaleur d’un contact corporel ?
Album après album, Archive raconte notre monde et archive ainsi une forme de mémoire de notre époque. Dans plusieurs siècles, lorsque nos descendants (pour peu qu’ils existent) voudront entendre des visions musicales du monde fin 90’s/début 21e siècle, ils pourront réécouter la discographie de ce groupe. Et lorsque les historiens seront en recherche d’objets historiques pour étudier les années pandémiques 2020-2022, ils auront avec Call to Arms & Angels une trace inattendue et inhabituelle mais ô combien cruciale de deux années qui ont changé le monde à jamais.
Un parfait chef-d’œuvre instantané
Cette année 2022 restera comme une année hors-normes, avec une guerre en Europe, un dérèglement climatique au bord du gouffre, ou encore une élection présidentielle à la fois tendue et usante. Hors-normes aussi, parce qu’on n’attendait pas non plus un Elden Ring aussi incroyable, un The Batman aussi puissant, un Horizon Forbidden West aussi dépaysant. Et un Archive aussi brillant. Malgré toute ma fanitude archivienne, je n’attendais pas le groupe à ce niveau. Call to Arms & Angels est un parfait et pur chef-d’œuvre par lequel Archive réussit à se réinventer et à offrir un album dense, intense, diversifié et mémorable. Les Beatles avaient leur White album, Radiohead leur OK Computer (oui, ils ont aussi leur KID AMNESIA), Pink Floyd leur Dark Side of the Moon. Archive a son Call to Arms & Angels. Même la durée est parfaite. Les 17 titres suffisent, en formant un ensemble complet, cohérent et achevé.
Un petit plus quand même ? Ça tombe bien, la Deluxe Edition est accompagnée d’une quatrième galette contenant le soundtrack du documentaire Super8 : A Call to Arms & Angels, qui retrace le parcours créatif du groupe. Un documentaire génial à voir absolument. Et dix titres instrumentaux supplémentaires pour prolonger le voyage. On en reparlera très vite, lorsque j’aurai reçu mon exemplaire et pu écouter cette quatrième partie. L’étape suivante, ce sera la déclinaison scénique de ce grand album, avec le Call to Arms & Angels Tour, qui passe nécessairement par chez vous : pas moins de quatorze dates françaises, et au moins autant en Europe (dont deux à Bruxelles). Inratable. Tout comme cet album incroyable et incontournable qui prend une option évidente pour (au minimum) le titre de disque de l’année 2022.
Parce que c’est dans mes oreilles, autant que ce soit aussi dans les vôtres. Parce avec 46 ans au compteur, ce titre et l’album qui va avec sont toujours impressionnants d’émotions. Parce qu’il n’y a pas grand-chose de plus à ajouter à Wish you were here : tout est dit en 5 minutes 36.
Le son estival du jour vous prendra un peu plus que 5 minutes, puisqu’il s’agit de replonger dans The piper at the gates of dawn, premier album studio de Pink Floyd. Sorti en 1967, cet opus séminal et matriciel laisse entrevoir ce que le groupe aurait pu devenir en conservant Syd Barrett en son sein. L’histoire de la formation et le LSD en décideront autrement dès l’année suivante sur l’album A saucerful of secrets, où Barrett n’est déjà plus qu’un figurant.
Revenons à 1967 : on est en plein Londres de la deuxième moitié des 60’s. The piper at the gates of dawn rassemble toutes les facettes de cette période créative rock-psychédélique. Qu’il s’agisse des expérimentations d’Astronomy Domine ou Interstellar overdrive, de la pop faussement facile d’Arnold Layne ou de Bike, ou des délires de Pow R. Toc H., cet album s’écoute d’une traite et en boucle, comme une plongée hallucinée et hallucinante dans l’acte de naissance de Pink Floyd. Une naissance discographique un certain 5 août 1967. Oui, The piper at the gates of dawn a 54 ans (et 2 jours), et il sonne toujours aussi fort.
