Review n°94: Black Cherry de Goldfrapp (2003)

Je vous propose aujourd’hui de poursuivre la plongée dans la discographie de Goldfrapp. AprèsGoldfrapp Black Cherry un premier opus Felt Mountain brillant (chroniqué par ici), le duo anglais revient trois ans plus tard avec un Black Cherry assez déroutant pour les fans de la première heure. Qu’on se le dise d’emblée, je voue une véritable addiction à cet album, ce qui ne m’empêche pas de comprendre les reproches faits. En effet, l’univers soyeux entre trip-hop et tendances jazzy de Felt Mountain est battu en brèche par les machines qui viennent apporter une âpreté et une tension palpable. Goldfrapp dépassera malheureusement dans la suite de sa carrière les frontières du bon goût avec un son électro-disco un brin vulgaire mais ce Black Cherry réussit le tour de force de naviguer sur un fil sans jamais tomber. S’adresser aux dance-floors tout en continuant à garder sa fragilité, se montrer incandescente et sensuelle tout en montrant ses failles, la réussite est totale.

Crystalline Green met d’emblée en avant les machines avec une rythmique extatique et jouissive qui se marie à merveille avec la voix irréelle d’Alison Goldfrapp. Train pousse la provocation sonore encore plus loin avec des sonorités mécaniques qui vrillent les tympans, le titre semble faire table rase du passé et fait preuve d’une vitalité folle. Black Cherry nous ramène en des contrées plus apaisées et plus irréelles dans la lignée de Felt Mountain pour un moment de mélancolie pure digne de la BO de Virgin Suicides. Le quatuor initial qui frôle la perfection est achevé par Tiptoe qui, à l’instar de Train, associe avec brio l’âpreté des machines à la voix lumineuse d’Alison.

A part Twist qui me fait penser à du Karen O. qui aurait perdu toute trace de subtilité, tout l’album est brillant: la mélancolie et les cordes de Deep Honey, le tableau impressionniste aussi champêtre qu’aquatique de Hairy Trees, le rock sensuel de Strict Machine et l’instru finale de Slippage. Ce Black Cherry est incontestablement le sommet de la carrière de Goldfrapp et son superbe vinyle violet n’a pas fini de tourner chez moi, enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°89: Lovely Head de Goldfrapp (2000)

Goldfrapp est une référence qui revient sous ma plume régulièrement mais je n’ai jamais écritGoldfrapp Felt Mountain une ligne sur la discographie de Will Gregory et la charismatique Alison Goldfrapp. Cette pépite intemporelle du soir ouvre donc le bal de la découverte de la carrière des Anglais avec le premier opus Felt Mountain sorti en 2000. Découverte par Tricky, Alison Goldfrapp est clairement marquée par le courant trip-hop qui parcourt l’Angleterre industrielle depuis la fin des années 90. Ce Felt Mountain est ainsi un bijou plein de grâce, une version champêtre et un brin ésotérique de Portishead qui se dresse dans la droite lignée de la prêtresse Björk. Qu’elle soit orchestrée avec brio et portée par les cordes (Paper Bag, Pilots), plus déstructurée (le très Portishead Human) ou épurée à souhait (Felt Mountain), le son touche au plus profond. Deux perles se distinguent au sein de cet écrin, la vaste odyssée électronique Utopia et le titre choisi pour ce soir, le morceau d’ouverture Lovely Head. Ce premier contact avec le son de Goldfrapp nous met face à un univers aussi inquiétant qu’esthétique. Les sifflements deviennent obsédants, le travail sur la voix d’Alison Goldfrapp est très riche entre tentation jazzy et discordance électronique. A savourer sans modération aucune, enjoy!

