Review n°119: Desire, I Want To Turn Into You de Caroline Polachek (2023)

Je n’avais pas conscience que le 14 février dernier ne se résumerait pas seulement à la Saint Valentin, ou cette célébration un brin capitaliste des amoureux. Caroline Polachek sortait alors son deuxième opus Desire, I Want To Turn Into You qui m’obsède depuis bientôt 3 mois et sur lequel je prends aujourd’hui le risque d’écrire, tout en sachant que mes mots ne lui rendront pas suffisamment honneur. Membre du groupe de synthpop Chairlift avec Aaron Pfenning et Patrick Wimberly (un EP et trois albums tout de même que je serais bien intentionné d’aller réécouter pour raviver des souvenirs bien endormis en toute franchise), Caroline Polachek s’est lancé dans plusieurs projets solo sous le nom de Ramona Lisa ou CEP avant de sortir son premier album sous son nom en 2019 Pang qui est passé sous mon radar et qui méritera de figurer dans ma playlist estivale de rattrapage tant j’ai lu des avis dithyrambiques dessus…

Finalement, j’ai bien peu d’attentes en écoutant ce Desire, I Want To Turn Into You (souvent la situation optimale d’écoute pour se faire cueillir) et le résultat est brillantissime. C’est incontestablement mon coup de coeur de l’année et il va falloir s’accrocher pour le détrôner de la première place qui lui est promise dans mon top de fin d’année. Véritable melting-pot d’influences, de la synthpop au trip-hop en passant par la musique électronique, porté par une voix sublime et des paroles célébrant l’amour et le désir, cet album ne cesse de se réinventer au fil des écoutes et de souligner la richesse de sa production.

Welcome To My Island démontre d’emblée la richesse de la voix avec l’impression d’un chant de sirènes qui nous envoûte et prend possession de nous. La synthpop fonctionne à merveille, même avec les parties plus sombres à la limite du spoken-word. Pretty In Possible joue de son côté la carte d’une pop plus simple qui s’insinue en nous avec sa ritournelle des dadada dadada. Bunny Is A Rider me file ensuite une superbe claque, avec cette hyperpop mâtinée de sonorités électroniques.

La pop uptempo et cette guitare hispanisante du bijou Sunset, la pop plus intimiste de Crude Drawing Of An Angel, la pépite I Believe qui réussit le tour de force de métamorphoser le trip-hop initial en une pop lumineuse, l’hymne à l’amour trip-hop Fly To You qui invite les deux belles voix de Grimes et Dido, tous les choix artistiques -pour certains assez forts – fonctionnent.

La synthop inventive de Blood And Butter, la pop douce douce et intimiste de Hopedrunk Everasking, le trip-hop de Butterfly Net, la pépite inclassable Smoke et Billions complètent la collection de perles. 45 minutes de bonheur ça vous tente? Bon weekend de trois jours, enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°129 : Ryūichi Sakamoto (1952-2023)

1200x1200bf-60Après Leiji Mastumoto, décédé en février dernier, le Japon a perdu ces derniers jours un autre grand artiste. Ryūichi Sakamoto s’en est allé le 28 mars dernier. Si ce nom ne vous dit rien, nous allons resituer un peu le personnage, en nous focalisant sur deux temps musicaux majeurs de la carrière de ce grand monsieur. A la fois musicien, compositeur, producteur, chef d’orchestre et acteur, Ryūichi Sakamoto voit le jour en 1952 à Tokyo. Très inspiré par la musique impressionniste de Debussy et Ravel, mais aussi la pop rock des Beatles et des Stones, Sakamoto suit des cours à l’Université des beaux-arts et de la musique de Tokyo. Il y étudie tout à la fois la composition, la musique ethnique et la musique électronique. Musique électronique qui, dans le courant des années 1970, prend précisément son essor via le développement des synthétiseurs comme les incontournables Moog. Ryūichi Sakamoto sort dès 1975 de premiers enregistrements, sur lesquels il travaille comme claviériste ou arrangeur.