Voilà presque dix années que le groupe français Skip The Use a décoché la flèche de son brillant album Can be late (2012). A l’intérieur se trouvent des pépites qui se ramassent à la pelle, comme les feuilles mortes mais en plus vivifiant. Album tout à la fois pop, rock, electro, funk, punk, Can be late raflera dès l’année 2013 la Victoire de la musique « Groupe ou artiste révélation scène de l’année ». Plutôt pas mal, pour une formation née à peine 4 années plus tôt dans le département du Nord, qui n’a donc pas comme unique intérêt ses bières et sa proximité avec la Belgique (#seconddegré bien évidemment, car chacun de mes passages dans le Nord m’a laissé d’excellents souvenirs). Emmené par son chanteur Mat Bastard (aka Mathieu-Emmanuel Mollaert), Skip The Use dynamite les frontières musicales pour mélanger dans ses compositions différentes influences qui font la richesse de leur son. Ghost en est la parfaite illustration, en reposant sur une trame musicale rock teinté d’un flow rap et de touches électro bien senties.
Pourtant, Ghost n’est pas qu’un son. C’est aussi de l’image et un clip. Tout a commencé par une devinette, ou plutôt une recherche d’un clip « qui se passe dans un château, avec une chanson un peu électro-rock, c’est un groupe qui chante en anglais ». Inutile de dire que ma mémoire s’est vite mise en route, pour t’aider à retrouver ce clip dont tu te souvenais mais dont le titre t’échappait. Un peu comme un moteur de recherche qui fonctionnerait correctement avec les bons mots-clés, Ghost m’est arrivé en tête, après quelques tentatives malheureuses… « Ouiiii !! C’est ça ! » Le plaisir d’avoir trouvé, mais aussi et surtout celui de voir le tien. Et le plaisir de revisionner cette pépite accompagnant la pépite.
Ghost fonctionne en tant que son par un métissage de genres musicaux qui se combinent à merveille. S’y rajoute un élément décisif : les chœurs qui viennent chanter le refrain, rappelant ainsi Another brick in the wall (part 2) de Pink Floyd, un autre titre pop-rock entendu et usé jusqu’à la corde, mais toujours aussi efficace et désormais ancré dans l’inconscient collectif. Comme en écho dans le clip, on replonge dans l’imagerie The Wall avec des adolescents regroupés dans un château-centre d’éducation. Y sévit un éducateur bien peu éducatif, tentant de contrôler ces jeunes gens. Ces derniers sont manifestement dans d’autres préoccupations et un autre univers.
Plus tard dans le clip, on retrouvera tout ce beau monde au réfectoire, dans des uniformes d’écoliers anglais qui rappelleront Harry Potter aux plus jeunes, mais surtout les écoliers de The Wall aux autres. La scène se termine d’ailleurs sur le cauchemar (ou peut-être une forme de secret espoir) de tout CPE/éducateur : les élèves envoient tout balader (au sens propre comme au figuré), pour prendre en main leur existence et profiter par eux-mêmes d’un moment hors de tout carcan normatif. « Teachers leave the kids alone » : notre rôle d’adulte et d’éducateur n’est pas de mouler les jeunes générations dans des cases sociétales toutes faites, pas plus que de les laisser faire librement ce qui leur passe par la tête. Laissons-les expérimenter tout en étant à leurs côtés, pour les accompagner et les guider à devenir ce qu’ils sont. En gardant à l’esprit que parfois, pour eux, bronzer dans le jardin ou au bord de la piscine est plus important et intéressant que la perspective de retourner en cours le lendemain.
Ghost et son clip ne racontent pas que cela. Au-delà de l’éducation et de la posture d’éducateur, il est ici question de vie, du sens de l’existence et de ce qui nous y maintient. Les premiers mots sont cinglants « Time is running out / Ghost keeping me alive / I get what it means / You have to survive » (Le temps est compté / Un fantôme qui me tient en vie / Je sais ce que ça signifie / Tu dois survivre). Percutants aussi, en rappelant le défilement du temps, qui à la fois nous maintient vivant tout en nous pressant de ne rien rater. Ghost raconte la nécessité d’être en prise sur son époque, sur les moments qui se présentent. Etre en éveil face à sa propre existence pour appréhender celle des autres. Ce sont les écoliers du clip qui renversent les règles et les conventions dans la dernière partie. C’est aussi nos yeux et nos sens grand ouverts sur le monde qui nous entoure et l’endroit de notre existence où nous sommes à chaque minute, chaque heure et chaque jour.
