Pépite du moment n°131 : GBLTM (Studio outtakes) (2013/2023) de Daft Punk

512oeUxsIzL._SY355_Le 12 mai prochain, vous aurez (au moins) deux bonnes raisons de faire chauffer la CB. Sortira d’une part le nouveau et très attendu Zelda – Tears of the Kingdom pour les afficionados du gaming et de la Switch. D’autre part, vous pourrez aussi vous procurer Random Access Memories (10th Anniversary Edition), à savoir la réédition du désormais dernier album de feu Daft Punk. Faut-il voir là un appel des sirènes capitalistes et mercantiles, ou une possibilité de profiter plus largement d’un des grands albums et grands groupes de notre temps ? Nous en jugerons plus tard, lorsque la totalité de la galette rééditée sera disponible : à savoir l’album originel augmenté de 35 minutes de musique inédite, soit 9 morceaux (et d’un poster avec l’édition vinyle, le goodie collector qui sait faire la différence pour les bons ienclis). Annoncé à tout de même 40 euros la triple galette vinyle, on y réfléchira à deux fois tant l’objet incarne la flambée des prix pour ce support musical déclaré moribond voici une bonne vingtaine d’années. Je m’égare : nous sommes avant tout là pour écouter de la musique.

C’est précisément ce que nous allons faire avec GBLTM (Studio outtakes), un des 9 titres inédits disponibles sur cette réédition de Random Access Memories. Inédit ? Pas tant que ça. Derrière ce titre énigmatique et quelque peu imprononçable se cache une version alternative de Give Life Back To Music, morceau d’ouverture de l’album. Version alternative et entièrement instrumentale. Les voix ont disparu, de même que la guitare de Nile Rodgers qui donnait un sel incomparable à ce titre groovy à souhait. On y gagne en revanche une version bien plus orchestrale qui fait la part belle aux violons et piano solo. Une chose n’a pas bougé : la basse. Toujours omniprésente, très en avant et gonflée aux vitamines disco-funky. Il en résulte une version diablement efficace, qui rappellera (autour de la 3e minute notamment) certains accents du Don’t let me be misunderstood revisité par Santa Esmeralda en 1977. Un carton disco à l’époque, remis en avant en 2004 par Quentin Tarantino dans la BO de Kill Bill.

Tout cela ne nous aide pas à savoir si nous flamberons 40 euros le 12 mai prochain. Néanmoins, une chose est sûre : laissez vous aller et démarrez ce weekend gris et maussade avec du soleil dans les oreilles : GBLTM (Studio outtakes), suivi de sa version album 2013 Give Back Life To Music, et pour finir en bonus le Santa Esmeralda, histoire de comparer tout ça et prolonger le plaisir.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°129 : Ryūichi Sakamoto (1952-2023)

1200x1200bf-60Après Leiji Mastumoto, décédé en février dernier, le Japon a perdu ces derniers jours un autre grand artiste. Ryūichi Sakamoto s’en est allé le 28 mars dernier. Si ce nom ne vous dit rien, nous allons resituer un peu le personnage, en nous focalisant sur deux temps musicaux majeurs de la carrière de ce grand monsieur. A la fois musicien, compositeur, producteur, chef d’orchestre et acteur, Ryūichi Sakamoto voit le jour en 1952 à Tokyo. Très inspiré par la musique impressionniste de Debussy et Ravel, mais aussi la pop rock des Beatles et des Stones, Sakamoto suit des cours à l’Université des beaux-arts et de la musique de Tokyo. Il y étudie tout à la fois la composition, la musique ethnique et la musique électronique. Musique électronique qui, dans le courant des années 1970, prend précisément son essor via le développement des synthétiseurs comme les incontournables Moog. Ryūichi Sakamoto sort dès 1975 de premiers enregistrements, sur lesquels il travaille comme claviériste ou arrangeur.

