A presque l’heure de filer se coucher comme une pauvre loque tellement les journées sont harassantes et n’ont plus aucun sens, il m’a pris l’envie de ressortir quelques sons d’Arthur H. Histoire de faire couler en douceur cette soirée… et de me rendre compte que nous sommes jeudi et qu’il est grand temps d’apporter ma contribution hebdomadaire au blog. Le hasard faisant bien les choses, ma petite playlist aléatoire est allée piocher dans Piano solo, album live piano solo (comme l’indique son titre) sorti en 2002 et retraçant la tournée solo dudit Arthur H. Pour moi qui ait eu la chance de le voir deux fois sur ce tour, je peux vous dire que ce furent deux bien belles soirées, dont l’enregistrement restitue assez fidèlement l’ambiance feutrée et tout en proximité avec le public. Le hasard faisant encore mieux que bien les choses, est sortie du chapeau Je rêve de toi, titre initialement présent sur Arthur H (1990), premier album du garçon
Je rêve de toi fait partie des plus belles déclarations qui ne disent pas leur nom. Déjà magnifiquement interprétée dans sa version d’origine, la reprise piano solo se pare d’un intimisme qui confine à l’indécence. Le titre exprime des sentiments et une sensualité à fleur de peau dont le souvenir du simple frôlement de ma main contre ton bras donne un aperçu. Le texte est d’une beauté transperçante, et peut-être encore plus mis en valeur par le seul piano ajouté à la voix. Et, puisque c’est donc mon jour de contribution à Five-Minutes, le son partagé est tout trouvé. Je drope ces presque quatre minutes dans vos oreilles, et même deux fois quatre minutes puisque je vous dépose aussi la version originale, tout aussi envoûtante. Quant à moi, je m’en retourne écouter une énième fois cette pépite. En fermant les yeux. En laissant filer mes pensées vers toi, « suspendue au plafond ».
Retour aux fondamentaux cette semaine, et possiblement les suivantes. D’une, la période est peu propice aux sorties. On a bien notre Sylphe qui a creusé du côté des nouveaux opus de Cocorosie et Chapelier Fou pour en sortir de bien belles choses, mais de mon côté j’avoue rester sec sur les nouveautés. De deux, ces semaines d’isolement m’amènent à l’introspection et au retour sur moi-même. Assez logiquement, j’accompagne ça de retrouvailles avec des albums et morceaux qui ont compté, comptent toujours et me ramènent parfois à de beaux moments du monde d’avant.
Je n’ai pas été gâté ces derniers jours : une recrudescence de pieds de fraises a monopolisé toute mon énergie et j’ai eu bien du mal à me relever de cette cueillette longue et éprouvante pour fouiller dans mes disques. Oui, dans mes disques, et pas dans mes fichiers ou playlists. En plus de frôler la misanthropie, je continue à accumuler des disques, tout comme j’empile les DVD/Blu-ray, me permettant ainsi de m’adonner à mes vices même en cas de coupure de l’internet.
Il y a quelques minutes, j’ai ressorti une galette d’Arthur H, son très beau Adieu tristesse de 2005, fourré à la pépite (comme à peu près tous ses LP d’ailleurs). Ce très beau disque succède à Négresse blanche (2003), déjà une bien belle réussite. Dans Adieu Tristesse, il y a le titre éponyme, qui ouvre l’album. Il y a aussi Le chercheur d’or, Ma dernière nuit à New-York City, ou encore Le baiser de la lune. On y trouve également 3 duos, un exercice dont le garçon raffole : un western burlesque et surréaliste avec M dans Est-ce que tu aimes ?, d’émouvantes retrouvailles père-fils avec Jacques H dans Le destin du voyageur, et notre Chanson de Satie du jour avec la toujours troublante Feist.
A la manière d’un Gainsbourg qui avait utilisé du Chopin pour construire son Lemon incest, Arthur H sample ici la Gnossienne no.1 d’Erik Satie, et y dépose un texte d’une sensualité sèche pétrie de propos sans ambiguïté. Les arrangements musicaux qui relisent Satie donnent une coloration orientale à des volutes sonores venant envelopper ces deux voix qu’on s’imagine intensément liées. Ça tombe bien, c’est de ça dont parle la chanson.
En presque ouverture de ce Adieu Tristesse dont le titre est tout un programme, surtout ces temps-ci, La chanson de Satie m’a littéralement soulagé de quelques heures pénibles. Je me suis aussi souvenu qu’il s’agit là, selon moi, d’une des plus belles déclarations. D’amour ? Pas que. Ou pas exactement. Plutôt d’un sentiment d’avoir dans l’autre sa correspondance parfaite, et de trouver avec l’autre un équilibre simple, naturel, évident et entier. C’était il y a un an. Où que tu sois, si tu me lis, tu te reconnaîtras et tu comprendras.