Il faut se transporter en 1978 pour voir naître le groupe fondamental et fondateur de la carrière de Sakamoto. Le Yellow Magic Orchestra publiera 8 albums studios entre 1978 et 1983, auxquels il faut ajouter un neuvième en 1993. L’essentiel des pépites du Yellow Magic Orchestra se situe donc à la charnière des années 1970 et 1980, avec des morceaux comme Tong Poo (1978), Technopolis (1979) ou encore Nice Age (1980). Si vous n’avez jamais entendu parler de ce trio, dites vous qu’il a été porteur de l’essor de l’électro sous différentes formes : électropop, synthpop, ambient house et electronica. Influencé par la musique de Kraftwerk, le Yellow Magic Orchestra est précisément à l’Orient ce que le groupe allemand fut à l’Occident dans le développement de l’électro. Le Yellow Magic Orchestra mis en sommeil, Ryūichi Sakamoto poursuivra dès les années 1980, et jusqu’aux années 2010, une foisonnante carrière au cours de laquelle il n’aura de cesse de repousser les explorations électro en allant jusqu’au rap et la house music dans les années 1990, tout en travaillant aussi autour des musiques du monde avec, par exemple, deux albums de bossa nova au début des années 2000.

En Occident, Ryūichi Sakamoto est également connu pour une autre facette de sa carrière : celle de compositeur de musiques de films. A commencer par Furyo (1984), dans lequel Sakamoto tient également un des rôles principaux face à David Bowie. C’est pourtant ses talents de musicien qui seront récompensés, puisque la BO de Furyo décrochera le BAFTA de la meilleure musique de film. On écoutera ci-dessous le magnifique thème Merry Christmas, Mr. Lawrence en version originale (parfaite synthèse du double travail électro/musiques du monde), mais aussi interprété en piano solo par maître Sakamoto himself. Tout simplement magique. Quatre années plus tard, c’est l’Oscar de la meilleure musique de film qui récompense Ryūichi Sakamoto pour la BO du Dernier empereur de Bertolucci. Si l’on retient les BO de ces deux films, on peut aussi se souvenir de celles d’Un thé au Sahara (1990), Talons aiguilles (1992), Snake eyes (1998) ou plus récemment Babel (2006) et The Revenant (2015), cette dernière en collaboration avec Alva Noto. Autant de compositions diverses qui donnent un aperçu du pléthorique travail de Sakamoto au fil de ses années de carrière.

Une œuvre emplie de pépites, que vous pouvez aller découvrir en piochant ce que bon vous semble. Il faut des heures et des heures d’écoute pour faire le tour de la question, et mesurer la perte artistique que représente la disparition de Ryūichi Sakamoto. Comme pour tous les artistes disparus, le plus bel hommage consiste à faire vivre leur travail. Nous y apportons ici une infime et modeste contribution, en vous donnant à écouter deux titres du Yellow Magic Orchestra, puis le magnifique thème de Furyo. Bonne écoute, et merci maître Sakamoto.

Review n°117: Player Non Player d’Agar Agar (2023)

       Le duo composé de Clara Cappagli et Armand Bultheel, alias Agar Agar, aime prendre son temps comme ils Agar Agar Player Non Playerl’affirment dans une interview accordée aux Inrocks « On a besoin d’accueillir certaines propositions pour se les approprier et ne pas être dans un dialogue immédiat avec ce que l’on vit. » Dans une époque de l’immédiateté poussée à son paroxysme, la démarche est pour le moins à contre-courant. Le premier album The Dog and the Future (apprécié et chroniqué par ici pour l’inauguration des Five-Titles) date donc déjà de 2018 et c’est avec une véritable impatience que je me lance dans ce Player Non Player, album-concept qui est la bande-son du jeu vidéo du  même nom créée par un ami d’Armand, Jonathan Coryn. Un jeu vidéo au concept assez original où l’on incarne un personnage qui arrive sur une île et rencontre des personnages énigmatiques qu’il va aider à accomplir leurs rêves, la progression du jeu débloquant les clips musicaux interactifs d’Agar Agar.