Il faut se transporter en 1978 pour voir naître le groupe fondamental et fondateur de la carrière de Sakamoto. Le Yellow Magic Orchestra publiera 8 albums studios entre 1978 et 1983, auxquels il faut ajouter un neuvième en 1993. L’essentiel des pépites du Yellow Magic Orchestra se situe donc à la charnière des années 1970 et 1980, avec des morceaux comme Tong Poo (1978), Technopolis (1979) ou encore Nice Age (1980). Si vous n’avez jamais entendu parler de ce trio, dites vous qu’il a été porteur de l’essor de l’électro sous différentes formes : électropop, synthpop, ambient house et electronica. Influencé par la musique de Kraftwerk, le Yellow Magic Orchestra est précisément à l’Orient ce que le groupe allemand fut à l’Occident dans le développement de l’électro. Le Yellow Magic Orchestra mis en sommeil, Ryūichi Sakamoto poursuivra dès les années 1980, et jusqu’aux années 2010, une foisonnante carrière au cours de laquelle il n’aura de cesse de repousser les explorations électro en allant jusqu’au rap et la house music dans les années 1990, tout en travaillant aussi autour des musiques du monde avec, par exemple, deux albums de bossa nova au début des années 2000.

En Occident, Ryūichi Sakamoto est également connu pour une autre facette de sa carrière : celle de compositeur de musiques de films. A commencer par Furyo (1984), dans lequel Sakamoto tient également un des rôles principaux face à David Bowie. C’est pourtant ses talents de musicien qui seront récompensés, puisque la BO de Furyo décrochera le BAFTA de la meilleure musique de film. On écoutera ci-dessous le magnifique thème Merry Christmas, Mr. Lawrence en version originale (parfaite synthèse du double travail électro/musiques du monde), mais aussi interprété en piano solo par maître Sakamoto himself. Tout simplement magique. Quatre années plus tard, c’est l’Oscar de la meilleure musique de film qui récompense Ryūichi Sakamoto pour la BO du Dernier empereur de Bertolucci. Si l’on retient les BO de ces deux films, on peut aussi se souvenir de celles d’Un thé au Sahara (1990), Talons aiguilles (1992), Snake eyes (1998) ou plus récemment Babel (2006) et The Revenant (2015), cette dernière en collaboration avec Alva Noto. Autant de compositions diverses qui donnent un aperçu du pléthorique travail de Sakamoto au fil de ses années de carrière.

Une œuvre emplie de pépites, que vous pouvez aller découvrir en piochant ce que bon vous semble. Il faut des heures et des heures d’écoute pour faire le tour de la question, et mesurer la perte artistique que représente la disparition de Ryūichi Sakamoto. Comme pour tous les artistes disparus, le plus bel hommage consiste à faire vivre leur travail. Nous y apportons ici une infime et modeste contribution, en vous donnant à écouter deux titres du Yellow Magic Orchestra, puis le magnifique thème de Furyo. Bonne écoute, et merci maître Sakamoto.

Pépite intemporelle n°128: Secret d’Emilie Simon (2003)

Il y a 3 jours, le premier album éponyme d’Emilie Simon fêtait ses 20 ans… ce qui n’est pas sans nous rajeunir, il vaEmilie Simon - ES sans dire. Un album sublime qui croise à merveille les cendres du trip-hop et une voix angélique qui séduit par sa douceur quasi-enfantine. J’avais déjà parlé du très beau morceau d’ouverture Désert ( à relire par ici) et l’actualité musicale m’amène à y jeter de nouveau une oreille pleinement séduite. Emilie Simon a en effet opté pour un choix très audacieux et sort une version revisitée de cet opus initial avec ES pour surprendre ses fans de la première heure, dont je suis, mais aussi malheureusement confirmer un ralentissement artistique assez incontestable. Tant Emilie Simon a pu me séduire avec la BO de La Marche de l’empereur ou ses albums Végétal et The Big Machine, tant depuis Franky Knight j’ai du mal à me laisser emporter par ses nouveaux albums. Un EP Mars on Earth 2020 (brièvement abordé par ici) composé pendant le confinement avait laissé un espoir mais je dois reconnaître que cet ES propose une ligne directrice assez déprimante qui brise la pureté de l’album initial. Peut-être que de multiples écoutes feront évoluer cette triste première impression et je ne peux que le souhaiter car Emilie Simon mérite mieux. Je vous invite à vous faire votre propre avis, à travers le titre Secret dans ses deux versions, enjoy !