Non, il ne s’agit pas d’un nouvel album d’Arthur H. Disons, pas un nouvel album avec de nouvelles chansons. Filmographie n’est en fait qu’un best of, qui pourrait faire dire qu’on va le laisser de côté, parce qu’on a déjà tout Arthur H et qu’on connait (presque) par cœur. Et pourtant, il y a un paquet de bonnes raisons de se procurer cette double galette et de replonger dans le répertoire d’un des plus grands artistes français. Histoire de faire court, on en retiendra cinq.
En 2015 était sortie Mouvement perpétuel, une intégrale CD (qui ne l’est plus depuis la sortie d’Amour Chien Fou début 2018) de fort belle facture : tous les albums studio et live du garçon, augmentés de 3 CD bourrés d’inédits, reprises et autres moments jouissifs. Une intégrale pas comme les autres pour un artiste pas comme les autres. Cette année, Filmographie joue le jeu du best of en l’adaptant à la sauce Arthur H. Point de tubes (l’artiste n’en a pas au sens tubesque et commercial), ni d’ordre chronologique, mais 17 titres piochés dans les 10 albums publiés depuis 1990. Une poignée de pépites organisées en 4 thématiques qui occupent chacune une face de vinyle. Autant dire que l’objet prend tout son sens sous cette forme, plutôt qu’en CD.
Filmographie est donc un voyage dans quatre univers : Film noir, Comédie dramatique, Comédie musicale, Aventure psychédélique. A bien y réfléchir, quatre dimensions qui résument bien les pistes artistiques suivies par Arthur H depuis une trentaine d’années. Voilà donc un best of intelligent qui ne se contente pas d’aligner des morceaux connus, mais qui cherche à faire la synthèse d’une carrière protéiforme et riche au point de toujours surprendre même les fans les plus assidus.
Forcément, sur la totalité des chansons enregistrées par Arthur H au cours de sa carrière, il manquera sans doute à Filmographie celle que vous auriez aimée voir figurer dans telle ou telle catégorie. Par exemple, me concernant, il n’y a pas Assassine de la nuit, peut-être ma chanson préférée parce que je la trouve magnifiquement écrite (et aussi pour une raison bien plus intime et personnelle). Il n’y a pas non plus Je rêve de toi. En revanche, il y a ces 17 titres soigneusement choisis et ordonnés, qu’il est absolument génial de redécouvrir avec l’éclairage thématique proposé. Le baron noir et Cool jazz liés dans un Film noir, La chanson de Satie et Lily Dale qui composent une Comédie dramatique, La caissière du Super et Moonlove déesse unies dans une Comédie musicale ou encore Mystic rumba et The Hypno – Techno – Gypsie – Queen dans une tourbillonnante Aventure psychédélique.
Filmographie réussit également un joli double tour : réunir à la fois les fans hardcore d’Arthur H et les personnes qui le découvriraient. Les premiers (je n’y reviens pas) redécouvriront de chouettes titres sous un nouvel éclairage et, pour la plupart, inédits en vinyle. Les seconds trouveront là une porte d’entrée tout à fait pertinente pour s’aventurer dans l’univers créatif d’un grand bonhomme de la chanson française. Filmographie est un best of qui n’a rien de commercial. Je ne suis généralement pas client du tout de ce genre d’objet, qui donne à entendre des titres sortis du contexte album tel que l’artiste l’a pensé. Toutefois, ici c’est, précisément, pensé par l’artiste. Et c’est une chouette chose.
Filmographie est bien nommé. Chacune des chansons d’Arthur H est souvent très cinématographique et convoque des images mentales assez puissantes, comme autant de courts-métrages à déguster un par un au gré des humeurs du moment. Parcourir ce best of, c’est revisiter une filmographie au sein de laquelle chacun pourra attribuer sa récompense, dans chacune des catégories proposées. Et si parmi les nominés il manque des chansons, libre à vous de les rajouter en réécoutant, seul ou à plusieurs, la discographie complète de ce sacré personnage artistique.
Y a des jours comme ça, où on imagine livrer son article de la semaine sur une nouveauté, un coup de cœur déniché au fond des bacs d’un disquaire, une pépite inattendue. Mais la vie réserve parfois des surprises, et ce 28 novembre je me suis fait (r)attraper au réveil et au saut du lit par ce magnifique Je ne peux plus dire je t’aime du grand Jacques Higelin.
