Top de fin d’année 2022 Titres et albums de Sylphe

Au moment de vivre les dernières heures de cette année 2022 et de regarder dans le rétroviseur musical, je constate avec amertume que mon rythme d’écriture et d’écoute de nouveautés a singulièrement baissé cette année. Ce fichu temps et cet art de cumuler les passions chronophages, la perte de fluidité de l’écriture quand elle perd en régularité, le besoin des écoutes multiples pour se sentir une quelconque légitimité à parler des albums, la vie quoi… Bref, je ne vais pas m’apitoyer outre mesure et plutôt me tourner vers le futur avec optimisme en m’engageant à repartir sur la base de deux articles par semaine (la sacrosainte période des résolutions de début d’année qui ne durent jamais bien longtemps, nous verrons bien combien de temps je tiendrai et vous pouvez ouvrir les paris). Parce que, comme l’a déjà écrit l’ami Raf, vous êtes toujours plus nombreux à nous lire et c’est assez grisant de tout faire pour maintenir cette courbe ascendante. Parce que ces artistes méritent amplement de vivre de leur art et que notre partage peut peut-être amener des lecteurs à acheter des albums. Parce que la musique et l’écriture demeurent des refuges sublimes où le temps suspend son vol.

Pour ce top de fin d’année, je reste sur le principe de ne garder que des albums sur lesquels j’ai écrits. Certains que j’ai beaucoup écoutés et pour lesquels je n’ai pas su trouver les mots auraient amplement mérité de figurer dans ce top et figureront vraisemblablement dans d’autres tops de bon goût, néanmoins ce top plus limité a tout de même une bien belle allure et devrait vous offrir de belles heures d’écoute. Pour ce top 14 (non, non, aucune dédicace particulière à la patrie de l’ovalie), vous trouverez de nombreux artistes dont je suis assidument les carrières – Get Well Soon, Les Gordon, Thylacine, Hot Chip, Moderat – avec une mention spéciale à Arcade Fire qui monte sur la troisième place de mon podium musical avec un très beau WE qui donne foi en l’humanité. Les deux premières places sont trustées par des artistes français qui chantent en français, il faut croire que je suis définitivement en train d’entamer une mue musicale. La Mémoire du feu d’Ez3kiel a frappé fort les esprits dès janvier avec un album à la puissance narrative indéniable mais c’est bien Garden Party de Florent Marchet qui monte sur la première place de ce top 2022. L’art de ciseler de superbes textes sur ce qui façonne notre quotidien m’a profondément touché et j’aime l’idée de cette fausse simplicité qui trône tout en haut.

Pour ce top 14 des albums, n’hésitez pas à cliquer sur les liens pour aller jeter un oeil sur les chroniques si l’envie vous en prend. Vous trouverez en tête de cet article un top 55 des titres qui m’ont accompagné cette année et devraient s’installer durablement dans mon ADN musical, On a pris le temps de Grand Corps Malade/ Gaël Faye/Ben Mazué trône au sommet en toute humilité et s’impose comme une leçon de vie qu’il est de bon ton de ne pas oublier… Prendre le temps d’écouter des albums et de ne pas seulement les entendre, prendre le temps de les savourer, prendre le temps d’acheter de la musique et d’aller voir les artistes en concerts, prendre le temps de lire Five-Minutes, prendre le temps de vivre tout simplement. Bon réveillon à vous et on se retrouve en 2023 avec l’ami Raf Against The Machine -big-up pour son éternelle envie de découvrir et partager avec moi l’aventure bloguesque – pour de nouvelles aventures musicales, enjoy !

Top Albums 2022:

1. Garden Party de Florent Marchet

2. La Mémoire du feu d’Ez3kiel

3. WE d’Arcade Fire

4. Amen de Get Well Soon

5. Ephémère de Grand Corps Malade/ Gaël Faye/Ben Mazué

6. Hideous Bastard d’Oliver Sim

7. 9 Pieces de Thylacine

8. Freakout/Release d’Hot Chip

9. Nuances de Les Gordon

10. MORE D4TA de Moderat

11. Wet Leg de Wet Leg

12. Reborn de Kavinsky

13. GHOSTS ON TAPE de Blood Red Shoes

14. As I Try Not To Fall Apart de White Lies

 

Top Titres 2022:

1. On a pris le temps de Grand Corps Malade/Gaël Faye/Ben Mazué

2. Unconditionnal I (Lookout Kid) d’Arcade Fire

3. Diaphane d’Ez3kiel

4. My Home Is My Heart de Get Well Soon

5. Freddie Mercury de Florent Marchet

6. EASY PREY de Moderat

7. Reclaim Your Heart de Daniel Johns

8. COMPLY de Blood Red Shoes

9. Hideous d’Oliver Sim feat. Jimmy Somerville

10. Anatolia de Thylacine

11. Impossible de Royksopp feat. Alison Goldfrapp

12. Broken d’Hot Chip

13. A Song For Myself de Get Well Soon

14. Goodbye de Kavinsky feat. Sébastien Tellier

15. Knight & Car de Les Gordon

16. De justesse de Florent Marchet

17. The Lightning II d’Arcade Fire

18. Polar de Thylacine

19. Am I Really Going To Die de White Lies

20. La cause de Grand Corps Malade/Gaël Faye/Ben Mazué

21. Serpent corail d’Ez3kiel

22. GMT d’Oliver Sim

23. En famille de Florent Marchet

24. MORBID FASCINATION de Blood Red Shoes

25. One For Your Workout de Get Well Soon

26. Paris Nice de Florent Marchet

27. Trigger de Kavinsky

28. Enid & Rebecca de Les Gordon

29. Beautiful James de Placebo

30. F.O.R.C.E de Canine

31. MURDER ME de Blood Red Shoes

32. Never Here d’Oliver Sim

33. Qui a kidnappé Benjamin Biolay? de Grand Corps Malade/Gaël Faye/Ben Mazué

34. Tonight de Phoenix feat. Ezra Koenig

35. Silence d’Editors

36. I Love Humans de Get Well Soon

37. Bosphorus de Thylacine

38. Chaise Longue de Wet Leg

39. Sun de Canine

40. Somewhere de Les Gordon feat. Sauvane

41. Heart Attack d’Editors

42. Galaxies de Canine

43. Try Better Next Time de Placebo

44. Renegade de Kavinsky feat. Cautious Clay

45. Breathe de White Lies

46. This Is Your Life de Get Well Soon

47. As I Try Not To Fall Apart de White Lies

48. Zenith de Kavinsky feat. Prudence et Morgan Phalen

49. I Don’t Want To Go To Mars de White Lies

50. Surrounded By Spies de Placebo

51. Out Of My Depth d’Hot Chip

52. Picturesque d’Editors

53. The Prodigal de Placebo

54. FAST LAND de Moderat

55. Twin Demons de Placebo

 

 

Sylphe

Review n°104: Garden Party de Florent Marchet (2022)

Je vous avais déjà parlé il y a peu du très beau single En famille tiré du sixième opus de Florent Marchet, Garden Party (à relire par ici pour les retardataires ou les visiteurs d’un jour). Depuis l’album est sorti le 10 juin et cela va presque faire un mois que le vinyle tourne aussi régulièrement sur ma platine que les jambes des coureurs dopés du Tour de France… Dans ses remerciements, Florent Marchet justifie avec son humour habituel le choix de ce titre particulièrement éclairant de Garden Party : « Faire bonne figure est de rigueur et les problèmes ou autres douleurs intimes n’ont pas leur place dans les échanges entre les invités, mieux, il est de bon ton de montrer chance et réussite. […] il n’en demeure pas moins que trop souvent, elle se termine mois bien qu’elle n’avait commencé, avec des odeurs de grillades et des taches de mauvais vin sur la chemise ou la robe toute neuve (quand ce ne sont pas des disputes, des guerres intestines qui éclatent). On se dira dans ces moments-là qu’on aurait mieux fait de rester chez soi. » Tout est dit… L’album d’une profonde humanité va s’appuyer sur cette dichotomie séduisante : la douceur et la fragilité de la musique au service de sujets très durs qui ont pour point commun la difficulté des êtres humains à vivre ensemble. Moi qui ne suis habituellement pas forcément sensible à la puissance des textes mais plus enclin à savourer les ambiances instrumentales, je ne peux que m’avouer désarmé face à la pudeur de Florent Marchet qui aborde des thématiques très complexes avec humilité. Ce Garden Party se lit encore plus qu’il ne s’écoute et je ne peux que vous inviter à vous attacher à la beauté des textes.

Le morceau d’ouverture De justesse aborde d’emblée le lien paternel et la peur de perdre son enfant. Ce titre, qui s’appuie sur une ligne de basse et des synthés d’une grande douceur, traite de la fragilité de la vie humaine et de la force de l’amour filial. Une liste de tous les dangers qui rappelle que l’on ne peut pas contrôler totalement la vie de son enfant et qu’il faut savoir accepter cette cruelle part d’incertitude de la vie, « Promets-moi mon amour/ De passer ton tour/ Promets-moi mon enfant/ De rester vivant ». On retrouve cette thématique difficile de la relation parents/enfant avec La vie dans les dents qui nous enveloppe de sa tonalité élégiaque. On suit le regret d’un père après le départ de son enfant, le regret de ne pas avoir su communiquer et vu grandir son enfant. Titre d’une simplicité et justesse imparables. Paris-Nice prolongera cette difficulté de la communication au sein de la cellule familiale. Parfaite bande-son de Juste la fin du monde de Lagarce, le titre traite avec pudeur de la difficulté de se faire accepter par sa famille, à travers les thématiques du retour impossible et de l’homosexualité. Le refrain puissant met paradoxalement en avant le poids des silences dans les familles.