 

Sylphe

Pépite intemporelle n°127 : Sunday Morning (1967) de The Velvet Underground

81GsdUCxbaL._SL1500_Alors que le temps de tout caser dans une semaine écoulée m’a encore manqué, voici venu le temps non pas des rires et des chants (#référencedevieux), mais d’un petit son tranquille pour accompagner votre dimanche matin. Je ne vais pas aller chercher bien loin puisque notre pépite du jour s’intitule Sunday Morning. Morceau paru en 1967 sur l’album The Velvet Underground and Nico dudit groupe The Velvet Underground, Sunday Morning est à bien des égards une particularité. Pour qui connaît l’album complet, cette petite balade quasi comptine étonne. Au regard du groupe d’une part. The Velvet Underground, c’est l’ombrageux Lou Reed, le parfois inquiétant John Cale, épaulés par les discrets Sterling Morrison et Moe Tucker. La formation s’augmente ici de Nico, imposée par Andy Warhol au groupe qui accompagne alors sa performance Exploding Plastic Inevitable. La voix grave et sépulcrale de Nico ajoute à la noirceur vénéneuse du Velvet. Dès lors, trouver un Sunday Morning au milieu de tout ça a de quoi étonner.

D’autant que, d’autre part, l’album est plutôt sombre. Si c’est bien Sunday Morning qui ouvre la galette, on assiste ensuite à un enchaînement de titres renfermés et torturés, à l’image de I’m waiting for the man, Venus in furs (un titre que je trouve fascinant) ou Heroin. Le disque n’en reste pas moins une référence rock absolue, et un passionnant voyage dans l’univers du Velvet qui, soyons honnêtes, ne fera jamais mieux. Ne serait-ce que pour cette pochette mythique créée par Warhol, ornée d’une banane que l’on peut peler et qui laisse apparaître un fruit rose et ferme. Rappelons aussi que cet album ne fut pas diffusé en radio, étant considéré comme trop cru (aussi cru que la banane sur la pochette). Et qu’il fut un échec commercial, alors qu’il est aujourd’hui porté aux nues. The Velvet Underground and Nico occupe par exemple la 13e place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi en 2003 par le magazine Rolling Stone.

Vous pouvez donc courir (ré)écouter cette merveille du début à la fin. Pour vous mettre en appétit, et pour se faire du bien, on écoute Sunday Morning, pépite à laquelle j’ajoute mon autre pépite de l’album, à savoir Venus in furs. Deux salles, deux ambiances. Un même plaisir.

Raf Against The Machine

Ciné-Musique n°13 : The Last of Us (2023) de Gustavo Santaolalla

ab67616d0000b27370f76c0e9a71f567b690f5e8Quitte à enfoncer des portes ouvertes, autant le faire avec classe et sur un sujet qui vend du rêve. Pour la classe, il serait bien prétentieux de ma part de l’avancer : c’est vous seuls qui en êtes juges à la lecture de ces lignes et de ce blog. Pour le sujet qui vend du rêve, en revanche, j’ai moins de doutes. A peine disponible sur Prime video en janvier dernier, la première saison de la série HBO The Last of Us a déchaîné les commentaires, et des plus élogieux. Les neuf épisodes sont aujourd’hui visibles en totalité sur la plateforme. Il est donc possible de se binge-watcher ce qui restera possiblement comme la première adaptation TV d’un jeu vidéo enfin réussie. De sa photo à son casting, en passant par son scénario et sa réalisation, The Last of Us est une pure réussite. Tout comme dans sa version vidéoludique, on suit Joel et Ellie à travers des Etats-Unis (et un monde) ravagé par le cordyceps, un champignon parasite. Ce dernier divise le monde en deux catégories : ceux qui sont infectés, et ceux qui survivent. Vraie plongée dans le post-apocalyptique qui se loge parfois là où on ne l’attendait pas, The Last of Us mélange habilement la grande histoire du monde ravagé et l’intimisme des relations humaines en temps de crise.