Voilà une chanson qui atteint cette année ses 40 ans. Quarante années qu’elle se promène au milieu d’un album charnière dans la carrière d’Higelin. Champagne pour tout le monde… Caviar pour les autres (1979) est un double album, initialement sorti en deux disques séparés, avant qu’ils ne soient regroupés en un seul volume. Il n’y a rien à jeter dans ces multiples pistes, que l’on débute avec Champagne ou Cayenne, c’est fini, ou bien que l’on poursuive avec Tête en l’air, L’attentat à la pudeur, ou encore Le fil à la patte du caméléon.
Un double opus charnière qui va à la fois faire passer Higelin des années 70 aux années 80, et ouvrir sa musique sur une nouvelle dimension. Les années 60 ont été synonymes d’expérimentations en tout genre avec Areski et Brigitte Fontaine. Les années 70 ajoutent à ce matériau de départ du rock et un grain de folie supplémentaire et bienvenu. Les années 80 seront celles d’un certaine idée de la chanson française, à la fois pop et de très haute volée.
Champagne/Caviar est donc le témoignage de cette évolution musicale. Un album dont je ne me lasse pas, que je peux écouter en boucle comme d’ailleurs à peu près tout Higelin, d’un disque à l’autre selon mon humeur du moment. Toutefois, cet album a une saveur particulière, peut-être à cause de (ou grâce à) ce Je ne peux plus dire je t’aime, niché à mi-chemin de Caviar et aux trois quarts de Champagne/Caviar, comme une dernière respiration avant la clôture de la fête.
Car il s’agit bien là d’un titre de clôture de fête, tant par son texte finement ciselé et d’une simplicité magnifique, que par sa musique, sorte de murmure intime et profondément humain. Une sorte de constat doux-amer, honnête et aussi plein de promesses. Une résignation tout autant qu’une proposition. Je ne peux plus dire je t’aime donnera lieu, par la suite, à de nombreuses versions en duo et reprises en tout genre. Comme un titre universel, que tout le monde voudrait savoir chanter. Comme une façon de dire les choses que toute personne normalement constituée aimerait maîtriser.
Dernière reprise en date, et pas des moindres : 8 février 2019, Izïa et Arthur H (fille et fils de, faut-il le rappeler ?), rendent hommage au grand Jacques lors de la cérémonie des Victoires de la musique. Comme on est généreux sur Five-Minutes, et que j’ai envie de l’écouter plusieurs fois encore, voici à la fois la version originale par Higelin, suivie de cette magnifique et imparable reprise par les enfants de, avec la charge émotionnelle qui va bien.
Jacques, tu nous manques chaque jour, mais loin de toute commémoration larmoyante, la meilleure chose que l’on puisse faire c’est continuer à écouter tes disques. Et notamment ce Je ne peux plus dire je t’aime qui, paradoxalement, est peut-être la plus belle déclaration d’amour qui soit.
Voilà un album qui, tout comme Amour Chien Fou d’Arthur H, aura profondément et à jamais marqué mon début d’année 2018. Sorti en mars 2018, l’excellent L’oiseleur succède dans la discographie de Feu! Chatterton au déjà très bon Ici le jour (a tout enseveli) (2015), et fait un étonnant écho à la galette d’Arthur H.
Peut-être parce que celui-ci a avoué avoir beaucoup aimé ceux-là. Où alors parce que nous avons là deux albums qui portent haut la chanson française. A moins que ce ne soit parce que L’oiseleur et Amour Chien Fou se répondent comme deux êtres complices indéfectiblement liés, deux facettes d’un même amour des mélodies riches et des textes ciselés.
La première chose qui frappe à l’écoute de L’oiseleur, c’est la multitude de sons assez génialement superposés. On y trouve pléthore de synthés et de machines analogiques des années 70 (oui, des années 1970, au 20e siècle, en quelque sorte un autre temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître) qui font frétiller les tympans. Je ne te vois plus repose sur des sons tout droit sortis de la BO d’Interstellar, tandis que Grace est truffé de nappes à la Pink Floyd. Mais Feu! va bien plus loin, en convoquant tout un imaginaire et des souvenirs seventies de pop, avec le titre L’oiseleur, ou encore de bandes originales type François de Roubaix, comme dans Ginger. Autre référence, et pas des moindres, qui me vient à l’esprit : Radiohead, pour ce qui est de la construction audacieuse, riche et complexe des morceaux. Enfin, on ne peut passer sous silence (c’est le cas de le dire) la voix d’Arthur Teboul, chanteur de Feu! Il en joue à la fois comme d’un support à ses textes, mais aussi comme d’un véritable instrument émotionnel qui dessine des lignes mélodiques et aventureuses, sans cesses renouvelées. Dans le paysage musical actuel tristement criblé d’autotune et de vocodeur, c’est une bien belle prouesse qu’il convient de signaler.
