Review n°76: New Fragility de Clap Your Hands Say Yeah (2021)

Voilà un album marquant de ce premier tiers de l’année 2021 en approche… En 2005, vous avez dû être submergés, tout comme moi, par la vague de fraîcheur indie-rock d’un album autoproduit sans titre d’un groupe au nom à rallonge Clap Your Hands Say Yeah. Porté en particulier par la voix nasillarde et prenante du chanteur Alec Ounsworth ainsi qu’une instrumentation animée d’un souffle énergisant, des titres comme Over and over Again (Lost and Found) ou The Skin of My Yellow Country Teeth se sont irrémédiablement incrustés dans mon ADN musical. On était en droit d’imaginer pour ces Américains issus de New-York une carrière à la Arcade Fire tant les promesses initiales de ce premier opus laissaient augurer le meilleur… mais les opus suivants Some Loud Thunder en 2007 et Hysterical en 2011 ne retrouvèrent pas le souffle des débuts. En 2012, le groupe se sépara et seul le chanteur Alec Ounsworth fait désormais vivre le groupe CYHSY avec deux albums Only Run en 2014 et The Tourist en 2017 que j’ai littéralement ratés. Au moment d’écouter ce New Fragility, je suis donc animé par une simple curiosité polie teintée d’une douce nostalgie, peut-être le meilleur état d’esprit pour se faire cueillir… Le constat est d’une simplicité imparable, je bénis les Dieux de la musique qui ont donné envie à Alec Ounsworth de prolonger l’aventure CYHSY, tant ce New Fragility, produit par John Agnello (Dinosaur Jr, Kurt Vile) est un bijou introspectif loin des explosions colorées des débuts.

Dès le morceau d’ouverture Hesitating Nation qui fait un bilan amer des Etats-Unis post Trump, on comprend que le message va être plus engagé. Je retrouve avec plaisir la voix nasillarde d’Alec dans un chant uptempo séduisant avec cette tension sous-jacente qui ne va pas cesser de monter tout au long du morceau. Thousand Oaks, titre faisant référence à une fusillade en 2018 dans un « Bar & Grill » de Thousand Oaks en Californie, dresse ensuite un constat pessimiste sur la montée de la violence et la difficulté de la contrecarrer « And we’re reasoning with messengers/ Who try to pass for grown men »… La batterie donne une ambiance rock à l’ensemble et je me surprends à penser au dernier album de The Killers car j’y retrouve cette même intensité. La ballade plus dépouillée Dee, Forgiven, qui s’appuie sur un piano et un harmonica d’une grande justesse favorise l’introspection même si je trouve que le chant tombe un peu trop dans le pathos. Le morceau éponyme New Fragility (oui ça ressemble fort à un pléonasme) m’évoque l’univers de The Cure et brille par la force de son refrain. C’est au précieux Innocent Weight que revient la chance de clore cette première partie de l’album particulièrement belle, sublimé par un violon qu’on croirait tout droit sorti d’un album d’Owen Pallett pour un résultat d’une grande grâce.

La deuxième partie de l’album est plus homogène et tend davantage vers l’introspection comme l’illustre si bien la ballade piano/voix Mirror Song. CYHSY, 2005 et ses violons ainsi que If I Were More Like Jesus et son étonnante reverb continueront à creuser ce sillon, avec une originalité moindre. Je préfère retenir la guitare folk et l’univers digne de Ray Lamontagne de Where They Perform Miracles mais surtout le bijou Went Looking For Trouble… On a l’impression d’accéder au lyrisme d’un Thom Yorke à travers un univers instrumental très riche et insaisissable où les violons jouent un rôle central, le genre de morceau qui montre qu’Alec Ounsworth a encore beaucoup à nous offrir.

Tu es déprimé parce que tu viens de t’enfiler tout le chocolat offert pour Pâques alors qu’il te reste 3 semaines à tirer pour le sacrosaint confinement? J’ai ce qu’il te faut, enfin Clap Your Hands Say Yeah plutôt, enjoy!

 

Sylphe