La série a l’intelligence d’adapter le jeu vidéo sans chercher à faire du jeu vidéo filmé. C’est là toute sa force, et c’est sans doute pourquoi elle fonctionne aussi bien. Point de séquences gaming qui s’enchainent les unes aux autres, mais plutôt un long film de plusieurs heures (près de 9 donc), chargé de tensions et d’émotions. Un visionnage qui nous amène à nous questionner : si c’était nous, quels choix ferions-nous ? Voilà un point commun entre la série et son inspiration JV. Autre point commun, et pas des moindres, la bande-son de la série. Si on y entend du a-ha, ou encore la voix sépulcrale d’Eddie Vedder, le score original revient à Gustavo Santaolalla et David Fleming. Le même Gustavo Santaolalla qui composa à l’époque les BO des jeux The Last of Us.

Musicien argentin né en 1951, il n’en est pas à son coup d’essai. The Last of Us le ramène sur le devant de la scène, mais on lui doit bon nombre de BO ciné et séries assez mémorables. A commencer par les films d’Alejandro González Iñárritu comme 21 grammes (2003) ou Babel (2006), ou d’autres longs métrages tels que Le secret de Brokeback Mountain (2005). Pour la série The Last of Us, les pépites s’enchaînent épisodes après épisodes, et contribuent ainsi à l’ambiance si particulière qui plane au cours de la saison. La meilleure façon de découvrir tout cela, c’est de vous plonger dans les neuf épisodes de The Last of Us. En guise de mise en bouche, on s’écoute le générique de la série, qui vaut autant par ses qualités graphiques que sa bande-son hors du temps.

Raf Against The Machine

Reprise du jour n°9 : The Letter (1967/1970) de The Box Tops par Joe Cocker

Poursuite de notre petite virée dans le monde merveilleux et sans fin des reprises : après Feeling good (à relire/réécouter ici), restons dans la deuxième moitié desR-1972905-1469205055-5541 années 1960 avec The Letter, standard pop-rock-soul tombé dans les bacs dans sa version originelle par The Box Tops en août 1967, puis repris dès 1970 dans une version survitaminée par Joe Cocker. En l’espace de 3 années, le monde et la société connaissent des bouleversements définitifs, tout comme le monde de la musique. The Letter en est, par ces deux versions, une excellente illustration.

D’un côté, The Box Tops et 1967. Le groupe, originaire de Memphis (Tennessee), se forme autour de son chanteur Alex Chilton. Ils sortiront 4 albums entre 1967 et 1969, dans un mélange de pop-rock psychédélique (n’oublions pas ce qui se passe alors à Londres notamment depuis quelques mois avec l’émergence de Pink Floyd) et de soul. Les termes de blue-eyed soul (soul aux yeux bleus) ou white soul (soul blanche) ont été utilisés à l’époque pour distinguer la musique soul faite par les musiciens blancs de celle faite par les musiciens noirs. Cette distinction s’inscrit dans le contexte particulier de la lutte pour les droits civiques et du climat sociétal de l’époque.

De l’autre, Joe Cocker et 1970. Il aura suffi de trois petites années et de l’explosion du bluesman de Sheffield pour revisiter et dynamiter la bluette pop-rock de The Box Tops. Presque simultanément à la reprise incandescente du With a little help from my friends des Beatles, Joe Cocker livre ici une version soul des plus fiévreuses. Le rauque de sa voix le dispute aux cuivres chauds et sonores qui ponctuent l’ensemble. En bref, la reprise n’a rien à envier à l’original et gagne très nettement notre préférence. Comme un super son qui ferait danser, jusque dans le fond des océans, les algues au rythme de la musique (#défidujour).

Courez écouter cette merveille si vous ne la connaissez pas. Remettez là en montant le son et en fermant les yeux si vous connaissez : vous savez que cette reprise by Joe Cocker est imparable.