L’oiseleur, bien plus encore que Ici le jour (a tout enseveli), est une magistrale démonstration de la capacité du groupe à faire naître dans nos petites caboches des histoires visuelles et des courts métrages. A la fois, donc, par ce côté univers de BO, mais aussi à travers les textes, d’une poésie assez terrible reposant sur des mots percutants et justes.
La poésie d’Arthur se manifeste dès l’ouverture de l’album avec Je ne te vois plus. Tiens tiens, au fait… nous parlons bien d’Arthur Teboul, chanteur du groupe, et non de H. Deux Arthur, sacré coïncidence. Notre Arthur T ne cache pas sa passion pour la littérature, et il y contribue de sacrée belle façon avec un sens des mots et de la formule poétique : « Le tendre passé qui nous hante / croît comme un jardin vivant » (dans Grace), « Remangerons-nous le fruit du hasard ? / Cette pomme étrange qui affame quand on la mange ? / Abandonnerons-nous encore nos pas à l’odeur du figuier qui est celle de l’été ? » (dans Sari d’Orcino), « Je serai la rouille se souvenant de l’eau » (dans Anna) n’en sont que quelques illustrations. C’est bien simple, on pourrait citer la totalité des textes, et je pourrais m’en délecter pendant des heures… « A cette heure du jour / A cette heure de la nuit / Quand je fais l’amour / dans l’après-midi ».
Si, toutefois, il me fallait conserver une phrase et une seule de ce lot de flammes sensuelles, ce serait sans doute ces deux lignes, qui m’ont possédé des jours et des jours entiers, m’empêchant parfois de trouver le sommeil, assassines de mes nuits, et qui sont aujourd’hui encore une putain d’énergie lumineuse qui me porte : « Un oiseau chante je ne sais où / C’est je crois ton âme qui veille ». Vous entendrez ces mots offerts par l’incroyable voix de dandy écorché d’Arthur dans le titre Souvenir, et vous y entendrez bien plus : une sorte d’apesanteur mêlée de rage contenue, qui bascule presque dans un second titre à partir d’une autre phrase magique et majeure, « Nous regagnerons la confiance / comme une terre ferme ». Sans doute un de mes titres préférés de l’album, bien qu’il soit très délicat d’en isoler un et de le mettre en avant, même si je reviens plus souvent sur Grace, Ginger, Tes yeux verts et Sari d’Orcino. Ce dernier titre me fait toujours l’effet d’un court métrage, racontant un amour à la fois fugace, intense, et finalement persistant.
En marge de l’album, je ne peux que vous conseiller d’écouter Zoé, titre multicompositeurs élaboré dans le cadre des Récréations Sonores, et disponible sur Spotify. Bien que textes et musiques ne soient pas originellement d’eux, les Feu! les subliment, comme ces mots imparables et bouleversants : « Mais comme un voile de soie blanche ma mémoire courte à la branche de tes doigts pourpres reste accrochée et je me souviens de tes mains comme deux oiseaux libres ». Sublimer le talent des autres : la marque des plus grands parmi les grands.
Ultime plaisir : les Feu! Chatterton tournent actuellement et viendront illuminer notre région orléanaise le 11 octobre prochain, dans la programmation de l’Astrolabe délocalisée à Chécy. Il reste des places, on ne saurait que trop vous inciter à y aller, avec en prime notre Valérian Renault local en première partie. La team Five-Minutes sera de la fête, car là où il se déclenche, le Feu! ne peut rester contenu bien longtemps. J’aurai, pour ma part, un intense bonheur de rouge-gorge picorant une amande à vivre ce concert. Hyper.
La première moitié de 2018 a livré du très bon son. Nous qui reprenons nos activités bloguesques avons du pain sur la planche pour proposer un tour d’horizon des mois passés. Commençons par une des perles du tout début d’année, le nouvel opus d’Arthur H intitulé Amour Chien Fou.
Un double album qui percute dans tous les recoins de nous où les émotions vont se lover. Arthur H est amour et nous le fait savoir. Amour pour ses parents, qui ont chacun droit à un titre. Le passage (pour Jacques), une navigation vers la lumière finale, filée d’une métaphore cinématographique. C’est brillant et bouleversant, et prend encore une autre dimension maintenant que ce grand bonhomme nous a quittés. La boxeuse amoureuse (pour Nicole), un pur bijou piano-voix doublé d’une admiration qui suinte à chaque note. Amour pour sa famille aussi, à travers Brigade légère qui égrène chaque composante de la tribu H dans une bouleversante déclaration. « Aimons-nous vivants » disait l’autre, « Aimons-nous » (tout court) a-t-on envie de surenchérir.
