Avant de vous parler de deux coups de coeurs récents -le premier album de Wet Leg et le sixième opus d’Arcade Fire – je vais faire une excursion en terrain totalement inconnu pour moi avec ce titre de Daniel Johns tiré de son deuxième album solo, FutureNever. L’Australien s’est fait connaître à la fin des années 90 en tant que chanteur et guitariste du groupe de rock Silverchair (groupe dont je n’ai jamais croisé le chemin), depuis il a sorti son premier album solo Talk en 2015 et a collaboré avec Paul Mac (sous le nom de groupe TheDissociatives) sur deux albums. Désolé pour ce retour biographique mais je reconnais bien aimer connaître les origines musicales d’un artiste.
Ce FutureNever regorge de très beaux moments, en particulier dans sa deuxième partie riche en featurings féminins. Néanmoins, c’est bien le morceau d’ouverture Reclaim Your Heart qui me scotche littéralement à chaque écoute…Superbe voix grave qui t’enveloppe immédiatement par sa chaleur et sa propension à chercher les notes plus hautes à la manière d’Hayden Thorpe (le chanteur de Wild Beasts), violons soyeux en fond et explosion finale épique digne de Woodkid sublimée par un solo de guitare assez jouissif, en 4 minutes Daniel Johns me transperce le coeur à chaque fois. Juste savourer, enjoy !
Internet, les réseaux sociaux et Twitter peuvent être le déversoir d’une immonde bêtise et de moult stupidités. Néanmoins, si l’on prend le temps de trier et de bien chercher, c’est aussi l’endroit où l’on peut croiser des gens très bien, des personnes normalement constituées qui proposent des contenus au minimum intéressants, quand ils ne sont pas passionnants. Des lectures, des films, des jeux, ou encore des sons, dont celui d’aujourd’hui découvert au détour d’une passionnante discussion virtuelle. May the funk be with you est le dernier titre en date de Ezra Collective. Ce quintet londonien officie depuis maintenant quelques années dans le domaine du jazz, et se donne régulièrement en live (ils seront d’ailleurs au Hasard Ludique à Paris demain 25 mars, mais ne cherchez pas de place, c’est complet). Constitué autour de Femi Koleoso à la batterie, il regroupe TJ Koleoso à la basse, Joe Armon-Jones aux claviers, Ife Ogunjobi à la trompette et James Mollison au sax ténor. Un quintet tout ce qu’il y a de plus classique dans sa composition, mais qui a le bon goût de mélanger allègrement les genres. Loin de se cantonner à un jazz standard, Ezra Collective envoie une dose d’afro-beat, une louche de hip-hop, une pincée de soul et de musique latines et une cuillerée de funk pour des sons qui groovent et balancent bien comme il faut.
Ezra Collective brille ainsi sur ce que l’on appelle la nouvelle scène jazz britannique, mais il ne s’agit là que de mots et de tiroirs pour tenter de ranger et de classer les choses. Or, la musique n’est jamais plus belle que lorsqu’elle s’affranchit des catégories, dépasse les styles pour mieux les mixer et se réinventer, à l’instar de ce que peut proposer A State of Mind, formation très efficace dont on pourrait parler des heures. Le groupe de Femi Koleoso n’invente rien en soi, mais les ingrédients et influences sont subtilement dosés pour obtenir une musique qui fonctionne. En fin de compte, est-ce du jazz, du funk, de la soul ? J’avoue que je n’en ai vraiment rien à faire. Toute cela n’a aucune espèce d’importance, tant que j’ai dans les oreilles de la musique qui me fait de l’effet. Et ce May the funk be with you joue parfaitement son rôle sur moi. Doté d’un titre dont la référence StarWarsienne ne peut pas m’échapper, ce son fonctionne dès les premières secondes. Que le groupe soit bâti autour de sa section rythmique ne fait aucun doute, tant le groove est présent d’entrée de jeu, confirmé par l’arrivée trompette/sax à la 20e seconde. Exposition du thème, avant de passer au chorus de trompette, pour retomber sur le thème principal. Structure jazz pur jus, mais interprétation sincère et chaleureuse qui fonctionne toujours.
May the funk be with you est un savoureux bonbon jazzy qui se déguste sans réserve, et qui est une chouette porte d’entrée aux deux albums d’Ezra CollectiveJuan Pablo: The Philosopher (2017) et You can’t steal my joy (2019), que je découvre à peine mais que je vous conseille déjà fortement. May the funk be with you est le son smooth et sucré dont on a besoin par ces temps troubles et incertains. Entre un conflit mondial larvé, une planète au bord de l’asphyxie, et quelques autres joyeusetés sinistres, on peut se laisser complètement submerger et sombrer. On peut aussi chercher de la lumière, de l’énergie, du cœur, de l’apaisement et de la vie qui palpite. Suis-je en train de finir l’écriture de cette chronique au soleil en terrasse, avec un grand café fumant et une poignée de M&M’s ? Vous n’avez aucune preuve.