Raf Against The Machine

Five Reasons n°39 : The Dark Side of the Moon – Live at Wembley Empire Pool, London, 1974 (2023) de Pink Floyd

61hDAw1dzqL._UF1000,1000_QL80_Tout juste 50 ans après la sortie de The Dark Side of the Moon de Pink Floyd, est tombé dans les bacs hier vendredi 24 mars 2023 une pépite que l’on désespérait de voir arriver un jour. The Dark Side of the Moon – Live at Wembley Empire Pool, London, 1974 (que nous appellerons Live at Wembley par commodité pour cette chronique) est disponible en CD et vinyle. Inclus dans le méga et hors de prix coffret commémoratif de The Dark Side of the Moon, Live at Wembley est également accessible séparément, pour une quinzaine d’euros en CD et à peine vingt euros en vinyle. Alors que l’on connait déjà par cœur The Dark Side of the Moon et qu’on nous ressort un live vieux de 49 ans, faut-il lâcher ses piécettes dans cette galette ? Assurément oui, et même cinq fois oui. Cinq fois exposées immédiatement et sans tarder.

  1. The Dark Side of the Moon est le meilleur album de Pink Floyd. Le groupe possède à son actif bien d’autres merveilles, mais pas à l’échelle d’un album complet. A saucerful of secrets (1968), Atom heart mother (1970), Echoes (1971) ou encore Shine on you crazy diamond (1975) sont des pépites totales, mais qui ne font pas toujours corps avec le reste de l’album. On pourrait se tourner vers Animals (1977) qui présente une véritable unité, sans pourtant atteindre le niveau de richesse sonore et d’inventivité de The Dark Side of the Moon. Quant à The Wall (1979), c’est évidemment un chef-d’œuvre, mais est-ce vraiment un album de Pink Floyd ? Avec un Roger Waters omniprésent et omnipotent, mais aussi en comptant l’absence de Rick Wright et de ses claviers, il faut se rendre à l’évidence. The Dark Side of the Moon est bien l’album masterpiece de la discographie de Pink Floyd. Et ce Live at Wembley est une excellente occasion d’y replonger.
  2. D’y replonger, et de mesurer la maîtrise musicale du quatuor. Enregistré à Londres les 15 et 16 novembre 1974, Live at Wembley est un témoignage édifiant. Nous sommes un an et demi après la sortie de l’album studio. Pink Floyd possède sa création de bout en bout, et comme jamais. D’autant que The Dark Side of the Moon a déjà été testé et rodé avant sa sortie, lors de divers concerts en 1972 aujourd’hui disponibles en ligne sur toutes les bonnes plateformes de streaming. Ces deux soirs à Wembley sont une forme d’aboutissement. Non seulement The Dark Side of the Moon est à maturité, mais également son interprétation par Pink Floyd. Ecouter ce Live at Wembley, c’est redécouvrir The Dark Side of the Moon live avec de subtiles différences, mais une énergie intacte et assez folle.
  3. Ce Live at Wembley permet également de mettre un point final à un faux débat : Pink Floyd est-il un groupe de studio ou de scène ? Compte-tenu des enregistrements studios, créatifs et tirés au cordeau comme on ne l’imaginerait même plus aujourd’hui (à part peut-être chez Radiohead ou Archive), on est en droit de se dire que sur scène, le groupe perd nécessairement la production et le mixage affinés. Pourtant, toutes celles et ceux qui ont vu, ou ne serait-ce qu’écouté, Pink Floyd sur scène savent que le groupe dégage une puissance live dont bien d’autres artistes pourraient s’inspirer. Live at Wembley met fin à toute interrogation. Pink Floyd livre une interprétation hors sol et hors du temps de The Dark Side of the Moon. Tout est en place. Les quatre musiciens jouent comme un seul et déroulent une somme d’émotions assez dingue.
  4. Ce plaisir musical est renforcé par la qualité de la captation. Là où les lives de 1972 précédemment évoqués et le matériel du coffret The Early Years (sorti en 2016) étaient parfois un peu brouillons, Live at Wembley offre une propreté d’enregistrement live tout bonnement ahurissante. De la première à la dernière seconde, le son Pink Floyd nous explose à la tronche. Pas un défaut sonore ne vient entacher ce live, qui se double d’un mixage lui aussi ahurissant. N’allons pas jusqu’à dire qu’il est meilleur qu’en studio. Il est légèrement différent, et a l’avantage de faire ressortir encore plus les voix, les collages sonores, les claviers de Rick Wright, la batterie de Nick Mason, la guitare de David Gilmour, mais aussi et surtout la basse de Roger Waters. Dans l’intro de Money bien sûr, mais plus encore sur tout l’album. Comme si, avec ce mixage, Pink Floyd envoyait un message caché à son membre fondateur désormais écarté. Comme pour lui dire « Tout est pardonné, tu as bien ton entière place à nos côtés dans le groupe ».
  5. Il faut enfin s’arrêter sur l’objet en lui-même. Disponible donc dans un coffret hors de prix dont je ne dirai rien du contenu (ne l’ayant pas eu entre les mains), mais aussi à l’unité, Live at Wembley est un bien bel objet pour tout collectionneur. Le vinyle s’offre une pochette gatefold de grande qualité, et contient les textes des chansons imprimés à l’intérieur, plus deux posters eux aussi de toute beauté signés Ian Emes et Gerald Scarfe (celui-là même qui œuvrera graphiquement sur The Wall). Ainsi que le disque vinyle bien sûr. Je ne parle que du 33 tours : offrez vous cette édition plutôt que le CD si vous pouvez vous le permettre. Vous profiterez ainsi d’un enregistrement de très haute tenue, mais aussi d’une grande pochette conçue à partir d’illustrations dessinées en 1973 par George Hardie. En bref, un objet qualitatif sur tous les plans.