Arthur H est aussi et surtout amoureux de la vie et d’une femme, que l’on sait être sa compagne Léonore Mercier, artiste plasticienne sonore, très impliquée dans cet album pour notre plus grand plaisir. L’osmose entre les deux est totale et permet à Arthur de nous promener astucieusement dans son univers pour une déclaration d’amour sans cesse revisitée et multiforme.
Les textes infusent le sentiment amoureux au fil des titres. « J’ai déjà oublié comment ne plus t’aimer » dans Reine de cœur, « Je te respire et tu m’inspires » pour Sous les étoiles à Montréal, ou encore ce Carnaval chaotique : « Petit amour / Tes seins en pointe me changent en passoire / Tes sources coulent / Tu peux passer ». Ce dernier texte n’étant pas sans rappeler le torride et moite Marilou reggae d’un certain Serge G. Amour Chien Fou (chanson éponyme) déroule des tentatives de définition de ce qu’est l’amour, sur une rythmique pop légère avant une inattendue bascule musicale. Impossible d’isoler une portion du texte tant l’ensemble forme un tout. On retiendra aussi Moonlove déesse, un autre titre qui sexualise corps et esprit : « J’escalade les collines divines de Moonlove / Le drapeau de l’amour bien planté sur Moonlove ». Sans oublier Assassine de la nuit, un titre dont je suis absolument raide dingue et qui se pose à mon cœur comme la déclaration d’amour absolue. Fatale, tout simplement.
Tout le talent de cet album est de jouer aussi pleinement sur la musique, en mélangeant les ambiances douces, passionnées, torrides, jouissives. Double album donc, avec une première galette Amour faisant la part belle aux ambiances intimistes et acoustiques. La dame du lac développe des nappes électros pour une ambiance mystique d’une sensualité redoutable. Moonlove fantaisie s’ouvre sur « Une averse de caresses » relayée par des notes-perles qui tombent et s’infiltrent dans chacun de nos interstices. On retrouve aussi des personnages de la galaxie Arthur H, comme Lily Dale, sorte de sœur de Melody Nelson déjà croisée sur l’excellent album Négresse blanche en 2003 (il y a 15 ans à peine, il y a 15 ans déjà…), dans un titre d’une douceur infinie qui raconte les amours de Lily. Enfin, l’Inversion mélancolique, l’autre titre dont je suis fou, avec ses samples en boucle et ce « vieux truc qui remonte à la surface ».
La seconde galette Chien fou opte plutôt pour le terrain pop, parfois dansant, pour compléter avec classe le premier disque. Assassine de la nuit (encore elle… j’avais prévenu, elle est partout en moi) transpire l’amour sensuel et intense, tandis que Tokyo kiss serait une déclinaison de l’indispensable film Lost in translation (une improbable rencontre amoureuse, néanmoins évidente et imparable). Plongée dans un délire purement Arthur H avec Nosferatu, sorte de clin d’œil au Champagne de Jacques H et lecture originelle du mythe vampire, romantique et amoureux. Sans oublier Il/Elle qui, sous couvert d’une mélodie légère, aborde avec finesse et humour le sujet du changement de sexe et de l’identité de chacun. Un titre d’amour par excellence, à travers l’affranchissement du corps et des modélisations sociétales pour vivre totalement ce que l’on est et ce qui nous appelle.
Peut-on être amour sans être chien fou ? C’est au final la question posée par ce double opus qui, décidément, reste pour moi le meilleur album d’Arthur H. Des morceaux qui se gravent en moi écoute après écoute, et me collent toujours un peu plus à la peau. Mais je m’éloigne… Quoique. Amour fou pour cet Amour Chien Fou qui a du chien. Peut-on être amour sans être chien fou ? Non, clairement non : tels deux êtres indéfectiblement liés et connectés, la première galette est indissociable de la seconde, et réciproquement. Les deux se chargent conjointement de nous rappeler que, là où il se niche, notre chien fou ne trouvera son équilibre que dans un savant mélange de passion et de douceur amoureuses.
Indispensable, percutant, bouleversant, tonique : procurez-vous et écoutez cet Amour Chien Fou sans aucune réserve, avec votre amoureux-se… ou tout du moins en pensant fort à elle-lui. Hyper.