Du haut de ses 45 ans de carrière (oui, depuis 1978) et de ses 57 ans (oui, déjà), Richard Melville Hall aka Moby n’en finit plus de nous délivrer des compositions qui sont aujourd’hui inscrites dans l’inconscient collectif. Qu’il s’agisse de l’énergique Honey, du délicat Porcelain, du viscéral Natural blues (tous trois sur l’incontournable album Play en 1999), ou encore du pop électro We are all made of stars et du groovy Extreme ways, titre BO de la saga cinéma Jason Bourne (présents eux sur 18 en 2002), nombre de ses morceaux sont devenus presque instantanément des classiques. Et nous ne regardons là que deux albums. On pourrait encore citer l’excellent Hotel (2005), ou plus récemment Reprise (2021), publié sur le prestigieux label Deutsche Grammophon habituellement dédié à la musique classique. Dans cet opus, Moby réenregistre 14 titres avec le Budapest Art Orchestra, démontrant ainsi la richesse et la profondeur de ses compositions. La démonstration n’est plus à faire. Moby est un grand artiste, et nous l’allons voir en revenant sur l’album 18 et In this world, un de ses titres phares.
Titre d’ouverture de 18, In this world nous cueille d’entrée de jeu par un sample vocal de Lord, don’t leave me des Davis Sisters, groupe américain de gospel fondé en 1947 et qui officia jusqu’au début des années 1980. Le sample se mêle à la voix de Jennifer Price. La voix est puissante, pénétrante, subtile, imparable. Tout comme la musique de Moby. L’alliance est parfaite. Mais la perfection ne s’arrête pas à ces samples. Moby ajoute des notes de claviers et des percussions en arrière fond, avant de plaquer une rythmique dans laquelle programmation et piano communient. C’est brillant. Mais la brillance va encore plus loin. Dès la vingtième seconde, et comme une récurrence, une nappe de synthés vient soutenir l’ensemble. Cette nappe de synthés, nous la connaissons déjà. Nous l’avons déjà entendue. C’était 3 ans plus tôt, déjà chez Moby, sur l’album Play.
Plus précisément, dans le titre My weakness (chronique d’il y a quelques temps, à relire par ici), qui refermait l’album Play. Souvenez vous de ce merveilleux morceau, qui débutait lui aussi par des voix, mais bien plus aériennes et mystérieuses que le sample de In this world. La nappe de synthés dont nous parlons arrive à partir de 1 minute 10 dans My weakness et accompagnera pendant près de 2 minutes ce voyage hors de toute réalité. Comme un clin d’œil à ceux qui suivent, Moby reprend dans In this world et en ouverture de 18 cette nappe de synthés qui refermait Play. My weakness/In this world : comme un message subliminal. Ce monde qui est le nôtre, qui sait nous donner des forces et la force, mais qui est aussi notre faiblesse (weakness).
Pour aller un peu plus loin, rappelons nous que My weakness illustrait une des plus belles scènes (peut-être la plus belle) de la série X-files. A savoir le dénouement du double épisode Délivrance (10e et 11e au cœur de la saison 7). Fox Mulder y apprend enfin ce qui est arrivé à sa sœur mystérieusement disparue des années plus tôt. Loin de tout délire d’enlèvement extraterrestre, la réponse est bien plus terre à terre et dramatique. Or, que voit-on dans le clip de In this world ? Une poignée de petites créatures extraterrestres qui tentent, tant bien que mal, d’établir un contact avec la Terre et ses habitants, bien indifférents à la présence de ces êtres venus d’ailleurs. In this world et son clip en 2002 feraient-ils, eux aussi, un clin d’œil à cet épisode fondamental de X-files sorti lui à la charnière 1999-2000 ? D’un monde à l’autre, rien n’est moins sûr, mais j’ai envie de le penser.
Il est désormais grand temps de laisser la place à la musique : In this world, accompagné de My weakness pour se le remettre en tête si besoin. Et pour retrouver, d’un titre à l’autre, cette nappe de synthés si envoûtante et hors du temps.
Raf Against The Machine