Le temps est un fantôme qui nous tient en vie, mais au-delà du maintien, ce qui réellement nous fait vivre se trouve dans le monde qui vibre à chaque seconde. Dans les autres en interaction avec nous. Et dans l’autre, qui alimente notre lumière, nos moments, nos envies et notre énergie.
Voilà une catégorie que l’on alimente bien peu souvent sur Five-Minutes. Et pour cause. Il est néanmoins venu le jour de la dépoussiérer pour regarder une dernière fois dans le rétro. Oui, 2020 s’achève et on ne la regrettera pas. On l’a dit et redit : rarement année aura été aussi minable et à chier, sur à peu près tous les plans. Réussissant même à faire jeu égal avec ma 2015 à titre perso, et la surpassant de très loin si je regarde la globalité des faits, en faisant preuve d’altruisme. Donc 2020 casse-toi, on a hâte de passer à la suivante, même si, à bien y regarder, 2021 pourrait être assez grandiose également, puisque rien ne laisse espérer un twist encourageant dont le destin aurait le secret. Quoiqu’il en soit, s’il y a tout de même quelques bricoles à tirer de 2020, certaines se situent dans nos oreilles. Ça tombe bien, on est sur Five-Minutes et voici donc venu le moment de mettre en avant ce qui m’a accompagné (et bien souvent permis de tenir) dans cette misérable année.
Précision : la plupart des albums/titres évoqués ont fait l’objet d’un article sur le blog, lisible en cliquant dessus lorsqu’ils sont mentionnés. Et après chaque paragraphe, pour respirer, des pépites à écouter. Une rétrospective à parcourir/lire/écouter à votre rythme, comme bon vous semble.
2020 et son podium à 5 marches
De façon classique, je pourrais faire un Top 10 des albums de l’année, mais je préfère que l’on réécoute quelques bouts de galettes qui ont réussi à me toucher au-delà du raisonnable. Une sorte de Top 2020 totalement subjectif, où l’on n’écoutera pas que du 2020 d’ailleurs. En premier lieu (ou sur la première marche si vous préférez), il y a sans grande surprise Woodkid et son deuxième LP S16. Album sublime autant qu’il est sombre et pénétrant, voilà bien un disque qui a secoué ma fin d’année 2020. Quelques mois plus tôt, Woodkid avait déjà marqué l’été, avec Woodkid for Nicolas Ghesquière – Louis Vuitton Works One, soit plusieurs de ses compositions pour les défilés de mode Louis Vuitton. Deux moments musicaux incontournables pour moi, et qui placent cet artiste tout en haut. Woodkid succède donc à Thomas Méreur qui nous avait gratifié en octobre 2019 de son Dyrhólaey. Un album instantanément propulsé « Mon disque de l’année 2019 », mais qui, pour tout dire, a également beaucoup tourné en 2020. Parce qu’il est arrivé fin 2019. Et aussi parce qu’il est exceptionnel.
Juste derrière ces deux artistes, et sorti dans les mêmes moments que le EP Louis Vuitton de Woodkid, le EP Air de Jeanne Added, accompagné de son long et magnifique court métrage, a également bouleversé ma fin de printemps. En 8 titres, dont l’exceptionnel et imparable If you could let me be, voilà un opus de très haute volée qui concentre tout le talent de Jeanne Added, tout en allant un peu plus loin dans l’idée de concept EP. Comme un long morceau d’une trentaine de minutes, construit en plusieurs mouvements. Toujours sur le podium, sans place précise, le retour gagnant de Ben Harper le mois dernier avec Winter is for lovers: un album total instrumental et minimaliste, interprété uniquement sur une lap-steel guitare. Le résultat est inattendu et bluffant, de la part d’un grand musicos qui s’était, à mon goût, montré moins créatif ces dernières années. Autre opus sur le podium, tout aussi inattendu et bluffant : Trésors cachés & Perles rares, proposé par CharlElie Couture. Relecture et réinterprétation de titres anciens un peu oubliés ou restés dans des tiroirs, ce LP arrivé finalement assez vite après Même pas sommeil (2019) confirme, si besoin était, le talent et la créativité du bonhomme. Ainsi que sa capacité à se réinventer sans cesse. Ce qui est bien, finalement, en grande partie ce qu’on attend des artistes.