 

Et le titre Utopia en bonus…
Sylphe

Review n°92: GHOSTS ON TAPE de Blood Red Shoes (2022)

La première review 2022 portera donc sur un album résolument rock… Le duo issu de BrightonBlood Red Shoes GHOSTS ON TAPE Blood Red Shoes, composé de Laura-Mary Carter et Steven Ansell, oeuvre ensemble depuis son premier opus Box of Secrets en 2008. Je ne suis clairement pas un fin connaisseur de ce groupe et ne connais pas les trois premiers opus signés sur V2 Records. Je reste néanmoins sur des impressions plutôt positives avec le très bon Get Tragic de 2019 qui commençait à entamer un virage plus électronique après le trop frontal à mon goût et noisy Blood Red Shoes de 2014. La réalité est d’une simplicité imparable, l’écoute de ce sixième opus GHOSTS ON TAPE ne m’a pas permis de sortir indemne. Le son est frontal, les thématiques très sombres instaurent un climat anxiogène qui met mal à l’aise, les deux voix alternent et se complètent assez bien (je reconnais tout de même une préférence pour la voix de Laura-Mary Carter) et il se dégage un vrai plaisir instantané. Certains percevront du Nine Inch Nails, d’autres dont je fais partie auront l’impression que Goldfrapp a tenté de se faire passer pour The Kills. Je vous invite dans cette promenade nocturne de 10 titres acérés comme des griffes, en ignorant volontairement trois intermèdes d’une trentaine de secondes sans aucun réel intérêt.

Le morceau d’ouverture  COMPLY (oui sur cet album, on hurle volontiers, même dans les titres…) est brillant dans sa composition. Partant sur une petite mélodie au piano assez inquiétante qui laisse monter la tension, la voix éraillée semblant provenir d’outre-tombe de Steven Ansell assène avec puissance la volonté de ne plus se plier et se soumettre. Les choeurs accompagnent la montée avant de laisser la place à la mélodie initiale pour donner l’impression que la vie est un cycle éternel et que la révolte est impossible. Les deux morceaux suivants, MORBID FASCINATION et MURDER ME, me plaisent tout particulièrement et fonctionnent sur une recette identique: sonorités âpres, rythmique inquiétante et voix envoûtante. J’ai vraiment l’impression d’entendre du Goldfrapp qui aurait laissé traîner ses doigts dans la prise et le résultat est excellent.

GIVE UP rappelle, quant à lui, la rage des débuts avec un rock uptempo frontal qui suinte l’urgence par tous les pores. La batterie tabasse et la voix hurle, puis le silence au bout de deux minutes… La deuxième partie antinomique du morceau choisit la carte d’une instrumentation électronique aux frontières de l’ambient. Le résultat est surprenant et peut paraître un brin artificiel, bref je suis encore dans l’expectative vis-à-vis de ce morceau. SUCKER propose ensuite une rythmique downtempo et je retrouve les ambiances vénéneuses des brillants premiers albums trip-hop de Goldfrapp, influence assez incontestable de l’album.

La deuxième partie de l’opus perd cependant quelque peu en intensité : la guitare de BEGGING rappelle le rock emo de Placebo, I LOSE WHATEVER I OWN croise les fantômes de Muse et The Kills alors que DIG A HOLE et FOUR TWO SEVEN font davantage de concessions à une pop-rock de qualité mais moins dans l’esprit de l’album à mon goût. Finalement, je choisis plutôt de garder l’excellent I AM NOT YOU, brillant pendant de COMPLY qui révèle toute la puissance de cette rage à peine contenue.

Vous lirez sur le web beaucoup de critiques assez virulentes de ce GHOSTS ON TAPE, je vous invite fortement à vous faire votre propre avis car il y a vraiment des morceaux puissants sur cet opus, enjoy !