Rendons à César… Evidemment, un grand merci à toi avec qui j’ai discuté musique autour notamment d’Archive, Pink Floyd ou encore John Coltrane (trio de maîtres), et qui m’a fait découvrir Ezra Collective et quelques autres chouettes sons. Tu te reconnaitras aisément. Cette chronique est, de fait, un peu la tienne.
Une année où est prévu un nouvel album d’Arcade Fire, à savoir WE qui sortira dans les bacs le 6 mai prochain, est forcément une belle année musicale. La troupe formée autour de Win Butler et Régine Chassagne trône au sommet de mon panthéon, même s’il faut reconnaître que le dernier album Everything Now (4 ans déjà) montrait quelques signes d’essoufflement… La formation canadienne semble être à un tournant de sa carrière, le frère Will Butler qui s’épanouit dans sa carrière solo (relire par ici la chronique de son sublime dernier album Generations) vient tout juste d’annoncer qu’il arrêtait l’aventure Arcade Fire. Ce premier extrait The Lightning I, II ne demande bien sûr qu’à être scruté à la loupe pour percevoir les grandes lignes de WE. Le morceau se compose de deux parties claires et distinctes : une entame pop assez posée où on retrouve avec plaisir la voix envoûtante de Will Butler qui, s’il semble se revisiter capillairement parlant, n’a rien perdu de sa superbe vocale et une deuxième partie enlevée où le souffle épique (au propre comme au figuré à la vue du clip) vient traverser avec brio le morceau. Plus qu’à attendre le 6 mai désormais, et ça va être long, enjoy !
Difficile d’écrire en ce moment, entre le manque lancinant de temps et la difficulté à parler musique en cette période géopolitique pour le moins anxiogène…Lorsque les libertés les plus fondamentales sont battues en brèche, la liberté d’écouter de la musique et de pouvoir écrire dessus paraît bien dérisoire… Néanmoins, la musique a ce pouvoir assez incontestable de soigner les maux et il me fallait ce soir une parenthèse enchantée, une plage de douceur. Si vous êtes lecteur de ce blog, vous connaissez tout le bien que je pense de Thylacine avec en point d’orgue le joyau ROADS Vol.1 (à relire par ici pour les curieux). L’esthétisme de ses clips qui mettent en avant la beauté des espaces naturels (oui, oui, j’envie cette vie ponctuée de voyages musicaux que mène William Rezé), cette musique électronique aux confins de l’ambient aussi inventive qu’apaisante, voilà ce qu’il me (vous?) fallait… Ce Polar nous donne à voir le Pôle Nord sous son aspect le plus majestueux et le plus fragile (je vous conseille à ce sujet le roman Climax de Thomas B. Reverdy) avec une musique envoûtante à souhait. Merci Thylacine d’exister…
Le 28 mai dernier est sorti un album de reprises en hommage à David Bowie, artiste majeur s’il en est que je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter. Déjà 6 ans qu’il est parti mais il nous a laissé en héritage une quantité astronomique d’albums majeurs de l’histoire de la musique… En titre d’ouverture de ce Modern Love, Miguel Atwood-Ferguson reprend le bijou glam-rock Life On Mars présent sur l’album Hunky Dory de 1971. Morceau instrumental sublimé par les cordes, il réussit le tour de force d’apporter un soupçon de magie à un titre frôlant la perfection. Voilà en tout cas une bien belle cover qui nous permet d’aller réécouter avec plaisir l’original qui ne prend pas une ride, plus de 50 ans après sa sortie…Enjoy!
Je me suis lancé la semaine dernière dans une petite rétrospective Goldfrapp en abordant le bijou initial Felt Mountain par le biais du morceau d’ouverture Lovely Head (à relire par ici si ça vous chante). Sur le point de parler du deuxième opus Black Cherry pour lequel j’ai un vrai attachement (a priori sous la forme d’une review car je n’arrive pas à sélectionner véritablement un seul titre…oui je suis une âme faible…), voilà-t-il pas que je tombe sur un titre inédit des Norvégiens de Röyksopp avec Alison Goldfrapp en featuring. Impossible de lutter contre l’alignement des planètes, la rétrospective Goldfrapp prendra donc un virage intemporel inattendu. Depuis leur dernier album The Inevitable End en 2014 dont le titre est assez parlant, Röyksopp semblait avoir clos une discographie illuminée par deux bijoux de l’ambient du début des années 2000 avec Melody A.M. (2001) et The Understanding (2005), bijoux qui mériteraient que j’en parle plus précisément dans le blog (hop, rajout sur une liste d’idées déjà gargantuesque). Finalement, un nouvel album Profound Mysteries est attendu pour l’année 2022 et le mois dernier deux morceaux instrumentaux (Nothing But) Ashes… et The Ladder ont laissé augurer de belles choses.