      Le morceau d’ouverture Grass nous emmène d’emblée en territoire connu avec ses synthés brumeux, ses beats de fond et cette voix d’une nonchalance toujours aussi sensuelle et séduisante. Les synthés d’Armand Bultheel sonnent toujours aussi eighties et on perçoit tout l’amour des consoles 8-bits, à l’image d’un groupe comme Crystal Castles. The visit creuse le même sillon dans une version cependant un peu plus pop uptempo, les synthés rappelant les débuts de Calvin Harris. On retrouvera cette électro-pop attendue et riche de contrastes dans l’excellent morceau final It’s Over dont la mélancolie est particulièrement poignante.

      Néanmoins, ce Player Non Player se présente davantage comme un vrai patchwork d’inspirations diverses qui peut déstabiliser. Ainsi Trouble se présente-t-il comme un vrai casse-tête électronique qui part dans tous les sens et qui a dû se montrer particulièrement complexe à produire, dans la foulée Odile nous propose une belle plage de douceur, aussi belle qu’inattendue, contrastant avec l’intermède d’une minute 45 Dragon, électro dépouillée et languissante qui ferait penser à un morceau caché du Third de Portishead. Accrochez-vous car l’auditeur ne va pas cesser d’être trimballé dans de multiples univers: Dragonlie est un de mes morceaux préférés avec son trip-hop désincarné et cette froideur esthétique d’une grande beauté qui contraste à merveille avec Crave et ses 2 minutes angoissantes qui croisent l’univers de The Knife avec le goût du 8 bits de Crystal Castles. Ce Crave me déplaît et me met mal à l’aise et je retrouve avec plaisir la douceur de Fake names qui s’impose comme le plus bel exemple d’électrop-pop inventive d’Agar Agar.

     L’électro-pop plus attendue de No Pressure, le featuring de Zombie-Chang qui apporte un texte en japonais bien senti sur Dude on Horse et la sublime plage contemplative Plaine qui ramène aux étendues balayées par le vent de Boards Of Canada confirment ce plaisir jouissif à explorer des contrées variées. Même si ce Player Non Player m’a demandé plusieurs écoutes pour appréhender son aspect protéiforme, je ne peux que vous engager à savourer l’inventivité d’Agar Agar, enjoy !

 

Sylphe

Review n°115: Cool It Down de Yeah Yeah Yeahs (2022)

Je continue de regarder 2022 dans le rétroviseur aujourd’hui avec un opus sorti le 30 septembre dernier, à savoir le cinquième album studio de Yeah Yeah Yeahs Cool It Down. Le groupe composé de Brian Chase (batterie), Nick Zinner (guitares et claviers) et surtout Karen O. au chant avait retrouvé la scène pour quelques dates en 2017 mais le dernier album Mosquito remonte déjà à 2013, une éternité dans le monde musical actuel… J’ai déjà parlé de ce groupe américain dans ce blog, en particulier de leur troisième album It’s Blitz! (2009) qui, en plus de posséder une des plus belles pochettes all-time, est un bijou d’électro-pop sensuelle et électrisante. Pendant cette pause, Karen O. n’a pas chômé et a, entre autres, marqué mon année 2019 avec Lux Prima, un album composé avec Danger Mouse (à relire par ici) qui montrait l’énergie intacte qui l’animait encore.

Pour l’anecdote, nous retrouvons dans les paroliers de ce Cool It Down le leader charismatique de TV on the Radio, David Sitek… a priori tous les voyants sont au vert pour passer un bon moment qui risque cependant d’être un peu court (8 titres et seulement 32 minutes). Le morceau d’ouverture Spitting Off the Edge of the World va nous rassurer d’emblée avec sa basse pachydermique et ses synthés omniprésents, la rythmique tout en langueur sublimée par la voix de Perfume Genius, dont le featuring apporte une vraie plus-value au morceau, nous envoûte et laisse avec délices la place à un refrain électrisant qui donne plus de complexité au titre. Lovebomb va ensuite surfer sur un empilement de nappes de synthés contemplatives, Karen O joue la carte d’une sensualité digne d’Alison Goldfrapp avec ses interjections (ses ah quoi !) avant de démontrer une belle sérénité sur une fin mettant en avant le spoken word. Le morceau laisse entrevoir une fragilité qui n’est pas sans me laisser insensible, pour rester dans l’euphémisme. Wolf referme brillamment le tryptique initial dans une veine plus habituelle qui rappelle It’s Blitz!, le refrain addictif est puissant et cette bombinette électro-pop fait mouche avec une grande facilité. En un peu plus de 12 minutes, Yeah Yeah Yeahs vient de réanimer toute sa palette d’influences et la pause de 9 ans paraît déjà un bien lointain souvenir.