Live at Wembley de Pink Floyd est un incontournable. Pour les fans du groupe, il est indispensable en tant que témoignage musical, pièce de collection et moyen supplémentaire de replonger dans le génie de The Dark Side of the Moon. Pour les amateurs de musique et historiens, il est un témoignage essentiel de ce que fut Pink Floyd et de ce qui se créait au cœur des années 1970. Pour les collectionneurs, il est une captation longtemps souhaitée, et aujourd’hui disponible pour une somme tout à fait correcte. En un mot comme en cent : foncez.

Raf Against The Machine

Pépite du moment n°130 : No Reason (2023) de The Chemical Brothers

Capture d’écran 2023-03-18 à 12.16.43Trente et un ans déjà que The Chemical Brothers nous envoient du son qui fait du bien. Fondé en 1992 par Tom Rowlands et Ed Simon, le duo anglais de musique électronique affiche 9 albums au compteur entre 1995 et 2019, tous plus captivants les uns que les autres. Depuis No Geography, dernier LP en date, c’est l’attente. On a beau se passer et repasser ces 9 galettes, depuis Exit Planet Dust (1995) jusqu’aux dernières secondes de Catch me I’m falling, qui referme No Geography, il faut avouer qu’on est un peu en manque de The Chemical Brothers. On avait bien eu le single The darkness that you fear en 2021, qui semblait annoncer un nouvel album. Pourtant, pas de nouvelles depuis, jusqu’à maintenant. Les deux anciens étudiants en histoire (comme quoi, en plus d’être une passionnante filière d’études, l’histoire mène décidément à tout) livrent ces jours-ci No Reason, un nouveau single inattendu et diablement efficace.

No Reason condense en 4 minutes tout ce qu’on aime des Chemical Brothers. Une basse funk sert de base rythmique et métronomique à un savant mélange de techno et d’acid house. L’ensemble est saupoudré de rock et de samples vocaux issus de Courts of war, titre du répertoire du groupe de new wave Second layer, sorti en 1979. Gros melting pot d’influences me direz-vous ? Exactement, et comme pour tout mélange des genres musicaux, c’est toujours une prise de risques qui peut finir en morceau casse-gueule et désastreux qui ne fonctionne pas. Sauf que nous avons là un des groupes les plus talentueux dans ses compositions, surtout lorsqu’il s’agit de préparer le genre de salade composée qui nous fait reprendre cinq assiettes.