Ouvre les yeux et écoute
Cette année 2020 a aussi été marquée par des BO de très haute volée, dans des genres différents, qui ont tourné en boucle par chez moi. Blood Machines de Carpenter Brut accompagne le film éponyme de Seth Ickerman. Ce nouvel opus confirme toute la maîtrise synthwave de l’artiste, pour un travail collaboratif qui rend hommage au ciné SF des années 80 et à ses BO tout autant qu’à l’univers cyberpunk. Dans un tout autre style, mais pour rester dans la SF, 2020 aura vu la réédition dans un magnifique coffret 4 LP de l’OST du jeu vidéo NieR: Automata, et de ses préquels NieR Gestalt/Replicant. Sortis respectivement en 2017 et 2010, et donc accompagnés de leurs BO, on ne peut pas dire que ce soit du très neuf. Cependant, la réédition vinyle a été l’occasion pour moi de découvrir toutes ces compositions hallucinantes de Keiichi Okabe, tout comme le confinement du printemps m’a permis de plonger dans Nier: Automata pour découvrir, 3 ans après sa sortie, un jeu qui se place direct dans mon Hall of Fame du JV. Plaisir à venir : le printemps 2021 verra la sortie du remake PS4 de NieR Replicant, histoire de compléter la saga. Côté JV toujours, difficile de ne pas mentionner l’OST de Persona 5, sorti en 2016 au Japon et en 2017 ailleurs, et bénéficiant d’une version Royal depuis 2019 (Japon) et mars 2020 chez nous. Un jeu d’exception qui dégueule la classe à chaque instant, et sa BO n’y est pas pour rien. Enfin, sans m’attarder car j’en ai parlé pas plus tard que la semaine dernière, la BO de l’anime Cowboy Bebop, elle aussi excellente dans son genre, a bien accompagné ces derniers jours de 2020, à la faveur là aussi d’une chouette réédition.
Des rééditions et du plaisir renouvelé
Transition toute trouvée pour revenir, justement, sur quelques rééditions importantes en 2020, notamment sur le support vinyle. Certains diront que ce dernier retrouve ses lettres de noblesse, alors qu’en vrai il ne les a jamais perdues. Number one : PJ Harvey et l’entame de la réédition de sa complète discographie. Les festivités ont débuté mi-2020 avec Dry, et se poursuivent toujours à l’heure actuelle. On attend pour fin janvier Is this desire ? et sa galette de démos. Oui, c’est l’originalité et la beauté de cette campagne de réédition : chaque album solo est accompagné du pressage parallèle des démos de chaque titre. En bref, des ressorties de haute qualité, sur le fond comme sur la forme. Même combat chez Pink Floyd, avec le retour en version augmentée et remixée/remasterisée du live Delicate Sound of Thunder. Une prestation de très haute volée qui se voit magnifiée d’un packaging du plus bel effet, mais surtout d’un son nettoyé et retravaillé pour rééquilibrer l’ensemble et ressusciter les claviers de Rick Wright sans qui Pink Floyd ne serait pas Pink Floyd. Fascinant et indispensable. Tout comme Gainsbourg en public au Palace, republié en septembre dernier en double LP 40 ans après sa première sortie. Un nouveau mixage là encore, qui fait la part belle à l’essence même du son reggae adopté à l’époque par Gainsbourg : basse bien ronde et percussions détachées bien mises en avant, pour accompagner la voix de Gainsbourg qu’on n’a jamais aussi bien entendue pour cette captation.
Les incontournables, hors du temps
Voilà ce qui ressort de mon année musicale 2020, ce qui fait déjà de quoi occuper une bonne poignée d’heures. Toutefois, ce top de l’année serait bien incomplet si je n’évoquais pas des hors temps/hors catégories qui m’ont largement accompagné pendant ces 12 mois. A commencer par Archive, encore et toujours. Le groupe n’en finit pas de me coller à la peau, et ce n’est certainement pas le duo 2019-2020 qui va changer les choses. Pour rappel, les londoniens ont entamé en 2019 la célébration de leurs 25 années d’existence, avec dans l’ordre la sortie d’un méga coffret sobrement intitulé 25, puis une tournée dantesque et toujours sobrement intitulée 25 Tour qui a donné lieu à un album 25 Live offert en ligne. Clôture des festivités en cette fin 2020 avec Versions (août 2020), un album d’auto-relecture de 10 titres, puis Versions: Remixed (novembre 2020), ou 11 titres revisités presque du sol au plafond. Archive toujours donc, tout comme Hubert-Félix Thiéfaine et la totalité de sa discographie. J’avais fait de Petit matin 4.10 heure d’été (2011) un son estival, mais au-delà ce sont tous les titres de HFT qui reviennent régulièrement m’emporter, me porter ou me supporter (au choix du mood).