En famille aborde avec un humour grinçant le sujet des réunions de famille et la difficulté de trouver sa place alors que Comme il est beau réussit le tour de force d’aborder le thème de la violence conjugale à travers la puissance de l’amour. Titre d’une grande douceur instrumentale, comme souvent sublimé par des cuivres à la fin, il souligne tous les sentiments contradictoires qui animent une femme battue: la peur, la culpabilité, l’amour qui trouve des excuses perpétuelles au conjoint violent. La musique est d’une grande pudeur mais les mots frappent aussi juste que les coups et dénoncent avec puissance, « ses mots, ses colères/Entrent dans sa chair/Comme un couteau » ou encore « Pour que ça s’arrête/ Il faudrait ta tête/ Sur le carreau/ Pour que plus jamais/ Il dise tu sais/ Je t’ai dans la peau/ J’aurai ta peau ».

Créteil Soleil se montre ensuite plus sombre afin d’aborder les disputes conjugales et la difficulté de ne pas se laisser dominer par nos émotions, Loin Montréal qui est un duo avec la très belle voix de P. R2B entrelace avec merveille les deux voix pour aborder la difficulté d’être une jeune mère et la volonté insatiable de fuir une réalité trop dure quitte à passer pour une lâche. Freddie Mercury va alors frapper un coup immense avec ses 7 minutes d’une grande puissance narrative. La voix parlée de Florent Marchet nous narre une amitié adolescente sur un fond de maltraitance familiale dans une atmosphère musicale dépouillée qui n’est pas sans me rappeler les effluves aériens et intemporels de la BO de Virgin Suicides. Incontestablement l’acmé de l’album…

La deuxième partie de l’album est plus classique musicalement, Les amis aborde la fragilité du lien amical sans aucune condescendance, Cindy traite avec pudeur de la joie d’une femme qui sort de prison et possède une véritable « envie d’avaler le ciel ». L’éclaircie ou l’incendie possède pour moi sa part de mystère, Lindbergh-Plage se présente comme une esquisse prise sur le vif d’un être immensément seul au milieu de la multitude alors que Dakota finit brillamment l’album avec la puissance de ses cuivres et ses choeurs pour traiter avec un regard décalé l’avenir sombre de notre planète que les hommes maltraitent.

Si vous avez envie d’un regard profondément bienveillant mais sans aucune concession sur l’humanité, il ne vous reste plus qu’à enfiler votre plus belle tenue pour aller boire une coupe à la Garden Party. Attention aux taches de vin, enjoy !

 

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 4. En famille – 8. Freddie Mercury – 3. Paris-Nice – 1. De justesse

 

Sylphe

Pépite du moment n°114: En famille de Florent Marchet (2022)

Il serait définitivement temps que je m’intéresse à la discographie de Florent Marchet… QueFlorent Marchet Garden Party j’aille me confronter à ses nombreuses musiques de films, que je réécoute ses albums (Rio Baril en 2007 et le dernier Bambi Galaxy en 2014 me viennent immédiatement en tête) ou que je lise son premier roman Le monde du vivant publié en 2020. Florent Marchet sortira son sixième album solo Garden Party le 10 juin prochain et, depuis quelques jours, je suis obsédé par un des titres qui en est extrait Paris-Nice… Ce titre sublime qui n’a qu’un lien bien secondaire avec la course cycliste est touchant d’humanité mais malheureusement je n’ai pas trouvé de vidéo de ce titre pour illustrer l’article – mon petit doigt me dit que ce ne sera que partie remise et que je risque bien de vous parler courant juin de Garden Party.

En fouinant, je me rends compte que plusieurs titres sont déjà sortis dont le dernier En famille le 12 mai et de nouveau, dès la première écoute, c’est bingo ! La voix feutrée de Florent Marchet et l’instrumentation subtile entre les claviers et la montée finale tout en cuivres permettent de parfaitement mettre en valeur la justesse et la pudeur des paroles qui traitent d’un sujet pourtant amplement rebattu : la famille. Florent Marchet traite de ces sempiternelles réunions de famille et souligne toute la complexité de la famille, à la fois nécessaire et constructrice de l’identité, mais aussi obstacle à l’émergence du vrai moi et source de frustrations fondamentales. Ce titre est un joli clin d’œil à la pièce de théâtre que j’étudie actuellement, Juste la fin du monde de Lagarce (pièce brillamment adaptée au cinéma par Xavier Dolan en 2014), qui révèle toute la difficulté de communiquer avec ses proches. Je ne peux que vous inviter à savourer ce En famille qui me donne une farouche envie d’écouter Garden Party, enjoy !

 

Sylphe