No Reason est ainsi un titre bourré d’énergie(s), comme ont pu l’être en leur temps Block Rockin’ Beats (1997), Hey Boy Hey Girl (1999), Galaxy bounce (2002), ou encore Galvanize (2005). Si vous avez besoin de votre dose de groove qui donne le pêchon pour ce samedi, et même l’entièreté de votre weekend, No Reason est fait pour vous. Si vous voulez juste un bon son qui nous rappelle combien The Chemical Brothers sont indispensables au paysage musical, No Reason est fait pour vous. Si vous aimez la musique et la vie, No Reason est fait pour vous. En bref, listen it.

Chronique préparée à l’aide de l’article paru chez Tsugi : https://www.tsugi.fr/the-chemical-brothers-devoilent-no-reason-apres-deux-ans-dabsence/

Visuel pochette tiré du clip de No Reason, réalisé par Adam Smith & Marcus Lyall : https://store.thechemicalbrothers.com/*/No-Reason-Vinyl/No-Reason-12/7RJL1ZVN000

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°126 : Sure Shot (1994) des Beastie Boys

918TOjcOorL._SX355_Après avoir écouté du 50 ans d’âge la semaine dernière, réduisons un peu la voilure pour revenir presque 30 ans en arrière. En 1994 plus précisément, pour nous replonger dans l’excellent Ill Communication des Beastie Boys. Pour leur quatrième album, Michael « Mike D » Diamond, feu Adam « MCA » Yauch et Adam « Ad-Rock » Horowitz mélangent hip-hop, punk rock et sonorités jazz. Ce mix aventureux pourrait tourner à la catastrophe. Entre les mains des Beastie Boys, l’ensemble constitue un des meilleurs albums du groupe. D’un titre à l’autre parmi les 20 qui constituent la galette, on navigue entre titres à chiller, ambiance plus vénère et flow hip-hop jazzy. C’est plutôt dans cette dernière case qu’on rangerait Sure Shot, titre inaugural de Ill Communication et pépite énergique et énergisante comme on n’en fait plus.

Exploitant au maximum le sample de Howlin’ for Judy du flûtiste de jazz américain Jeremy Steig, Sure Shot est un titre obsédant. Dans son rythme d’une part, qui se met en route et se tend sans jamais relâcher l’énergie durant ses 3 minutes 20. Dans son flow d’autre part, que se partagent les Beastie Boys, en semblant ne jamais respirer de la première à la dernière note. Les trois rappeurs se passent et repassent le micro dans un morceau qui sonne comme une profession de foi. Titre d’ouverture parfait pour un album, qui envoie sans délai toute l’énergie nécessaire pour se tarter immédiatement après les 19 autres compositions. Sure Shot fut mon titre de rencontre avec les Beastie Boys, et j’y reviens régulièrement. Dont aujourd’hui, avec partage ici-bas, ici même. Avec en prime le clip, qui fleure bon les années 1990.

