A l’heure où certains coursent les lapins et œufs dans les jardins, d’autres rematent pour la énième fois l’éclosion alienesque de Ridley Scott. On a les œufs qu’on mérite, et celui de 1979 a marqué à jamais tout cinéphile qui s’est un jour risqué à accompagner Ellen Ripley et ses compagnons d’infortune sur le Nostromo. Le facehugger (Manumala Noxhydria de son petit nom scientifique) n’est pas exactement la surprise qu’on s’attend à trouver au creux de n’importe quelle coquille, pas plus qu’une salmonelle d’ailleurs. D’autres encore attendent les cloches en ce weekend prolongé, alors que nous n’avons pas besoin de cette occasion particulière pour les entendre sonner. De tous horizons et sur n’importe quel sujet, le règne d’une époque où tout le monde a un avis sur tout sans connaître grand-chose est là et bien installé. Au milieu de cet océan de carillons, écoutons donc les vrais experts dans leur domaine : cela nous évitera bien des déconvenues et des crises d’angoisse.
Revenons donc à nos spécialistes en cloches, avec une pépite musicale intemporelle de AC/DC qui date de (déjà) 1980. A l’époque, le groupe de rock australo-britannique est en plein choc. Bon Scott, son emblématique chanteur qui a remplacé en 1974 Dave Evans (éphémère voix originelle de la formation), meurt en février 1980. Officiellement étouffé dans son vomi bien que la cause initiale n’ait jamais été déterminée. Le rock se pare tristement d’une nouvelle légende, mais plus prosaïquement, AC/DC se retrouve sans voix, alors même que les lascars sont à l’œuvre sur un nouvel album. Le précédent Highway to Hell (1979) a consacré le groupe dans le monde rock et auprès du grand public, notamment grâce à son titre éponyme en ouverture et son célèbre riff de guitare. Deux possibilités s’offrent alors à AC/DC : tout arrêter et entrer au panthéon du rock avant de se reformer plus tard (c’est la version alternative dans une dimension parallèle), ou continuer à exister en trouvant un nouveau lead singer.
Vous connaissez l’histoire : c’est la deuxième solution qui s’impose presque naturellement, avec l’arrivée de Brian Johnson. Le britannique prend le micro pour ne plus le lâcher, en dehors de la période 2016-2020 où des problèmes d’audition le tiennent éloigné de la musique. Période pendant laquelle Axl Rose (oui, le Axl de Guns N’ Roses) assurera l’intérim. Digression dites-vous ? Tout à fait. En 1980 donc, AC/DC planche sur le successeur de Highway to Hell. Et puisque durant cette galette 1979 on a pris l’autoroute de l’enfer, il est plus que cohérent de débarquer dans la suivante au son des cloches du royaume d’Hadès. Back in Black sort en juillet 1980, et débute donc fort logiquement avec Hells Bells (littéralement les cloches des enfers). Tout un programme.
Le titre s’ouvre sur les coups d’une cloche en bronze de plus de 900 kilos, spécialement coulée pour l’occasion. Non, je ne ferai pas la blague archi attendue et éculée que vous voyez poindre, en disant que c’est là un bien beau bronze que les rockers nous ont coulé (et bien si, finalement, je l’ai faite). Hells Bells devient le titre d’ouverture des tournées Back in Black en 1981 et For those about to rock en 1982, avant d’intégrer de façon permanente la tracklist des prestations scéniques d’AC/DC. Il faut dire que sa structure musicale et son efficacité en font instantanément un classique indémodable. Les coups de cloche, les arpèges guitare d’Angus Young bientôt rejoints par le reste de la troupe deuxième guitare/basse/batterie posent le cadre d’un rock lent, lourd, gras mais jamais indigeste. La touche finale est apportée par Brian Johnson et sa voix à la fois haut perché et rocailleuse. Le tout servi avec l’énergie rock et le frisson qui va bien, pour cinq minutes de bon son qui défoncent et sont à jamais gravées dans l’esprit de tout musicos qui a, un jour, posé ses oreilles sur cette pépite, et ce disque sur sa platine.
Hells Bells sonne à la fois le glas de Bon Scott, et la consécration définitive d’un des plus grands groupes rock du monde. Et si « L’enfer même a ses lois » (Goethe, in Faust), AC/DC en écrit là une page majeure.
Ci-dessous deux versions de Hells Bells : la version studio de 1980, et une version live captée à River Plate en 2009 (quel putain d’incroyable live !), peut-être une des plus habitées avec un public chaud bouillant et en transe totale. C’est ça qu’on veut : du live, du gros son, de la sueur, de l’énergie, de la vie. Choisissez votre version (ou pas, écoutez les deux), et ne vous privez pas de monter le son 🤘
Raf Against The Machine