Et pour quelques pépites de plus…
Question mood justement, la plongée dans les archives de Five-Minutes m’a permis de voir que j’avais chroniqué deux fois, sans m’en apercevoir, Where is my mind ? (1988) de Pixies : une fois en Five Reasons, une autre en Reprise Ça ne trompe pas, puisque c’est un titre qui me hante depuis des années, dans sa version originale comme dans ses multiples reprises, et qui a bien trouvé sa place en 2020. Et puisqu’on en est à des titres récurrents et persistants, je pourrais terminer en citant en vrac Bright lies (2017) de Giant Rooks, Cornerstone (2016) de Benjamin Clementine, Assassine de la nuit (2018) d’Arthur H, Indigo Night (2018) de Tamino ou encore Sprawl II (Moutains beyond moutains) (2010) d’Arcade Fire.
Nous arrivons au bout de cette virée dans mon 2020 musical, en même temps que nous atteignons le bout de l’année. Un peu plus tôt dans la journée, Sylphe a livré un gargantuesque double top 2020 fait de 20 albums et 60 titres. Je vous invite évidemment à y plonger, histoire de passer en 2021 avec du bon son. Avant de laisser 2020, un grand merci à vous tous qui nous lisez régulièrement ou plus épisodiquement, puisque comme l’a expliqué Sylphe, nous avons doublé la fréquentation du blog cette année. Voilà qui fait très chaud au cœur et qui nous incite à poursuivre l’aventure ! Une aventure dans laquelle j’ai plongé voici quelques années à l’invitation de Sylphe, et que je peux bien remercier lui aussi très chaleureusement : si ce monde, qu’il soit de 2020 ou pas, reste supportable et vivable, c’est grâce à quelques potos comme lui et à la musique. Five-Minutes réunit les deux. On vous retrouve en 2021 ?
Pour le plaisir, un dernier son culte tiré d’un album total culte (et ce n’est pas Sylphe qui me contredira) : Christmas in Adventure Parks by Get Well Soon. Ou le nom d’un artiste qu’on aimerait être un bon présage pour la suite.
What ?! Encore une réédition estampillée Pink Floyd ? On a pourtant (largement) donné, à tous les sens du terme, il y a 4 ans, avec la ressortie de toute la discographie du groupe en vinyle, étalée sur plusieurs mois. Nous avions alors eu droit à de biens beaux objets et de bien belles remasterisations à partir des bandes analogiques. En d’autres termes, des pressages très aboutis et incontournables de par leur qualité et leur son. Au milieu de tout ça se trouvait Delicate sound of thunder, dans une réédition assez magique. Le 20 novembre dernier, soit 32 ans (à 2 jours près) après la sortie originale de 1988, Delicate sound of thunder revient dans tous les formats possibles et imaginables : vinyle, CD, DVD, Blu-Ray. Le jeu en vaut-il la chandelle, et faut-il repasser à la caisse ? Tentative de réponse en five reasons chrono.
Delicate sound of thunder est un album majeur de la discographie de Pink Floyd. A la fois parce qu’il est le premier live officiel du groupe depuis Ummagumma (1969), et parce qu’il témoigne de la tournée qui suit A momentary lapse of reason (1987). Pink Floyd a toujours réussi la prouesse d’être à la fois un groupe de studio (pour toutes les recherches sonores et bidouillages créatifs en tout genre) et un groupe de scène (pour la puissance de ses performances). Peu de groupes peuvent revendiquer ce double titre, et Delicate sound of thunder est un témoignage éclatant de leur savoir-faire scénique. Un show irréprochable côté rythme puisqu’il n’y a pas une basse de régime : on ne s’emmerde jamais. Un concert de très haute tenue avec un savant mélange de titres récents et d’anciens.