Fleez et sa guitare électrique plus rock est peut-être le morceau de l’album qui me touche le moins, j’ai du mal à percevoir la ligne directrice et le chant paraît un brin facile… Heureusement, Burning ne va pas me laisser le temps de cogiter bien longtemps en restant dans la veine électro-pop de Wolf, le titre est tout en contrastes et ruptures tout en débordant d’énergie, plus subtil qu’il n’y paraît avec des cordes bien senties. La sensualité à fleur de peau de Blacktop offre une belle plage de sérénité, Different Today propose une électro-pop primesautière et plus légère qui illumine la fin de l’album avant de finir sur un très beau moment d’émotion, Mars, dont le spoken word nous transperce. En 32 petites minutes, ce Cool It Down vient de prendre place aux côtés de It’s Blitz! pour enrichir une discographie déjà bien séduisante, enjoy!

Morceaux préférés (pour les plus pressés): 1. Spitting Off the Edge of the World – 5. Burning – 3. Wolf

Sylphe

Son estival du jour n°62: Acceptable in the 80’s de Calvin Harris (2007)

Qui aurait imaginé que ce petit Ecossais (enfin petit, on se comprend car le gus mesure tout deCalvin Harris I Created Disco même 1m97) proposant une électropop jouissive faite de bric et de broc sur ses deux premiers albums I Created Disco en 2007 et Ready For The Weekend en 2009 deviendrait un des DJ les plus influents des années 2010/2020 ? Sûrement pas grand monde et c’est, ma foi, ce qui fait le charme de cette véritable success story vécue par Calvin Harris… Je ne peux que me réjouir pour lui, même si ses productions actuelles correspondent bien sûr moins à mes goûts musicaux. Maintenant, je dois avouer que je retourne régulièrement vers I Created Disco qui représente toute la quintessence de l’électropop débridée gonflée au second degré comme j’aime. Un premier album nettement supérieur à son successeur Ready For The Weekend qui amorçait la mue vers les sirènes des DJ. De nombreuses pépites jalonnent l’opus et trois en particulier me font perdre tout contrôle de mon corps : Merrymaking at my Place et son clip loufoque qui est une véritable version électropop de Daft Punk Is Playing At My House de LCD Soundsystem, The Girls et ses sonorités électroniques taillées à souhait pour les dance-floors et le titre du jour Acceptable in the 80’s, sucrerie électropop à l’humour so british. Véritable dédicace à la génération 80 dont je suis, j’adore le contraste entre les synthés disco un brin kitsch et la voix grave de Calvin Harris qui semble imperturbable. Un clip coloré complètement barré, il ne m’en faut pas plus pour me dire que ce titre est plus qu’acceptable, et même hautement recommandé, encore en 2022, enjoy ! En cadeau trois clips pour le prix d’un pour vous donner envie de découvrir les débuts de Calvin Harris.