Le premier titre pas instrumental met donc en valeur Alison Goldfrapp qui vient poser sa voix de velours sur une rythmique entêtante plutôt tournée vers les dance-floors. Le titre monte inlassablement en tension, sublimé par le chant si caractéristique d’Alison sur la fin. Voilà en tout cas une association brillante et d’une grande évidence, ces trois-là avaient tout pour s’entendre mais ils ont dépassé toutes mes attentes. Cet Impossible a déjà pris rendez-vous avec le top des meilleurs titres 2022, enjoy !
Et de trois : après Daytime coma et Shouting within, les londoniens d’Archive nous gratifient depuis quelques jours d’un troisième single extrait de Call to arms & angels, leur douzième album studio à paraître le 8 avril prochain. Fear there & everywhere ressemble à un titre rock presque pop d’à peine 4 minutes, avec une structure classique couplets/refrain. Serait-il le plus faible des trois titres ? Absolument pas. Derrière ses faux airs de titre formaté, ce nouveau single suinte Archive à pleines oreilles, et nous rappelle ce que va être Call to arms & angels : un album écrit, composé et enregistré durant la grande pandémie covidesque de ce début de 21e siècle. Le prophétique 21st century schizoid man (1969) de King Crimson résonne en toile de fond. Jamais nous n’avons été autant divisés, séparés, isolés les uns des autres sans vision de l’avenir, et jamais nous n’avons autant eu envie d’être ensemble à pouvoir se projeter sereinement dans un futur lumineux. Ecartelés par toutes ces contradictions, nous sommes depuis maintenant près de deux ans dans une sorte d’attente en suspension de jours meilleurs. Daytime coma entamait le sujet avec ses 14 minutes apocalyptiques, Shouting within enfonçait le clou avec cette rage intérieure à hurler en silence pendant des heures.
Fear there & everywhere apporte un troisième angle sur la question, avec un titre puissant et tendu. Dès les premières minutes, basse et batterie semblent plomber le climat, avant de se voir superposer guitares, synthés, voix. Tout ceci dans une rythmique aussi entêtante que lancinante. Et un texte qui raconte l’infiltration de la peur partout, autour de nous comme au fin fond de nos moindres recoins. Une peur qui éteint la lumière, qui pourrit jusqu’à nos bulles privées, avec laquelle il n’est pas/plus possible de vivre. Impossible de ne pas relever la référence directe du titre au mielleux Here there & everywhere (1966) des Beatles (à écouter ci-dessous après le Archive, en mode deux salles/deux ambiances). Pas que dans le titre d’ailleurs, puisque la chanson des Beatles raconte d’une façon presque mièvre la présence paisible de l’aimée, et la présence auprès d’elle. Histoire de vivre une vie de doux bonbon sucré, lovés dans un amour immortel et sirupeux. En somme, l’exacte sensation contraire du titre d’Archive.
Fear there & everywhere est un titre d’une noirceur absolue. Il n’y a pas une once d’espoir là-dedans, pas même dans le clip qui l’accompagne. Les images ont beau être colorées et dynamiques, c’est surtout une impression de se faire engloutir par ces visions qui nous attrapent. Jusqu’à la saturation, l’étouffement sous le masque omniprésent dans notre quotidien, et la permanence d’images qui s’effritent sans que l’on puisse y faire quoique ce soit. Alors, me direz-vous, pourquoi donc aller se plonger dans une ambiance aussi dark et dépressive ? Pour la catharsis. C’est ce qui peut nous sauver, et c’est ce qu’Archive fait de mieux. Souvenons-nous de l’efficacité de Controlling crowds (2009), album bourré de sons stressés et de cris hantés, de boucles sonores et textuelles jusqu’à l’étourdissement. C’est précisément la force de cet exceptionnel double album qui donnait (et donne toujours) l’envie et l’énergie de tenir et de lutter. Call to arms & angels arrive dans deux mois et demi, et ce sera un double CD/triple vinyle. On ne va préjuger de rien, mais ces trois premiers extraits, sur 17 titres au total, laissent imaginer un opus de très haute volée. La hype est totale. Plus que jamais.