Delicate sound of thunder et son pendant studio A momentary lapse of reasons arrivent à un moment particulier de la carrière de Pink Floyd. Plus exactement, il s’agit de la renaissance réelle du groupe. L’album studio précédent The final cut (1983) est surtout un album du bassiste Roger Waters. Composé de titres écrits à l’époque de The Wall (1979), qui était déjà presque un album du seul Roger Waters, The final cut est une très bon opus mais n’a pas le goût du groupe : Waters est aux commandes, David Gilmour et Nick Mason interprètent, mais surtout il manque Rick Wright aux claviers, viré du groupe à l’époque The Wall. Ce dernier réintègre l’équipe pour l’album studio, et surtout pour la tournée qui suit et donnera lieu à Delicate sound of thunder. Autant dire que, si on a perdu Roger Waters en route, on a gagné les retrouvailles avec la formule groupe et le son de Rick Wright.
Cette version 2020 de Delicate sound of thunder fait justement la part belle au son, en étant à la fois restaurée et remixée. L’intérêt ? L’ensemble sonne nouveau et plus riche. Les titres fourmillent de détails sonores en rééquilibrant les instruments. On profite ainsi bien plus encore de l’ensemble du groupe, avec cette sensation que les claviers de Wright retrouvent leur juste place, tout du moins celle qu’ils méritent. On y gagne également un album qui devient intemporel et beaucoup moins daté années 80 que la précédente édition. A momentary lapse of reason est clairement un son fin des années 80, et sa déclinaison live avait toujours conservé cette petite touche pas désagréable, mais qui pouvait rebuter certaines oreilles sur les titres les plus récents. Tout cela est fini : avec Delicate sound of thunder 2020, on embarque dans une virée de plus de 2h qui est un album de 1988, mais qui pourrait tout aussi bien être un live contemporain.
Autre atout, et pas des moindres : cette réédition est aussi augmentée et remontée. C’est à dire ? On y gagne 9 titres par rapport à l’édition de 1988. La précision est importante car, en réalité, l’exceptionnel One of these days figurait déjà en exclu sur la réédition 2016. Toutefois, le gain est très conséquent, à la fois en nombre de titres et en qualité. D’une part, ces ajouts sont essentiellement constitués de moments instrumentaux qui font le lien entre des titres chantés. L’ensemble devient cohérent et logique en formant un tout unique : une fois cette version 2020 écoutée, on se rend compte qu’il avait toujours manqué du liant dans les anciennes éditions. D’autre part, on y gagne une version démente de Welcome to the machine, dans laquelle Rick Wright s’en donne à cœur joie et fait revivre l’énergie presque oubliée du Pink Floyd des années 70. Enfin, de la première à la dernière minute, on est emporté dans ce qui semble cette fois être la version définitive et complète de ce live, sous sa forme et dans son montage originel.
Ma dernière raison est totalement une raison iencli, autrement dit pour certains une fausse raison car pas directement liée au contenu. En revanche, ceux qui ont la collectionnite aiguë vont vite me comprendre. La réédition 2020 de Delicate sound of thunder, notamment dans sa version vinyle, est magnifique : trois galettes rangées dans des sous-pochettes noires et sobres, elles-mêmes chacune glissées dans des pochettes cartons aux sublimes photos. Le tout est regroupé dans un coffret carton (certes un peu léger) aux côtés d’un livret bourré, là encore, de photos et de visuels qui en jettent. A tel point que, lorsque j’ai ouvert l’objet, j’ai eu cette sensation de déballer un bien précieux, une pièce rare. Certes, il faut accepter de lâcher 60 balles dans l’affaire, mais voilà une édition qui rejoint presque en qualité P.U.L.S.E. (1995), l’autre live mythique du groupe. Autant dire que, pour tout fan absolu de Pink Floyd, il va être bien difficile de passer à côté.
Les fans hardcore de Pink Floyd n’ont donc pas à être convaincus : soit vous avez déjà craqué/écouté et possiblement racheté, soit ce Delicate sound of thunder arrivera prochainement dans votre discothèque. Pour tous ceux qui n’ont jamais mis le nez dans ce live et voudraient découvrir Pink Floyd dans sa dernière période, il va sans dire que cette réédition 2020 est la version à écouter, tant elle écrase par son contenu et sa qualité les galettes précédentes. A défaut de s’envoyer toute la discographie du groupe, c’est le live parfait pour entendre un savant mélange du vieux Pink Floyd et de son virage 80’s. Welcome my son. Welcome to the machine.