 

Sylphe

Five Titles n°25: Party Like a Human de General Elektriks (2021)

Il y a peu, je prenais plaisir à réécouter le deuxième album Good City for Dreamers de General Elektriks (à voir parGeneral Elektriks Party Like a Human ici), album qui n’a pas pris une ride et dont l’électro-funk fait mouche avec délices. 12 ans et 4 albums plus tard, le septième opus Party Like a Human est sorti le 24 septembre dernier. L’occasion de prendre des nouvelles d’Hervé Salters et de voir si sa folie créatrice est toujours au beau fixe. Sans forcément révolutionner son style, même si les featurings sont plus nombreux que d’habitude et l’ouverture vers le hip-hop plus grande, ces 43 minutes font bien le job et nous plongent dans cet univers si atypique et si reconnaissable. L’ensemble est très homogène et je peux cependant regretter l’absence de véritables bombinettes électro-pop qui donneraient un supplément d’âme à cet album. Maintenant ce Party Like a Human dont la pochette ferait penser à une version moderne d’un tableau de Jérôme Bosch -en réalité, c’est le tableau Off the Wall : Art of Absurd de Laurina Paperina – demeure une très bonne porte d’entrée dans l’oeuvre de General Elektriks. La preuve en cinq titres qui fonctionnent à merveille…

  1. Le morceau d’ouverture Seeker nous ramène d’emblée en terrain connu. Basse funk, rythmique toute en ruptures, synthés hypnotisants, la voix d’Hervé Salters qui se plaît à naviguer dans les aigus, tout est parfaitement en place et nous ramène plus de 10 ans en arrière dans un univers hédoniste à souhait.
  2. Party Like a Human, le morceau éponyme, joue la carte d’un groove chaleureux et gourmand. Les synthés ne sont jamais loin et électrisent l’ensemble, en particulier sur une fin surprenante par son minimalisme.
  3. Chambre magique, seul titre chanté en français, ramène quant à lui vers l’univers fantasmagorique d’un Flavien Berger. Le duo de voix fonctionne à merveille et je découvre avec plaisir le timbre de voix de l’actrice Ariane Labed d’une grande sensualité qui se marie parfaitement à cette atmophère jazzy d’une grande douceur. Ce récit d’un rêve devenu cauchemar amène à l’évasion…
  4. Giving Up on You me séduit, quant à lui, par deux aspects : l’habituelle atmosphère électro-funk dans la droite lignée de Seeker mais aussi ces montées symbolisées par des violons bien sentis qui me rappellent, de manière assez surprenante, Poni Hoax.
  5. Le tryptique Cosmic Check clot avec brio l’album. J’apprécie tout particulièrement le featuring du rappeur Quelle Chris sur Cosmic Check Pt. 2 : One Foot in the Grave (plus convaincant que Lateef the Truthspeaker sur Electric Pigeons). Son grain de voix sombre se marie parfaitement à une ambiance plus mystérieuse qui n’est pas sans rappeler l’univers de The Avalanche. Cosmic Check Pt.3 : Humans Unite ! contrastera assez brillamment ensuite dans une version pop jazzy décomplexée où le refrain s’incruste en nous de manière indélébile.

Voilà à coup sûr un album plus riche qu’il n’y paraît à première vue. Moi-même, j’ai l’impression que mon avis n’a cessé d’évoluer au fil de cette chronique. A vous de vous faire votre propre avis désormais, enjoy !

 

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°82: Raid The Radio de General Elektriks (2009)

La semaine dernière, General Elektriks  sortait son septième album déjà Party Like a Human. JeGeneral Elektriks dois reconnaître que ces dernières années j’ai perdu d’oreille Hervé Salters et j’ai clairement quelques albums de retard… Je compte bien rapidement me remettre à jour car j’ai pris plaisir à suivre le début de carrière de General Elektriks. Le deuxième opus Good City for Dreamers en 2009 fonctionne ainsi pour moi comme une véritable madeleine de Proust. Un funk ultra moderne et jouissif, une énergie débordante à l’image de ces pas de danse si caractéristiques d’Hervé derrière les synthés, un concert enthousiasmant à l’Astrolabe et une belle ribambelle de bombinettes croisant avec hédonisme le funk et l’électro-pop. J’aurais pu choisir le groove nocturne de Little Lady ou encore les rythmes enivrants de Take back The Instant qui n’est pas sans rappeler l’univers de Just Jack mais ce soir j’ai envie de l’instantanéité de Raid The Radio. Rythmique funk, sifflements obsédants, puissance pop incontestable, clip loufoque, tout est présent pour incruster un sourire béat sur votre visage. Allez, je vous laisse en de bonnes mains, j’ai du General Elektriks à écouter, enjoy !