Raf Against The Machine

Pépite intemporelle n°125 : Time (1973) de Pink Floyd

61R7gJadP7L._SL1368_Il est grand temps d’écrire ma chronique hebdomadaire, et si vous en avez lu le titre, vous voyez déjà la pirouette que je vais faire. Il est grand temps… et hop un titre avec le mot temps dedans, en anglais pour faire un peu stylé. It’s time ! Retour 50 ans en arrière, avec un ultra classique comme on n’en fait plus. Tout a déjà été dit et écrit sur Dark Side of the Moon de Pink Floyd. Paru le 1er mars 1973 aux Etats-Unis et le 23 mars 1973 (on reviendra sur cette date) au Royaume-Uni, ce huitième album studio est la concrétisation du son Pink Floyd en gestation depuis la galette studio de Ummagumma (1969), puis Atom Heart Mother sur l’album éponyme en 1970 et Echoes sur Meddle en 1971. Un rock progressif qui expérimente les sonorités, une production studio léchée et tirée au cordeau avec notamment un mixage quadriphonique, un concept sonore qui conduit à l’évasion totale. Les 43 minutes et 10 titres de l’album forment comme un seul et même morceau qui déroulerait ses différents mouvements. Figurant dans le top 25 des albums les plus vendus de tous les temps, Dark Side of the Moon est resté 736 semaines dans le classement des albums du Billboard, de 1973 à 1988. On pourrait aligner les chiffres à l’envi, le constat est bel et bien là. Au-delà des ventes, des chiffres de production, Pink Floyd publie en 1973 un album majeur de l’histoire de la musique, dont le succès et les qualités ne se sont jamais démentis depuis.

Difficile de scinder Dark Side of the Moon en titres séparés, tant l’unité et la cohérence musicales sont évidentes. On peut toutefois s’arrêter sur une composition plutôt qu’une autre, comme on préfèrerait dans les Quatre saisons de Vivaldi le Printemps à l’Eté, ou l’ouverture des Noces de Figaro chez Mozart au reste de l’œuvre. En quatrième position de Dark Side of the Moon se trouve Time. Le morceau s’ouvre sur de multiples sonneries d’horloge avant de dérouler une longue intro de près de 2 minutes 30. C’est ensuite un titre assez classiquement pop-rock qui s’installe, pour s’amenuiser petit à petit et nous amener vers le formidable The Great Gig in the Sky qui conclut la face A. Ceux qui connaissent l’album savent que les 5 titres de la face B seront encore plus impressionnants. Il n’y a rien à jeter dans Dark Side of the Moon. Pas une seconde de trop, pas un son inutile ou raté. Même si j’ai une infinie passion pour Animals (1977), je reconnais en Dark Side of the Moon un chef-d’œuvre qui me fascine à chaque fois. Ne serait-ce que pour Time, apparemment un anodin titre rock qui prend toute sa mesure au cœur de cet album de légende.

Album tellement légendaire que, à l’occasion de ses 50 ans, il ressort dans une édition Deluxe le 24 mars prochain (je vous avais dit qu’on reparlerait du presque 23 mars). Une réédition dantesque, une version remasterisée (une fois de plus) agrémentée de nombreux goodies collector et de moult supports. Vinyles, CD, DVD, blu-ray, tout y est pour (re)découvrir Dark Side of the Moon sous toutes ses formes et sous tous les angles. Merci Pink Floyd, et merci aussi le capitalisme : si le contenu du coffret est dantesque, son prix aussi. A 250 € la bête, même les plus passionnés y réfléchiront à deux fois.

En revanche, sort séparément (tout en étant inclus dans le coffret) le Live at Wembley Empire Pool enregistré en novembre 1974. Il ne s’agit pas du concert intégral donnant à entendre Echoes en live, ainsi que des pré-versions de Shine on your crazy diamond, Sheep et Dogs, mais du bloc Dark Side of the Moon. Entendez par là que, pour la première fois en vinyle et CD, on va pouvoir écouter la prestation intégrale de Pink Floyd ces soirs-là jouant Dark Side of the Moon en live, de la première à la dernière note. Sensiblement ce que le groupe proposera en 1995 sur son live Pulse, à deux différences notables. D’une part, sur cette tournée, Dark Side of the Moon est joué live, mais pas forcément dans son intégralité selon les soirs. D’autre part, l’enregistrement de 1974 permettra de retrouver le Pink Floyd quasi originel (car point de Syd Barrett), avec Roger Waters dans ses rangs. Ce Live at Wembley Empire Pool sera, lui aussi, disponible le 24 mars prochain, pour un prix autrement plus abordable. Il est fort possible que nous en reparlions bientôt pour décortiquer l’intérêt et la qualité de l’objet.

Pour le moment, il est grand temps de laisser place à la musique. Time et, en bonus, The Great Gig in the Sky qui lui fait suite directement sur l’album.

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