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 1. COMPLY – 3. MURDER ME – 2. MORBID FASCINATION – 9. I AM NOT YOU – 6. SUCKER

 

 

Sylphe

Five Titles n°20: Humor de Russell Louder (2021)

Découverte totale au programme en cette fin de weekend ensoleillé…. Russell Louder, signé(e) chez LisbonRussell Louder Lux Records, est originaire de l’Ile du Prince-Edouard et vit désormais à Montréal. Son premier opus Humor vient de sortir avec ses 9 titres pour une petite trentaine de minutes mais il n’en faut pas plus long pour prendre conscience que l’on tient ici une vraie voix et un univers dans lequel on a envie de se poser. Concernant l’univers instrumental, il est teinté d’électro rappelant le trip-hop sensuel des premiers albums de Goldfrapp, les synthés et la boîte à rythmes tenant une place importante même si la guitare fait une apparition remarquée sur la fin de l’album. On retrouve rapidement la filiation avec des artistes comme Florence and the Machine ou Austra mais ce qui m’a tout de suite désarmé c’est cette voix qui m’a paru instantanément familière. Une voix puissante et chaude qui m’évoque Annie Lennox de Eurythmics, alliant la puissance plus contenue d’une Beth Ditto à l’émotion d’une Jeanne Added. Je vous propose cinq titres qui vous donneront un bref aperçu de l’univers de notre Canadien(enne) [l’artiste est transgenre, d’où le masculin et le féminin qui se marient, mais j’ai envie de dire que le talent n’a pas de sexe ici].

  1. Le morceau d’ouverture Home est celui qui m’évoque le plus l’univers de Goldfrapp à qui je voue un vrai attachement. Des sonorités électro downtempo et un brin bruitistes, une voix puissante qui nous enveloppe langoureusement et qui prend le dessus sur les synthés, on savoure cette réminiscence du trip-hop qui arrive 20 ans plus tard.
  2. Après le traitement de la voix digne de Jeanne Added dans Cost of Living, Light of the Moon confirme que la voix de Russell Louder mérite d’être au centre de tout. Le groove du titre est imparable tant au niveau de la voix que des synthés. Morceau aussi brillant que la lumière de la lune…
  3. Vow est, quant à lui, porté par sa ligne rythmique et sa boîte à rythmes épileptique qui n’arrive pas à destabiliser la puissance tranquille de la voix de Russell Louder. Ce premier opus surprend véritablement tant la voix fait preuve d’une maturité hallucinante.
  4. Hello Stranger brille de son côté par son univers électronique qui me ferait penser à une formule extravertie et quasi-pop de The XX et par la douceur cristalline de la voix. Ce titre démontre tout le potentiel à faire bouger les corps.
  5. Je finirai avec Know the Game qui fait preuve d’un certain dépouillement pour un résultat empreint d’émotions.

On ne tombe pas tous les jours amoureux d’une voix dès un premier album, malheureusement ou plutôt heureusement, et Russell Louder, avec une retenue charmante, vient de me retourner en 30 petites minutes. Et vous, si vous preniez le risque d’être touché(e)s? Enjoy!

 

Sylphe

Son estival du jour n°7 : Strict Machine de Goldfrapp (2003)

Envie d’une ambiance plus âpre ce soir, d’un morceau qui est né au milieu du trip-hopGoldfrapp pour venir doucement tendre vers une électro-pop teintée d’une sensualité exacerbée? J’ai bien sûr ce qu’il vous faut avant de vous abandonner lâchement pendant deux semaines dans des contrées dénuées de tout internet… Alison Goldfrapp, une des nombreuses voix découvertes par Tricky (une pensée entre autres pour la brillante Martina Topley-Bird), forme avec Will Gregory un groupe qui m’a particulièrement marqué dans sa capacité à faire évoluer le trip-hop. Après un premier coup de maître en 2000 avec Felt Mountain qui continue de donner ses lettres de noblesse au trip-hop dans la droite lignée de Portishead, Black Cherry se tourne vers une électro-pop savoureuse et hédoniste à première vue, mais beaucoup plus mélancolique qu’elle n’en a l’air.

Le morceau du soir Strict Machine brille par l’âpreté de ses sons électros qui font monter une tension palpable qui n’explosera qu’à travers la douce et sensuelle voix d’Alison Goldfrapp qui sait se faire aussi bien caressante qu’oppressante. Une ambiance électrique qui montre à elle seule le spectre de possibilités que peut offrir l’après trip-hop…. Enjoy!

Sylphe