Sylphe

Review n°84: Loving In Stereo de Jungle (2021)

Il faut bien se rendre à l’évidence, on est repartis pour un tour et les vacances ensoleillées sont derrière nous. Jungle Loving In StereoLoin de moi l’envie de m’apitoyer mais plutôt le désir de prolonger les sensations estivales avec un album qui a illuminé ma deuxième quinzaine d’août. Depuis son premier album éponyme sorti en 2014, le duo britannique Jungle composé de Tom McFarland et Josh Lloyd-Watson propose un son groovy mêlant aspirations dance et sonorités disco. On a pris plaisir dernièrement à réécouter cette discographie et savourer des titres comme Busy Earnin’ (voir ici) mais il est temps de voir, trois ans après l’album For Ever, ce que vaut vraiment ce troisième opus Loving In Stereo, signé sur leur propre label et non sur l’armada XL Recordings.

On peut d’emblée affirmer que Jungle n’a pas pris de risques démesurés -je ne doute pas que certains diront que le résultat est somme toute assez, voire trop attendu – et décline avec justesse une formule qui a déjà parfaitement fait ses preuves. Certes, le titre Romeo vient explorer les contrées du hip-hop avec le flow percutant de Bas ou Goodbye My Love s’appuie sur la douceur du chant de Priya Ragu pour une pop-folk surprenante mais l’ensemble ne révèle pas une envie de se renouveler fondamentalement. Nous retrouvons ainsi les recettes habituelles du succès de Jungle. Tout d’abord, je prends plaisir à retrouver ce son taillé pour les dance-floors avec des rythmiques uptempo, des sonorités disco à foison, des cordes qui viennent embellir l’ensemble. Je n’arrive pas à m’ôter de l’esprit l’image de The Shoes à l’écoute de certains titres et c’est plus qu’un compliment dans ma bouche. Le titre Keep Moving est ainsi la pépite électro-pop ultime de l’album qui m’obsède depuis presque un mois. Une basse jouissive, des explosions qui viennent contrebalancer des instants où le temps semble comme suspendu, ces cordes subtiles, le résultat est imparable et sublimé par le clip, prenant rendez-vous avec le top des titres 2021. Si vous aimez ce son immédiat, All Of The Time, Talk About It ou encore Truth devraient vous apporter aisément cette dose de dopamine qui boostera votre rentrée.

La deuxième principale tendance de ce Loving In Stereo c’est la tentation d’une électro-pop lumineuse qui se veut plus rêveuse à travers le duo Lifting You/ Bonnie Hill. Un brin lisse, cette dernière est sublimée quand la basse groovy digne de Balthazar entre en jeu, une basse qui a véritablement pris le pouvoir sur l’album. Le tube électro Fire ouvre un champ de possibilités infinies alors que No Rules suinte par tous les pores un esprit rock plus poisseux.

Vous l’aurez bien compris, ce Loving In Stereo fonctionne parfaitement et apporte son lot de moments forts. Il faut reconnaître qu’une petite voix intérieure est demandeuse d’innovations plus importantes mais celle-ci s’incline face à la puissance des tubes, enjoy!

Sylphe

Five Titles n°20: Humor de Russell Louder (2021)

Découverte totale au programme en cette fin de weekend ensoleillé…. Russell Louder, signé(e) chez LisbonRussell Louder Lux Records, est originaire de l’Ile du Prince-Edouard et vit désormais à Montréal. Son premier opus Humor vient de sortir avec ses 9 titres pour une petite trentaine de minutes mais il n’en faut pas plus long pour prendre conscience que l’on tient ici une vraie voix et un univers dans lequel on a envie de se poser. Concernant l’univers instrumental, il est teinté d’électro rappelant le trip-hop sensuel des premiers albums de Goldfrapp, les synthés et la boîte à rythmes tenant une place importante même si la guitare fait une apparition remarquée sur la fin de l’album. On retrouve rapidement la filiation avec des artistes comme Florence and the Machine ou Austra mais ce qui m’a tout de suite désarmé c’est cette voix qui m’a paru instantanément familière. Une voix puissante et chaude qui m’évoque Annie Lennox de Eurythmics, alliant la puissance plus contenue d’une Beth Ditto à l’émotion d’une Jeanne Added. Je vous propose cinq titres qui vous donneront un bref aperçu de l’univers de notre Canadien(enne) [l’artiste est transgenre, d’où le masculin et le féminin qui se marient, mais j’ai envie de dire que le talent n’a pas de sexe ici].

