Il est temps aujourd’hui de prendre des nouvelles d’un artiste qui me tient particulièrement à coeur, Konstantin Gropper, qui est la tête pensante des Allemands de Get Well Soon. Je ne reviendrai pas sur leur très riche carrière qui redonne ses lettres de noblesse à une pop baroque mâtinée de tendances électro assez romantiques mais leur premier album Rest Now, Weary Head! You Will Get Well Soon possède une place de choix dans mon panthéon musical. Leur dernier album The Horror sorti en 2018 (et chroniqué par ici pour les curieux) jouait la carte de la sobriété pour un résultat assez grave qui m’avait moins séduit que l’excellent LOVE qui l’avait précédé. Alors qu’en est-il de ce sixième album studio?
A première vue la pochette semble mettre l’accent sur une ambiance plutôt pesante avec ce Amen apposé sur une tombe -peut-on raisonnablement parler d’une borne kilométrique? Le vinyle amène à s’interroger avec la présence d’un personnage mystérieux, un Mickey Mouse possédant trois yeux et des dents de vampire qui se montre souriant en prononçant Amen. Vous avez 4h pour analyser cet univers extrêmement coloré où le rose du costume de Konstantin Gropper a pris le pouvoir. Le morceau d’ouverture A Song For Myself va nous ramener d’emblée en terrain conquis avec une pop orchestrée de haut vol qui se marie à merveille avec la voix caverneuse, les cuivres sont omniprésents même si les synthés pointent le bout de leurs touches et les choeurs féminins donnent encore plus d’ampleur au titre. Voilà une ouverture classique mais bien inspirée. Une ouverture qui va contraster avec My Home Is My Heart qui affiche avec clarté un autre objectif principal de l’album: s’adresser aux corps et faire danser. La rythmique uptempo est jouissive et pop jusqu’au bout des ongles, les synthés prennent le pouvoir pour un résultat hybride entre la tension d’un Depeche Mode et l’intensité d’un Arcade Fire. Les références sont élevées mais le résultat est aussi surprenant -quand on connaît la gravité de Get Well Soon depuis les débuts – qu’enthousiasmant. Cette tendance à allier deux pôles opposés, la mélancolie de la pop baroque et le besoin de laisser s’exprimer les corps à travers des sonorités plus électroniques, est la clé de voûte de cet album. Même si cette dichotomie peut à juste titre déstabiliser, le résultat est assez brillant.
I Love Humans -on retrouve beaucoup de considérations philosophiques dans cet album composé pendant le confinement – prolonge l’intensité mélancolique de A Song For Myself dans un dialogue touchant entre le chanteur et les choeurs féminins, sublimé par ces cuivres toujours aussi désarmants. A peine le temps de contrôler les picotements au coin des yeux que This Is Your Life nous tire par la manche pour nous lancer dans une danse échevelée avec sa rythmique âpre obsédante. Ce morceau démontre la capacité de Konstantin Gropper à faire ce qu’il veut de sa voix en utilisant à bon escient ici sa sublime voix de tête. Le duo Our Best Hope / One For Your Workout résume finalement assez bien l’album: d’un côté le lyrisme assez épique qui fait mouche tant le talent d’interprétation de Konstantin Gropper est incontestable et de l’autre cette envie inédite de créer une bombinette électro imparable. La rythmique de One For Your Workout est juste jouissive et le morceau ouvre un champ de possibilités infini.
La première moitié de ce Amen est particulièrement aboutie et donnerait presque envie en ce 1er mai de filer poser un cierge de remerciement à l’église -euh non finalement, je vais me contenter d’acheter un brin de muguet. La deuxième partie prolonge le plaisir mais je dois reconnaître qu’il y a moins de moments très marquants. La pop ambient aquatique de Mantra, le funk de Chant & Disenchant ou la mélancolie dépouillée de Richard, Jeff And Elon nous amènent vers Us vs Evil qui illumine la deuxième partie de l’album. Morceau plus sombre porté par les percussions et des sonorités plus discordantes, son refrain n’est pas sans évoquer la puissance rock des Belges de Balthazar. Ce titre est en tout cas inclassable dans la discographie de Get Well Soon et c’est ce qui le rend encore plus jouissif. La pop baroque de Golden Days et le vent d’optimisme qui transporte le morceau final Accept Cookies permettent à ce Amen de finir de manière plus (trop?) classique.
Ce Amen nous permet de croire encore et toujours dans le talent de Get Well Soon qui a pris le risque de faire évoluer son univers pour déserter ponctuellement la pop baroque. Le résultat est brillant et donne envie de réécouter la discographie brillante d’un groupe qui mériterait une plus grande reconnaissance encore, enjoy!
Morceaux préférés (pour les plus pressés): 6. One For Your Workout – 2. My Home Is My Heart – 10. Us vs Evil – 3. I Love Humans – 4. This Is Your Life
Un commentaire sur “Review n°99: Amen de Get Well Soon (2022)”