Clip du jour n°17 : Ghost (2012) de Skip The Use

GhostVoilà presque dix années que le groupe français Skip The Use a décoché la flèche de son brillant album Can be late (2012). A l’intérieur se trouvent des pépites qui se ramassent à la pelle, comme les feuilles mortes mais en plus vivifiant. Album tout à la fois pop, rock, electro, funk, punk, Can be late raflera dès l’année 2013 la Victoire de la musique « Groupe ou artiste révélation scène de l’année ». Plutôt pas mal, pour une formation née à peine 4 années plus tôt dans le département du Nord, qui n’a donc pas comme unique intérêt ses bières et sa proximité avec la Belgique (#seconddegré bien évidemment, car chacun de mes passages dans le Nord m’a laissé d’excellents souvenirs). Emmené par son chanteur Mat Bastard (aka Mathieu-Emmanuel Mollaert), Skip The Use dynamite les frontières musicales pour mélanger dans ses compositions différentes influences qui font la richesse de leur son. Ghost en est la parfaite illustration, en reposant sur une trame musicale rock teinté d’un flow rap et de touches électro bien senties.

Pourtant, Ghost n’est pas qu’un son. C’est aussi de l’image et un clip. Tout a commencé par une devinette, ou plutôt une recherche d’un clip « qui se passe dans un château, avec une chanson un peu électro-rock, c’est un groupe qui chante en anglais ». Inutile de dire que ma mémoire s’est vite mise en route, pour t’aider à retrouver ce clip dont tu te souvenais mais dont le titre t’échappait. Un peu comme un moteur de recherche qui fonctionnerait correctement avec les bons mots-clés, Ghost m’est arrivé en tête, après quelques tentatives malheureuses… « Ouiiii !! C’est ça ! » Le plaisir d’avoir trouvé, mais aussi et surtout celui de voir le tien. Et le plaisir de revisionner cette pépite accompagnant la pépite.

Ghost fonctionne en tant que son par un métissage de genres musicaux qui se combinent à merveille. S’y rajoute un élément décisif : les chœurs qui viennent chanter le refrain, rappelant ainsi Another brick in the wall (part 2) de Pink Floyd, un autre titre pop-rock entendu et usé jusqu’à la corde, mais toujours aussi efficace et désormais ancré dans l’inconscient collectif. Comme en écho dans le clip, on replonge dans l’imagerie The Wall avec des adolescents regroupés dans un château-centre d’éducation. Y sévit un éducateur bien peu éducatif, tentant de contrôler ces jeunes gens. Ces derniers sont manifestement dans d’autres préoccupations et un autre univers.

Plus tard dans le clip, on retrouvera tout ce beau monde au réfectoire, dans des uniformes d’écoliers anglais qui rappelleront Harry Potter aux plus jeunes, mais surtout les écoliers de The Wall aux autres. La scène se termine d’ailleurs sur le cauchemar (ou peut-être une forme de secret espoir) de tout CPE/éducateur : les élèves envoient tout balader (au sens propre comme au figuré), pour prendre en main leur existence et profiter par eux-mêmes d’un moment hors de tout carcan normatif. « Teachers leave the kids alone » : notre rôle d’adulte et d’éducateur n’est pas de mouler les jeunes générations dans des cases sociétales toutes faites, pas plus que de les laisser faire librement ce qui leur passe par la tête. Laissons-les expérimenter tout en étant à leurs côtés, pour les accompagner et les guider à devenir ce qu’ils sont. En gardant à l’esprit que parfois, pour eux, bronzer dans le jardin ou au bord de la piscine est plus important et intéressant que la perspective de retourner en cours le lendemain.

Ghost et son clip ne racontent pas que cela. Au-delà de l’éducation et de la posture d’éducateur, il est ici question de vie, du sens de l’existence et de ce qui nous y maintient. Les premiers mots sont cinglants « Time is running out / Ghost keeping me alive / I get what it means / You have to survive » (Le temps est compté / Un fantôme qui me tient en vie / Je sais ce que ça signifie / Tu dois survivre). Percutants aussi, en rappelant le défilement du temps, qui à la fois nous maintient vivant tout en nous pressant de ne rien rater. Ghost raconte la nécessité d’être en prise sur son époque, sur les moments qui se présentent. Etre en éveil face à sa propre existence pour appréhender celle des autres. Ce sont les écoliers du clip qui renversent les règles et les conventions dans la dernière partie. C’est aussi nos yeux et nos sens grand ouverts sur le monde qui nous entoure et l’endroit de notre existence où nous sommes à chaque minute, chaque heure et chaque jour.

Le temps est un fantôme qui nous tient en vie, mais au-delà du maintien, ce qui réellement nous fait vivre se trouve dans le monde qui vibre à chaque seconde. Dans les autres en interaction avec nous. Et dans l’autre, qui alimente notre lumière, nos moments, nos envies et notre énergie.

Raf Against The Machine

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