  1. Le morceau d’ouverture Home est celui qui m’évoque le plus l’univers de Goldfrapp à qui je voue un vrai attachement. Des sonorités électro downtempo et un brin bruitistes, une voix puissante qui nous enveloppe langoureusement et qui prend le dessus sur les synthés, on savoure cette réminiscence du trip-hop qui arrive 20 ans plus tard.
  2. Après le traitement de la voix digne de Jeanne Added dans Cost of Living, Light of the Moon confirme que la voix de Russell Louder mérite d’être au centre de tout. Le groove du titre est imparable tant au niveau de la voix que des synthés. Morceau aussi brillant que la lumière de la lune…
  3. Vow est, quant à lui, porté par sa ligne rythmique et sa boîte à rythmes épileptique qui n’arrive pas à destabiliser la puissance tranquille de la voix de Russell Louder. Ce premier opus surprend véritablement tant la voix fait preuve d’une maturité hallucinante.
  4. Hello Stranger brille de son côté par son univers électronique qui me ferait penser à une formule extravertie et quasi-pop de The XX et par la douceur cristalline de la voix. Ce titre démontre tout le potentiel à faire bouger les corps.
  5. Je finirai avec Know the Game qui fait preuve d’un certain dépouillement pour un résultat empreint d’émotions.

On ne tombe pas tous les jours amoureux d’une voix dès un premier album, malheureusement ou plutôt heureusement, et Russell Louder, avec une retenue charmante, vient de me retourner en 30 petites minutes. Et vous, si vous preniez le risque d’être touché(e)s? Enjoy!

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°74: Always On The Run de Yuksek (2011)

Et tout est parti d’un générique de série qui me déçoit…Je m’explique. J’ai depuis peu cédé à la tentation de regarder la série En thérapie qui est véritablement brillante, porté par la performance magistrale de Frédéric Pierrot (déjà touchant de sincérité dans Polisse) et de tous les autres comédiens, Mélanie Thierry en tête. Je ne peux que vous inviter à savourer le travail d’Eric Toledano et Olivier Nakache qui ne nous déçoivent jamais dans leur approche de l’humanité et ses fragilités. Le bémol minime, me concernant, c’est ce générique et la musique qui l’accompagne qui peinent à me convaincre, et ceci est un doux euphémisme. Je suis d’autant plus déçu que ce générique est l’oeuvre d’un artiste que j’apprécie particulièrement, Yuksek. Du coup, j’ai eu envie de contrebalancer cette « déception » en me replongeant dans les premiers albums du Rémois de naissance, Away From The Sea (2009) et Living on the Edge of  Time (2011)… De nombreuses pépites électro-pop jalonnent ces deux petits bijoux d’une grande instantanéité et le choix d’un titre n’a pas été aisé. J’espère que la pépite du jour, en l’occurrence le morceau d’ouverture de Living on the Edge of Time à savoir le susnommé (non, non, ce n’est pas une insulte) Always On The Run, vous donnera envie de parcourir les albums. Des synthés obsédants qui ne sont pas sans rappeler ceux de leurs potes rémois de The Shoes, un refrain addictif qui gicle littéralement, un intermède digne de Justice au niveau des voix, une électricité sous-jacente que ne renierait pas Birdy Nam Nam et ce clip brillant dont la chute est particulièrement inattendue suffisent à me donner le sourire. Et vous, si vous écoutiez les premiers albums de Yuksek ? Voilà une thérapie qui porte rapidement ses fruits, enjoy!

 

Sylphe