Crédit image d’illustration : capture tirée du clip by Joyrider pour Archive
Découverte totale pour moi ce soir avec SimonJames alias Woolfy, un Anglais basé à Los Angeles qui se définit sur son Bandcamp, non sans humour, comme un troubadour indie-dance et disco. Il possède à son actif plusieurs albums en collaboration avec Projections mais vient seulement de sortir son premier EP Shooting Stars le 3 décembre dernier. Titre pour le moins remarqué car, sur cet EP, nous pouvons retrouver 2 remixes dont un de Django Django tout simplement… Le morceau phare de l’album est une belle plongée féérique dans l’indie-dance qui nous transporte en douceur, porté par des sonorités aériennes et des clochettes qui font immédiatement penser à Eels. La guitare sur la fin donne encore plus d’épaisseur à un titre envoûtant qui devient vite addictif. Et vous ça vous tente de tenter le versant indie-pop de Four Tet ? Enjoy !
Le début d’année est souvent propice à des mea culpa masqués, des moments où nous prenons conscience que certains albums nous ont échappé. Je regrette ainsi de ne pas avoir croisé plus tôt le premier album Primeiro Disco de José que je viens de réécouter avec plus d’attention. Album plus intimiste qui met à l’honneur la langue portugaise, il s’éloigne avec simplicité et talent des premières influences rock de José ReisFontão, le leader vocal d’un groupe pour lequel j’ai beaucoup d’estime, Stuck in the Sound. Sans trop vouloir m’éloigner de la pépite du moment initiale, je pense au passage que l’album Pursuit sorti en 2012 devrait être déclaré d’utilité publique pour son énergie incandescente… Le titre du jour Magic Escape démontre toute la richesse de l’album en se tournant davantage vers les dance-floors. Lente montée électronique agrémentée d’une litanie robotisée, le titre possède une puissance cinématique imparable et une tension sous-jacente assez jouissive. L’explosion finale tant attendue ne survient pas pleinement et les cordes emmènent le titre sur une planète ambient inexplorée pour mon plus grand plaisir. A écouter sans modération, enjoy !
On ne pouvait pas mieux entrer dans 2022. Alors que je zonais dans ma discothèque et sur internet ces dernières heures à la (re)découverte de sons, voilà que passe sous mes yeux un tweet de Thomas Méreur (oui, celui-là même à qui l’on doit The Dystopian Thing, mon album de l’année 2021 – chronique à relire par ici). Tweet-teaser qui a immédiatement attiré mon attention, et que je ne résiste pas à vous partager ci-dessous.
The Smile avait déjà attiré mon attention en mai 2021, à l’occasion du mythique festival Glastonbury. La formation avait alors fait ses débuts lors du livestream Live at Worthy Farm, avec une prestation haute en couleurs rock et fort efficace. Tout cela est peu étonnant, lorsqu’on regarde d’un peu plus près qui compose le groupe. On y retrouve Thom Yorke et Jonny Greenwood de Radiohead, associés à Tom Skinner, batteur issu du groupe de jazz Sons of Kemet. S’ajoute un quasi quatrième membre en la personne de Nigel Godrich, producteur historique de Radiohead. Pour résumer, The Smile est le nouveau projet spin off de Radiohead by Thom Yorke, aux côté de Atoms for Peace (déjà avec Nigel Godrich), mais aussi de ses albums solos.
Le résultat est très simple mais aussi extrêmement jouissif : du rock brut, direct, très guitareux et surplombé par la voix de Thom Yorke, et produit comme un vieux Radiohead des années 90. Avec une énergie intacte, et même assez surprenante. En témoigne ce single You will never work in television again, mis en ligne voici quelques heures. Le titre avait déjà été joué en mai dernier, mais était depuis indisponible à l’écoute. On peut maintenant profiter de ce morceau post-punk rock noise qui a le bon goût de lorgner sur le Velvet Underground (époque White Light/White Heat), mais aussi sur les Sex Pistols et les Stooges. Exactement l’énergie rock rageuse dont on a besoin pour traverser cette nouvelle période covidesque vraiment super chiante.
Bref : You will never work in television again de The Smile, c’est que du bon ! J’ai désormais très hâte de découvrir l’album, même si date et titre ne sont pas encore connus. En revanche, ce que l’on connaît, ce sont les dates de trois concerts londoniens que proposera The Smile. Les 29 et 30 janvier prochains, vous pourrez suivre un de ces lives en livestream. Les billets seront mis en vente demain vendredi 7 janvier sur le site officiel du groupe (https://www.thesmiletheband.com). Si 2022 propose d’avoir ce pêchon rock pendant 12 mois, à titre perso, je suis assez partant.